Intervention sur l'interpellation du PTB par rapport à la grève dans l'enseignement (suite)

29/03/2022

Intervention de Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR), sur l'interpellation du PTB à la Ministre de l'Éducation, à propos de la nouvelle mobilisation des personnels de l'enseignement

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Lors de la réunion du 22 février de notre commission, j'ai déjà salué avec mon groupe le travail et la résilience dont font preuve tous les acteurs de l'enseignement depuis le début de la crise sanitaire. Ils jouent un rôle essentiel auprès de nos enfants. Je comprends leur besoin de reconnaissance au sein de la société au sens large. Madame la Ministre, je vous interroge régulièrement sur le chantier de la revalorisation de l'image de l'enseignant, comme prévu dans la Déclaration de politique communautaire (DPC). C'est l'occasion de vous demander où en sont vos travaux à cet égard. 

Il me paraît toutefois fondé, à côté de la gestion quotidienne de la crise, d'avoir gardé le cap par rapport aux grandes réformes structurelles, prévues pour améliorer la qualité de notre enseignement. Je n'y vois là aucun mépris de votre part ou de celle des autres membres de votre gouvernement. D'ailleurs, depuis deux ans, plusieurs réformes ont été reportées pour permettre aux équipes éducatives de se concentrer sur le cœur de leur métier, à savoir la poursuite des apprentissages des élèves malgré la crise sanitaire. Au même titre que ma collègue, je rappelle que nous venons aussi de reporter l'entrée en vigueur du DAccE. 

Je m'étonne de l'attitude des organisations syndicales qui semblent parfois oublier qu'elles ont aussi négocié le Pacte pour un enseignement d'excellence. Elles devraient donc continuer à en être pleinement partie prenante. D'ailleurs, le Pacte est un grand équilibre. Le dispositif d'évaluation des enseignants que les organisations syndicales vous demandent d'abandonner maintenant en fait pourtant partie intégrante et a été négocié depuis des années. À mon sens, il ne faut pas remettre en cause ces grands équilibres. 

Concernant les négociations sectorielles, je salue vivement la volonté de votre gouvernement de renforcer le soutien administratif des directions de l'enseignement fondamental. Elles en ont grandement besoin. Sur le terrain, il m'en est régulièrement fait la demande et je suis donc ravie des avancées en ce sens. D'ailleurs lors de cette même réunion de notre commission, vous nous avez annoncé que, dans le cadre de la définition des modalités d'affectation de ces moyens, la piste de la création d'un cadre organique qui assure un véritable soutien administratif structurel aux directions va être approfondie. Le but était d'intégrer une forme de souplesse, de manière à répondre à diverses situations spécifiques, comme celle des directions avec charge de classes, la mutualisation ou encore les écoles de petite taille. Madame la Ministre, où en sont vos réflexions à cet égard? Qu'en est-il du soutien éducatif à l'enseignement fondamental, tout en tenant compte des questions de soutenabilité budgétaire?

Enfin, concernant les directions de l'enseignement fondamental, mais aussi du secondaire, que pensez-vous de l'idée d'associer les directions à vos négociations et aux réformes, bien entendu, si nécessaire, en apportant des modifications décrétales en ce sens? C'est une demande de nombreuses associations de direction. En effet, les directeurs ainsi que de nombreux enseignants ne se sentent pas toujours représentés au cœur de leur métier, que ce soit par les fédérations de pouvoirs organisateurs ou par les organisations syndicales. Madame la Ministre, je suis persuadée que vous les écoutez, mais il est important de les entendre de manière formelle, comme les autres acteurs de l'enseignement. 

En ce qui concerne la problématique de la taille des classes, vous avez annoncé il y a un mois votre souhait de demander à un groupe de travail d'analyser et de formuler des pistes concrètes pour améliorer les situations les plus complexes sur le terrain, à coût constant. Vous vouliez commencer par un travail sur toutes les conditions de dérogation aux normes en vigueur. Madame la Ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur ces travaux? Quand j'entends les représentants du PTB sur ce sujet, j'ai l'impression qu'ils pensent que les budgets de la Fédération Wallonie-Bruxelles sont illimités ou qu'il est très facile de modifier son financement à un niveau supérieur. Il faut être réaliste et arrêter le populisme. Madame la Ministre, je reprends les propos que vous avez tenus lors de notre dernière réunion à ce sujet: «Nous devons tous être animés par un même but, celui de la soutenabilité financière de la Fédération Wallonie-Bruxelles». Avant de parler de budget supplémentaire très conséquent, nous devons commencer par revoir l'organisation des classes elles-mêmes, par exemple en rationalisant le nombre d'options dans l'enseignement qualifiant, ce qui pourrait permettre un rééquilibrage dans certaines classes. Madame la Ministre, où en est ce chantier? 

Enfin, d'une manière plus générale, pourriez-vous refaire le point sur les avancées des négociations sectorielles? Il y a un mois, je vous ai déjà posé la question. Une partie d'entre elles est consacrée aux directions de l'enseignement fondamental, une autre aux primes de fin d'année du personnel de l'enseignement. Une discussion a-t-elle eu lieu à propos des secteurs qui, comme les internats, se sentent moins représentés par les fédérations de pouvoirs organisateurs et les organisations syndicales?

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation.- Mesdames les Députées, Messieurs les Députés, je ne pourrai pas répondre à toutes vos questions, car certaines d'entre elles correspondent à d'autres questions inscrites à l'ordre du jour, notamment celles sur le dialogue avec les directions. 

J'avais indiqué qu'une réunion avec les fédérations des pouvoirs organisateurs et Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE) s'était tenue le 24 février 2022. Des rencontres avec les organisations syndicales ont ensuite eu lieu les 15 et 17 mars 2022 pour l'enseignement obligatoire et l'enseignement secondaire artistique à horaire réduit (ESAHR). Ces réunions se sont déroulées dans un format bipartite et les participants y ont partagé leurs avis et commentaires sur le projet de protocole approuvé par le gouvernement le 10 février 2022. À partir des avis recueillis, le gouvernement finalisera un projet de protocole qu'il soumettra ensuite aux différents partenaires. Je ne peux pas, à ce stade, vous communiquer la date de la séance de clôture de la négociation sectorielle étant donné que les acteurs institutionnels soumettront le texte adopté par le gouvernement à leurs instances. Il s'agissait de leur demande. Si j'espère que ce cycle de négociations pourra se clôturer très prochainement, j'ai néanmoins souhaité que mes services puissent préparer en amont une série de notes et de pistes de réflexion afin de répondre le mieux possible aux demandes notamment des organisations syndicales.

Pour répondre à la critique de volonté d' "encommissionnement" d'une partie des travaux, je suggèrerai au gouvernement qu'un échéancier soit prévu dans la version définitive du protocole. Je souhaite qu'un certain nombre de décisions puissent produire leurs effets le plus rapidement possible. 

Premièrement, j'ai demandé à mes services de me fournir une proposition de cahier spécial des charges de la future étude visant à objectiver le temps de travail des personnels de l'enseignement. Ce cahier des charges sera soumis aux acteurs institutionnels pour le finaliser. 

Deuxièmement, mes services me communiqueront des pistes d'amélioration rapide et non coûtante du statut des puériculteurs et puéricultrices. 

Troisièmement, mes services me fourniront une analyse détaillée du mécanisme actuel d'aide administrative des directions de l'enseignement fondamental. Ils devront mettre en exergue ses forces et ses faiblesses et proposer des pistes visant à établir un cadre structurel. 

Quatrièmement, je leur ai demandé de me fournir une analyse permettant d'objectiver la problématique de la taille des classes pour envisager de travailler sur les conditions et l'opportunité de dérogations aux normes existantes. Cette dernière analyse devrait me parvenir pendant le congé de printemps. Les normes régissant la taille des classes et les procédures de dérogation figurent dans le décret du 3 mai 2012 relatif à l'enseignement fondamental et à l'enseignement secondaire ordinaires, notamment en matière de taille des classes. Le décret distingue, d'une part, les procédures de dérogation qui nécessitent une demande auprès de l'administration et, d'autre part, celles qui peuvent être automatiquement activées sans intervention du pouvoir régulateur, mais moyennant le respect d'une série de conditions dont la saisine des instances de concertation sociale locale peut faire partie. Le travail d'analyse et de recherche initié par mes services n'a pas encore livré de résultats. Je ne peux donc pas vous communiquer de données à ce stade. Mes services estiment toutefois déjà peu vraisemblable que des écoles n'introduisent pas de demande malgré un dépassement ou que des écoles n'aient pas été alertées sur l'existence de cette possibilité. La taille des classes est une question fondamentale. Si les revendications sont parfois fort variées dans l'enseignement, elles semblent toutes converger sur ce point. Il faut dès lors examiner la question des dérogations de manière approfondie. Lorsque j'ai l'occasion de discuter avec les syndicats sur la taille des classes, ils reconnaissent volontiers que les classes de 30 élèves ne constituent pas la norme. Il existe aussi des classes avec très peu d'élèves, notamment dans l'enseignement primaire. C'est pourquoi je souhaite d'abord analyser clairement la situation existante.

Pour la planification des autres mesures, j'attendrai le projet de protocole définitif et l'échéance qu'il devrait prévoir. J'ai souhaité que mes services entament le travail en amont pour que les groupes de travail, une fois constitués, disposent d'une base prête et puissent rapidement définir une feuille de route visant à atteindre les objectifs assignés. Cette démarche a aussi pour but de rassurer les organisations syndicales sur ma volonté d'aboutir à une solution concrète et non à «encommissionner» la question. Le début des travaux sera inscrit dans l'échéancier que le gouvernement validera et proposera aux partenaires sociaux. Au regard des éléments que j'ai cités, vous aurez saisi les priorités que j'ai identifiées en chargeant mes services d'un travail préalable.

Investir dans l'enseignement face à une situation de crise, comme nous l'avons fait pour la Covid-19, c'est précisément ce que nous faisons avec le Pacte pour un enseignement d'excellence. Nous n'avons pas attendu la crise sanitaire ni, aujourd'hui, les différentes mobilisations du monde enseignant. Cette réforme se veut systémique. Nous voulons nous attaquer à l'ensemble des maux du système scolaire. Rien que pour cette année 2022, ce sont 282 millions d'euros qui sont investis dans notre enseignement parce que le gouvernement a décidé d'en faire une priorité. Je ne veux pas opposer, ce que font parfois les organisations syndicales, les moyens dégagés lors de l'accord sectoriel - 32 millions d'euros - et ceux du Pacte - 282 millions d'euros - parce qu'il s'agit dans les deux cas d'améliorer l'encadrement. Quand je lis certaines pancartes avec le slogan «Non au Pacte», j'ai envie de dire aux enseignants: «Attention, ne voulez-vous plus de l'encadrement supplémentaire en maternelle? Ne voulez-vous plus des heures FLA?». Des moyens sont mobilisés par le gouvernement pour investir dans notre enseignement au bénéfice des élèves et des membres du personnel.