La réforme des habilitations dans l'enseignement supérieur

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Elisabeth Degryse, Ministre-Présidente en charge de l'Enseignement supérieur, à propos de la réforme des habilitations dans l'enseignement supérieur
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – La Déclaration de politique communautaire (DPC) de votre gouvernement précise que «l'offre de formation en enseignement supérieur se doit d'être cohérente, en lien avec les besoins sociétaux et non en inflation constante. Il convient donc que les établissements d'enseignement supérieur sollicitent de nouvelles formations avec retenue».
Elle stipule également que «sous cette législature, le processus d'octroi des habilitations fera l'objet, après un audit de l'offre existante, d'un balisage strict qui devra répondre à une série de critères fixés par le législateur sans pour autant freiner l'émergence de nouvelles formations. Il évaluera la pertinence des obligations de codiplomation et de co-organisation comme conditions d'octroi de nouvelles habilitations ainsi que le processus de remise d'avis sur les nouvelles habilitations. Les établissements d'enseignement supérieur devront en outre proposer, pour la rentrée 2025, des mesures de rationalisation de leur offre d'enseignement».
J'ai récemment été interpellée par l'école de gestion (HEC) de l'Université de Liège (ULiège) sur le moratoire actuellement appliqué pour les habilitations des programmes de cours. Les démarches pour obtenir l'habilitation d'un master en Business Analytics ont été accomplies. Toutefois, le dossier serait actuellement bloqué, malgré l'avis positif de l'Académie de recherche et d'enseignement supérieur (ARES) et la forte demande des entreprises de diplômés d'un tel master.
Madame la Ministre-Présidente, pourriez-vous définir les contours du moratoire actuel que vous avez décidé en septembre 2024, et nous préciser quand il sera levé? L'audit de l'offre de formations en enseignement supérieur existante en Fédération Wallonie-Bruxelles a-t-il été réalisé? Dans la négative, quand sera-t-il finalisé? La réforme des processus de remise d'avis et d'octroi des habilitations est-elle en cours? Pourriez-vous nous en présenter les grandes lignes? Pour quand sera-telle finalisée?
Avez-vous déjà des retours des établissements d'enseignement supérieur quant à la demande qui leur est faite de proposer des mesures de rationalisation de leur offre d'enseignement d'ici la rentrée académique 2025?
Dans le cas concret de la HEC de l'ULiège qui souhaite obtenir l'habilitation d'un master en Business Analytics, n'est-il pas possible de «troquer» une habilitation d'un programme pour une autre? Dans l'affirmative, selon quelles modalités? En outre, une dérogation au moratoire ne pourrait-elle pas être accordée pour une telle formation en forte demande sur le marché du travail, en vue d'être organisée dès la rentrée académique 2025, et non en 2026?
Enfin, certains acteurs de l'enseignement supérieur regrettent que le décret «Paysage», tel que modifié par le décret du 31 mai 2024 en vue de renforcer l'accessibilité aux études, de garantir la finançabilité des étudiants et d'instaurer un pilotage chiffré, ne permette pas l'octroi d'habilitations transcendant un arrondissement administratif déterminé. Une évaluation de ce critère géographique est-elle prévue?
Mme Élisabeth Degryse, Ministre-Présidente. – Madame la Députée, je vous remercie pour votre question qui me permet de faire la synthèse et la mise à jour des explications déjà fournies le 24 mars dans cette commission à une question de M. Crampont.
Je suis bien consciente que les équipes des établissements d'enseignement supérieur travaillent depuis des mois pour déposer des dossiers de demande d'habilitation et qu'il est nécessaire de faire évoluer l'offre d'enseignement. Je vous assure que toutes les demandes des établissements sont prioritaires ou urgentes.
Concernant les analyses des dossiers déposés en septembre 2024, j'ai décidé de suivre la nouvelle procédure prévue par le décret «Paysage» qui nous laisse la possibilité de réfléchir parallèlement à l'amélioration de la remise d'avis telle que la prévoit la DPC.
L'ARES a bien rendu un avis en décembre 2024. Il est ensuite prévu d'obtenir l'avis des organes représentatifs des milieux socioéconomiques, le Conseil économique, social et environnemental de Wallonie (CESE Wallonie) et Brupartners, le Conseil économique et social de la Région de Bruxelles-Capitale, ainsi que de la Direction générale de l'enseignement supérieur, de l'enseignement tout au long de la vie et de la recherche scientifique (DGESVR) sur les dossiers.
Toutefois, les délais étaient irréalistes. Par conséquent, j'ai fixé comme objectif de finaliser le nouveau processus de consultation des différents acteurs par un décret octroyant de nouvelles habilitations au plus tard en décembre 2025 pour une application en septembre 2026.
Mon cabinet vient de recevoir, ce 12 mai, l'avis des organes représentatifs des milieux socio-économiques. Il a immédiatement rencontré, le 15 mai, des représentants de la DGESVR pour leur transférer toutes les données nécessaires en vue d'effectuer le travail d'analyse et de synthèse. Ce rapport devrait me parvenir en septembre 2025.
Comme je l'ai déjà indiqué, la première action entreprise a consisté à clarifier une fois pour toutes la notion d'habilitation. Cette mesure suit son parcours législatif dans un projet de décret adopté en deuxième lecture par le gouvernement. Ce choix va rendre cohérentes la définition de l'habilitation et les annexes du décret «Paysage» qui seront alors complétées pour disposer d'une liste in extenso des habilitations. Cela nous permettra de poursuivre le travail. En effet, on ne peut pas rationaliser, auditer, ou encore valider un objet dont les contours sont flous.
En matière de rationalisation de l'offre d'enseignement, le décret «Paysage» prévoit déjà trois mesures. Je compte demander à l'ARES de les appliquer dans les meilleurs délais dès l'adoption du décret précité, en me fournissant des avis au plus tard en octobre ou novembre 2025, sur l'évaluation des études de master en 60 crédits préexistants à l'entrée en vigueur du décret, sur le cadastre des habilitations non activées et sur le maintien des masters de spécialisation qui n'ont pas diplômé en moyenne au moins dix étudiants au cours des trois années académiques précédentes.
Durant le dernier trimestre de l'année 2025, je prendrai le temps nécessaire, avec mon cabinet et mon administration, pour mettre en œuvre les dispositions prévues dans la DPC, à savoir réaliser un audit de l'offre existante pour déterminer dans quelle mesure l'offre actuelle de cursus d'enseignement supérieur répond aux nombreuses exigences libellées dans le décret «Paysage». L'audit devrait notamment s'attacher à détecter les anomalies et les risques au regard des différentes balises fixées par le législateur, mais aussi à formuler des recommandations. Le projet est évidemment ambitieux, mais nécessaire pour vérifier la bonne utilisation des deniers publics. Je proposerai aussi de baliser clairement l'octroi des nouvelles habilitations. Dans ce cadre, nous évaluerons aussi la pertinence des obligations de codiplomation et de co-organisation comme conditions d'octroi de nouvelles habilitations ainsi que le processus de remise d'avis sur les nouvelles habilitations, en concertation avec le secteur. Une procédure de troc, comme celle comme vous évoquez, n'est donc pas possible.
Enfin, votre dernière affirmation indiquant que le décret «Paysage» ne permettrait pas d'octroyer des habilitations transcendant un arrondissement administratif me surprend, car elle est tout simplement inexacte. L'article 86 du décret «Paysage» indique que «L'habilitation […] porte sur le territoire géographique sur lequel ces études peuvent être organisées», «Une habilitation est accordée pour la Région de Bruxelles-Capitale ou, en Région wallonne, pour un ou plusieurs arrondissements administratifs». De nombreuses habilitations sont d'ailleurs organisées sur plusieurs arrondissements.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre-Présidente, je vous remercie d'avoir fait le point sur ces réformes importantes prévues par la DPC. Cela me permettra de donner l'ensemble de vos explications aux acteurs de terrain qui m'ont interrogée et qui s'inquiétaient du calendrier. Vous avez bien précisé les différentes étapes.
Pour ce qui est de la dernière question, il s'agit d'une affirmation provenant des acteurs de terrain. Je rectifierai l'information auprès d'eux et je ne manquerai pas de suivre l'évolution de ce dossier important.