Intervention sur l'interpellation du PTB par rapport à la gratuité scolaire

13/09/2022

Intervention de S. Cortisse sur l'interpellation du PTB à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, intitulée «Limitation des frais scolaires»

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Mon groupe et moi-même estimons qu'avant d'augmenter la prime de rentrée scolaire - qui, en Région wallonne, consiste en une allocation familiale dont le montant a été indexé en réaction à l'inflation - ou d'étendre les mesures de gratuité en Fédération Wallonie-Bruxelles, dans un contexte budgétaire délicat, il serait utile de renforcer les contrôles dans les écoles et d'appliquer les sanctions prévues.

Nous déplorons le manque de contrôles pour vérifier que les prescrits du décret du 14 mars 2019 visant à renforcer la gratuité d'accès à l'enseignement sont bien respectés. Nous déplorons également le manque de sanctions pour les écoles qui n'appliquent pas la gratuité, même si, selon nous, le terme est mal choisi, puisque rien n'est jamais gratuit. In fine, c'est le contribuable qui paie. Pour rappel, les sanctions vont de l'avertissement à l'amende de 250 à 2 500 euros. En cas de récidive, il est possible de retirer les subventions de fonctionnement de l'école ou d'obliger le pouvoir organisateur à rembourser intégralement les montants indûment perçus aux parents.

Il faut lutter contre les frais illégaux réclamés par certaines écoles qui perçoivent pourtant des subventions. Ces dernières agissent soit consciemment, soit par manque d'information ou par mauvaise interprétation des règles en vigueur. C'est de cette manière que la charge financière des parents diminuera.

L'enquête menée dernièrement a révélé plusieurs éléments qui montrent que des frais illégaux sont réclamés aux parents: l'absence d'une estimation des frais scolaires et de leur ventilation en début d'année; le non-respect de la législation imposant la gratuité des fournitures scolaires pour les enfants de l'enseignement maternel; le non-respect de l'interdiction de réclamer des frais d'inscription; l'existence de frais facultatifs devenant obligatoires, notamment pour des ordinateurs ou des voyages scolaires; et le dépassement des plafonds autorisés, notamment pour les photocopies dans l'enseignement secondaire.

Outre le renforcement des contrôles et l'application des sanctions, il faut également mieux informer les écoles et les parents d'élèves sur les règles de gratuité et les plafonds en vigueur.

Madame la Ministre, lors de la réunion du 26 avril 2022 de notre commission, vous avez précisé avoir confié au Service général de l'inspection (SGI), à la fin de l'année 2020, une mission d'évaluation systématique de la gratuité scolaire dans toutes les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Vous avez ajouté que cette mission avait dû être reportée une première fois en septembre 2021 à cause de la crise sanitaire et de la surcharge de travail des directions d'écoles, puis encore une seconde fois. Vous avez précisé que cette mission venait de débuter, en avril donc, et qu'elle serait poursuivie lors des prochaines années scolaires. Où en est cette mission d'évaluation du SGI? A-t-elle débuté? Aura-t-elle lieu chaque année? Comment lutter effectivement contre les frais illégaux réclamés par certaines écoles et faire respecter les prescrits décrétaux sur le terrain? À quel service les parents peuvent-ils s'adresser pour déposer plainte? Les sanctions prévues sont-elles bien appliquées? Prévoyez-vous d'adresser aux écoles et aux parents d'élèves une communication plus précise sur les règles et les plafonds en vigueur, et ce, chaque année scolaire? Comme l'ont souligné mes collègues, il convient de mieux informer les parents sur la procédure à suivre pour déposer plainte si une école leur réclame des frais illégaux.

Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. - Mesdames les Députées, Messieurs les Députés, j'ai pris connaissance de l'étude de la Ligue des familles. La gratuité scolaire est une des mesures du Pacte pour un enseignement d'excellence. Le travail a été entamé durant la précédente législature. Aujourd'hui, la gratuité scolaire est appliquée dans tout le niveau maternel, grâce à un montant de 10 millions d'euros par an. La fameuse liste de matériel, que nous avons tous connue, ne serait donc plus proposée.

Le coût des sorties scolaires et des séjours avec nuitées est en outre plafonné.

Par ailleurs, Madame Cortisse, nous avons réalisé des efforts de communication sur ce sujet en 2020 et 2021, en adressant un courrier à tous les parents et en transmettant des affiches aux écoles. En effet, les dispositions n'étaient pas encore suffisamment connues.

Ma volonté est bien entendu d'aller plus loin et d'étendre les mesures de gratuité, de façon progressive, dans l'enseignement primaire, pour couvrir les frais des fournitures scolaires. La Déclaration de politique communautaire (DPC) prévoit cette disposition. Étant donné l'augmentation des prix de l'énergie et l'inflation galopante, les ménages sont dans des situations particulièrement difficiles. Nous devons donc traiter cette question de manière très volontariste. L'étude de la Ligue des familles abonde en ce sens. D'ailleurs, elle reproduit et soutient différents scénarios sur lesquels nous avons travaillé.

Toutefois, pour concrétiser nos intentions d'extension de la gratuité dans l'enseignement primaire, il faut dégager des budgets en plus. Toutefois, cette question n'a pas encore fait l'objet d'un consensus. En effet, au cours des deux années précédentes, le contexte financier de la Fédération Wallonie-Bruxelles a été particulièrement difficile. Nous rouvrirons des discussions budgétaires dans les prochaines semaines. Ce sujet fera partie des demandes soumises à la discussion.

Je rappelle que le mode de calcul est le suivant: un forfait par élève est déterminé pour l'enseignement maternel, forfait qui est adapté pour l'enseignement primaire, car les besoins diffèrent, qu'ils concernent les fournitures ou les voyages scolaires. Ce montant forfaitaire est de 75 euros par élève, soit quelque 4 millions d'euros par année d'études à déployer sur les six années primaires. La Ligue des familles propose la même méthode de calcul.

Je rappelle également qu'en parallèle, nous travaillons sur des mesures régulatoires complémentaires non coûtantes, comme la détermination de plafonds, notamment pour les voyages scolaires. Nous pourrions effectivement dissocier les mesures et avancer sur les plafonds, même si l'on n'obtient pas de budget pour les fournitures. Toutefois, je souhaite avancer sur les deux aspects en même temps. Le décret permet aux écoles d'utiliser un reliquat de budget éventuel pour financer des sorties scolaires. Cette marge de manœuvre est essentielle pour les équipes éducatives de nombreuses écoles maternelles qui ont souligné que les mesures de gratuité ne leur permettraient plus d'organiser des sorties scolaires, entre autres en raison du coût du transport. Aussi certaines écoles utilisent-elles une partie des subventions à cette fin. L'équilibre à trouver n'est pas évident et le sera d'autant moins au niveau primaire, mais il est difficile d'envisager un ensemble de mesures liées à la gratuité et aux plafonds sans subventions. Nous verrons comment évoluent les discussions concernant le budget. L'idéal serait de progresser sur tous les aspects en même temps.

Cette détermination de plafond pour les voyages scolaires revêt une charge symbolique importante parce que ce sont des moments particuliers de la vie scolaire, qui plus est avec des pratiques très différentes d'une école à l'autre. Qu'il s'agisse de classes de mer ou de classes de neige, la situation de chaque établissement est très différente. Une harmonisation n'est donc pas chose évidente.

Par ailleurs, il existe d'autres champs dans lesquels nous pourrions et devrions rapidement intervenir, tels que les pratiques impliquant du matériel informatique ou les postes de dépenses dans l'enseignement qualifiant. Pour être transparente, je précise que le début du travail a porté sur les voyages scolaires de l'enseignement primaire. Dans l'intervalle, vu le contexte particulier de cette rentrée scolaire, j'ai demandé aux écoles de privilégier les options les moins coûteuses possibles lorsque des fournitures sont demandées aux familles ou lorsque d'autres frais sont envisagés. Tout le monde doit se rendre compte de la situation de cette année.

De même, les directions de l'enseignement secondaire ont été chargées d'informer les parents à propos des allocations d'études disponibles, des conditions d'octroi et des modalités pour introduire une telle demande. Il est important d'activer partout les leviers qui sont à notre disposition pour aider les familles.

L'évaluation systématique menée auprès de tous les établissements scolaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles se poursuit concernant le respect de la législation relative à la gratuité. Le prescrit concernant les sanctions des écoles est très clair et nous ne manquons aucun rappel à l'ordre. Il faut habituer les écoles à ce qu'il y ait des règles et un contrôle de leur respect. Les familles peuvent déposer plainte directement à la Direction générale de l'enseignement obligatoire. Chaque dossier fait l'objet d'un suivi. L'anonymat est possible, avec, comme bémol, que l'administration doit avoir connaissance des éléments qui justifient le dépôt de la plainte: un document, un avis, le nom de l'école, etc. Cependant, l'identification même de la famille ou de l'élève n'est pas une étape exigée pour la prise en considération d'une plainte tant que ces éléments probants de suspicion ont été apportés et que les services sont en mesure de les vérifier. Nous aborderons donc à nouveau ce sujet à l'issue du conclave budgétaire.