Intervention sur le budget 2024 concernant l'Education

05/12/2023

Projet de décret contenant l'ajustement du budget des dépenses pour l'année budgétaire 2023 et Projet de décret contenant le budget des dépenses pour l'année budgétaire 2024 - partim Education

Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR).- En guise d'introduction aux débats liés à l'ajustement budgétaire 2023, Mme Cortisse relève tout d'abord qu'il est impossible de débattre du budget de la FWB sans parler de l'actuelle dégradation de la « clé élève ».

La députée MR rappelle ainsi le lancement par la ministre d'une task force "clé élève", consistant en un plan d'action centré sur 4 thématiques regroupées sous 4 groupes de travail rassemblant des personnes-ressources issues de l'administration. Le 1er groupe de travail était consacré à la protection des noms en vue d'interdire l'utilisation, dans les écoles privées, de certains termes tels que « lycée», CEB ou encore CE1D. Un 2ème groupe de travail était consacré à l'enseignement à domicile et à l'obligation scolaire. Un 3ème groupe de travail était consacré au Pacte pour un Enseignement d'Excellence afin d'identifier les mesures ayant le plus d'impact sur l'attractivité de nos écoles. Un 4ème groupe de travail était dédié à l'objectivation et à un monitoring rapproché de l'évolution de la clé élève.

La députée se demande tout d'abord où en sont les travaux de ces 4 groupes de travail et quelles en sont les conclusions. Eu égard à celles-ci, elle s'interroge ensuite quant aux mesures concrètes qui seront mises en œuvre pour limiter la dégradation de la clé élève en FWB.

Toujours en lien avec l'ajustement 2023, la commissaire souhaite savoir quels sont les différents effets retour budgétaires qui étaient attendus des différentes réformes menées dans le cadre du Pacte pour un Enseignement d'Excellence.

En ce qui concerne ensuite le budget initial 2024, Mme Cortisse soulève tout d'abord que, parmi les mesures prévues en 2024, figure l'organisation de deux périodes hebdomadaires de langue moderne I de la 3ème à la 6ème année primaire, pour laquelle une enveloppe de 25 millions d'euros est consacrée. Elle réclame qu'un point soit fait sur l'engagement des 373 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires nécessaires depuis que la 1ère langue moderne est enseignée en P3-P4 (à savoir, depuis la rentrée d'août 2023). Elle souhaite savoir combien de maîtres de seconde langue supplémentaires ont pu être engagés à ce jour et combien d'écoles n'ont pas trouvé de maître de seconde langue moderne en P3 et P4, et pour combien de périodes au total. Elle sollicite le même exercice pour les P5 et P6. En outre, elle souhaite quel est le nombre d'enseignants de seconde carrière qui se sont tournés vers l'enseignement cette année, en faisant, le cas échéant, valoriser l'ancienneté pécuniaire de maximum cinq ans. Elle se demande en conséquence si cette mesure atteint bien les objectifs fixés.

Pointant dans un second temps le renforcement de l'accompagnement personnalisé (et le dispositif d'accompagnement FLA – DASPA), pour un montant total de 56 millions d'euros, et relayant une remarque issue du terrain, la députée se demande s'il est prévu d'évaluer la pertinence d'interdire le dédoublement d'une classe pendant les périodes d'accompagnement personnalisé, en laissant plus de liberté pédagogique aux écoles dans l'utilisation de ces périodes (surtout pour les classes par degré, par exemple pour une classe de P1-P2).

La députée revient ensuite sur l'augmentation de l'aide administrative aux directions de l'enseignement fondamental, telle que prévue conformément au dernier protocole d'accord sectoriel, d'un montant complémentaire de 7,8 millions d'euros pour l'année scolaire 2023-2024 permettant d'augmenter le forfait prévu par élève - lequel atteint désormais 90 euros dans l'enseignement ordinaire et 141 euros dans l'enseignement spécialisé. Elle a noté que la ministre avait annoncé que, dans le cadre de la définition des modalités d'affectation de ces moyens, la piste de la création d'un cadre organique qui assure un véritable soutien administratif structurel aux directions allait être approfondie. Le but était également d'intégrer une forme de souplesse, de manière à répondre à diverses situations spécifiques, comme celle des directions avec charge de classes ou la mutualisation des moyens entre des écoles de petite taille. Elle se demande où en sont tant les travaux relatifs à la création d'un cadre organique administratif et éducatif pour les directions du fondamental, que les discussions du groupe de travail spécifique sur la mutualisation des moyens. Elle entend encore connaitre les différents scenarii qui sont sur la table et celui finalement retenu. En outre, elle sollicite la présentation d'un calendrier pour la concrétisation de ce chantier. Enfin, elle réclame entend savoir si d'autres mesures sont en discussion pour diminuer la charge administrative des directions, en particulier dans l'enseignement fondamental, afin de leur permettre de se consacrer à leur mission principale de leadership éducatif et pédagogique et de savoir si une aide éducative leur sera également offerte.

En guise de quatrième point d'attention, elle constate qu'aucune économie n'est prévue en 2024 par rapport à une diminution du nombre d'élèves scolarisés dans l'enseignement spécialisé. En ce qui concerne le nombre d'élèves scolarisés dans le spécialisé, la ligne de base pour cet indicateur a été fixée à 4,1 % en 2016-2017, et la cible à atteindre a été fixée à 3,6 % en 2030-2031. Selon les derniers chiffres communiqués par la ministre, elle a noté qu'entre 2016-2017 et 2019-2020, une augmentation constante de la part d'élèves de l'enseignement spécialisé est observée, le ratio passant de 4,1 % en 2016-2017 à 4,3 % en 2019-2020. En 2020-2021, une diminution du nombre d'élèves inscrits dans l'enseignement spécialisé a eu lieu, passant de 4,3 % à 4 %, pourcentage inférieur à celui de 2016-2017. En 2021-2022 et 2022-2023, on observe une stabilisation de la part d'élèves de l'enseignement spécialisé autour de 4,1 %.

Dans l'exposé du budget, elle a pu lire qu'étant donné le report de la réforme de l'orientation vers le spécialisé à la rentrée 2024, et dans l'attente du comptage des populations scolaires de l'année scolaire 2023-24, la ministre a émis l'hypothèse que le pourcentage du nombre d'élèves scolarisés dans l'enseignement spécialisé́ restera à nouveau au même niveau de 4,1% lors de l'année scolaire 2024-2025.

Elle rappelle cependant qu'en 2021, notre parlement a adopté un décret portant création des pôles territoriaux chargés de soutenir les écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en œuvre des aménagements raisonnables et de l'intégration permanente totale. Un des buts poursuivis est que l'enseignement spécialisé redevienne un enseignement spécifiquement dédicacé aux besoins les plus pointus et qu'il tende vers une inclusion maximale des élèves dans l'enseignement ordinaire, y compris ceux qui ont des besoins spécifiques. L'objectif du Pacte pour un Enseignement d'Excellence est de revenir, d'ici 2030, au pourcentage d'élèves pris en charge par l'enseignement spécialisé en 2004.

Au vu des chiffres précités, elle regrette que la route soit encore longue par rapport aux objectifs fixés et déclare qu'il est nécessaire d'avancer sur la réforme de la procédure d'orientation vers l'enseignement spécialisé. Relevant encore qu'à l'ordre du jour du gouvernement du 30 novembre dernier, figurait l'adoption en 1ère lecture d'un avant-projet de décret relatif à la procédure d'accès à l'enseignement spécialisé, elle sollicite de plus amples informations quant à son contenu. De même, elle sollicite plus d'éclairages quant aux modifications prévues par un second avant-projet de décret, adopté en 1ère lecture le même jour, visant à adapter la législation à la suite de la création des pôles territoriaux.

Selon elle, pour que cette réforme soit une réussite, il faut mieux former et outiller les enseignants de l'ordinaire pour leur permettre de gérer des classes de plus en plus hétérogènes, avec un nombre exponentiel d'élèves à besoins spécifiques en protocole d'aménagements raisonnables. L'accompagnement des enseignants via les pôles territoriaux n'est en effet pas suffisant au jour le jour. Il s'agit ici d'une des grosses difficultés pointées par les acteurs de terrain, laquelle ne va faire qu'empirer puisque le nombre d'élèves bénéficiant d'aménagements raisonnables explose chaque année : de 3.802 élèves en 2020-2021, ils sont actuellement 20.746. Elle sollicite donc de connaître quelles seront les mesures pour mieux former et outiller les enseignants de l'ordinaire à cet égard et s'il est prévu de procéder à une évaluation de l'efficacité des pôles territoriaux et de la pertinence de leurs missions à caractère collectif envers les enseignants, au détriment de plus de missions à caractère individuel auprès des élèves.

Cinquièmement, elle relève que des moyens nouveaux sont octroyés aux services d'accrochage scolaire. Il s'agit, pour elle, a priori d'une bonne initiative étant donné que le décrochage scolaire a augmenté de 90% depuis 2019, alors que le Pacte prévoit une diminution de 50% d'ici 2030. Agir en ce sens est une priorité pour le groupe MR. Ainsi, elle se demande comment cette augmentation de budget pour les SAS s'articulera avec le projet de décret sur lequel la ministre travaille en lien avec la lutte contre le décrochage scolaire et quel en sera le calendrier prévu, sachant que cette réforme doit entrer en vigueur lors de la prochaine rentrée scolaire 2024-2025.

Enfin, en ce qui concerne l'augmentation du budget réservé à la "gratuité", lequel passe à 24 millions d'euros pour le financement de fournitures scolaires de la 1ère maternelle à la 4ème primaire, la députée rappelle qu'il s'agit ici d'un choix politique que la ministre a posé. Elle observe que 24 millions, c'est aussi, sauf erreur, le budget manquant qui aurait été nécessaire pour l'engagement d'une puéricultrice par implantation maternelle comme prévu par le Pacte. Si beaucoup d'écoles ont à présent le droit d'engager une puéricultrice qui épaule l'instituteur maternel pour s'occuper des plus jeunes enfants, elle constate sur le terrain que certaines écoles n'en disposent toujours pas et ressentent une injustice. Elle mentionne avoir déjà interpellé la ministre à ce sujet, laquelle a répondu que cela ne faisait pas partie de la trajectoire budgétaire. Elle répète qu'il s'agit d'un choix politique visant plutôt à solliciter, au titre de politique nouvelle, une extension à la 3ème année primaire de la "gratuité" des fournitures scolaires.

Ainsi, quant à cette mesure appliquée par le terrain, elle se demande quels en sont les retours faits auprès de la ministre - dès lors qu'il lui revient qu'elle entraîne une charge supplémentaire pour les enseignants, lesquels doivent à présent gérer eux-mêmes les plumiers de leurs élèves – et si une évaluation de la praticabilité de cette mesure est prévue. De la même manière, elle s'interroge quant à la manière dont cette réglementation est appliquée concrètement dans les écoles et si les PO qui reçoivent les subventions doivent établir un relevé précis de la consommation et de la destination de ces budgets.

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Education.- En réponse aux questions en lien avec la dégradation de la clé-élèves en Fédération Wallonie-Bruxelles et l'état d'avancement des quatre groupes de travail institués par la task force, la ministre insiste tout d'abord sur le fait que le facteur principal de la détérioration de la clé élèves est démographique et que, sur cet indice, nous n'avons aucune prise.

En revanche, la task force « clé élèves » a effectivement été mise en place pour travailler sur les aspects sur lesquels nous avons une prise réelle, et parmi ceux-ci l'amélioration de l'attractivité de nos écoles et le suivi des élèves en âge d'obligation scolaire.

Le plan d'actions porte sur quatre thématiques et les quatre groupes de travail ont été constitués, rassemblant des personnes ressources issues de l'administration.

Le groupe de travail « Protection des noms », visant à interdire l'utilisation de certains termes - tels que « lycée », « CEB », ou « CE1D » - pour les écoles privées, est malheureusement dans l'attente de nouveaux juristes pour pouvoir fonctionner.

Le groupe de travail « Enseignement à domicile et obligation scolaire », ayant pour objectif d'améliorer le processus de contrôle de l'inscription - en vue de la récupération d'élèves dans le système éducatif - et le suivi des élèves qui quittent l'enseignement à domicile, est toujours en cours et a avancé concernant le courrier électronique faisant le lien avec les réponses des parents. Le développement dans SIEL n'a, quant à lui, pas encore avancé. En effet, le projet présenté au COPOR n'a pas reçu le degré de priorité suffisant. Les chiffres de l'enseignement à domicile ont légèrement augmenté, mais se sont stabilisés par rapport à la période post-Covid. 

L'intérêt est de récupérer les élèves sortis du système et non ceux qui se trouvent en enseignement à domicile. La problématique de l'obligation scolaire doit, à son estime, être mise au premier plan pour différentes raisons :

  • Le potentiel de récupération d'élèves est plus important du côté de l'obligation scolaire.
  • Elle vise des familles qui ne sont pas en ordre d'obligation scolaire, contrairement à celles qui ont choisi l'enseignement à domicile (qui, par ailleurs, répond dans un certain nombre de cas à un besoin).
  • Elle constitue un préalable nécessaire : toute mesure relative à l'enseignement à domicile suppose, pour être efficace de ce point de vue, un contrôle effectif de l'obligation scolaire. Or, dans l'état actuel des choses, on arrive dans l'ensemble à déterminer qui satisfait ou non à l'obligation scolaire, mais on n'assure en aucune manière le respect de l'obligation scolaire.

En ce qui concerne l'enseignement à domicile, une politique plus restrictive en la matière n'a de sens que si le respect de l'obligation scolaire peut être assuré.

Cela étant, elle rappelle que l'enseignement à domicile est un droit, inscrit à l'article 24 de la Constitution, et donc un choix, lequel est parfois une nécessité. À cet égard, et malgré les limites de l'information, les motifs de ce choix évoqués par une partie des parents sont révélateurs d'insuffisances de l'école, tel que le harcèlement, la phobie scolaire, une offre scolaire insuffisante ou inadaptée, des troubles d'apprentissage, autisme, haut potentiel, etc). Quoi qu'il en soit, une gestion adaptée des dossiers permettrait d'une part, de renvoyer à l'école les élèves qui ne sont pas ou plus dans les conditions et d'autre part, d'identifier rapidement les familles qui ne sont pas capables de prendre en charge l'enseignement.

Le groupe de travail « Pacte pour un enseignement d'excellence », visant à identifier les mesures prévues par le Pacte ayant potentiellement le plus d'impact sur l'attractivité de nos écoles et donc sur la clé-élèves, le but étant d'établir une communication ciblée destinée aux parents et futurs parents d'élèves, est toujours en cours. Les mesures positives du Pacte sur la clé-élèves ont été identifiées. Celles-ci seront présentées lors de la prochaine réunion de la task force.

Le dernier groupe de travail « Objectivation et monitoring rapproché » permet d'identifier des indicateurs pertinents relatifs aux phénomènes observés, de récolter des données relatives à la langue parlée à la maison, aux sorties prématurées des élèves (à quel moment de la scolarité et pour aller où), ainsi que de réaliser un monitoring de la situation de la clé-élèves.

Le rapport de la task force de juin 2023 contient énormément de chiffres en la matière. Il pourrait être transmis à la commission dès lors qu'il est impossible de présenter, dans le cadre du présent exposé, en détail toutes les informations contenues dans ce rapport.

Le premier rapport intermédiaire de la task force visait à présenter les premières observations et résultats obtenus à ce stade de l'étude. Ce rapport est basé sur des données préliminaires et des analyses plus approfondies et complémentaires doivent encore être menées ultérieurement.

La ministre rappelle que le cahier des charge de la task force est le suivant :

  • Examiner les parts de populations résidantes scolarisées par âges dans chacune des trois communautés. L'objectif consiste à observer où les élèves sont scolarisés en fonction de leur âge. Cette analyse permettra de déterminer si certains élèves, qui sont scolarisés en primaire en Flandre, rejoignent la Fédération Wallonie-Bruxelles pour leurs études secondaires.
  • Analyser l'influence du poids de la part démographique sur la clé-élèves dans chacune des trois communautés et son évolution dans le temps.
  • Obtenir le taux de scolarisation global des élèves âgés de 6 à 17 ans à Bruxelles. L'objectif est d'évaluer si la tendance observée concerne uniquement les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou si elle est générale. Des analyses préliminaires suggèrent que le taux de scolarisation pourrait présenter des variations significatives.
  • Rappeler les chiffres liés à l'évolution de la clé-élèves de 2010 à 2023.

Ensuite, quant aux effets retour attendus dans le cadre du Pacte, dont la députée Cortisse a sollicité de faire le point, la ministre rappelle tout d'abord que, dans la trajectoire budgétaire du Pacte pour la partie « effets retour », l'Objectif stratégique (OS) 4.3.a « Favoriser l'inclusion ou le maintien dans l'enseignement ordinaire d'élèves à besoins spécifiques » prévoit :

  • Un effet retour de 30 millions d'euros à l'horizon 2030 résultant de la diminution du nombre d'élèves dans l'enseignement spécialisé ;
  • Un réinvestissement de 10 millions d'euros (soit 1/3 de l'économie réalisée) dans le déploiement des aménagements raisonnables.

Dans le cadre des travaux budgétaires préparatoires de l'Avis n°3, l'effet retour chiffré à 30 millions d'euros est généré par la diminution du pourcentage d'élèves du spécialisé pour revenir au taux de 2004. Sur base de l'actualisation des valeurs des indicateurs faite en 2022, il est prévu de faire passer le pourcentage d'élèves du spécialisé de 4,1% (en 2016-2017) à 3,6% (en 2030-2031).

Ainsi, le chiffrage budgétaire de l'effet retour repose principalement sur le fait qu'un élève dans l'ordinaire coûte moins cher qu'un élève dans le spécialisé dès lors que les taux d'encadrement et les forfaits élève pour le fonctionnement sont plus élevés dans le spécialisé.

Elle ajoute que cette diminution du pourcentage d'élèves dans le spécialisé est espérée via 2 leviers :

  • Premièrement, la réforme de l'intégration et la mise en place des pôles territoriaux. Celles-ci doivent permettre à terme d'une part, de maintenir plus d'élèves dans l'enseignement ordinaire grâce à une mise en place plus facile des aménagements raisonnables et d'autre part, de « sortir » du spécialisé des élèves qui y étaient réellement scolarisés, en les accompagnant dans l'ordinaire via l'intégration permanente totale.
  • Deuxièmement, la réforme de la procédure d'accès à l'enseignement spécialisé qui, quant à elle, doit empêcher les orientations abusives vers le spécialisé.

Cependant, compte tenu de leur timing d'implémentation, il est normal et logique qu'aucun de ces leviers ne puisse encore marquer ses effets, puisque :

  • La mise en place des pôles n'a démarré qu'à la rentrée 2022-2023, il a juste un an et, qui plus est, dans le cadre d'un phasage transitoire et progressif de 5 ans.
  • La réforme de la procédure d'accès à l'enseignement spécialisé n'entrera progressivement en vigueur qu'à la rentrée 2024-2025.

On ne constate donc jusqu'à présent effectivement pas encore de baisse du pourcentage d'élèves scolarisés dans le spécialisé. Etant donné également le report de la réforme de l'orientation à la rentrée 2024, on émet l'hypothèse que le pourcentage restera à nouveau au même niveau de 4,1% lors de l'année scolaire 2023-2024 et qu'il n'y aura pas d'économie. Par conséquent, aucune économie ne sera réalisée en 2023, ni en 2024. Il est donc en toute logique proposé de ne pas les reprendre dans le tableau budgétaire du Pacte. Elle déclare déjà que la logique de l'effet retour et de sa comptabilisation n'est pas la même s'agissant de la baisse du redoublement.

Ensuite, en ce qui concerne l'OS 4.2.a « Mettre en œuvre des stratégies de lutte contre le redoublement et le décrochage scolaire », la ministre expose que le cadre pluriannuel du Pacte prévoit une réduction de coût liée à la lutte contre le redoublement et le décrochage scolaire équivalente à 80 millions d'euros dont la montée en puissance se fera de manière linéaire entre septembre 2020 et septembre 2030. Il prévoit également que 40 millions d'euros (montant de la trajectoire budgétaire du Pacte non revalorisé) soient réinvestis dans des stratégies spécifiques permettant d'atteindre cet objectif, comme la remédiation, différenciation, Remédiation-consolidation-dépassement (R-C-D), via une montée en puissance progressive et linéaire, de septembre 2018 à septembre 2024. Ce montant de 40 millions d'euros comprend aussi le financement d'une augmentation de la capacité des SAS.

Le phasage de l'effet retour a été estimé sur la base d'une économie nette (économie brute de 80 millions d'euros moins investissement dans la différentiation et l'accompagnement personnalisé de 40 millions d'euros) de 40 millions d'euros (hors indexation) et d'une montée en puissance linéaire sur 11 ans à partir de l'année N+1 des mesures relatives au dispositif R-C-D (soit, tel qu'initialement planifié, à partir de 2020).

En raison de la crise sanitaire, il a été décidé de reporter la mise en œuvre du Tronc commun en P1-P2 à la rentrée 2022. Ce report entraîne le report de la mise en œuvre du dispositif structurel « différenciation-accompagnement personnalisé » à la rentrée 2022.

Tel que prévu par la trajectoire budgétaire du Pacte, l'effet retour de la réduction du redoublement doit se réaliser à partir de la première année après le début du déploiement de la mesure.

Si les moyens ont bien été renforcés à partir de septembre 2022 en P1-P2, les mesures qui réforment la mise en place de la différenciation et de l'accompagnement personnalisé n'entrent en vigueur qu'à partir de septembre 2023.

Ce report suppose de ne pas comptabiliser d'effet retour pour l'année budgétaire 2023, et c'est cette proposition qui est donc faite dans l'ajustement 2023.

L'effet retour est, en revanche, maintenu pour le budget initial 2024, puisque l'on peut supposer et espérer que de premiers effets sur les taux de redoublement seront visibles dans les statistiques (c'est là que la différence se marque avec le spécialisé, car là on fait l'hypothèse qu'on ne va pas atteindre l'objectif puisque les réformes ne sont pas du tout (pour l'orientation) ou pas complètement (pour les pôles) implémentées.

En ce qui concerne ensuite le bilan des mesures liées à l'engagement de maitres de langues et de l'effet de la mesure visant à attirer des enseignants de seconde carrière, la ministre se dispose pas d'autres données que celles précédemment communiquées en réponse aux questions orales et écrites à la députée Cortisse. Elle s'y réfère donc, tout en rappelant que des mesures de souplesse ont effectivement été apportées.

A la députée Cortisse sollicitant d'évaluer la pertinence d'interdire le dédoublement d'une classe pour l'utilisation des périodes d'accompagnement personnalisé, la ministre confirme que c'est au regard des expériences pilotes qui ont été menées avant l'implémentation du décret et des résultats des recherches menées sur la question, que des balises ont ainsi été fixées en termes de dédoublement. Celui-ci n'est pas interdit. Il peut être réalisé ponctuellement et avec un nombre d'élèves limité. Il n'est pas question d'extérioriser systématiquement pour faire de la remédiation.

Revenant ensuite aux nombreuses questions liées à l'aide administrative aux directions du fondamental, la ministre précise qu'en vertu du protocole d'accord sectoriel, les règles de répartition seront effectivement appelées à être revues. À terme, ces moyens pourraient être redistribués de telle sorte que l'aide administrative apportée aux directions du fondamental puisse permettre l'engagement de personnel complémentaire sous une forme organique.

Un travail d'analyse est toujours en cours pour dégager les scénarii envisageables et affiner ceux qui répondent au mieux aux objectifs fixés par l'accord sectoriel – lesquels sont, pour rappel, d'approfondir « la piste de la création d'un cadre organique assurant un véritable soutien administratif structurel aux directions », tout en intégrant « des mécanismes susceptibles de permettre de répondre à divers types de situations spécifiques, tels que notamment les directions avec charge de classe, une mutualisation au sein d'écoles de petite taille ou encore la situation des membres du personnel actuellement engagés sous le couvert de l'aide administrative ».

Plusieurs rencontres ont été initiées avec les fédérations de pouvoirs organisateurs et Wallonie-Bruxelles Enseignement ainsi qu'avec les représentants des organisations syndicales, en ce compris les représentants des PAPO. Ces rencontres ont été l'occasion de discuter plusieurs scénarii développés par les services de l'administration. L'exercice n'est cependant pas simple puisqu'il nécessite de concilier des objectifs qui ne sont pas nécessairement convergents et concilier des pratiques qui ne sont pas identiques d'un réseau à l'autre. Le but étant de ne pas empêcher certaines pratiques de réseaux, tout en garantissant un cadre unique.

Par rapport à la réforme de l'orientation vers le spécialisé et à l'avant-projet de décret complémentaire relatif aux pôles, la ministre regrette de ne pas pouvoir présenter le contenu des textes dès lors que ces derniers sont toujours en cours de discussion au sein du gouvernement. Elle n'en communiquera le contenu précis que si et lorsque les discussions aboutiront.

Elle précise néanmoins que la nouvelle procédure d'accès à l'enseignement spécialisé concerne uniquement les élèves à besoins spécifiques qui sont scolarisés dans l'enseignement ordinaire. Par conséquent, cet avant-projet de décret ne concerne pas l'inscription dans l'enseignement spécialisé des élèves qui n'ont pas encore été scolarisés mais pour lesquels un diagnostic établit que leurs besoins spécifiques ne pourront pas être adéquatement pris en charge dans l'enseignement ordinaire. Aussi, cet avant-projet de décret ne concerne pas l'inscription des élèves dans le type 5 (maladies ou élèves convalescents) sur la base d'un examen médical.

Par ailleurs, les nouveautés proposées par l'avant-projet de décret visent essentiellement à optimiser la procédure actuelle, dans la continuité des changements récemment opérationnalisés lors de la réforme de la mise en place des aménagements raisonnables et de celle de la création des pôles territoriaux. Ainsi, le nouveau cadre décrétal proposé vise à préciser certains éléments de la procédure actuelle et à mieux les articuler avec les dispositifs existants, en veillant à prendre en compte les réalités de terrain et la soutenabilité du changement pour les acteurs concernés.

Ensuite, en ce qui concerne l'avant-projet de décret complémentaire « Pôles » qui fut présenté en première lecture il y a une semaine, la ministre précise qu'il vise à poursuivre le processus d'ajustement de la législation pour permettre le déploiement du dispositif des pôles territoriaux et à apporter une réponse à des problématiques mises en évidence dans le cadre du déploiement progressif des pôles et ce, afin d'affiner le dispositif au regard des besoins et des nécessités du terrain.

Les principales modifications proposées sont les suivantes :

1. Des ajustements du cadre structurel des pôles territoriaux dans le Titre 2 du Livre 6 du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire :

  • La période de constitution d'un pôle territorial est redéfinie et précisée. La mention de la durée de 6 années est abandonnée au profit de la détermination d'une durée qui court jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau contrat d'objectifs de l'école siège ;
  • Une dérogation à la norme de renouvellement d'un pôle est autorisée, permettant le maintien d'un pôle dont la taille critique est de maximum 10 % en dessous de la norme ;
  • Un mécanisme de transfert, moyennant des conditions préétablies, de reliquats de traitements entre les écoles sièges et/ou partenaires (y compris partenaires spécifiques) en interréseaux est désormais prévu.

2.  Des modifications du décret du 3 mars 2004 organisant l'enseignement spécialisé :

  • La première modification vise à inclure explicitement les aménagements raisonnables au sein des protocoles d'intégration permanente totale, ainsi que les modalités d'accompagnement des élèves en aménagements raisonnables entre les équipes des pôles territoriaux et celles des écoles de l'enseignement ordinaire ;
  • La seconde modification abandonne la nécessité de justifier de circonstances particulières pour la déclaration d'une intégration permanente totale après le 30 septembre de l'année scolaire en cours et détermine à la place quatre moments-clefs de communication des intégrations permanentes totales en cours d'année scolaire. Elle fixe par ailleurs le premier de ceux-ci non plus au 30 septembre mais bien au 15 octobre de l'année scolaire en cours.

Par rapport à l'accompagnement et à l'évaluation liée à la réforme des pôles, la ministre rappelle tout d'abord que nous en sommes seulement à la 2ème année scolaire de mise en œuvre des pôles, estimant qu'il convient effectivement de laisser du temps à la réforme de se mettre en place et aux équipes de se constituer, de se déployer et de créer des relations avec les écoles de l'enseignement ordinaire.

En ce qui concerne la formation continuée, l'IFPC propose plusieurs modules en lien avec la mise en place et le suivi des aménagements raisonnables.

En ce qui concerne l'évaluation des pôles, le décret du 17 juin 2021 portant création des pôles prévoit que tous les quatre ans - et pour la première fois au cours de l'année scolaire 2024-2025-, le gouvernement évalue la mise en œuvre des dispositions et en fait rapport au Parlement. Le cas échéant, il est accompagné des propositions d'adaptations nécessaires.

Il s'agit donc bien d'une clause d'évaluation des effets de la réforme. La mise en place des pôles territoriaux étant progressive sur cinq années scolaires, la première évaluation est prévue au cours de la quatrième année de mise en place afin de permettre au système d'être éventuellement ajusté avant d'entrer en rythme de croisière. Le gouvernement doit évaluer les effets de cette réforme par rapport à la réalisation du sixième objectif d'amélioration du système éducatif relatif à l'inclusion des élèves à besoins spécifiques dans l'enseignement ordinaire.

L'évaluation doit se fonder sur la base a minima des trois sources suivantes : les monitorages réalisés annuellement par les services du gouvernement relatifs à la mise en œuvre des pôles territoriaux sur le terrain et à la prise en charge des élèves à besoins spécifiques, l'avis des Conseils généraux et le rapport d'évaluation annuelle de l'atteinte des objectifs d'amélioration du système éducatif. D'autres sources d'informations peuvent, si nécessaire, être mobilisées. Comme elle l'a déjà exposé, cette clause d'évaluation est prévue tous les quatre ans afin de permettre au système d'absorber les éventuelles adaptations réalisées.

La ministre tient enfin à rendre les parlementaires attentifs à ne pas tirer de conclusions trop rapides de l'augmentation du nombre de protocoles d'aménagements raisonnables dès lors que la démarche est justement de procéder à une détection plus efficace des difficultés ou besoins spécifiques visant à mettre en place une meilleure adaptation et prise en charge des troubles. Il ne s'agit donc pas forcément d'une explosion du nombre de difficultés des élèves, mais plutôt d'une explosion du nombre de protocoles établis et mis en place. Elle ajoute encore que tous les enfants n'ont pas nécessairement besoin d'un accompagnement personnalisé en classe mais qu'une panoplie d'outils peut être proposée par l'enseignant dans l'ordinaire.

En ce qui concerne l'augmentation du budget octroyé aux services d'accrochage scolaire (SAS) et l'articulation avec le projet de décret relatif à la lutte contre le décrochage scolaire, la ministre pointe qu'à côté du décret budgétaire qui envisage effectivement un refinancement des SAS, elle a indiqué aux SAS que leurs missions ne seraient pas véritablement élargies. Mais, dans le cadre de la note d'orientation adoptée par le gouvernement quant à la lutte contre le décrochage scolaire, on installe clairement les SAS dans l'avant-projet de décret, au niveau 3, c'est-à-dire, dans l'axe de compensation après que les deux autres étapes (à savoir, la prévention (1) et l'intervention(2)) ne soient pas parvenues à raccrocher l'élève.

Ces moyens devraient ainsi permettre aux SAS d'augmenter le nombre de prises en charge en passant de 400 à 500 pour l'ensemble des structures, d'améliorer leur gouvernance, d'assurer des activités pédagogiques et de renforcer les liens avec l'école. Les listes d'attente dans les SAS étant très longues, il fallait leur permettre de remplir au mieux leurs missions et d'augmenter le nombre d'élèves accueillis. Il s'agit notamment des effets toujours persistants de la crise sanitaire.

La ministre confirme qu'allouer 24 millions d'euros dans la gratuité des fournitures scolaires (plutôt que dans l'engagement d'une puéricultrice dans l'enseignement maternel, comme le préconise Mme Cortisse) est effectivement un choix politique, lequel était inscrit dans la DPC. Il ne s'agit nullement d'opposer deux mesures, toutes aussi nécessaires pour ce gouvernement, mais un choix a dû être posé dès lors que les budgets n'étaient pas illimités. En outre, elle rappelle que plus de 50 millions d'euros investis en 2019 ont permis l'engagement de près 1000 ETP de puéricultrices dans le maternel.

La gratuité scolaire constitue une autre priorité de ce gouvernement. Le choix a donc été fait de poursuivre la progressivité de la mesure de la maternelle, jusqu'à la troisième primaire. 320.000 élèves seront concernés dès l'année prochaine.

Le montant qui sera octroyé est identique à celui accordé aux élèves de 1ère et 2ème primaires, à savoir un montant de 75 euros (indexé pour l'année civile 2023 conformément à l'article 1.7.2-1, §5, alinéa 1er du Code). Il n'y avait pas de volonté d'octroyer un forfait différent entre les années d'études de l'enseignement primaire.

Quant à la question de savoir si ce montant est suffisant, aucune école n'a en tout cas exprimé de difficulté quant à la fourniture du matériel scolaire à ses élèves. Pour mémoire, ces montants avaient été estimés au départ des listes de fournitures majoritairement pratiquées par les écoles.

Le contrôle de l'utilisation de la subvention est opéré par le service de la vérification comptable. La circulaire qui fixe les modalités d'usage de la subvention cible assez clairement les affectations possibles des moyens attribués aux écoles.

Toujours en lien avec la gratuité, la ministre précise qu'en ce qui concerne les frais facultatifs, le périmètre est le même que celui défini dans le cadre des travaux budgétaires de l'initial 2023.

En termes de contrôle, une évaluation systématique du cadre réglementaire actuel en matière de gratuité a été entamée et se poursuit dans chaque école. En juin 2024, un dernier rapport intermédiaire offrira un état des lieux représentatif des pratiques et du respect des règles en vigueur dans les écoles maternelles/primaires/secondaire ordinaire et spécialisé. Le rapport final sera présenté au Parlement en 2025. L'objectif est de contrôler le cadre applicable en vue de le faire mieux respecter. Ces contrôles permettent également de vérifier que les parents en soient clairement informés.

Récemment, à la suite de plaintes reçues de parents auxquels des factures pour le paiement de frais de consommation énergétique ont été adressées, elle a chargé l'administration de conduire un contrôle auprès des écoles concernées. S'il s'avère que de tels frais ont effectivement été demandés, ils devront en effet être remboursés aux parents.

De manière globale, il est évident pour la ministre qu'avoir avancé sur une règlementation plus précise entre ce qui est admissibles ou non comme frais, sur la mise en œuvre de la politique de gratuité des frais scolaires et sur le contrôle systématique dans les écoles concoure à une meilleure effectivité de la politique de gratuité et à une meilleure compréhension de chacun des mesures entreprises. Progressivement, la clarification se démontre sur le terrain.