La gratuité des fournitures scolaires

03/11/2025

Intervention de Mme Stéphanie Cortisse, Députée MR, sur l'interpellation Ecolo relative à la réforme du mécanisme de gratuité scolaire

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – La réforme du dispositif de gratuité des fournitures scolaires n'est effectivement pas simplement budgétaire. C'est un choix assumé, fidèle à des valeurs chères à mon groupe: la liberté, la responsabilité et la solidarité.

Je parlerai de la liberté tout d'abord. Ce qui est prévu, c'est de ne plus octroyer un montant forfaitaire généralisé par élève, mais d'injecter une partie de ces budgets dans les moyens de fonctionnement des écoles de l'enseignement fondamental, en laissant aux directions et aux équipes éducatives le soin de gérer ces budgets en toute autonomie. Faisons confiance aux acteurs de terrain! C'est ce que nous avons toujours fait avant l'adoption de ce dispositif, issu du Pacte pour un enseignement d'excellence.

J'en viens à la responsabilité. L'article 2, § 3, de la Constitution belge garantit la gratuité de l'accès à l'enseignement jusqu'à la fin de l'obligation scolaire. Ainsi, les écoles de l'enseignement organisé ou subventionné par la Fédération Wallonie-Bruxelles ne peuvent réclamer aucun frais d'inscription. En ratifiant la Convention relative aux droits de l'enfant, la Belgique reconnaît à chaque enfant le droit à une éducation gratuite et accessible, dans des conditions équitables. À cet égard, la Fédération Wallonie-Bruxelles prévoyait déjà, conformément aux articles 3 et 32 de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, dite Pacte scolaire, que la dotation ou subvention globale octroyée aux pouvoirs organisateurs couvre «les frais afférents au fonctionnement et à l'équipement de l'établissement et de l'internat, et à la distribution gratuite de manuels et de fournitures scolaires aux élèves soumis à l'obligation scolaire». Il ressort clairement de cette disposition que la dotation globale ou la subvention incluait d'ores et déjà le coût de la distribution gratuite de manuels et de fournitures scolaires aux élèves de l'enseignement obligatoire. Afin de garantir l'effectivité de cette obligation, il est prévu que la mise à disposition des fournitures scolaires nécessaires au suivi des activités pédagogiques devienne, pour les établissements d'enseignement, une condition de subventionnement et d'accès aux dotations. Pour soutenir cette obligation, le montant forfaitaire prévu dans le Pacte scolaire sera substantiellement augmenté. Nous rompons ainsi avec la multiplicité des mesures spécifiques de gratuité, comme celle des fournitures scolaires. Cette pléthore est une boîte de pandore qui menace l'équilibre budgétaire déjà précaire de la Communauté française et entretient un mythe de la gratuité qui a largement concouru à la situation budgétaire que nous connaissons. La responsabilité impose des choix et notre priorité, c'est la qualité de l'enseignement.

La troisième valeur est la solidarité. Le renforcement des moyens de fonctionnement des écoles, plutôt que l'octroi d'un montant forfaitaire généralisé par élève, est une mesure qui permettra aux écoles d'assurer en toute autonomie le droit des enfants à une éducation gratuite et accessible, dans des conditions équitables.

Madame la Ministre, quelles sont les grandes lignes de la réforme des mécanismes de gratuité à la suite du conclave budgétaire ? Je ne vous interrogerai pas maintenant sur la représentativité de la Ligue des Familles et des répondants à l'enquête citée par mes collègues de l'opposition, car je le ferai plus tard, dans une question spécifique.

Mme Valérie Glatigny, Ministre de l'Éducation. – Mesdames et Messieurs les Députés, je vous remercie pour vos questions qui me permettent de rassurer et de faire le point sur cette mesure que certains ont un peu malmenée ces dernières semaines.

Une dotation ou une subvention spécifique est octroyée depuis 2019-2020 pour financer, en sus des dotations et subventions de fonctionnement, la mise à disposition des fournitures scolaires pour les élèves de la première année maternelle à la troisième année primaire pour un montant total de 24,2 millions d'euros.

À partir de la rentrée 2026, la gratuité des fournitures scolaires sera étendue jusqu'à la sixième année primaire en Fédération Wallonie-Bruxelles. Le projet de décret-programme entend en effet étendre le dispositif à l'ensemble des élèves de l'enseignement fondamental ordinaire et spécialisé de la première année maternelle à la sixième année primaire et au degré de maturité 4.

Pour permettre aux établissements scolaires d'assumer leurs obligations relatives à la gratuité des fournitures scolaires, 11 millions d'euros supplémentaires seront injectés dans les moyens de fonctionnement des écoles de l'enseignement fondamental qui, je le rappelle, ont déjà été augmentés l'année dernière et augmenteront graduellement jusqu'en 2034. Ces moyens s'élèvent actuellement à plus de 330 millions d'euros.

Ce transfert partiel se justifie par la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement – il s'agit de la fameuse loi du «Pacte scolaire de 1958» – qui, en son article 3 pour Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE) et son article 32 pour l'enseignement subventionné, prévoit déjà que les dotations et subventions de fonctionnement des écoles soient dédiées à «couvrir les frais afférents […] à la distribution gratuite de manuels et de fournitures scolaires aux élèves soumis à l'obligation scolaire».

Cette interprétation est confirmée d'ailleurs dans le préambule du rapport au Roi précédant l'arrêté royal n° 413 du 29 avril 1986 portant des dispositions relatives aux moyens de fonctionnement de l'enseignement de l'État et aux subventions de fonctionnement allouées à l'enseignement subventionné: les moyens alloués aux établissements scolaires doivent leur permettre de remplir leurs obligations de mise à disposition gratuite des fournitures scolaires.

En transférant une partie des financements spécifiques dédiés aux dispositifs relatifs à la gratuité des fournitures scolaires, nous renforçons la capacité des établissements scolaires à remplir les missions prescrites par la loi du «Pacte scolaire de 1958», et ce, de manière universelle pour les élèves de l'enseignement fondamental. Plus encore, l'accès aux dotations et subventions de fonctionnement sera conditionné dorénavant par la mise à disposition gratuite des fournitures scolaires par les pouvoirs organisateurs, renforçant ainsi les dispositions actuelles de la loi du «Pacte scolaire de 1958» et du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire.

Mesdames et Messieurs les Députés, ces nouvelles dispositions s'inscrivent dans le cadre de la poursuite des objectifs de simplification administrative pour les équipes de direction sur le terrain et des objectifs de soutenabilité des finances publiques, tout en préservant les missions essentielles de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Du reste, elles veillent au respect des obligations internationales de la Belgique, et notamment celles inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l'enfant qui reconnaît à chaque enfant le droit à une éducation gratuite et accessible dans des conditions équitables.

Pour ce faire, les établissements scolaires disposeront de leur autonomie pour déterminer les modalités de mise à disposition des fournitures scolaires nécessaires à tous les élèves. Dès lors, il n'est pas question de sélectionner les élèves en fonction de leurs revenus et de stigmatiser qui que ce soit.

De plus, le nouveau dispositif ne modifie en rien les autres dispositions du chapitre II, «De la gratuité», du titre VII du Code de l'enseignement. Ces modifications ne rendent pas caduque l'évaluation globale des différents mécanismes relatifs à la gratuité de l'enseignement. Mon administration finalise actuellement le cahier des charges révisé et m'a informée du lancement de l'appel à candidatures avant la fin de l'année. Cette évaluation portera également sur ce dispositif, ce qui nous permettra de nous assurer de sa pertinence et d'opérer des adaptations si nécessaires.

Pour conclure, je rappelle que, lors des mesures adoptées dans le cadre du conclave budgétaire, le budget pour l'accompagnement personnalisé des élèves a été revu à la hausse, car si l'égalité des chances passe peut-être, au départ, par la mise à disposition des stylos à bille et des cahiers, elle passe sans doute aussi par un soutien aux élèves en difficulté, et ce, le plus tôt possible dans leur parcours scolaire. En effet, l'on sait que les troubles de l'apprentissage, particulièrement à un jeune âge, touchent tous les enfants, quelle que soit leur classe sociale. Il s'agit d'un soutien renforcé, budgété en tant que politique nouvelle, à tous les enfants, peu importe leurs origines socio-économiques.

Rappelons enfin l'existence de la prime de rentrée, qui a été maintenue par les Régions, soit un montant via la caisse d'allocations familiales censé alléger la charge financière des familles à la rentrée scolaire.