Intervention sur le projet de décret relatif au parcours d'enseignement qualifiant

07/07/2022

Intervention sur le projet de décret relatif au parcours d'enseignement qualifiant (PEQ)

Mme Cortisse, Députée (MR).- Pour Mme Cortisse, l'enseignement qualifiant ne doit plus être perçu comme une filière de relégation, mais comme une filière de qualité menant vers l'émancipation et l'emploi. Elle rappelle que le vaste chantier n°5 de la réforme du qualifiant pour en faire une filière d'excellence comporte 3 dimensions, à savoir : la réorganisation des parcours de l'enseignement qualifiant, le renforcement du pilotage de l'enseignement qualifiant, et le renforcement des synergies enseignement-formation-emploi dont l'alternance auquel s'attèle le Ministre-Président Jeholet en collaboration avec les régions wallonne et bruxelloise.

Ainsi, le présent projet de décret relatif au parcours d'enseignement qualifiant (PEQ) concerne la première dimension.

Toutefois, ce PEQ ne préjuge en rien de ce que va devenir l'enseignement qualifiant après l'instauration du Tronc commun, et des réflexions doivent encore être menées sur l'avenir de l'ensemble des filières, options et formations qui composent notre enseignement tant professionnel qu'en technique de qualification.

Sur la réforme des trois années du qualifiant en une seule filière comme prévu par le Pacte pour un enseignement d'excellence, l'intervenante demande où en sont les travaux, quels en sont la méthodologie de travail et le calendrier.

Par ailleurs, en ce qui concerne la seconde dimension, à savoir le renforcement du pilotage de l'enseignement qualifiant, Mme Cortisse relève qu'il est prévu d'améliorer l'articulation de l'offre d'enseignement aux besoins de compétences sur le marché du travail, de réviser les processus décisionnels et d'introduire un processus de fermeture d'options, afin d'optimiser l'offre d'options en fonction de critères géographiques et de fréquentation. Elle restera, avec son groupe politique, très attentive à cette réforme capitale.

Sur le présent projet de décret, elle rappelle que, comme la ministre l'a déjà indiqué, l'évaluation du dispositif-pilote de la CPU a mis en évidence que les objectifs liés à une certification plus rapide et ceux liés au non-redoublement et à l'optimisation de l'utilisation des périodes complémentaires dans un processus de remédiation ne sont, en réalité, pas atteints. En outre, compte tenu des résultats de cette évaluation, mais aussi de la complexité administrative du système et de son coût important, il avait été constaté que la généralisation pure et simple à l'ensemble des options de base groupées (OBG) de l'enseignement qualifiant n'était pas envisageable.

Mme Cortisse constate que le projet de décret définit dès lors un nouveau parcours d'enseignement qualifiant qui conserve néanmoins les éléments bénéfiques de la CPU, notamment en ce qui concerne le principe de l'apprentissage modulaire en UAA, les principes de la remédiation ou le continuum pédagogique. À cet égard, le continuum a été modifié en ce sens qu'un élève régulier qui a suivi une 4e année complémentaire peut être autorisé à recommencer la 4e en cas de grandes difficultés pour la formation commune et l'OBG, et qu'un élève régulier qui a suivi une 5e année peut être autorisé à la recommencer en cas d'échec total ou en cas d'absence motivée de longue durée.

La commissaire souhaite connaitre les balises prévues pour assurer que les élèves valident leurs compétences au cours et au terme de leur parcours qualifiant, ainsi que les nouveautés de ce dispositif par rapport à la CPU. 

Elle demande aussi comment la médiation se concrétisera puisque le projet de décret ne génère plus de NTPP. Pourrait-il être fait appel aux membres du personnel en disponibilité par défaut d'emploi ou en perte partielle de charge ? 

Enfin, quelle est la différence entre le dossier d'apprentissage de l'élève et le futur DAccE, ou encore, le futur carnet de l'élève. Ces outils sont-ils complémentaires ? 

Mme Cortisse conclut en demandant des précisions sur les impacts de cette réforme en termes budgétaires.

La ministre rappelle tout d'abord le cadre dans lequel s'inscrit ce texte : faire du qualifiant une filière d'excellence. Dans le cadre des travaux du chantier 5 du Pacte, l'évaluation de la CPU était prévue afin de déterminer si sa généralisation était envisageable. Suite aux résultats des deux évaluations évoquées, tant quantitative que qualitative, il s'est avéré que les expériences pilotes n'atteignaient pas les objectifs de base, mais entrainaient une surcharge administrative conséquente, et que les périodes complémentaires ne servaient pas entièrement à la remédiation (à savoir, 30% remédiation, 30% C2D, C3D, 40% pour coordination). Dès lors, leur extension n'était budgétairement pas envisageable pour la FWB.

Mme la ministre convenant que ce n'est peut-être pas le moment idéal pour réformer l'enseignement qualifiant, précise que si ce nouveau parcours s'articule sur les 4e, 5e et 6e années, le dispositif ne préjuge en rien de l'arrivée du Tronc commun. En implémentant ce nouveau parcours sur 3 années (4e, 5e et 6e), il vise à s'intégrer, d'un point de vue organisationnel, au futur après-Tronc commun. Il s'appuie par ailleurs sur l'avis rendu par le Conseil général de l'enseignement par rapport aux évaluations, ayant mis en lumière les aspects positifs de la CPU.

La ministre répond que ce nouveau parcours d'enseignement qualifiant est mis en œuvre pour deux raisons essentielles nécessitant une réforme sans attendre 2029. Premièrement, le dispositif expérimental CPU était prévu jusqu'en juin 2022 et il fallait évaluer celui-ci et décider ou non de le généraliser. Deuxièmement, depuis 2012, avec le dispositif expérimental de la CPU, deux systèmes distincts coexistaient, l'un pour les options de base groupées en CPU et l'autre pour les options de base groupées hors CPU, basés sur des principes d'organisation distincts en matière de sanction des études, d'évaluation, de durée du parcours d'enseignement et de suivi de l'élève. Dès lors, ils étaient extrêmement compliqués à organiser simultanément pour les écoles. Le PEQ vise à harmoniser ces deux systèmes.

Elle estime aussi que le post-Tronc commun nécessite une analyse fine et la réalisation de travaux conjoints entre différents chantiers du Pacte. Actuellement, il est impossible de proposer un nouveau parcours qui puisse présager de l'après-Tronc commun. Néanmoins, l'idée n'est pas non plus de tout modifier à l'après-Tronc commun.

À l'attention de Mme Cortisse, elle précise que des réflexions doivent encore être menées au niveau du chantier 5 sur l'avenir de l'ensemble des filières, options et formations qui composent notre enseignement, tant professionnel qu'en technique de qualification, en ce compris l'enseignement artistique.

Sur les balises destinées à s'assurer que les élèves valident leurs compétences au cours et au terme de leur parcours, la ministre rappelle que ceux-ci seront évalués de façon formative et certificative, que la formation est modulaire et que les élèves valident progressivement les compétences au travers d'unités de qualification dans le cadre des épreuves de qualification. Tout au long de leur cursus de formation, des processus de remédiation seront proposés aux élèves en difficulté, la 4e année complémentaire constituant une balise sur laquelle l'équipe éducative pourra s'appuyer pour permettre à l'élève qui serait en difficulté de bénéficier d'une année supplémentaire pour remédier à ses difficultés et se remettre à niveau pour entamer ses 5e et 6e années plus sereinement lors de la suite de son parcours. Dans des cas exceptionnels, lorsque l'élève est en grande difficulté, le conseil de classe a la possibilité de faire tripler l'élève si cela s'avère vraiment nécessaire.

D'autre part, la ministre explique que le continuum pédagogique constitue une autre balise dans la mesure où l'élève a deux ans pour acquérir les compétences visées.

Certes, cela ne signifie pas que l'élève est évalué seulement au terme de ce continuum. Bien au contraire, il est évalué régulièrement, et ce tant dans le cadre d'évaluations formatives pour lui permettre de progresser et de se situer dans ses apprentissages, que dans le cadre d'évaluations certificatives qui lui permettent de valider ses unités de qualification et les compétences visées dans la formation générale commune.

Enfin, le dossier d'apprentissage et, lorsque l'élève est inscrit dans une 4e année complémentaire ou dans le dispositif de fin de parcours complémentaire, le programme de soutien spécifique aux apprentissages (qui est intégré au dossier d'apprentissage), constituent des outils essentiels pour permettre à l'élève de progresser tout au long de sa formation.

Sur les différences entre le nouveau dispositif et celui de la CPU, l'oratrice répond que l'objectif était bien de garder les bénéfices de cette dernière à savoir : considérer la formation qualifiante de l'élève comme un tout, une formation complète menant à un métier bien défini, organisée en unités d'acquis d'apprentissage (UAA) à valider progressivement. Le dispositif d'UAA visait des parcours plus flexibles permettant le passage vers divers opérateurs de formation et, une fois sur le marché du travail, l'articulation aux dispositifs de formation tout au long de la vie. Le dispositif de la CPU avait également pour caractéristique initiale de se déployer sur la base d'un continuum pédagogique, conçu comme une alternative au redoublement.

Dès lors, si, sur base de l'avis du Conseil général de l'enseignement, les avantages de la CPU ont été sauvegardés, il convient de rappeler que ce dispositif expérimental a été initialement construit sur base d'un modèle budgétaire prévoyant que les économies devant être générées par le non-redoublement étaient réinjectées dans les établissements sous forme de périodes complémentaires. Ces périodes devaient être utilisées pour la remédiation en cours ou au terme du 3e degré, mais ont également servi dans les faits à renforcer la coordination des équipes (seulement 30 % de ces périodes étaient réellement allouées à ces objectifs).

La ministre poursuit en expliquant que la remédiation peut s'envisager de différentes façons :

  • Soit immédiate, c'est-à-dire pendant la séquence d'apprentissage, dès que le problème se pose ;
  • Soit différée : lors d'une activité spécifique de remédiation, organisée en dehors de la séquence d'apprentissage.

La façon de remédier aux difficultés que rencontre l'élève dépend des PO et de leur liberté en matière de méthodes pédagogiques. Même si des pistes peuvent leur être proposées pour organiser la remédiation, la ministre entend respecter cette liberté en matière de méthodes pédagogiques. Elle ajoute que, dès la rentrée scolaire 2022, des formations professionnelles continues seront organisées à destination des enseignants concernés par ce nouveau parcours d'enseignement qualifiant, et ce, tant pour les enseignants de la formation générale commune que pour les enseignants de la formation qualifiante. Plusieurs pistes sont néanmoins avancées : utilisation des semaines-projets pour proposer de la remédiation aux élèves qui en ont besoin, organisation du co-enseignement, proposition d'une ou de deux périodes de remédiation à la grille-horaire des élèves, organisation d'une remédiation immédiate dans le cadre des cours et activités tout au long du parcours scolaire, ou encore organisation de P45 ou de P90.

La ministre précise que suite à une proposition des représentants des organisations syndicales lors des négociations du texte, elle analyse avec son administration la possibilité de maintenir en activité les enseignants mis en disponibilité par défaut d'emploi et ce, sur base des mesures précédemment adoptées lors de la révision des grilles horaires de l'enseignement qualifiant.

Aux différents commissaires qui l'ont questionnée à ce sujet, elle répond que le DAccE, tel que défini dans le Code de l'enseignement, s'inscrit dans l'implémentation progressive du Tronc commun. Dès lors, ce dossier ne vise donc pas actuellement l'enseignement secondaire qualifiant. La ministre rappelle que le DAccE sera utilisé en quatrième année de l'enseignement secondaire ordinaire à partir de l'année scolaire 2029-2030 et qu'il n'est actuellement pas envisagé de l'utiliser dans ce nouveau parcours.

Sur les impacts de la réforme en terme budgétaire, elle répond que, dans un premier temps, celui-ci est intimement lié à la suppression des périodes selon le phasage suivant : dès le 01.09.2022 pour les élèves inscrits en 4e année ; dès le 01.09.2023 pour les élèves inscrits en 5e et 7e année ; et dès 01.09.2024 pour les élèves inscrits en 6e année.

Ainsi, les économies engendrées par la mise en œuvre de ce nouveau parcours d'enseignement qualifiant doivent être de 2.411.973,87 euros en 2022, 9.316.029,90 euros en 2023, 12.782.140,43 euros en 2024, et 16.493.168,90 euros en 2025. Ces montants permettent de rejoindre l'économie prévue dans la trajectoire budgétaire pluriannuelle du Pacte. Par ailleurs, le parcours tel que proposé se voulant plus efficient, il devrait à terme générer plus d'économies liées à la baisse du redoublement et au financement du dispositif de fin de parcours.