Formation continue des enseignants au numérique

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Valérie Glatigny, Ministre de l'Éducation, à propos de la formation continue des enseignants au numérique

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – N'en déplaise à certains collègues de l'opposition, je vais encore évoquer mes visites de terrain. J'estime qu'il faut écouter les acteurs de terrain et vous relayer leurs préoccupations.

Du rapport que j'ai rédigé à la suite de ma tournée des écoles de l'arrondissement de Verviers, un point d'attention est régulièrement évoqué: la formation des enseignants au numérique. Si certains répondants expliquent que leurs équipes ont toutes suivi une telle formation, beaucoup d'autres font remarquer qu'ils disposent d'outils numériques, mais que les enseignants ne sont pas suffisamment formés pour les utiliser. Cela entraîne une sous-utilisation des fonctionnalités des tableaux blancs interactifs (TBI), parfois utilisés juste comme projecteurs. Plusieurs répondants estiment que la formation au numérique devrait faire partie intégrante de la formation initiale des enseignants (FIE).

Au cours de la précédente législature, j'avais suggéré à votre prédécesseure de rendre les formations au numérique obligatoires dans le cadre de la formation continue des enseignants, en plus de la FIE pour les nouveaux enseignants. La Ministre Désir m'avait répondu que la situation en la matière avait bien évolué depuis 2018 et que l'offre de formations dans le domaine du numérique avait été renforcée et diversifiée. Toutefois, elle m'avait aussi précisé que la participation à ces formations se faisait toujours sur base volontaire et qu'elle avait choisi de ne pas imposer aux enseignants des formations supplémentaires dédiées au numérique.

Madame la Ministre, compte tenu de l'importance croissante de l'utilisation du numérique à l'école et dans la société en général –avec le codage ou encore l'IA, qui envahit notre monde –, le Gouvernement étudie-t-il la piste d'inclure d'office une formation au numérique, en ce compris l'utilisation optimale des TBI, dans la formation continue des enseignants ?

Mme Valérie Glatigny, Ministre de l'Éducation. – Madame la Députée, votre question met en lumière un défi essentiel pour la qualité de notre enseignement: la formation des enseignants au numérique. Vous avez raison de souligner qu'un équipement, aussi performant soit-il, ne produit ses effets que s'il est accompagné d'un véritable développement des compétences numériques pédagogiques. C'est pour répondre à ce besoin que le Gouvernement a fait de la formation des enseignants l'un des piliers de la Stratégie numérique pour l'éducation au travers de son axe 2.

Sur le plan de la formation initiale, les dispositions légales adoptées dès 2019 et renforcées en 2021 et 2022 imposent désormais à tous les futurs enseignants, quelle que soit leur discipline, de développer des compétences numériques transversales. La mise en œuvre progressive de cette réforme a démarré en 2023-2024 et elle comprend également la création de spécialisations en technopédagogies.

Par ailleurs, la formation initiale interréseaux des directions d'établissement inclut désormais de manière systématique des modules sur la transition numérique pour les usages tant pédagogiques qu'administratifs et collaboratifs.

En matière de formation continue, la législation adoptée en 2021 a permis de refondre profondément l'offre de formations interréseaux et, depuis 2022-2023, les formations sont conçues pour être plus cohérentes, plus ciblées et mieux articulées avec les référentiels européens, notamment le Digital Competence Framework for Educators (DigCompEdu), qui fixent les compétences numériques attendues des professionnels de l'enseignement. Le numérique est désormais reconnu comme orientation prioritaire de la formation continue.

J'entends aller encore plus loin. Dès lors, un plan global de formation numérique est en cours d'élaboration pour une mise en œuvre dès 2026-2027. Il visera tous les enseignants de la Fédération Wallonie-Bruxelles et intégrera notamment les défis liés à l'IA. L'outil Pix mis à disposition des équipes éducatives depuis 2021 y jouera un rôle central. Il permet aux enseignants d'autoévaluer leurs compétences numériques, de s'orienter vers des ressources pertinentes et, à terme, de les certifier. Cette certification est déjà en cours de déploiement pour les étudiants, les enseignants de l'enseignement supérieur et les enseignants de l'enseignement pour adultes. Le plan global définira, en concertation avec les acteurs de terrain, les modalités d'un renforcement progressif pour les enseignants du fondamental et du secondaire, avec le souci de garantir une transition soutenable et accompagnée.

Enfin, pour répondre à votre interrogation sur les TBI, le Gouvernement fait le choix d'une approche globale et évolutive de la formation qui ne se limite pas à un outil particulier. Il s'agit de doter les enseignants de compétences numériques solides et transférables, leur permettant de faire des choix éclairés parmi les outils disponibles en fonction des besoins pédagogiques, des contextes d'enseignement et des profils des élèves. Dans cette logique, les TBI sont une solution parmi d'autres, mais ne constituent plus nécessairement l'outil le plus pertinent partout. Leur usage souvent frontal et fixe peut s'avérer moins adapté à certaines pratiques pédagogiques. C'est pourquoi, dans le cadre de l'accord de coopération avec la Région wallonne sur l'équipement numérique des établissements, nos administrations travaillent à définir un équipement de base qui soit cohérent, durable et aligné sur les usages pédagogiques réels, pour que la technologie soit toujours au service des apprentissages.

Le Gouvernement partage votre ambition de renforcer les compétences des enseignants. Il s'y emploie de manière résolue.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Je note que vous souhaitez renforcer les compétences numériques des enseignants, Madame la Ministre. En effet, le domaine du numérique évolue très vite et nous devons être à la page.

Mon collègue a évoqué le codage: le codage fait partie des nouvelles compétences qui ont été intégrées récemment aux référentiels de compétences des élèves. Les référentiels n'avaient pas été mis à jour depuis une éternité! Or, le codage est déjà presque dépassé. Les informaticiens pratiquent désormais le codage via l'IA et leur tâche ne se résume plus qu'à vérifier le travail accompli par l'IA. Ce métier évolue à une vitesse folle; dès lors, les référentiels votés sous la précédente législature ne sont déjà plus à jour.

Les enseignants doivent savoir utiliser l'outil informatique et bénéficier de balises… ils ne doivent pas pour autant devenir des experts du codage ou de l'IA. Par exemple, ChatGPT répond parfois des informations complètement erronées et inventées de toutes pièces, appelées «hallucinations»: les élèves et les enseignants doivent être informés là-dessus. Il ne s'agit donc pas de compétences numériques à proprement parler, mais plutôt d'éducation aux médias (EAM).