Intervention sur le Décret aménageant la fin de carrière des directeurs

19/01/2021
Projet de Décret portant des mesures diverses concernant les fonctions de promotion et de sélection dans l'enseignement.

Mme Caroline Désir, Ministre de l’Éducation, entame son exposé introductif en rappelant que les surcharges de travail des directeurs/directrices ont été abordées à de nombreuses reprises au sein de cette Commission, et à plus forte raison encore depuis le début de la crise sanitaire actuelle. Au cours de ses interventions, elle avait annoncé la préparation du projet de décret visant à alléger la fin de carrière des directions - présentement examiné.

Elle précise, à titre liminaire, que le terme « directeur » est utilisé de manière épicène.

Elle rappelle que les orientations que donne le Pacte pour un enseignement d'excellence à la fonction de directeur font de lui prioritairement celui qui exerce le leadership pédagogique (éventuellement partagé avec certains membres du personnel chargés de diverses missions comme celles que prévoit le décret portant diverses dispositions relatives à l'organisation du travail des membres du personnel de l'enseignement et octroyant plus de souplesse organisationnelle aux Pouvoirs organisateurs du 14 mars 2019), celui qui anime l'équipe éducative et gère les ressources humaines de son école. L'accent mis sur ces dimensions implique une relation proche entre le directeur et son équipe en vue d'une co-construction de projets collectifs. Le directeur constitue le pivot de l'élaboration des plans de pilotage. Elle précise que tel est le cas dans bon nombre d'écoles et que chacun peut voir quel investissement personnel les directeurs qui conçoivent ainsi leur fonction consentent pour développer dans leur école un dynamisme créatif.

L'avis n°3 du Pacte pour un enseignement d'excellence met toutefois en exergue que le principe d'insécabilité de la fonction ne permet pas au chef d'établissement de terminer sa carrière à temps partiel. Or, la fatigue de fin de carrière est importante, autant que le risque d'épuisement professionnel. L'avis n°3 préconisait alors d'imaginer des solutions alternatives pour gérer les fins de carrière des chefs d'établissements. Tel est l'objet du projet de décret présenté aujourd'hui.

Elle se réjouit que les mesures d'allégement de fin de carrière proposées octroieront aux membres des personnels concernés la possibilité de terminer leur carrière de manière plus sereine, tout en maintenant ce principe d'insécabilité de la fonction de directeur fondé sur la nécessité de continuer à identifier clairement ce dernier comme le responsable de l'école.

Elle expose ensuite qu'en vue de maintenir le leadership du directeur, les balises suivantes ont été imaginées :

  • Les congés visés et la fraction de charge abandonnée

Il est tout d'abord proposé de permettre à un directeur de travailler à temps partiel mais en prenant congé seulement pour une fraction inférieure à un mi-temps et dans les fractions existantes pour les congés concernés.

  • La durée du congé

Pour la bonne organisation de l'école, un directeur ne pourra exercer ses fonctions à temps partiel pour une période de plus de 4 ans.

  • L'aménagement du congé

La manière dont le directeur aménage son temps partiel devra être convenue avec son pouvoir organisateur. Il sera également nécessaire que des moments de concertation obligatoires entre le directeur et son directeur adjoint aient lieu : ils devront être ensemble à l'école au moins pendant un demi-jour par semaine scolaire.

  • Le remplacement du directeur à temps partiel

Le directeur absent pour une partie de sa charge sera remplacé par un directeur adjoint. Le fait qu'il ne soit pas remplacé par un directeur empêche - et c'est l'objectif même de la mesure - que se pose la question de savoir qui est le responsable. Elle affirme que le directeur reste lui-même aux commandes de son école et exerce un lien hiérarchique vis-à-vis du directeur adjoint.

Elle ajoute que la fonction de directeur adjoint n'existant pas actuellement pas au fondamental, le projet de décret la crée.

Le fait de remplacer la direction et de former a minima un tandem, une équipe de direction, correspond à la philosophie de l'avis n°3 du Pacte qui promeut un leadership pédagogique partagé, mais au sein duquel le chef d'établissement continue à être le leader.

  • Des emplois uniquement temporairement vacants

Les postes créés dans ce contexte ne seront pas des postes organiques et ne pourront pas donner lieu à déclaration de vacance et donc à un engagement à titre définitif ou à une nomination à titre définitif.

Leur attribution à titre temporaire et les gestions administrative et pécuniaire de ces emplois restent, quant à elles, régies par les mécanismes statutaires propres à chaque réseau d'enseignement subventionné ou au pouvoir organisateur organisé par la Communauté française. Il est prévu que l'attribution de ces emplois à des membres du personnel recourant pour ce faire à un congé pour l'exercice d'une autre fonction ne puisse donner lieu à la vacance de leur emploi dans leur fonction d'origine.

Il convient également de préciser que le directeur adjoint engagé en remplacement du directeur qui preste à temps partiel n'a aucun droit particulier à l'obtention du poste de directeur une fois que celui-ci serait en disponibilité préalable à la pension de retraite (« DPPR ») complète ou parti à la pension. Toutefois, il lui sera loisible de faire référence à l'expérience acquise dans ce cadre lors de ses postulations futures.

  • L'étendue de la délégation

Il est très important que la délégation et le partage des tâches entre un directeur et son directeur adjoint soient clairs et précis. Certaines tâches devront toujours revenir au directeur, notamment celles d'ordonnateur budgétaire.

L'orientation de la délégation sera, le cas échéant, mentionnée dans l'appel à candidatures et cette étendue exacte devra être précisée dans une lettre de mission.

  • Le cas particulier des directeurs avec classe

En ce qui concerne le directeur avec classe dans l'enseignement fondamental, la partie de charge abandonnée par le directeur doit prioritairement concerner ses prestations de cours. Dès lors, il sera remplacé dans ses cours par un membre du personnel en fonction de recrutement et pourra ainsi se consacrer à ses tâches de direction.

  • Les fonctions concernées

Dans un souci d'égalité de traitement, elle précise encore que le projet de décret permet également aux autres fonctions de promotion telles que celles de chef de travaux d'atelier et d'administrateur de pouvoir prendre les mêmes congés en fin de carrière. La différence étant que ceux-ci sont remplacés respectivement par un emploi de chef d'atelier ou d'éducateur ou d'éducateur d'internat dans la fraction de charge abandonnée.

Il en est de même pour les directeurs de centres de dépaysement et de plein air qui sont remplacés par un éducateur ou éducateur d'internat. Les directeurs des CPMS sont également visés par la mesure et seront remplacés par des conseillers psycho-pédagogiques.

L'enseignement secondaire artistique à horaire réduit est également concerné par ce dispositif.

Ce projet de décret prévoit également qu'un membre du personnel exerçant une fonction de promotion qui est en mi-temps médical ou en mi-temps thérapeutique puisse être remplacé - ce qui n'est actuellement pas le cas. En effet, il semblait paradoxal qu'un directeur malade puisse voir son temps de travail réduit, mais que la charge de travail reste identique étant donné que personne n'était désigné ou engagé pour le remplacer.

Répondant à une demande existante dans le chef de certains directeurs, de pouvoir continuer à exercer leurs fonctions au-delà de l'âge de la pension, le projet permet à des titulaires d'une fonction de promotion ayant atteint l'âge légal de la pension de retraite d'être, à leur demande et avec l'accord de leur Pouvoir organisateur, maintenus en activité de service. La période du maintien en activée est fixée pour une durée d'une année.

Enfin, ce projet de décret corrige certaines coquilles et apporte des solutions à certaines situations de terrain apparues dans la gestion du statut des directeurs ou suite à l'adoption du décret du 14 mars 2019 modifiant diverses dispositions relatives aux fonctions de directeur et directrice, aux autres fonctions de promotion et aux fonctions de sélection.

Elle conclut son exposé introductif en réitérant ses remerciements aux directeurs, lesquels démontrent quotidiennement, et durant la crise sanitaire tout particulièrement, leur haut degré d'engagement et d'investissement, tous niveaux d'enseignement confondus.

Elle poursuit en rappelant qu'elle demeure à leur écoute et qu'elle entend mettre tout en œuvre pour améliorer leurs conditions de travail, notamment en termes de simplifications administratives et de revalorisation de leur fonction.

Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR), rappelle que la Commission de l’Éducation a effectivement déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de débattre de la problématique de la (sur)charge de travail et du statut des directeurs de nos écoles en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Elle précise que si cette problématique a été mise en exergue par la crise sanitaire, elle n'est toutefois pas neuve et que son groupe avait insisté sur l'importance de trouver des solutions viables et pérennes à cette problématique structurelle. Il convient en effet de combattre les causes de la fatigabilité de la fonction.

Elle rappelle que de l'axe stratégique n°2 de l'Avis n°3 du Groupe central du Pacte pour un enseignement d'excellence préconise de réformer la carrière des directeurs pour rendre cette fonction plus attractive. Le constat posé par l'Avis n°3 du Pacte était le suivant : « La fatigue de fin de carrière est importante dans la fonction de direction, et le constat de titulaires en épuisement professionnel est fréquent. L'insécabilité de la fonction ne permettant pas au chef d'établissement de terminer sa carrière à temps partiel, des solutions alternatives doivent être imaginées pour gérer les fins de carrière des personnels concernés. Cette question sera approfondie dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte ».

Elle salue donc les nombreuses mesures entreprises par le projet de décret soumis visant à aménager la fin de carrière des directeurs tout en préservant le principe de l'insécabilité de leur fonction, ainsi que leur leadership éducatif et pédagogique. Elle insiste sur l'importance du principe d'insécabilité de la fonction de directeur qu'il ne faudrait pas morceler. La fonction d'un directeur d'une école est éminemment stratégique dans le cadre d'une gestion optimale d'un établissement d'enseignement. Elle ajoute que, dans une telle structure, à la tête d'une équipe, il faut un et un seul « pilote », identifiable à tout moment et qui assume les responsabilités liées à sa mission, et pas uniquement durant les moments où il est dans l'enceinte de l'école ou quand il exerce durant son temps partiel.

Elle se dit rassurée de ce que le directeur absent soit remplacé par un directeur adjoint sur lequel il conserve un lien hiérarchique. En ce qui concerne la délégation et le partage des tâches entre le directeur et le directeur adjoint, elle émet certaines observations et sollicite certaines clarifications. Ainsi, elle entend savoir qui va réguler et coordonner les missions du directeur et du directeur adjoint. S'il est prévu que l'étendue exacte de la délégation devra être précisée dans une lettre de mission, elle souhaite savoir qui tranchera si un différend apparaît dans la gestion de cette « codirection ». Elle émet encore une crainte relative à la pratique de collaboration entre le directeur et le directeur adjoint, et plus particulièrement durant la concertation liée à l'obligation pour ces derniers de se réunir ensemble à l'école au moins une demi-journée par semaine. Elle s'interroge encore quant à la manière dont le leadership distribué va s'articuler avec le travail collaboratif avec l'équipe éducative. Elle souhaite savoir vers quel référent les membres du personnel vont devoir se tourner en cas de problèmes ou questions. Elle souhaite enfin savoir si le directeur adjoint pourra exercer l'ensemble des missions qui sont normalement dévolues au directeur, dont l'établissement, en collaboration avec l'équipe éducative, des plans de pilotage.

Elle salue par ailleurs l'élargissement de la mesure à l'enseignement artistique à horaire réduit, ainsi qu'à l'enseignement de promotion sociale.

Enfin, notant que le projet tend à répondre à la fatigue et à la lassitude des directions en fin de carrière, elle regrette toutefois qu'il ne s'attaque pas aux causes de cette problématique : l'important turn-over et les burn-out de plus en plus fréquents, même en début de carrière. A cet égard, elle rappelle que la Déclaration de Politique Communautaire (DPC) prévoit toute une série de mesures concernant les directions, à savoir :

  • le renforcement du soutien aux directions des écoles fondamentales pour leur permettre de consacrer davantage d'énergie dans l'innovation pédagogique et le soutien aux équipes, en associant les fédérations de pouvoirs organisateurs ;
  • l'allègement et la simplification de la charge administrative des écoles ;
  • le renforcement de l'aide administrative nécessaire aux directions du fondamental ;
  • l'encouragement de la mise en place de pools technico-administratifs entre plusieurs écoles.

Elle souhaite que la Ministre expose l'état d'avancement des mesures prévues par la DPC concernant les directeurs, mais aussi concernant les chantiers du Pacte relatifs à la fonction de direction.

Mme Caroline Désir, Ministre de l’Éducation.- En réponse aux interrogations des députés concernant la coordination, la régulation des missions et la gestion des potentiels conflits entre le directeur et son directeur adjoint, la Ministre précise que l'organe désigné est le pouvoir organisateur. Elle ajoute que ce qui sera délégué se décidera en interne et si un arbitrage est requis, celui-ci sera confié au pouvoir organisateur. Ces délégations seront mentionnées dans la lettre de mission et communiquées à l'équipe pédagogique. A titre d'exemples de délégation, elle cite la responsabilité pédagogique d'un degré dans le secondaire, la coordination des remplacements d'enseignants absents, l'implémentation ou la coordination du numérique, ...

En ce qui concerne l'état d'avancement des mesures prises dans la DPC et dans les chantiers du Pacte, elle rappelle que les modifications apportées au décret du 14 mars 2019 fixant le statut des directeurs et directrices dans l'enseignement, entrées en vigueur le 1er septembre 2019, traduisent déjà plusieurs orientations, notamment la revalorisation et la professionnalisation de la fonction, par l'établissement d'un profil de fonction type. Ce profil met en avant notamment les dimensions de production de sens, de leadership pédagogique et de pilotage global de l'établissement. La lettre de mission doit également être construite en cohérence avec le profil de fonction et sert de base à l'évaluation durant le stage. La formation initiale obligatoire a également été restructurée en maintenant les deux volets, inter-réseaux et réseaux. Désormais, elle comporte un module formation et accompagnement de l'intégration au moment de l'insertion professionnelle visant à accompagner les directions lors de leur entrée en fonction, notamment en les aidant à transposer les acquis théoriques dans leur quotidien. L'accès à la fonction et la mobilité inter-réseaux ont également été facilités par la simplification d'accès à la fonction pour un premier appel imposant quatre conditions (compter trois ans d'ancienneté de service dans l'enseignement organisé ou subventionné, être porteur d'un titre pédagogique, être titulaire d'un titre du niveau supérieur du premier degré et avoir présenté sa candidature).

Elle rappelle que des mesures ont été prises sous la précédente législature pour alléger la charge des directions du fondamental par la création d'un poste d'aide administrative. Elle entend les sollicitations estimant que cela n'est pas suffisant dans le contexte de crise mais elle est tient à rappeler qu'il s'agit d'une mesure importante et conséquente en terme de budget.

La question relative à la revalorisation barémique est évidemment importante mais est liée à la réforme de la formation initiale des enseignants. Actuellement, le sujet est abordé par le chantier 10 du Pacte.

Elle tient à préciser qu'elle ne constate pas d'augmentation de la pénurie des directions. Elle rappelle à cet égard que les conditions d'accès à la fonction de direction ont été simplifiées (un enseignant ayant trois ans d'ancienneté, même à titre temporaire, peuvent à présent postuler).

Elle précise encore que le pouvoir organisateur peut effectivement refuser le congé, selon le type de congé sollicité. Ainsi, la DPPR est de droit mais le mi-temps thérapeutique et médical est soumis à leur accord.

Les règles de dévolution pour le poste de directeur adjoint demeurent au choix du pouvoir organisateur, dans le respect des dispositions édictées par le décret du 14 mars 2019 portant diverses dispositions relatives aux fonctions de directeur et directrice, aux autres fonctions de promotion et aux fonctions de sélection.

Une allocation couvrant la différence entre la fonction de recrutement et le barème de directeur adjoint sera effectivement octroyée au directeur adjoint mais il n'y aura pas de complément pour atteindre le barème de directeur dès lors qu'il ne s'agit pas d'un poste organique.

Revenant aux nombres de sollicitations visant à poursuivre au-delà de l'âge de la pension, la Ministre précise que certains cas sont effectivement déjà manifestés mais elle ne possède pas d'état des lieux précis.

En ce qui concerne l'impact budgétaire actuel, elle ne maitrise pas encore toutes les données dès lors qu'il s'agira d'une opportunité pour chacun et qu'il est difficile d'anticiper ces souhaits. Tel est donc le but de ce monitoring annuel.

Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR).- Mme Cortisse précise que le texte décrétal prévoit un monitoring annuel des mesures mises en œuvre afin de pouvoir identifier l'importance de l'utilisation qui en est faite et leur impact budgétaire. Il est également prévu qu'une évaluation qualitative soit réalisée trois ans après l'entrée en vigueur du dispositif afin d'examiner sa pertinence au regard de ses effets et des autres projets visant à améliorer les conditions de travail des directeurs, notamment en termes de charges administratives.

Elle ajoute qu'elle ne manquera pas, avec son groupe, d'être attentive aux effets de ce texte décrétal dans la pratique en analysant avec attention les rapports issus du monitoring budgétaire et l'évaluation qualitative de sa mise en œuvre.


Par ailleurs, elle ne manquera pas non plus de suivre la mise en œuvre des mesures prévues par la DPC concernant les directions et qui viseront à combattre les causes de la fatigabilité de la fonction de directeur en FWB.