Intervention sur le projet de décret relatif à la lutte contre le harcèlement scolaire

11/04/2023

Projet de décret relatif à l'amélioration du climat scolaire et à la prévention du harcèlement et du cyberharcèlement scolaires (doc. 528 (2022-2023))

Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR).- Au nom du groupe MR, Mme Cortisse pointe tout d'abord que la lutte contre le (cyber-)harcèlement devait, depuis longtemps, passer par un plan structurel et ne plus être laissée au bon vouloir de certaines écoles volontaristes, par le biais d'appels à projets. A ce titre, elle salue les avancées portées par le présent projet de décret.

Néanmoins, la députée regrette que le présent projet de décret insiste sur la prévention du harcèlement sans en aborder toutefois la question des sanctions.

A son estime, une politique de « tout ou rien » est alors observée, à savoir : l'absence de sanction ou l'exclusion de l'élève qui répétera alors ce type de comportement dans sa nouvelle école. Pour elle, il convient de sanctionner à temps et utilement, en développant un panel de sanctions à assortir d'une dimension pédagogique, éducative, réparatrice et responsabilisante. Il faut développer des contrats entre l'école, les parents et le jeune qui dérape, en responsabilisant ainsi toutes les parties dans la résolution du problème.

A son estime, une politique de « tout ou rien » est alors observée, à savoir : l'absence de sanction ou l'exclusion de l'élève qui répétera alors ce type de comportement dans sa nouvelle école. Pour elle, il convient de sanctionner à temps et utilement, en développant un panel de sanctions à assortir d'une dimension pédagogique, éducative, réparatrice et responsabilisante. Il faut développer des contrats entre l'école, les parents et le jeune qui dérape, en responsabilisant ainsi toutes les parties dans la résolution du problème.

Lors des derniers échanges en commission à ce sujet, elle s'appuyait, pour étayer ses propos, sur les déclarations de M. Bruno Humbeeck, psychopédagogue, dans deux articles de presse d'octobre 2021, lequel insistait sur la notion de sanction et la nécessité de rappeler les règles à l'école, comme dans la société, et de sanctionner les comportements déviants.

Ensuite, lors de la séance plénière du 13 octobre 2021, la députée relève que la ministre avait précisé que «la première et la meilleure réponse à apporter à une telle situation est de poser des limites strictes et de rappeler les règles de non-violence et de respect qui sont les conditions sine qua non du vivre-ensemble» et que, «bien entendu, le corollaire de cette réponse est l'application immédiate de sanctions adéquates».

En conséquence, la députée souhaite savoir pourquoi, à côté du volet relatif à la prévention, une dimension «sanction» n'a pas été prévue dans le plan de lutte contre le harcèlement.

Ensuite, dès lors qu'il est prévu de passer d'appels à projets à une politique structurelle de lutte contre le harcèlement pour l'ensemble des écoles de la FWB, la députée se demande comment allier "politique structurelle" avec le fait que les programmes-cadres seront proposés à un nombre certes conséquent, mais encore limité d'écoles : 400 écoles tous les 4 ans. Si elle peut bien entendu comprendre les limites du cadre budgétaire prévu pour ce programme, elle se demande si certaines mesures ne pourraient pas être généralisées à toutes les écoles. Ainsi, est-il confirmé que toutes les écoles devront mettre en place certaines actions, tels que l'accès à une application de signalement des faits de harcèlement ou encore la mise en place d'espaces régulés de parole ? Elle sollicite de la ministre qu'elle précise quels seront les attendus qui s'imposeront à tous les établissements scolaires, indépendamment du programme-cadre et comment un contrôle sera opéré en pratique.

Rejoignant l'un des questionnements du Conseil d'Etat, la députée observe que les critères de sélection des écoles pour entrer dans ce programme sont principalement liés à la volonté de ces écoles d'y entrer. Elle pointe alors que les écoles candidates risquent d'être celles qui étaient déjà proactives en la matière alors que le but était, au contraire, de sortir de la logique volontariste et d'atteindre les écoles qui ne mettent actuellement rien en place en matière de lutte contre le harcèlement ou encore les écoles où des faits de harcèlement sont récurrents.

En outre, il est prévu une dégressivité dans les moyens budgétaires attribués chaque année aux écoles bénéficiant d'un programme-cadre, ainsi qu'une mission confiée aux opérateurs externes de rendre les équipes éducatives durablement autonomes. La députée souhaite dès lors savoir comment s'assurer qu'au sortir du programme-cadre (après 4 ans), les écoles poursuivent les actions entreprises en vue de lutter contre le harcèlement en leur sein. Aussi, si une obligation de poursuivre ces actions sur la durée est prévue, comment la contrôler ? Peut-être que les délégués aux contrats d'objectifs (DCO) pourraient voir leurs missions étendues à cet effet.

Un autre questionnement concerne les nombreuses écoles ayant pour objectif d'améliorer le climat scolaire et le bien-être dans leurs établissements, tel qu'énoncé dans le cadre de leurs plans de pilotage et contrats d'objectifs. La commissaire s'interroge quant à la manière d'articuler ces derniers avec les programmes-cadres de lutte contre le harcèlement. Une question lui remonte du terrain en ce que la partie du contrat d'objectifs relative à l'amélioration du climat scolaire deviendrait en quelque sorte désuète pour les écoles qui rentreraient dans un programme-cadre.

Enfin, la députée sollicite une explication quant au budget dégagé pour mener à bien les mesures prévues par le présent projet de décret.

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Education.- Aux regrets de Mme Cortisse de ne pas retrouver de dimension « sanction » dans le dispositif, la ministre déclare que l'enjeu de la sanction n'est pas a priori exclu du programme. La volonté du gouvernement a été d'inviter les équipes éducatives à s'approprier différentes méthodes d'interventions pour pouvoir les employer adéquatement. Chacune de ces méthodes prévoit, à un moment donné, de rappeler a minima les limites.

Ces limites sont évidemment fixées dans les ROI et le rappel des règles est effectivement capital. Le travail relatif aux échelles de sanctions est établi au sein de chaque école. Le sujet des sanctions est dès lors plus vaste et s'applique à tous les comportements des élèves, pas uniquement liés au harcèlement.

Sur la priorisation du nombre d'écoles concernées, la ministre insiste sur le fait que cette politique structurelle a clairement pour ambition de couvrir l'ensemble des 2.500/2.700 implantations, suite à un travail progressif.

Ainsi, si une sélection des écoles doit être opérée, cela se justifie essentiellement pour deux raisons :

Tout d'abord, parce qu'il n'est matériellement pas possible de faire entrer simultanément toutes les écoles dans le programme et ce, par manque d'opérateurs - puisqu'il en faudrait 250 pour que chacun suive en moyenne dix écoles - et par manque de moyens disponibles. Idéalement, si chacun des opérateurs déploie suffisamment de formateurs en interne, le déploiement se fera plus rapidement : tout se fera en fonction des moyens financiers et humains qui seront déployés.

Ensuite, parce que les programmes qui fonctionneront seront ceux dans lesquels les écoles auront eu envie de s'investir. Il convient donc d'employer le temps pour informer, motiver les écoles et leur laisser le temps de la préparation. La surcharge doit être minimisée.

Quant au délai dans lequel toutes les écoles vont pouvoir être concernées, la ministre réitère que ce délai dépend directement du budget disponible. Les budgets conséquents qui ont été dégagés sont déjà significatifs et apportent un cadre minimal structuré, cohérent, qui constitue une première base, mais il faudra les renforcer. Dans l'intervalle, il convient de prendre le temps de soutenir le développement des opérateurs et de leur équipe afin qu'ils soient aussi à même de pouvoir étendre leur possibilité d'accompagnement.

Dans le cadre de la nouvelle politique structurelle mise en place, voici ce qui sera commun à l'ensemble des écoles :

- L'obligation de prévoir une procédure de signalement interne à l'école et de prise en charge de situations de harcèlement et de cyberharcèlement scolaires (dans le R.O.I. de chaque école). Un délai d'un an a été laissé aux écoles pour se doter d'un outil de signalement et pour l'intégrer dans leur règlement d'ordre intérieur. Afin –une nouvelle fois- de limiter ce qui pourrait être perçu comme une surcharge sur les écoles, elle travaille (avec UNIA et avec PESH notamment) à l'élaboration d'un modèle standardisé que les écoles pourront aussi décider d'utiliser tel quel. Avec ce décret, les écoles auront ainsi l'obligation de disposer d'une procédure adéquate aux situations de harcèlement à partir de la rentrée 2024. Ce délai permet aux écoles de ne pas agir dans la précipitation et de procéder à la révision de leur R.O.I. dans les meilleures conditions. Par ailleurs, un guide R.O.I est sorti et pourra être l'occasion d'agir de manière plus large et globale. L'Observatoire du climat scolaire proposera un modèle dont les écoles pourront s'inspirer. Il sera mis à leur disposition en 2023-2024.

- L'accès à des contenus produits et validés par l'Observatoire du climat scolaire : il s'agira d'outils directement utiles en matière d'amélioration du climat scolaire et de lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement scolaires – par exemple, à terme, CYBERHELP – mais aussi le cadastre des ressources de qualité et des opérateurs agréés. L'Observatoire constituera le réceptacle de toutes les informations utiles qui seront validées et diffusées auprès des écoles.

Quant au contrôle des écoles du respect de cette règle, il n'est pas prévu de procéder à un contrôle systématique et anticipatif mais de pouvoir, dès que ce sera nécessaire et dans les situations qui se présentent, rappeler aux écoles quelle est leur obligation en la matière.

Le volontariat et la candidature s'ajoutent aux normes et services généraux déjà existants.

Quant aux critères de sélection des écoles pour intégrer le programme-cadre, et le risque de ne finalement concerner que les écoles volontaristes, la ministre concède que ce risque ne peut être complètement éludé. Elle y a répondu suite aux remarques du Conseil d'Etat. Néanmoins, cela ne se joue pas uniquement dans la question du choix des critères.

Elle insiste sur le fait qu'à terme, toutes les écoles seront visées par le programme-cadre. Le travail de l'Observatoire peut aussi changer la donne actuelle et parvenir à convaincre de l'importance de se pencher sur la problématique du climat scolaire, dans toutes les écoles.

Les budgets prévus aujourd'hui permettront, en rythme de croisière, d'assurer à 400 écoles d'être accompagnées par un opérateur.

200 premières écoles pourraient être sélectionnées pour démarrer leur programme à la rentrée 2023-2024 et 200 suivantes à la rentrée 2024-2025.

Quant au nombre d'opérateurs, elle estime qu'une moyenne minimale est d'accompagner entre 5 et 10 écoles pour un opérateur. C'est un point de repère évidemment et il dépendra de la taille de l'équipe de l'opérateur concerné.

Concernant le lien entre le plan de pilotage et le programme-cadre, leur articulation est, pour la ministre, recherchée et voulue. D'une part, par la prise en compte des écoles ayant un objectif d'amélioration du climat scolaire parmi les candidatures. D'autre part, la mise en œuvre du programme permet de considérer les actions de l'école attendues pour cet objectif comme « en cours de réalisation » dès lors qu'elle s'engage.

Les programmes-cadres de chaque école pourraient même, à terme, être également numérisés et être reliés directement avec le contenu des contrats d'objectifs des écoles.

La bonne réalisation du programme et le maintien des actions après la quatrième année devront faire l'objet d'une évaluation continue par l'école. Les DCO ont, bien évidemment, un rôle à y jouer.

Des séances d'informations internes à l'administration ont d'ailleurs été tenues à leur attention.

Cette articulation est un véritable enjeu : l'un venant renforcer l'autre et il sera veillé, à chaque étape, à ne pas alourdir la charge administrative sur les écoles.

Sur le budget dégagé pour cette nouvelle politique, la ministre rappelle qu'il s'agit de 2,6 millions d'euros consacrés (alors qu'en début de législature, il s'agissait de 411.000 euros pour les appels à projets). Le budget a donc été multiplié par six.

Dans un budget excessivement serré qu'est celui de la FWB, il est évident que cela témoigne du fait que le climat scolaire est une politique essentielle (dont les partenaires du gouvernement étaient unanimes pour considérer qu'il s'agissait d'un enjeu urgent et important).

Ces moyens seront employés pour :

- Financer structurellement les opérateurs qui seront agréés – autour de 60% de l'enveloppe ;

- Octroyer une période à chaque école participante durant toute la durée du programme – autour de 30% de l'enveloppe ;

Les 10% restant de l'enveloppe serviront à :

- Créer et assurer le fonctionnement de l'Observatoire du climat scolaire;

- Financer les formations complémentaires qui seraient mises en place par l'observatoire du climat scolaire ;

- Organiser des temps d'intervision entre les écoles engagées dans un programme-cadre.

Sur le risque de perte d'autonomisation des équipes éducatives, la ministre répond que tel n'est guère l'objectif. Au contraire, l'Observatoire du climat scolaire et les opérateurs sont amenés à apporter les connaissances et les outils qui permettront aux écoles de s'approprier les informations, les techniques avec lesquelles elles pourront agir, sans devoir dépendre d'une aide extérieure dès qu'une situation particulière émerge. Le but est, pour rappel, de permettre aux écoles d'être, après 4 ans, en totale autonomie dans la prise en charge des situations de harcèlement. La prise en charge (diagnostic, plan d'action, mise en œuvre) témoigne d'une volonté d'aider.