Les détachements et congés pour missions

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Valérie Glatigny, Ministre de l'Éducation, à propos des détachements et congés pour mission
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Dans la Déclaration de politique communautaire (DPC), le gouvernement rappelle que «l'école, c'est d'abord avoir un enseignant chaque jour dans chaque classe» et fait de la lutte contre la pénurie d'enseignants sa première priorité.
Il est prévu de mettre en œuvre un plan d'action concerté comprenant notamment des mesures afin de «mobiliser l'ensemble des ressources enseignantes». Il est ainsi prévu «un monitoring des congés, absences, disponibilités et congés pour mission, ainsi qu'une revue approfondie des dispositions réglementaires en la matière dans le but de ramener davantage d'enseignants en classe. La pratique des détachements et congés pour missions, si elle permet aux enseignants de faire bénéficier des tiers de leur expérience et d'enrichir leur propre parcours professionnel, présente toutefois le double inconvénient de faire supporter par l'enseignement le coût de ressources qui ne lui sont pas consacrées pendant le temps du détachement et de bloquer les nominations d'enseignantes et d'enseignants qui disposent des titres et fonctions requis. Cette réalité entraîne de trop nombreuses situations où des cours ne peuvent pas être donnés, avec tout l'impact négatif que cela représente pour les élèves et leur apprentissage. En conséquence, le gouvernement entend revoir, pour les resserrer, la durée et les conditions du détachement et des congés pour mission».
Madame la Ministre, ce sujet avait d'ailleurs été retenu par le précédent gouvernement PS-MR-Ecolo pour être étudié dans le cadre de la revue des dépenses en 2023. Pour l'année scolaire 2022-2023, 1 457 membres du personnel ont bénéficié d'un congé pour mission et 242 membres du personnel d'une disponibilité pour mission spéciale. Il s'agit d'un sujet sur lequel j'ai régulièrement interrogé votre prédécesseuse, Mme Désir, sans avancées de sa part.
Pour l'année scolaire 2023-2024, combien de membres du personnel enseignant ont-ils été détachés? Combien ont-ils été en congé pour mission? Dans quels secteurs? Où en est l'instauration du monitoring prévu par la DPC ainsi que la revue approfondie des dispositions réglementaires en vue de resserrer la durée et les conditions des détachements et des congés pour mission?
Mme Valérie Glatigny, Ministre de l'Éducation. – La problématique des détachements et des congés pour mission n'est pas nouvelle. Pour rappel, les détachements avaient déjà fait l'objet d'une revue des dépenses en 2023, réalisée à la demande de ma prédécesseuse, la ministre Caroline Désir. En date du 28 février 2025, la Fédération Wallonie-Bruxelles comptabilisait un total de 1 701,25 ETP en congés pour mission et mise en disponibilité. Parmi ceux-ci, seuls certains types de congés sont budgétairement à charge de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Les congés pour mission relevant de l'article 5 du décret du 24 juin 1996 portant réglementation des missions, des congés pour mission et des mises en disponibilité pour mission spéciale dans l'enseignement organisé ou subventionné par la Communauté française regroupent plusieurs affectations: les services et jurys de la Fédération Wallonie-Bruxelles; les fédérations de pouvoirs organisateurs; les cabinets du gouvernement; les associations de parents; les cellules de soutien pédagogique; les programmes à vocation pédagogique. Ces affectations totalisent 477 ETP pour un coût global estimé à 40 815 993,45 euros, soit un coût moyen par ETP d'environ 85 560 euros.
La mobilité dans le cadre du Programme «Erasmus+», reprises à l'article 5/1 du même décret, représente un ETP pour un coût de 86 471,20 euros.
Aucun congé actif n'est enregistré sous l'article 5/2, à savoir les congés pour les mobilités humanitaires, et, partant, aucun coût n'est associé à ce poste.
Les congés pour mission dans les organisations de jeunesse, prévus à l'article 6, § 1er, 5°, représentent 109,5 ETP pour un coût total de 7 691 839,32 euros, soit un coût moyen de 69 925,81 euros par ETP.
Si la plupart des détachements et congés pour mission servent directement ou indirectement à soutenir l'éducation informelle, certains détachements peuvent poser question, comme ceux vers les organisations de jeunesse politique et de jeunesse syndicale ou encore ceux pour des politiques autres que celle de l'éducation. Par exemple, le subventionnement des détachements pour la Fédération des étudiant(e)s francophones (FEF) se fait à la fois sur la base d'un détachement vers des organisations de jeunesse et d'un détachement vers une organisation représentative des étudiants.
Les articles 14 et 14bis du décret, qui concernent respectivement les membres du personnel reconnus définitivement inaptes à l'enseignement, mais aptes à exercer une fonction administrative, et ceux temporairement inaptes dans le cadre d'un plan de réorganisation, représentent ensemble 274 ETP: 228 ETP relèvent de l'article 14 et 46 ETP relèvent de l'article 14bis. Le coût total s'élève à 17 701 426,49 euros, avec des coûts moyens respectifs de 65 445,35 euros et 61 833,29 euros.
Enfin, les disponibilités pour mission spéciale dans les écoles européennes, sur la base de l'article 25, représentent 102 ETP pour un coût total de 7 285 077,99 euros, soit un coût moyen de 71 422,33 euros.
En résumé, sur les 1 701,25 ETP en congé, les congés qui sont budgétairement à charge de la Fédération concernent 963,5 ETP, pour un coût total estimé à 73 578 808,45 euros, soit un coût moyen global de 76 011,17 euros par ETP.
À l'inverse, les congés relevant de l'article 6 du décret, excepté l'article 6, § 1er , 5°, de l'article 6bis, de l'article 7 et de l'article 18, soit les 737,75 ETP restants, font l'objet d'une récupération des traitements auprès des organismes d'accueil générant des recettes de l'ordre de 26 097 605,37 euros, dont 1 043 904,21 euros en frais administratifs. Il s'agit donc des 737,75 ETP pour lesquels la Fédération Wallonie-Bruxelles ne paie pas le traitement, mais qui font l'objet d'une récupération des traitements.
Dans le contexte de pénurie d'enseignants et dans le contexte budgétaire actuel, je veux garantir que le meilleur usage soit fait des compétences de chaque enseignant, tant pour son développement professionnel que pour la qualité du système éducatif francophone. Les détachements et les congés pour mission permettent évidemment d'enrichir l'expérience professionnelle des enseignants et apportent une précieuse expérience pédagogique et de terrain, par exemple, au sein de l'administration. Mais ils retirent la présence d'un enseignant dans une école dans un contexte de pénurie d'enseignants et ils constituent un coût certain pour la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Il faudra sans doute s'interroger – et nous le faisons – sur la raison qui pousse les enseignants à demander un détachement. Ce questionnement est notamment lié à notre projet de mesures pour rendre la carrière des enseignants plus dynamique et moins plane et il est aussi à mettre en rapport avec nos travaux autour du contrat à durée indéterminée pour enseignant (CDIE).
Dès lors, une réflexion est en cours pour assurer un juste équilibre entre, d'une part, l'enrichissement des parcours professionnels et la contribution des enseignants détachés à l'amélioration du système scolaire et, d'autre part, la présence effective des enseignants dans les établissements scolaires et les contraintes budgétaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les discussions sont en cours pour dégager des pistes de solutions en ce sens, pour assurer la pertinence de chaque détachement et pour en réviser potentiellement les modalités afin de limiter les impacts sur la pénurie. Y sera abordé le délai de déclaration de vacance des emplois inoccupés pour une longue durée par des membres du personnel en congé, y compris en congé pour mission: le but est de garantir une stabilisation plus rapide des membres du personnel amenés à les remplacer parfois durant de très nombreuses années. Un rapport sera rédigé à l'intention du gouvernement à cet effet.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je vous remercie pour vos précisions concernant les ETP et les budgets. C'est beaucoup plus parlant ainsi. En effet, nous ne savons pas forcément de quoi il est question quand nous parlons de détachements et de congés pour mission. Il s'agit de 73 millions d'euros à la charge de la Fédération Wallonie-Bruxelles; c'est énorme.
J'espère que les partis autour de la table ne feront pas preuve de mauvaise foi. Tous les partis ici présents – si ce n'est l'un d'entre eux, qui n'est jamais aux responsabilités – ont travaillé sur ce sujet. Nous avons commencé à l'aborder durant la précédente législature. C'est pourquoi nous devons faire preuve de bonne foi et avancer dans le même sens dans ce dossier.
Je me réjouis d'en savoir davantage sur les progrès qui seront possibles compte tenu du contexte budgétaire, mais aussi de la pénurie d'enseignants.