Débat thématique sur le numérique à l'école
Débat thématique en séance plénière sur le numérique à l'école.
Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Un ordinateur pour neuf élèves en Wallonie, un pour onze à Bruxelles, mais un pour trois en Flandre... force est de constater qu'en matière de numérique à l'école, les élèves belges ne sont pas tous logés à la même enseigne.
Heureusement, des mesures sont prises. Le gouvernement wallon vient notamment de débloquer 8,9 millions d'euros dans l'appel à projets «École numérique» afin d'intégrer le numérique dans le volet pédagogique de l'enseignement grâce à un équipement adéquat.
Néanmoins, s'il faut fournir les terminaux en nombre suffisant, il est également primordial d'être attentif à leur utilisation. À en croire le dernier rapport de Digital Wallonia, ce n'est pas le cas actuellement: seuls 30% des enseignants dans l'enseignement fondamental et 46% dans l'enseignement secondaire ordinaire affirment utiliser au moins une fois par semaine une application informatique en classe. C'est évidemment trop peu et ce doit être mis en lien avec la formation des enseignants tant initiale que continuée.
Une deuxième problématique que j'ai déjà abordée au mois de novembre en commission de l'Éducation est, non pas le volet pédagogique, mais le volet administratif: l'utilisation renforcée du numérique dans la gestion administrative, notamment la transmission des dossiers des enseignants vers les services centraux de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Lors de nos discussions, vous m'aviez confirmé qu'il n'y avait pas d'interface informatique qui permettait de basculer les informations recueillies par les pouvoirs organisateurs vers les logiciels utilisés par les services chargés d'assurer la paie des enseignants au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Madame la Ministre, vous m'indiquiez que l'élaboration de ces interfaces était au stade de l'analyse, mais que la phase de développement allait commencer prochainement.
Si le numérique occupe une place importante dans le Pacte pour un enseignement d'excellence, j'attire votre attention qu'il ne faut pas seulement l'envisager sous une optique pédagogique. Il faut aussi englober les aspects administratifs pour une organisation plus efficace de l'école.
Mes questions sont les suivantes.
Que pensez-vous des conclusions du dernier rapport de Digital Wallonia en ce qui concerne une sous-utilisation par les enseignants des outils informatiques qui sont mis à leur disposition? Comment pensez-vous y remédier? Pouvez-vous m'indiquer si la phase de développement des interfaces dont j'ai parlé a débuté?
Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. - (...) L'enjeu du numérique concerne tous les acteurs de la société, que l'on soit parent, travailleur, citoyen ou apprenant. Il est essentiel que l'enseignement adapte progressivement ses pratiques et ne rate pas le tournant du numérique. L'introduction d'outils numériques dans les écoles apparaît ainsi comme une nécessité, mais elle ne peut s'envisager sans penser les contenus d'apprentissage, la formation des enseignants, l'accompagnement pédagogique ou le soutien technique à apporter aux écoles.
À cet égard, la Fédération Wallonie-Bruxelles est confrontée à plusieurs difficultés; l'analyse des résultats des tests PISA (Programme international pour le suivi des acquis) de 2015 montre qu'en Fédération Wallonie-Bruxelles, la part des élèves qui n'utilisent jamais internet à l'école est parmi les plus élevées de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), puisqu'elle s'élève à 55%, contre 25% en moyenne dans les pays de l'OCDE.
Selon les estimations, 46% des enseignants n'auraient jamais suivi de formation à l'usage pédagogique des outils numériques. Seulement 27% des enseignants disent se sentir à même d'utiliser les technologies de l'information et de la communication (TIC) dans le cadre des activités d'apprentissage; ils ne sont que 2% à se déclarer experts dans ce domaine. Enfin, seuls 36% des enseignants ont le sentiment d'avoir une connaissance suffisante des outils numériques.
La stratégie numérique pour l'éducation a été adoptée le 10 octobre 2018 par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et elle constitue un élément essentiel du Pacte pour un enseignement d'excellence. Cette stratégie présente une vision intégrée de la transition numérique dans l'enseignement obligatoire de la Fédération. Elle insiste sur l'importance de développer le numérique, c'est-à-dire les compétences des élèves, la formation et l'accompagnement des équipes éducatives, l'équipement dans les classes, les ressources numériques et la gouvernance numérique des écoles et du système éducatif.
Cette stratégie numérique recouvre donc plusieurs axes et finalités. La première finalité est le déploiement d'une approche transversale au cœur du tronc commun à travers les nouveaux référentiels, en particulier le référentiel «Applications technologiques, manuelles et numériques» (ATMN).
La deuxième finalité et le soutien aux directions et aux enseignants à travers la formation initiale et continuée. Vous avez été nombreux à le souligner, il s'agit de l'une des clés de la réussite du dispositif. À ce titre, il faudra définir la place du numérique au sein des thèmes prioritaires de formation et concevoir des modules de formation en ligne.
La troisième finalité est le développement du numérique comme outil de remédiation ou d'aide aux apprentissages pour les enfants à besoins spécifiques. Prenons l'exemple bien connu de l'utilisation de l'ordinateur ou d'une tablette pour des élèves dysgraphiques, dysorthographiques ou dyspraxiques.
Quatrièmement, un investissement accru dans l'équipement numérique et dans l'accompagnement technopédagogique, en collaboration avec les régions. Un financement de 40 conseillers technopédagogiques, actifs depuis les fédérations de pouvoirs organisateurs, a déjà été opéré. (...)
En guise de cinquième axe, la stratégie numérique prévoit un meilleur partage des ressources numériques à travers le projet «e-classe». Ce projet offre de nombreuses possibilités en termes de partage de ressources pour les enseignants, avec pour objectif d'augmenter toujours les ressources mises à disposition et de faire monter le dispositif en puissance.
Sixièmement, une réforme de la gouvernance numérique sera menée, avec trois ambitions:
Tout d'abord, développer des espaces numériques au service des utilisateurs que sont les enseignants, les élèves, les directions, les pouvoirs organisateurs et les fédérations de pouvoirs organisateurs. Ce point répond en partie à vos questions, Madame Cortisse.
Ensuite, il conviendra d'alléger la charge administrative en optimisant les processus de transmission et de gestion des informations des établissements. Un travail important doit être effectué à ce sujet.
Enfin, les échanges d'informations devront être sécurisés et les données à caractère personnel strictement protégées. Parce qu'elles favorisent et permettent la transmission des données et informations, les technologies doivent être conçues à partir d'un cadre qui protège la vie privée.
(...) Si des différences de traitement existent entre les écoles des Régions wallonne et de Région de Bruxelles-Capitale, la Fédération Wallonie-Bruxelles accuse également un retard par rapport à la Flandre. Afin d'œuvrer à une plus grande équité entre tous les élèves francophones, nous souhaitons collaborer avec la Région de Bruxelles-Capitale. J'ai donc pris contact avec Bernard Clerfayt, le ministre bruxellois de la Transition numérique. Ensemble, nous voudrions développer à Bruxelles un programme équivalent à l'appel à projets «École numérique», lancé en Wallonie. (...)
Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Les projets actuels de simplification administrative et de dématérialisation des dossiers des enseignants sont primordiaux. Ils nous permettront d'apporter des solutions pragmatiques à certaines problématiques dont nous a fait part le médiateur hier, en réunion de commission, notamment au sujet des questions administratives et salariales des enseignants. Je ne manquerai pas de suivre l'évolution de ces dossiers.