Intervention sur le projet de décret relatif à l'accompagnement personnalisé

07/07/2022

Intervention sur le projet de décret relatif au dispositif de l'accompagnement personnalisé et portant diverses mesures accompagnant la mise en œuvre du Tronc commun, et octroyant des moyens aux écoles de l'enseignement primaire pour apporter un soutien pédagogique et éducatif ciblé et renforcé aux élèves

Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR).- Au nom du groupe MR, Mme Cortisse relève tout d'abord que l'accompagnement personnalisé, qui est prévu tant par le Pacte pour un enseignement d'excellence que dans la DPC, a pour but de renforcer la maîtrise des savoirs de base et de lutter contre les inégalités, l'échec et le décrochage scolaire, ce qui est évidemment essentiel pour améliorer la qualité de notre enseignement. En effet, le but est d'éviter le redoublement en permettant que les difficultés rencontrées par les élèves soient, au plus tôt, repérées, diagnostiquées et traitées par des approches différenciées.

La députée souligne et salue qu'au lieu de 2 périodes hebdomadaires dans la grille horaire des élèves de P1 et P2 comme prévu initialement, ce ne sont pas moins de 4 périodes hebdomadaires d'accompagnement personnalisé qui seront octroyées. Il est en effet essentiel de remédier aux difficultés d'apprentissage dès le plus jeune âge, spécifiquement en ce qui concerne les apprentissages de base, comme la lecture et l'écriture.

Afin de garantir la trajectoire budgétaire du Pacte, elle relève que le gouvernement a notamment prévu de réorienter le financement des périodes actuelles de "P1-P2" vers l'accompagnement personnalisé. Il est heureux à cet égard, et après concertation des acteurs de terrain dont les directions représentées par le Groupe interréseaux des directions de l'enseignement fondamental (GIRDEF), d'avoir prévu une année de transition en 2022-2023 durant laquelle l'utilisation des périodes P1-P2 actuelles aux fins de l'accompagnement personnalisé ne sera pas rendue obligatoire, pour des raisons de souplesse organisationnelle. L'oratrice note que la ministre a d'ailleurs déjà pu le confirmer aux acteurs de l'enseignement par circulaire du 10 juin dernier.

La députée se demande néanmoins en quoi les périodes d'accompagnement personnalisé diffèreront-elles concrètement des périodes P1-P2 actuelles, en vue d'une amélioration de la qualité de l'enseignement, et quelles balises seront fixées pour que ce nouveau dispositif soit mieux contrôlé sur le terrain que l'utilisation des périodes P1-P2 actuelles et quelles en seraient les éventuelles sanctions en cas de manquement.

Elle relève qu'il est par ailleurs prévu que les périodes AP (4 périodes hebdomadaires en P1-P2 puis de 2 périodes hebdomadaires de la P3 à la P6) bénéficient à tous les élèves sans exception. Si ces périodes seront précieuses pour les élèves en difficulté qui se verront dispenser de la remédiation immédiate, comment seront-elles utilisées à bon escient pour les élèves qui n'éprouvent pas de difficultés particulières ? Il est alors fait mention de "consolidation" ou de "dépassement" des apprentissages. La députée souhaite savoir si cela permet d'enseigner de la matière supplémentaire. A priori, la réponse serait négative mais il conviendrait de s'assurer que les élèves qui n'éprouvent pas de difficulté particulière ne "s'ennuient" pas durant ces périodes AP.

Actuellement, le décret ne concerne que l'AP en primaire et sera mis en œuvre progressivement avec l'implémentation du nouveau Tronc commun. Rappelant que des expériences-pilotes ont été menées entre janvier 2019 et juin 2021 de la P1 à la S2 afin de préciser les modalités d'octroi des périodes supplémentaires permettant la mise en œuvre de l'AP et les balises d'utilisation de ces périodes supplémentaires en classe, la députée en sollicite le rapport d'évaluation pour l'enseignement secondaire.

Rappelant encore qu'en ce qui concerne l'enseignement maternel, un dispositif spécifique autre que l'accompagnement personnalisé est prévu par le Code de l'enseignement et prévoit que deux périodes hebdomadaires seront consacrées à l'identification des difficultés d'apprentissage liées à la langue d'apprentissage et l'apprentissage de la culture scolaire des élèves, la députée souhaite savoir si une évaluation d'un tel dispositif a déjà pu être réalisée et ce qu'il en ressort en termes d'efficacité.

Le dispositif d'AP nécessitera l'engagement de 425 ETP supplémentaires en 2022-2023 pour arriver à 1.657 ETP supplémentaires en vitesse de croisière en 2025-2026. Compte tenu du contexte actuel de pénurie, la députée s'interroge quant aux mesures spécifiques destinées au recrutement de personnel enseignant ou logopède dans le cadre de l'AP et se demande s'il ne conviendrait pas de faire appel aux membres du personnel en disponibilité par défaut d'emploi ou en perte partielle de charge.

Ce dispositif nécessitera un changement de paradigme dans le chef des enseignants, en place ou de ceux recrutés pour les périodes d'accompagnement personnalisé, qui devront tous s'habituer à pratiquer le co-enseignement et la remédiation-consolidation-dépassement (RCD). Relevant les propos de la ministre en Commission du 14 septembre 2021, "cette configuration de travail novatrice implique pour les enseignants d'importants changements de conception et de culture, qu'il va falloir accompagner en matière de formation, d'outillage didactique et pédagogique, mais aussi d'engagement de personnel chargé de l'accompagnement personnalisé", la députée souhaite savoir si des formations au co-enseignement et à la remédiation-consolidation-dépassement (RCD) seront prévues et si de nouveaux outils didactiques et pédagogiques seront mis à la disposition des enseignants.

D'un point de vue budgétaire, la députée s'interroge quant aux conséquences de ce nouveau dispositif, non seulement en termes de coûts initiaux et progressifs, mais également en termes "d'effet retour" attendu, notamment via la diminution des redoublements.

Elle note que le montage financier prend en compte non seulement les périodes P1-P2 actuelles, mais aussi le budget alloué aux élèves à coefficient 1,5 et encore le solde net de la mesure de renforcement des langues en P3-P4.

En outre, elle se demande si une évaluation de ce nouveau dispositif est prévue et si oui, à quels intervalles.

Évoquant ensuite le lien étroit avec le Dossier d'Accompagnement de l'Élève (DAccE) voté le 30 mars dernier et dont l'entrée en vigueur, reportée, a été fixée à la rentrée scolaire de septembre 2023, la députée se demande comment ce dispositif sera concrètement articulé avec l'AP et si les enseignants sont déjà formés à ce nouvel outil.

Enfin, la députée relève que le Pacte prévoit un "dispositif spécifique de différenciation" lorsque les difficultés d'apprentissage persistent pour certains élèves. Elle souhaite en obtenir davantage d'informations (modalités, calendrier de travail et date d'entrée en vigueur).

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation.-

1- Répondant tout d'abord à Mme Cortisse, la Ministre précise que le complément de périodes P1-P2 a été créé en 2005 dans la foulée du "Contrat pour l'école" porté par la ministre-présidente, alors en charge de l'Enseignement obligatoire, Marie Arena.

Ce complément constitue un supplément de 6, 9 ou 12 périodes octroyé au 1er octobre à chaque implantation qui accueille des élèves de P1 ou P2, pour autant que l'école ou l'implantation à comptage séparé compte plus de 50 élèves au niveau primaire au 15 janvier de l'année qui précède. Ce dispositif devait permettre d'offrir un encadrement pédagogique qui puisse être utilisé à la réduction permanente ou temporaire de la taille des groupes-classes ou à l'engagement de "maitres de remédiation" intervenant en dehors de la classe ou en son sein. En d'autres termes, ce dispositif devait permettre un soutien à la réussite aux élèves de P1-P2 par le biais de meilleures conditions d'encadrement pour ces élèves. Elle note qu'il s'agit précisément de la philosophie poursuivie par l'accompagnement personnalisé.

Néanmoins, ces deux dispositifs se distinguent sous plusieurs aspects :

  • Tout d'abord, les implantations comptant moins de 50 élèves étaient systématiquement exclues du complément de périodes P1-P2 alors qu'elles bénéficieront bien de capital-période supplémentaire dans le cadre de l'accompagnement personnalisé ;
  • Ensuite, les modalités d'octroi du complément de périodes P1-P2 sont particulièrement complexes et aléatoires. Ainsi, un élève de plus (ou de moins) pouvant parfois générer 3 ou 6 périodes de plus (ou de moins). Les périodes AP ne fonctionnent pas selon un principe de seuils et seront octroyées dès le premier jour de la rentrée scolaire afin d'offrir aux écoles une meilleure prévisibilité.

Par ailleurs, dans les faits, il s'avère que le complément de périodes P1-P2, dont elle ne remet pas en cause l'utilité, ne remplissait pas toujours la fonction première et initiale qui lui était destinée. Dans le cadre de l'AP, des balises d'utilisation claires sont énoncées (comme par exemple l'interdiction d'opérer un dédoublement de classe complet et permanent) et une procédure de contrôle et de sanction est prévue, de telle sorte que la possibilité de « dévoiement » de ces périodes sera considérablement restreinte.

  • Enfin, les dispositifs de différenciation et d'accompagnement personnalisé s'inscrivent dans une approche évolutive de la prise en charge des besoins et des difficultés d'apprentissage. Si le complément de périodes P1-P2 visait également certainement la lutte contre l'échec et le redoublement, il ne participait pas activement au tournant opéré en la matière dans le cadre du Pacte pour un enseignement d'excellence, qui initie une réforme systématique.

Dès lors, ces périodes d'accompagnement personnalisé apporteront surtout de la stabilité et de la prévisibilité par rapport aux anciennes périodes P1/P2.

2- En ce qui concerne le dépassement et la consolidation des matières et l'évitement de l'ennui chez certains élèves, la ministre précise qu'afin de mieux gérer l'hétérogénéité des classes, le Pacte pour un enseignement d'excellence initie une dynamique globale de différenciation. La différenciation est essentielle car il n'y pas deux apprenants qui progressent à la même vitesse, qui résolvent les problèmes ou soient motivés de la même manière, et qui acquièrent les apprentissages visés en même temps.

Pour les élèves qui maîtrisent déjà les apprentissages en cours, des activités de dépassement peuvent leur être proposées dans le but d'éviter l'ennui, également générateur d'échec. Ces activités de dépassement devront toujours être proposées de façon temporaire et limitées dans le temps, en fonction des besoins des élèves à un moment donné.

Elles peuvent être réalisées en autonomie ou en groupe. Toutefois, il est important que les groupes de niveau ainsi formés soient temporaires eux aussi. Il ne s'agit nullement de donner de façon systématique des exercices difficiles aux "bons élèves" et de proposer des activités de remédiation aux élèves en difficulté. La mise en œuvre de groupes de niveaux pérennes a en effet des répercussions négatives sur le climat de la classe, la motivation des élèves et l'apprentissage du groupe-classe.

La mise en place de binômes ou de groupes hétérogènes peut également répondre aux besoins de dépassement de certains élèves. Au sein de ces groupes, les élèves qui ont déjà acquis l'apprentissage visé peuvent être amenés à expliciter leur démarche auprès des élèves en difficulté. Cette collaboration amène à développer l'entraide entre pairs, dans une optique de progression collective plutôt que de compétition.

En tout état de cause, afin d'assurer un enseignement plus équitable et pour ne pas accentuer les différences entre élèves, il importe de proposer des activités de dépassement sans aborder de nouveaux contenus d'apprentissage.

Il s'agira donc pour l'enseignant d'aménager et d'adapter aux besoins identifiés: les contenus sur lesquels portent les tâches données aux élèves, les types de supports utilisés, les ressources mises à disposition, les tâches à réaliser ou encore les méthodes de résolution proposées.

Par exemple, il pourrait s'agir, en français, de donner la possibilité de travailler les mêmes compétences et les mêmes apprentissages à partir de textes-sources plus résistants ou d'un corpus de textes augmenté. En mathématiques, s'il est question de s'exercer au calcul mental, on pourrait donner plus de calculs à résoudre dans le même temps que les autres élèves, ou proposer un défi, un problème plus complexe.

En conclusion, il est primordial que les nouvelles matières continuent à être enseignées au sein du groupe-classe.

3- Des expériences-pilotes ont été menées de septembre 2019 à juin 2021 dans 35 écoles au premier degré de l'enseignement secondaire. Elles ont permis de tester, avec l'appui de chercheurs issus de Hautes Écoles et d'Universités, différents dispositifs, outils et pratiques qui devront nourrir et permettre les fondamentaux de l'accompagnement personnalisé qui sera déployé dans les trois premières années du secondaire.

Contrairement aux expériences-pilotes menées dans le fondamental, qui visaient l'apprentissage de la lecture de la 3ème maternelle à la 2ème primaire, les expériences-pilotes du secondaire visaient des obstacles d'apprentissage identifiés en français, mathématiques, sciences et langues modernes.

Les conclusions de cette expérience-pilote identifient notamment cinq axes d'actions prioritaires indispensables pour soutenir l'implémentation de dispositifs de différenciation et d'accompagnement personnalisé : informer, sensibiliser, outiller, former et accompagner. L'analyse plus détaillée des résultats de la recherche devra inspirer la modélisation de l'accompagnement personnalité en première, deuxième et troisième secondaires à partir de l'année scolaire 2026-2027.

4- En ce qui concerne l'évaluation des deux périodes proposées dans le maternel, la ministre expose que, dans la grille-horaire indicative de l'enseignement maternel, il est en effet prévu explicitement, à l'article 2.2.1-5 du Code, que deux périodes parmi les dix réservées à la langue française soient dédiées à l'identification des difficultés liées à la langue des apprentissages.

À ce stade, il n'existe pas d'évaluation formelle de l'organisation de ces deux périodes. Le Service général de l'Inspection pourrait être chargé d'une mission en lien avec cette évaluation, mais il faut prendre en compte le fait que :

  • ce dispositif est nouveau : il faut laisser du temps pour que les instituteurs et institutrices s'approprient le référentiel de Compétences initiales - il s'agit de la première fois qu'un tel référentiel a été mis en place ;
  • par ailleurs, aujourd'hui, seuls les programmes de maternel du SEGEC et de la FELSI ont été adoptés par AGCF - le CECP et WBE devraient disposer d'un programme commun mais il n'a pas encore pu être adopté par AGCF ;
  • enfin, les trois années de crise sanitaire devront être prises en compte dans le monitoring global du Tronc commun.

Il n'y a effectivement pas d'accompagnement personnalisé prévu en maternel, le choix ayant été fait à la faveur d'un renforcement plus global de l'encadrement, qui est passé d'une moyenne de 15,3 à 12,8 élèves par ETP, grâce à la création de plus de 1.100 postes supplémentaires en 2017.

De plus, les 2ème et 3ème maternelles ont bénéficié, ces deux dernières années, de moyens supplémentaires dans le cadre du dispositif FLA. Les 3èmes maternelles continueront à en bénéficier, même après le resserrement du dispositif, opéré dès l'année scolaire prochaine.

5- Revenant aux nombreuses questions relatives à l'engagement d'ETP supplémentaires dans un contexte de pénurie, la ministre annonce que les périodes d'accompagnement personnalisé, qui mobiliseront à terme 1.657 ETP dans l'enseignement primaire, permettront non seulement de la création nette d'emplois, mais aussi de compléter la charge-horaire de certains membres du personnel.

Par ailleurs, ouvrir l'activité à plusieurs fonctions (notamment logopèdes) permet de diversifier les profils recherchés, notamment en cas de pénurie.

Enfin, la ministre relaie que le gouvernement a approuvé en première lecture l'avant-projet de décret instituant un dispositif expérimental créant un pool local de remplacement pour l'année scolaire 2022-2023, et contenant des mesures diverses en vue de lutter contre la pénurie d'enseignants. Comme M. Vossaert l'a rappelé, la pénurie des enseignants est un combat complexe et transversal, qui touche divers dispositifs.

Il faut aussi garder à l'esprit qu'en P3-P4, lorsque les périodes de langues seront inscrites dans l'horaire de tous les élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles, leurs instituteurs et les institutrices seront "libérés" de deux périodes de cours par semaine. Ce sont ces membres du personnel qui assureront les périodes d'accompagnement personnalisé en P3-P4. Les membres du personnel qui devaient parfois compter des "périodes de fourche" dans leur horaire en auront probablement moins.

Chaque pouvoir organisateur aménagera ses attributions dans le respect des dispositions statutaires, de manière autonome. Certes, il sera parfois plus difficile d'organiser les horaires pour un petit PO que pour un PO de taille plus importante.

Ajoutant encore que les engagements liés aux périodes Covid pourront potentiellement être récupérés et que nous avons entamé une décroissance démographique dans le maternel et les premières années primaires, la ministre conclut à ce qu'il ne devrait pas y avoir de difficultés particulières pour l'année prochaine, même si cela est toujours difficile à anticiper.

Quant à savoir si des membres du personnel en disponibilité totale ou partielle de charge pourraient être rappelés pour prendre en charge les périodes d'accompagnement personnalisé, la ministre se réfère au décret du 3 mai 2019 portant diverses dispositions en matière d'enseignement obligatoire et de bâtiments scolaires, lequel prévoit qu'un arrêté ministériel fixant la liste des tâches pouvant être confiées au membre du personnel dans le cadre de sa mise à disposition doit être pris.

Un tel arrêté doit ainsi être pris pour l'enseignement subventionné fondamental et secondaire, ordinaire et spécialisé, ainsi que pour l'enseignement de promotion sociale.

Ceci permettra à la fois :

  • de fixer un cadre clair pour les pouvoirs organisateurs et les membres du personnel en disponibilité totale ou en perte partielle de charge ;
  • et d'établir des liens avec des missions ou activités mises en avant ou développées dans le cadre des travaux du Pacte (ex : missions collectives de Service à l'école et aux élèves, pratiques de différenciation, de co-intervention).

Lors de l'adoption en première lecture de l'avant-projet de décret « pool de remplacement et portant diverses mesures de lutte contre la pénurie », le gouvernement l'a également chargée de concerter les acteurs institutionnels sur ce projet d'arrêté ministériel.

À titre d'exemples, parmi les tâches potentielles qui pourraient être attribuées aux membres du personnel concernés, la ministre cite l'accueil et l'encadrement des enseignants débutants, le co-enseignement ou la co-intervention, l'accompagnement et le soutien aux élèves à besoins spécifiques, etc.

Elle conclut à ce que l'objectif est donc bien de permettre à des membres du personnel en disponibilité totale ou partielle de prester des périodes d'accompagnement personnalisé.

6- Quant aux formations offertes aux enseignants, la ministre précise que la formation "Tronc commun/Référentiels" comprend un volet relatif à l'approche évolutive, à la différenciation dans les pratiques habituelles de la classe et à la différenciation lors des périodes d'accompagnement personnalisé. Elle concernait les enseignants de P1-P2 en 2021-2022 et concernera les enseignants de P3-P4 en 2022-2023.

Plus précisément, les contenus qui y sont abordés sont les suivants :

  • Que dit le code de l'enseignement au sujet de l'accompagnement personnalisé?
  • Le co-enseignement, un dispositif de différenciation déjà expérimenté
  • Les configurations du co-enseignement et exercice d'analyse
  • À qui profite le co-enseignement ?
  • Témoignages d'enseignants
  • Le co-enseignement et vous - Dans votre pratique professionnelle, avez-vous déjà eu l'occasion d'expérimenter le co-enseignement ?
  • Avantages pour les élèves et avantages pour les enseignants
  • Les conditions pour un co-enseignement efficace

La ministre relève que, lorsque les enseignants ayant suivi la formation Tronc commun/Référentiels sont interrogés quant aux éléments marquants de cette formation et quant à ses principaux apports, 50% d'entre eux (soit 2.042 enseignants sur 4.891) mentionnent le co-enseignement. Sans doute y voient-ils ainsi une manière de modifier leur pratique.

Une future formation spécifiquement dédiée à l'approche évolutive devrait voir le jour. La demande du terrain est très forte à ce sujet mais rien n'est encore confirmé à ce stade. Des réflexions sont en cours afin de déterminer les apports respectifs des acteurs réseaux et inter-réseaux.

  • A priori, le niveau inter-réseaux aborderait le sens, les enjeux et la philosophie du co-enseignement, ses fondements scientifiques, les balises, références et pratiques professionnelles communes en la matière ainsi que les différentes possibilités de mise en œuvre.
  • Le niveau réseau s'inscrirait plutôt dans le réinvestissement et la mobilisation des balises communes, les choix méthodologiques et l'inscription contextualisée du co-enseignement, en lien avec la réalité spécifique de chaque école.

Le volet "formation" doit par ailleurs s'accompagner d'un volet "outillage" pour aider les enseignants à mettre en œuvre les pratiques de différenciation et d'accompagnement personnalisé dans leurs classes.

Les FPO et WBE offrent un soutien en la matière par le biais des conseillers au soutien et à l'accompagnement.

Le pouvoir régulateur met également à disposition des équipes éducatives de multiples ressources sur e-classe. Des fiches-infos et des fiches-outils sont d'ores et déjà disponibles. Il est enfin certain que la plateforme continuera à être alimentée en documents utiles au fur et à mesure.

7- En ce qui concerne les éléments budgétaires liés à ce dispositif, la ministre déclare que 38,8 millions d'euros non indexés sont prévus dans le cadre de la trajectoire budgétaire du Pacte pour un enseignement d'excellence. Deux tiers sont consacrés aux périodes d'accompagnement personnalisé dans l'enseignement primaire dès l'année scolaire 2022-2023 et un tiers sera consacré aux périodes AP dans les trois premières années de l'enseignement secondaire dès l'année scolaire 2026-2027.

En termes de périodes injectées et d'ETP créés, elle précise tout d'abord qu'il est toujours difficile d'établir des projections chiffrées dans la mesure où elles se basent sur des données figées de la population scolaire à un instant T, sans tenir compte des évolutions démographiques, qui révèleront des tendances baissières dans les prochaines années.

Moyennant la prise en compte de ces précautions méthodologiques, elle précise que :

  • l'injection de moyens AP en 2022-2023, qui correspond à une année transitoire où seuls les élèves de P1-P2 sont concernés et où la redirection des périodes P1-P2 est gelée, correspond à 10.213 périodes, soit 425 ETP, qui seront octroyés à 2.480 implantations. Il s'agit ici de création nette d'emplois.
  • en 2023-2024, lorsque l'AP concernera les élèves de la P1 à la P4 et que les périodes P1-P2 seront bien redirigées, 33.362 périodes, dont 15.494 périodes P1-P2 redirigées (soit près de 35 millions d'euros) seront injectées, soit 1.390 ETP (qu'il faut ici mettre en lien avec la mesure liée à l'implémentation de l'apprentissage d'une seconde langue dès la P3, en cours de modélisation) ; Ces 15.494 périodes correspondent à 14.121 périodes P1-P2 + 1.373 périodes qui étaient octroyées aux élèves à coefficient 1,5.

Ces périodes permettent de quasiment doubler les moyens ainsi disponibles pour faire de l'AP en P1-P2 - raison pour laquelle les exigences en termes de prescrit-horaire pour la période transitoire ont été divisées par deux. Il s'agissait dès lors de rendre le dispositif encore plus efficient que celui imaginé au départ.

  • en vitesse de croisière, dès 2025-2026, lorsque l'AP sera complètement déployé dans l'enseignement primaire ordinaire, 39.763 périodes (soit plus du double des moyens octroyés dans le cadre des périodes COVID : 16.106 périodes) mobiliseront 1.657 ETP.

En termes d'effet-retour:

En 2023-2024, la trajectoire budgétaire du Pacte pour un enseignement d'excellence prévoit 29,49 millions d'euros pour l'accompagnement personnalisé. En termes de réduction du redoublement, l'effet-retour attendu est de 10,15 millions d'euros.

En 2025-2026, une fois l'AP implémenté dans toutes les années du niveau d'enseignement primaire, la trajectoire budgétaire du Pacte prévoit 44,2 millions d'euros pour l'AP, avec un effet-retour attendu de 27,35 millions d'euros.

8- Répondant ensuite aux questions relatives à l'évaluation/monitoring du nouveau dispositif, la ministre annonce que le contrôle et l'effectivité des dispositifs de différenciation et d'accompagnement personnalisé - et des périodes AP en particulier - est assuré par un ensemble de balises inscrites dans le projet de décret.

Certaines balises sont directement contraignantes, d'autres constituent des incitants plus informels.

Dans tous les cas, l'ensemble articulé de ces différentes balises constitue autant de garanties contre le « dévoiement » des moyens par les écoles, qui seraient tentées de détourner le capital-période octroyé des objectifs premiers qui lui sont assignés - à savoir le soutien aux apprentissages des élèves.

Les écoles seront, par exemple, tenues de déclarer l'utilisation des périodes AP à l'aide d'un encodage précis dans les documents 12 des membres du personnel (il s'agit des documents qui précisent les attributions des membres du personnel). À cet égard, la ministre demandera aux directions et à leurs équipes administratives une attention soutenue dans la rédaction de ces documents - il s'agit là d'un élément essentiel pour que le pouvoir régulateur puisse suivre au mieux les attributions de ces périodes.

Une procédure de plainte et de sanction est également prévue en cas de manquement ou de violation des conditions d'organisation des périodes AP.

Ces conditions renvoient notamment au respect de l'intensité variable de l'AP et au prescrit-horaire défini à l'article 2.2.1-4, § 3 du Code, complété par l'article 3 du projet de décret. La grille-horaire indicative applicable dans l'enseignement primaire prévoit ainsi quatre périodes AP hebdomadaires en P1-P2 (dont deux organisées de manière transversale) et deux périodes de la P3 à la P6.

Une autre condition d'utilisation concerne la modalité organisationnelle minimale à appliquer, définie à l'article 5 du projet de décret. Les écoles devront garantir la présence de trois intervenants au bénéfice de deux classes pendant quatre ou deux périodes par semaine.

Il est par ailleurs clairement établi ce que les écoles peuvent faire avec l'éventuel surplus de périodes AP octroyées et comment elles peuvent combler un déficit de moyens en recourant aux périodes de reliquat, d'adaptation et d'encadrement différencié.

Enfin, le projet de décret détermine les fonctions éligibles dans le cadre de l'AP ainsi que les règles statutaires applicables pour ces emplois.

Dans un autre registre, les dispositifs de différenciation et d'accompagnement personnalisé devront être décrits dans les contrats d'objectifs des écoles. Ils participeront de ce fait pleinement à l'évaluation intermédiaire et l'évaluation finale réalisées par les DCO.

Cette évaluation pourra reposer sur les cinq balises énoncées dans le commentaire d'articles et l'exposé des motifs. Elles fondent toute la philosophie de la réforme, qui ne peut mener à l'externalisation systématique de la prise en charge des difficultés d'apprentissage ni à la création de groupes de besoin pérennes.

Il ne s'agit bien entendu pas non plus de capitaliser sur les périodes AP pour préparer les évaluations sommatives. Au contraire, c'est l'évaluation formative et diagnostique qui doit servir de tremplin à une approche évolutive des besoins d'apprentissage. Il s'agit d'apporter aux élèves un soutien adapté, continuellement réévalué, et ajusté le cas échéant.

En termes de monitoring, ou d'évaluation de politique publique, l'évaluation de la mise en œuvre de l'AP s'intègrera au monitoring du déploiement du nouveau Tronc commun. L'article 2.6.1-1 du Code de l'enseignement prévoit une évaluation annuelle des effets de la nouvelle organisation de l'enseignement à partir de l'année scolaire 2022-2023, sur base d'un rapport de la Commission de pilotage. Ce rapport, qui doit être soumis au parlement par le gouvernement, portera notamment sur "l'effectivité et l'efficacité des dispositifs de différenciation et d'accompagnement personnalisé, ainsi que le développement d'outils didactiques favorisant cette différenciation".

Elle annonce enfin qu'elle concertera prochainement la DGPSE pour évaluer si et comment le Service général de l'Inspection pourrait également mener une mission spécifique en la matière.

9- En ce qui concerne le lien entre l'accompagnement personnalisé et le Dossier d'accompagnement de l'Elève (DAccE), la ministre rappelle que le DAccE est un outil de suivi des apprentissages rendu obligatoire à partir de la rentrée scolaire 2023-2024 pour tous les élèves qui présentent des difficultés d'apprentissage persistantes.

Le lien avec l'accompagnement personnalisé structurel est établi dès lors que le DAccE devra référencer les actions mises en place par les équipes éducatives, telles que, par exemple, un soutien complémentaire pendant les périodes d'AP, afin de permettre à l'élève de dépasser ses difficultés d'apprentissage.

L'encodage rendu possible par le DAccE permettra non seulement d'assurer un suivi des dispositifs pendant toute l'année scolaire, mais aussi d'informer l'équipe éducative de l'année scolaire suivante, sur ce qui aura été mis en place pour l'élève l'année précédente, ce qui aura fonctionné et ce qu'il faudrait continuer à mettre en place.

Le DAccE sera implémenté de façon généralisée aux élèves de la P1 à la P4 et ensuite progressivement au rythme du Tronc commun.

Concernant plus spécifiquement la formation des enseignants au DAccE, une série d'actions de soutien et de supports d'information ont été prévues et ont démarré pour accompagner la mise en œuvre du DAccE : de nombreux webinaires et des séminaires dans les 10 zones, des supports divers comme un guide d'utilisation, un tutoriel, une FAQ, des fiches info visuelles (utilisateur parents, utilisateurs enseignants), des capsules vidéos, un helpdesk. Les premiers webinaires ont déjà commencé.

Elle ajoute enfin que les enseignants vont pouvoir tester l'outil durant l'année scolaire prochaine.

10- Pour les élèves présentant des difficultés d'apprentissage persistantes, un suivi plus approfondi sera obligatoirement mis en place, le plus tôt possible dans l'année scolaire, via des dispositifs dits "spécifiques et complémentaires".

Les dispositifs spécifiques complémentaires seront mis en place de manière concertée au sein de toute l'équipe éducative (c'est-à-dire le titulaire, la personne AP, l'agent PMS le cas échéant, etc.) ainsi qu'avec les parents. Ils seront évalués collectivement une à deux fois dans l'année scolaire, en fonction de la période à laquelle ils auront été mis en place, puis encodés obligatoirement dans le DAccE.

Concrètement, ces modalités particulières de différenciation seront développées de manière plus systématique et plus intensive dans les pratiques habituelles de la classe ainsi que lors des périodes d'accompagnement personnalisé. Les moyens dégagés dans le cadre de l'AP doivent donc également permettre d'alimenter les dispositifs spécifiques complémentaires.

Il s'agira, le cas échéant, de mobiliser des intervenants extérieurs à la classe ou d'intervenir en dehors du cadre habituel des apprentissages. Les dispositifs spécifiques complémentaires pourraient donc prendre la forme de groupes de besoin externalisés, d'intervention intensive et individualisée par le co-intervenant AP, d'adaptation de l'environnement de la classe, d'adaptation de l'espace, d'adaptation du temps, d'adaptation des ressources et des supports, d'adaptation des productions de l'élève, d'adaptation des processus d'apprentissage, etc.