Intervention sur le projet de décret portant création du Dossier d'accompagnement de l'élève

15/03/2022

Intervention de Stéphanie Cortisse sur le projet de décret portant création du dossier d'accompagnement de l'élève (DAccE)

Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR).- Outre l'effet bénéfique que devrait avoir le DAccE sur le suivi et le soutien à la réussite des élèves tout au long de leur scolarité dans l'enseignement obligatoire en vue de réduire le taux de redoublement, Mme Cortisse salue le fait que ce dispositif va dans le sens d'une plus grande collaboration au sein des équipes éducatives même ainsi qu'entre celles-ci et les équipes pluridisciplinaires des CPMS. Il devrait également renforcer le dialogue entre les acteurs du monde scolaire et les parents.

L'intervenante relève que l'Avis n°3 du Pacte prévoit que « Le dossier d'accompagnement de l'élève devra permettre de structurer l'analyse des difficultés d'apprentissage et des besoins de l'élève tout au long du parcours dès l'enseignement maternel, ainsi que d'identifier les réponses qui y sont apportées, de façon à prévenir l'échec ».

Cet avis fixait déjà certaines balises telles que « le caractère confidentiel du DAccE et restreint aux données essentielles à son objectif » et demandait de se pencher sur toute une série de problématiques et notamment « l'opportunité́ de consulter la Commission de la vie privée, d'envisager la question du secret professionnel, de clarifier la procédure de transmission, de considérer le « droit à l'oubli » pour l'élève (c'est-à-dire le droit à bénéficier d'un regard neuf) et d'éviter tout effet de stigmatisation». L'avis n°3 du Pacte préconisait également de « se pencher sur les conséquences de la systématisation du DAccE en matière organisationnelle et concernant la charge de travail des membres de l'équipe éducative ».

En conséquence, Mme Cortisse invite la ministre à confirmer que l'ensemble de ces problématiques ont dûment été étudiées, et en particulier en ce qui concerne la protection des données à caractère privé. En ce qui concerne la charge de travail supplémentaire, elle aimerait également savoir comment les équipes éducatives et les directions peuvent être rassurées.

Par ailleurs, elle note que le DAccE comprend un volet administratif, un volet parcours scolaire, un volet suivi de l'élève et un volet procédures.

Lors de la présentation de l'outil en commission parlementaire du 13 décembre dernier, plusieurs bugs sont survenus. La députée s'interroge quant à la fixation de ces dysfonctionnements depuis lors.

À l'époque, il avait été précisé que l'ensemble des données à encoder pour les équipes éducatives et CPMS se faisaient sous forme de menus déroulants, sans possibilité d'apporter des explications sous forme de texte libre, sauf à un seul endroit. Mme Cortisse s'inquiète d'un outil risquant d'être un peu trop standardisé, ce qui serait paradoxal avec son objectif de coller au plus près des difficultés d'apprentissage et des besoins de chaque élève.

Certes, elle peut comprendre que les questions fermées plutôt que des questions ouvertes permettront d'avoir un langage commun dans toutes les écoles de la FWB et seront moins chronophages pour les acteurs concernés. Pur autant, elle interroge sur les raisons qui ont conduit à ne pas avoir prévu la possibilité, de manière facultative, pour chaque question, d'introduire des explications sous forme de texte libre.

Parmi quelques questions plus techniques, Mme Cortisse demande si les parents pourront se connecter à l'application via « Itsme », s'ils recevront une notification par email lorsqu'une nouvelle donnée sera disponible sur l'application et comment ils seront concrètement informés, au moment de l'inscription de leur enfant dans une école, de l'existence du DAccE et de la possibilité d'y avoir accès.

La députée rappelle que dans sa Déclaration de politique communautaire, le gouvernement prévoyait d' « améliorer les dispositifs de suivi des élèves » dont la « mise en œuvre du dossier d'accompagnement de l'élève en coopération avec les Régions ». Elle voudrait donc savoir si ces collaborations ont eu lieu, de quelle manière et dans quel but. Dans la négative, quelles sont les raisons ayant empêché leur mise en place.

Dans l'Avis n°3 du Pacte, il est prévu que « la conception du DAccE devra viser à intégrer le PIA (plan individuel d'apprentissage) et le cas échéant, le Pass inclusion ». Or, si elle a bien compris, ces outils ne fusionneront finalement pas, en tout cas le PIA pour ce qui concerne les élèves en intégration ou scolarisés dans l'enseignement spécialisé. Son questionnement porte dès lors sur les raisons de maintenir la coexistence du DAccE et du PIA, sur le devenir du Pass inclusion ainsi que sur la volonté de s'assurer que ces outils ne fassent pas en tout ou en partie double emploi.

Par ailleurs, Mme Cortisse aimerait savoir si un monitoring de l'efficacité de ce dispositif sera bien mis en place et sous quelle forme mais également s'il pourra être modifié au fur et à mesure du temps. Elle demande comment les acteurs de terrain, qui seront les premiers utilisateurs, pourront faire remonter leurs éventuelles remarques ou leurs recommandations en vue de son amélioration constante.

La députée relève ensuite que l'Avis n°3 du Pacte prévoit que, parallèlement au DAccE à destination des équipes éducatives et des agents des CPMS, un autre outil suivra également l'élève tout au long de son parcours scolaire, à savoir le carnet de bord de l'élève, lequel devra être élaboré par l'élève lui-même en tant qu'acteur de son apprentissage et de son orientation. Elle profite du débat du jour pour connaitre l'état d'avancement des travaux du groupe de travail mis en place en ce qui concerne ce carnet de bord. Elle aimerait savoir si la note d'orientation générale a été présentée en Comité de concertation, si un calendrier est prévu pour l'instauration du carnet et quels seront les liens avec le DAccE.

L'intervenante fait encore observer que l'élaboration du DAccE est intimement liée au futur dispositif d'accompagnement personnalisé des élèves, lui aussi prévu par le Pacte et qui devrait entrer en vigueur progressivement en septembre 2022 avec l'entrée des première et deuxième années primaires dans le nouveau tronc commun.

Dès lors que la ministre précisait au début du mois de février qu'elle disposait du rapport final d'évaluation de l'expérience-pilote réalisée dans l'enseignement fondamental et qu'elle attendait encore de recevoir le rapport de l'expérience-pilote menée dans l'enseignement secondaire, celle-ci devrait soumettre au gouvernement des propositions concrètes quant aux modalités d'octroi de ces périodes supplémentaires spécifiques.

En réaction, l'intervenante suggère à la ministre de préciser si elle a plus d'éléments à dévoiler à cet égard et comment ce dispositif sera concrètement articulé avec le DAccE.

En conclusion, dès lors que ces trois dispositifs sont intimement liés, Mme Cortisse regrette qu'ils n'entrent pas tous en vigueur au même moment en 2022. Pour autant, elle peut comprendre le report de l'entrée en vigueur du DAccE en 2023 de par la nécessité de se familiariser avec l'outil. Il s'agit donc bien d'avoir le souci de soulager les acteurs et les équipes concernés.

Avec son groupe, elle soutiendra bien entendu ce projet de décret, en restant attentive à la praticabilité de ce dispositif pour les équipes éducatives et à l'évaluation de l'efficacité de celui-ci.

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Education.- La ministre réitère son propos initial en évoquant les formations et informations à destination des personnels. Elle ajoute que le report va aider positivement à l'appropriation de l'outil et à la mise en place de nombreuses actions de soutien et de supports d'informations (webinaires, séminaires, tutoriels,..) à destination de chaque acteur concerné.

Mme la ministre insiste sur le fait que le DAccE formalise ce qui est déjà réalisé par les équipes et qu'il facilite la communication d'informations produites et employées. Néanmoins, ce changement important suppose un temps d'adaptation et il représentera bien, en tant que tel, une charge supplémentaire ; ce qui explique le report voulu par le gouvernement afin de tenir compte du contexte et du ressenti des enseignants.

Pour autant et à titre d'exemple, les tests usagers réalisés en 2019 ont démontré le peu de temps nécessaire à l'encodage d'un bilan de synthèse (moins de 10 minutes), ce qui traduit concrètement la manière dont l'outil a été conçu.

Les trois moments pour les bilans de synthèse ne concerneront de manière obligatoire que les élèves en difficulté et non pas la classe dans son ensemble de manière systématique. En référence aux articles 6 et 7 du projet de décret, l'avis collégial (équipe éducative et CPMS) dans l'élaboration du bilan de synthèse est également bien distinct du temps d'encodage individuel à charge d'un seul enseignant désigné par le directeur.

Sur les volets administratif et de parcours scolaire, Mme la ministre relève qu'ils sont alimentés par l'administration et non par les écoles qui n'ont donc pas de surcharge à ce niveau.

Elle entend la remarque relative aux menus déroulants dans l'outil. Cependant, ce choix est le fruit d'un équilibre subtil issu des réunions bilatérales au printemps 2020 afin de limiter une surcharge. Le DAccE existe dans un écosystème plus large et les tests réalisés ont démontré à suffisance la pertinence de l'outil dans sa conception. Ceci étant dit, il n'est pas impossible qu'il puisse évoluer dans le temps à travers les modalités d'évaluation d'ores et déjà prévues.

Mme la ministre insiste particulièrement sur le fait que le DAccE n'est ni un journal de classe, ni un bulletin, ni un carnet de bord et qu'il n'a pas pour objectif de suppléer les outils de communications de l'école dans le cadre de ses relations avec la famille. En cela, ce constat justifie pleinement le cadre strict des mentions prévues dans l'outil.

Si la ministre déplore les bugs au cours de la présentation initiale de l'outil aux députés, elle assure que ceux-ci étaient liés à un épisode isolé de connexion et souligne l'absence de problème lors des tests de présentation avec les acteurs de terrain. Elle ajoute que la connexion des parents via « Itsme » est bien prévue, tandis qu'une notification par email sera envoyée à chaque nouveau bilan de synthèse. Par ailleurs, à chaque inscription, une information complète et obligatoire est prévue selon un contenu à fixer dans un arrêté.

En abordant les questions relatives au PIA, elle confirme que cet outil est propre à chaque école, au contraire du DAccE qui se veut uniforme pour toutes les écoles. En outre, le PIA est amené à disparaitre dans l'enseignement secondaire ordinaire avec l'arrivée du tronc commun depuis l'adoption du Code de l'enseignement. Il continuera donc d'exister pour l'enseignement spécialisé avec un lien entre les deux outils afin de garantir la continuité du suivi en cas de changement d'école ou de retour à l'enseignement ordinaire. À terme, les procédures de protocoles d'aménagements raisonnables et de passage dans l'enseignement spécialisé seront numérisés et articulés au DAccE et il est imaginable que le terrain demandera la numérisation du PIA dans le DAccE.

En réponse aux questions relatives à l'enjeu de l'évaluation et de l'évolution du dispositif, Mme la ministre s'en réfère à l'article 1.10.6-1 qui en fixe le cadre (évaluation par le Parlement tous les 4 ans).

Par rapport au carnet de bord de l'élève, les travaux sont en cours avec une volonté de le mettre en place dès la troisième primaire, selon des modalités à convenir et à la suite d'une expérience pilote prévue lors de la prochaine année scolaire 2022-2023.

En lien avec le futur dispositif de l'accompagnement personnalisé, la ministre regrette à son tour que le lien n'ait pas pu être fait immédiatement pour l'ensemble des dossiers. Cependant, la réflexion s'est concentrée sur les aspects pouvant être reportés sans affecter la cohérence de l'ensemble. La priorité ira donc à l'entrée en vigueur du tronc commun en P1-P2 avec cet accompagnement personnalisé.

Dans cette logique, le report d'un an du DAccE et de la procédure de maintien, tout en permettant aux enseignants de se familiariser avec l'outil, avec un rattrapage de P1 à P4 dès l'année suivante, constitue certainement la bonne formule. Par ailleurs, l'instruction du dossier relatif à l'accompagnement personnalisé avance en vue de son prochain dépôt au niveau du gouvernement.

Mme la ministre rappelle que les tests usagers menés en 2019 visaient à évaluer l'aisance de navigation, la facilité de prise en main de l'outil, la pertinence des champs d'encodage et à mesurer le temps d'encodage d'un bilan de synthèse. À cet égard, les testeurs ont évalué positivement ces différents critères et, en janvier 2022, des tests menés avec des enseignants ont révélé des résultats similaires.

À propos de la consultation à tout moment du DAccE par les parents, seule la partie historique des bilans de synthèse finalisés pourra l'être dès lors que la vocation du DAccE n'est pas de se substituer au dialogue avec les parents qui doit exister mais plutôt de leur donner des droits supplémentaires, notamment dans le cadre des procédures de maintien.

Mme la ministre indique que les acteurs ont été concertés en amont de la première lecture, à la suite des différentes lectures et qu'ils ont bénéficié d'une présentation complète de l'outil et de la stratégie d'information et de formation. Pour les semaines à venir, de nouveaux tests usagers sont prévus avec les directions, notamment pour chaque procédure numérisée.

Quant à l'enjeu des libertés d'évaluation, celles-ci s'équilibrent avec l'outil standardisé qui assure l'équité vis-à-vis de chaque élève. De plus, les trois dates préexistent dans le Code depuis le décret du 3 mai 2019 et le projet de décret relatif aux rythmes scolaires adapte ces dates avec une meilleure répartition sur l'année scolaire.

Mme la ministre fait également remarquer que plusieurs modalités d'accès et d'alimentation du DAccE, autres que numériques, sont effectivement prévues (imprimables, in situ, téléchargements via les écoles et CPMS, formulaires,...).

De plus, un travail de sensibilisation à l'égard des parents précaires sera mené avec les services AMO et les espaces publics numériques, tandis qu'une traduction des documents d'informations à destination des parents allophones est également envisagée dans une perspective d'accès au droit. De manière générale, les parents recevront un courrier d'information, une synthèse visuelle des éléments importants, un tutoriel, un guide d'utilisation des parents ou un encore un règlement d'utilisation ; ce dernier prévoyant que ces informations seront également mises à disposition des élèves pour leur faciliter la compréhension du DAccE.