Intervention sur le projet de décret relatif à l'évaluation des enseignants

06/07/2023

Projet de décret relatif au soutien, au développement des compétences professionnelles et à l'évaluation des personnels de l'enseignement (n°568 (2022-2023))

Stéphanie Cortisse, Députée (MR).-  Dans le cadre de l'examen du présent projet de décret, Mme Cortisse souhaiterait fortement mettre l'accent sur trois composantes. En effet, souligne la députée MR, il n'est pas uniquement question d'une évaluation, mais aussi d'un mécanisme systématique de soutien et de développement des compétences professionnelles des enseignants.

L'instauration d'un tel mécanisme fait suite à de multiples retours et études qui montrent que l'une des sources du mal-être des enseignants est de se retrouver trop isolés dans l'exercice de leur métier. Ils ne reçoivent jamais de retours positifs ou négatifs sur la façon dont ils exercent leur métier ou à propos des réalités spécifiques et concrètes qu'ils vivent dans les classes.

En outre, un grand nombre de jeunes enseignants quittent la profession dans les cinq premières années, notamment parce que l'accompagnement, lors de leurs premiers pas dans le métier, est insuffisant. En effet, après leur formation initiale, ils sont plongés dans la réalité scolaire sans accompagnement et sans feedback.

La possibilité de bénéficier d'un plan de développement des compétences professionnelles tend à répondre à ces difficultés et constituera également une opportunité pour les membres du personnel non pas de devenir de « simples exécutants » comme le prétend le PTB, mais d'améliorer leurs compétences, approfondir leurs connaissances et ses pratiques.

Si cette réforme fait couler beaucoup d'encre, la députée rappelle qu'elle était expressément prévue, dans ses deux volets, par l'avis n°3 du Groupe central du Pacte pour un Enseignement d'excellence, qui a été rédigé en 2017 et qui, précise-t-elle, est un grand équilibre qui a été négocié par tous les acteurs de l'enseignement, en ce compris par les organisations syndicales.

Le MR, comme le PTB ou Ecolo, n'était pas dans la précédente majorité, mais le Pacte, et il porte bien son nom, c'est un pacte. Et pour un parti comme le sien qui prend ses responsabilités, il faut effectivement respecter un pacte. Évidemment, comme l'a dit le Ministre-Président Jeholet, le Pacte n'est pas une bible, c'est une feuille de route, mais on se doit de l'appliquer dans toutes ses composantes et il y a des mesures qui plaisent ou déplaisent plus à certains ou à d'autres, mais c'est un pacte. Elle n'est pas vraiment étonnée que le parti populiste - pardon communiste - surfe sur la vague des diverses manifestations.

Comme elle l'avait déjà fait dans le cadre de questions orales posées tout au long de cette mandature, elle tient à rappeler que l'Avis n°3 prévoyait déjà expressément en 2017 -et elle cite- « que le processus d'évaluation des enseignants est essentiellement un processus d'évaluation formatif. Ce n'est qu'en cas de mauvaise volonté manifeste ou de carences manifestes et répétées par rapport aux points d'attention spécifiques et aux solutions identifiées avec le membre du personnel dans le cadre de la procédure d'évaluation formative qu'une procédure spécifique pourra être entamée dans un cadre strict et statutairement défini qui permettra de garantir le caractère impartial, exceptionnel et contradictoire de la procédure ».

La même oratrice souligne que l'Avis n°3 prévoit plus précisément qu' « un suivi des points d'attention et d'amélioration individuels est réalisé par le directeur ou, le cas échéant, le coordinateur pédagogique/enseignant expérimenté, selon une périodicité à déterminer, procédure d'évaluation formative. Ce suivi fait l'objet d'un document cosigné par les deux parties reprenant les points d'évolution positive et, le cas échéant, les points restant à améliorer.».

Le texte poursuit : « En cas de mauvaise volonté manifeste ou de carences manifestes et répétées par rapport aux points d'attention spécifiques et aux solutions identifiées avec le membre du personnel dans le cadre de la procédure d'évaluation formative, alors une procédure d'évaluation défavorable peut être enclenchée par le chef d'établissement ».Dans cette hypothèse, « on sort de la procédure d'évaluation formative pour entrer dans une procédure d'évaluation sommative, dont les modalités devront être définies dans un cadre statutaire. En toute hypothèse, ces modalités devront garantir en évitant les lourdeurs administratives l'impartialité de la procédure, son caractère contradictoire et exceptionnel. Dans cette hypothèse, l'évaluation sera menée par le pouvoir organisateur (PO) sur la base d'un rapport du directeur. Si le PO confirme la proposition du directeur, un recours pourra être intenté à l'encontre de chaque évaluation défavorable devant une instance tierce et impartiale. En cas d'évaluation défavorable, un entretien avec le PO et le directeur fixe des objectifs que le membre du personnel doit atteindre pour retrouver une évaluation favorable. Dans ce cas exceptionnel, la répétition de deux mentions défavorables consécutives sur deux années scolaires distinctes peut conduire à la fin de la relation de travail avec l'enseignant ».

Pour la parlementaire, tout cela démontre bien que la ministre et la présente majorité n'ont rien inventé : le projet de décret débattu aujourd'hui met en pratique et exécute l'avis n°3 du Pacte, en définissant les modalités.

Il est donc particulièrement malvenu et déloyal, de la part de certaines organisations syndicales ou du PTB, de faire croire le contraire et de propager des fake news et autres contre-vérités à propos de cette réforme auprès de leurs affiliés, comme c'est le cas depuis plusieurs mois.

Avec son groupe, la députée a rencontré les organisations syndicales ensemble ou séparément et un point l'a vraiment marquée : lors d'une rencontre avec des délégués syndicaux, certains ont été jusqu'à lui dire qu'avec le présent projet de décret, les directeurs ont une kalashnikov sous leur bureau, c'est dire comme de fausses informations sont véhiculées. Aujourd'hui, elle entend dire par le PTB qu'on va mener un « régime de la peur », c'est scandaleux. « Elle a en marre, les directions en ont marre » de ce discours des « gentils enseignants versus les méchants directeurs ». Ce sont tous des travailleurs, ils sont tous membres des équipes éducatives et ils mériteraient tous d'être défendus de la même manière. Les syndicats devraient représenter tous ces travailleurs, directions comprises, indique Mme Cortisse.

Certains acteurs de l'enseignement lui ont eux-mêmes fait part d'une campagne de désinformation sur le terrain. Ils regrettent l'image négative de leur profession que projettent les syndicats et le PTB en refusant l'évaluation des enseignants, alors qu'ils l'ont acceptée expressément dans le Pacte pour un Enseignement d'excellence. Au contraire, plus que jamais, le secteur a besoin d'une revalorisation de son image dans l'opinion publique et le présent projet de décret y contribue.

Pourquoi le secteur de l'enseignement serait-il le seul à ne pas être évalué alors qu'un processus d'évaluation est prévu partout ailleurs, que ce soit dans le secteur privé ou dans la fonction publique, interroge la parlementaire.

De ses rencontres de terrain, à l'une ou l'autre exception près, la quasi-totalité des directions estime que l'accompagnement et l'évaluation des enseignants sont indispensables. Si certaines directions disent regretter l'ancien rôle des inspecteurs, quasiment toutes reconnaissent toutefois que cette mission fait partie intégrante de leur corps de métier, dans le cadre du leadership pédagogique et éducatif qui leur est dévolu par le Pacte. D'ailleurs, de nombreuses écoles et PO procèdent déjà à des évaluations, lesquelles se déroulent très bien. Il ne faut toutefois pas à nouveau sous-estimer la (sur)charge de travail des directions, notamment administrative, et dès lors, si on souhaite qu'elles puissent pleinement se consacrer à leurs missions premières, dont l'accompagnement des enseignants, il faut poursuivre le travail visant à diminuer leur charge de travail, notamment via la simplification administrative, mais aussi les budgets supplémentaires dégagés pour une aide administrative et/ou éducative.

Mme Cortisse demande à Mme la ministre pourquoi n'avoir finalement prévu la possibilité pour la direction de déléguer à un membre du personnel expérimenté la mission d'accompagnement que dans les écoles secondaires, et pas dans les écoles fondamentales, alors que certaines écoles maternelles et primaires comptent un nombre important d'enseignants et que les directions du fondamental sont les premières à souffrir d'un manque d'aide administrative et logistique. Elle relève que la ministre a expliqué dans sa présentation que cela découlerait d'une volonté unanime des représentants des directions du fondamental. Or, sur le terrain, certains directeurs du fondamental pensaient pouvoir déléguer l'accompagnement à des enseignants expérimentés. La députée souhaiterait de plus amples explications sur ce point.

Elle voudrait par ailleurs rappeler que la procédure actuelle ne concerne que le disciplinaire et pas le pédagogique.

De plus, le texte ne prévoit aucun mécanisme d'évaluation par les pairs. Une possibilité de délégation du directeur vers un membre du personnel expérimenté d'au moins quinze ans ou un directeur adjoint est bien prévue pour le niveau secondaire, mais uniquement dans le volet dédié au soutien et à l'accompagnement. Ce volet reste néanmoins sous la responsabilité de la seule direction. Les directions et leurs délégués devront en outre avoir suivi une formation. Un délégué ou un pair ne pourra donc jamais poser un acte ou prendre une décision qui aurait des conséquences sur un de ses collègues ou sur un membre du personnel, encore moins un acte ou une décision qui lui permettrait de participer à l'évaluation d'un de ses collègues.

Pour Mme Cortisse, le texte envisage également la possibilité de voir survenir des situations pour lesquelles, malgré l'accompagnement renforcé proposé et éventuellement suivi, un enseignant continuerait de présenter des carences répétées et manifestes ou encore refuserait de suivre des formations qui lui seraient suggérées pour s'améliorer. Il s'agit ici bien entendu de situations exceptionnelles qui ne concerneraient qu'un nombre extrêmement faible de membres du personnel. Néanmoins, dans de tels cas, le second volet du texte pourrait se voir appliquer. Ce volet s'apparente à l'évaluation en tant que telle.

Il s'agit d'une procédure extrêmement encadrée. Elle s'étonne, dès lors, d'entendre le PTB reprocher à la ministre que la majeure partie du texte concerne le 2ème volet (évaluation) et pas le 1er volet (accompagnement). C'est normal, justement, estime la parlementaire libérale, c'est dans le 2ème volet que de nombreuses balises, précautions et protections sont mises en place pour les enseignants. Au contraire, il aurait été inquiétant que cela soit ce 2ème volet qui ne contienne que quatre articles. Elle remercie la ministre d'avoir bien développé le 2ème volet en prévoyant ces balises.

La procédure est très encadrée en vue de garantir les droits des membres du personnel et de les protéger face à l'arbitraire éventuel, et insiste sur l'éventuel, d'une direction ou d'un pouvoir organisateur (PO). Elle entend le PTB dire qu'il ne faut pas évaluer car on pourrait tomber sur un « méchant » directeur ; pourquoi cibler l'enseignement ? Il y a partout, dans tout secteur, parfois des personnes plus malveillantes, mais cela voudrait dire alors qu'on ne pourrait plus avoir de responsable ou d'évaluation dans n'importe quel secteur au risque de tomber sur quelqu'un de « méchant ». Cela n'a pas de sens pour l'oratrice.

Seul un pouvoir organisateur (qui devra lui aussi suivre une formation) sera habilité à mener cette démarche d'évaluation, par ailleurs, balisée par des possibilités de recours et la mise en place d'un plan individualisé d'accompagnement. Cette procédure est aussi protectrice que les autres permettant de mettre fin à la fonction d'un enseignant. Ce n'est qu'au terme de celles-ci, après deux évaluations défavorables consécutives par le pouvoir organisateur lors de deux années scolaires distinctes, qu'une fin de fonction pourrait être notifiée, précise encore la parlementaire.

Son groupe soutient donc cette réforme de nature à accompagner l'immense majorité des enseignants qui s'investissent dans leur métier, que ce soit par le dialogue ou par la formation en cours de carrière, qui est primordiale.

Toutefois, soucieuse également de répondre aux craintes que ce dispositif suscite auprès des équipes éducatives, elle souhaite donc que les procédures se déroulent dans le plus grand respect des membres du personnel enseignant, de leurs droits, que ce soit tant sur la forme, que sur le fond. À cet égard, elle sollicite dès à présent une information détaillée sur cette réforme à l'attention des équipes éducatives, mais également des modules de formation à l'évaluation ad hoc à l'attention de celles et ceux qui seront amenés à assumer cette mission. Son groupe et elle resteront très attentifs à ces aspects dans la mise en œuvre de la réforme.

Afin de démystifier la réforme, de lutter contre la propagation d'informations erronées et de restaurer la sérénité des débats, la députée pose les questions suivantes à Mme la ministre : Quelle information sera donnée aux équipes enseignantes, aux directions et PO à propos de ce projet de décret ? Quand cette information sera-t-elle diffusée ? Un volet relatif à l'évaluation des enseignants figurera-t-il bien sur le nouveau site internet dédié au Pacte ?

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Education.-  En réponse à la question de Mme Cortisse qui s'étonnait de la limitation au secondaire de la possibilité de délégation, la ministre précise que, comme énoncé dans son exposé général, le champ d'application de la possibilité de délégation prévue dans le cadre du développement des compétences professionnelles a été réduit au fil du parcours d'adoption du texte, pour ne viser désormais que l'enseignement secondaire. En effet, les représentants des directions de l'enseignement fondamental, tous réseaux d'enseignement confondus, ont exprimé la volonté unanime de se charger de mettre en place elles-mêmes le mécanisme de développement des compétences au vu notamment du nombre plus restreint de membres du personnel que dans les écoles d'enseignement secondaire. Ces représentants ont également insisté sur le fait que, dans le contexte d'une école maternelle et/ou primaire, la taille des équipes est souvent plus petite, ils estimaient que la mission d'accompagnement au développement des compétences professionnelles des enseignants et des enseignantes constituait le cœur du métier de directeur ou de directrice et qu'ils voulaient exercer eux-mêmes cette mission.

Concernant les informations aux équipes et aux directions, aux PO, pour restaurer la sérénité, outre les circulaires réglementaires qui seront publiées et dans lesquelles les devoirs des membres du personnel seront bien entendu détaillés, la ministre répond que des éléments de communication relatifs aux mécanismes de développement des compétences professionnelles à destination des tous les intervenants sont en préparation. Il est notamment prévu de faire un « vade-mecum » à l'image de ce qui avait été fait pour le travail collaboratif. Ce vade-mecum sera évidemment concerté et discuté avec les organisations syndicales, les fédérations de PO et WBE. Il s'agira bien d'une aide mise à disposition de tous et toutes afin de préciser clairement les objectifs visés et les possibilités de mise en place des mécanismes sous la forme de conseils, de recommandations ou d'exemples.

Stéphanie Cortisse, Députée (MR).-  Mme Cortisse remercie la ministre pour les éléments de précisions fournis et se réjouit que tous les partis démocratiques de ce parlement se rejoignent sur ce projet décret qui va dans l'intérêt des enseignants et non pas contre eux. C'est une reconnaissance supplémentaire de leur professionnalisme. Pourquoi s'obstiner dans le chef de certains à vouloir faire de l'enseignement un métier isolé dans ses pratiques, de l'ensemble des autres professions, privées ou publiques ? Il est normal qu'un directeur soit formé à la gestion des ressources humaines et d'ailleurs, déjà avant ce décret-ci, il y a plusieurs directions qui l'ont informée manquer d'une formation en ressources humaines, donc cela sera vraiment positif et cela rentre dans leur rôle. Faire croire le contraire du fait que la réforme est dans l'intérêt et non contre les enseignants est tout bonnement de la mauvaise foi. Il faut arrêter de faire peur aux enseignants par opportunisme. Il faut restaurer la confiance, mais c'est parce que d'autres se sont appliqués à instaurer la méfiance et la peur, et c'est vraiment dommageable. Pour le groupe MR, il faut, au plus vite, dûment informer les enseignants, directions et pouvoirs organisateurs pour mettre fin, enfin, aux contre-vérités.