Intervention sur la proposition de décret concernant le congé de paternité des enseignants
Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Comme mes prédécesseurs l'ont déjà souligné, en décembre dernier, la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail a été modifiée tout comme l'arrêté royal du 19 novembre 1998 relatif aux congés et aux absences accordés aux membres du personnel des administrations de l'État. Depuis le 1er janvier 2021, le congé de paternité est passé de dix à quinze jours et un nouvel élargissement est prévu à vingt jours à partir de 2023. Nous l'avons également souligné, cette législation, adoptée au niveau fédéral, ne concerne pas les membres du personnel de l'enseignement francophone qui relèvent des compétences de notre Fédération.
Les témoignages d'enseignants devenus pères depuis le 1er janvier 2021 n'ont pas tardé à paraître ici et là dans la presse pour faire état d'un sentiment d'incompréhension et d'injustice vis-à-vis des autres pères qui ont droit à quinze jours de congé de paternité. Paru fin janvier dans la presse verviétoise, le tout premier témoignage du genre avait particulièrement retenu mon attention, surtout le passage où le papa disait: «Je sais qu'on me dira certainement que je suis enseignant, que j'ai déjà beaucoup de jours de congé, mais, ici, ça n'a rien à voir. On parle d'un congé parental qui n'est finalement pas le même pour tout le monde.»
Cette situation révèle en effet, à mon sens, un véritable problème d'équité. Il existe une réelle et légitime attente dans le chef des enseignants de pouvoir bénéficier des mêmes droits de paternité que tous les autres travailleurs. Par conséquent, je ne comprends pas les fake news qui sont diffusées par le cdH sur les réseaux sociaux et dont je viens de prendre connaissance. Madame Vandorpe, vous m'avez citée et je confirme mes propos dont l'intitulé est celui-ci: «Les enseignants aussi ont droit à un congé de paternité de quinze jours.» Pour votre gouverne, la majorité soutient ce droit également.
J'en veux pour preuve mon interpellation, avec d'autres parlementaires de la majorité, adressée à la ministre Désir lors de la séance plénière du 3 février 2021, dans laquelle nous lui demandions si le gouvernement de notre Fédération avait bien prévu de transposer cette nouvelle législation toute récente au bénéfice du personnel issu de l'enseignement obligatoire et de l'enseignement artistique à horaire réduit. La ministre Désir nous avait immédiatement rassurés puisqu'elle n'a pas attendu nos questions d'actualité pour s'emparer de cette problématique. Elle précisait déjà ce jour-là qu'un avant-projet de décret serait prochainement sur la table du gouvernement et qu'une série de concertations étaient déjà menées avec les fédérations des pouvoirs organisateurs (PO) et les organisations syndicales.
La concertation avec les acteurs de l'enseignement est, à ce sujet, essentielle pour l'élaboration du projet de décret, ce qui n'est pas le cas de la proposition de décret qui nous est soumise par les groupes cdH et DéFI. Lors de la réunion de la commission du 9 mars durant laquelle cette proposition a été portée à l'ordre du jour, la ministre Désir nous a précisé que son avant-projet de décret était prêt et soumis à l'Inspection des finances avant de se voir inscrire, prochainement, en première lecture au gouvernement. Ce projet de décret concernera également les personnels administratifs et ouvriers des écoles (PAPO) - situation qui n'était pas prévue, initialement du moins, dans le texte déposé par les groupes cdH et DéFI.
Comme je l'ai déjà dit en commission de l'Éducation, voter cette proposition de décret reviendrait à créer de nouvelles discriminations, cette fois-ci entre plusieurs catégories de personnel de l'enseignement au détriment des PAPO qui n'étaient pas inclus dans le champ d'application. C'est la raison pour laquelle les auteurs déposent ce jour même un amendement à leur propre proposition! Cette proposition de décret est également incomplète: son implémentation et ses modalités d'application pour l'élargissement du congé de paternité ne sont pas aussi simples que nous l'exposent les auteurs de la proposition. La ministre Désir planche en effet sur la question du remplacement des membres du personnel se trouvant en congé de paternité et la question du fractionnement ou non de ce congé - point qui doit faire l'objet d'une concertation avec les fédérations de PO et les organisations syndicales.
Elle prévoit par ailleurs une disposition transitoire pour que les nouveaux papas, qui ont un enfant entre le 1er janvier, date de l'entrée en vigueur de la législation au niveau fédéral, et le moment où notre décret entrera en vigueur, puissent bénéficier d'une dérogation à la règle des quatre mois, c'est-à-dire qu'ils peuvent bénéficier des cinq jours de congé supplémentaires avant le 31 décembre 2021.
C'est pour ces raisons que, dans le respect du travail accompli par le gouvernement pour aboutir à un texte complet, concerté avec les acteurs de l'enseignement, qui vise tous les membres du personnel des écoles et qui règle aussi toutes les modalités d'organisation, nous rejetons ce texte tout en nous réjouissant de voter rapidement le projet de décret annoncé par le gouvernement.