Les seniors et les secteurs de la Jeunesse et de l'Aide à la Jeunesse

22/09/2020

Question de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Valérie Glatigny, Ministre de la Jeunesse et de l'Aide à la Jeunesse, sur l'intégration des séniors dans les politiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles et en particulier au sein des secteurs de la Jeunesse et de l'Aide à la jeunesse.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Au-delà du lourd tribut payé par nos aînés au regard du nombre de victimes de la Covid-19, la crise sanitaire a également mis en exergue l'isolement des personnes âgées et l'urgence de réaliser des efforts en vue d'une inclusion beaucoup plus grande des séniors dans la vie de notre société, et ce, afin d'améliorer leur qualité de vie, qu'ils soient en maison de repos ou non. Le vieillissement de la population est tel qu'environ un quart de la population belge sera âgé de 65 ans ou plus à l'horizon 2050.

Bien qu'étant chargée des matières personnalisables, la Fédération Wallonie-Bruxelles a vu la majeure partie de l'exercice de sa compétence de l'aide aux personnes, en particulier la politique du troisième âge, transférée à la Région wallonne et à la Commission communautaire française (COCOF) par le décret II du 19 juillet 1993 attribuant l'exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française.

Si cette régionalisation empêche la Fédération Wallonie-Bruxelles de légiférer directement en ce qui concerne l'aide aux personnes âgées, elle garde bien entendu la possibilité d'inclure les séniors dans l'ensemble de ses politiques.

Dans l'introduction de la Déclaration de politique communautaire (DPC), on peut lire que: «La Fédération Wallonie-Bruxelles est un trait d'union essentiel entre les citoyennes et citoyens francophones de notre pays. Elle les rassemble dans une même appartenance et elle les inscrit dans une même dynamique culturelle. Elle est aussi au cœur des défis auxquels ils font face. Chargée de les former, de les instruire et de leur fournir les outils de l'émancipation, elle les accompagne tout au long de leur vie.»

Le dernier paragraphe de cette même introduction insiste sur «l'union et la solidarité entre tous les francophones». Quelques chapitres plus loin, la DPC souligne la volonté du gouvernement de «renforcer les synergies entre les départements de la Fédération Wallonie-Bruxelles via des projets de partenariat» et de «favoriser les projets intergénérationnels dans tous les secteurs».

À mon sens, l'objectif de l'inclusion des personnes âgées en Fédération Wallonie-Bruxelles devrait figurer au cœur même des projets menés par les institutions œuvrant dans les secteurs de la jeunesse et de l'aide à la jeunesse, comme les organisations de jeunesse, les maisons de jeunes, les centres de rencontres et d'hébergement, les centres d'information des jeunes, les services d'aide en milieu ouvert (AMO), les institutions publiques de protection de la jeunesse et les services résidentiels généraux.

Il s'agirait notamment de soutenir et créer des projets intergénérationnels tels que des animations, activités, rencontres, échanges et autres canaux d'information visant la cohésion sociale et la création de ponts entre les générations. Bien entendu, il faudra attendre que la situation sanitaire permette l'organisation de ce type d'événements qui pourraient se révéler bénéfiques tant pour les jeunes que pour les personnes âgées.

Madame la Ministre, pourriez-vous dresser un état des lieux des mesures actuellement en vigueur prenant en considération les séniors au sein des secteurs de la jeunesse et de l'aide à la jeunesse?

Est-il envisageable d'encourager et d'intensifier la création de projets intergénérationnels incluant les séniors lorsque la situation sanitaire le permettra? Dans le but de renforcer les interactions entre les jeunes et les séniors et de créer des ponts entre les générations dans l'intérêt de tous, d'autres mesures pourraient-elles être envisagées?

Par ailleurs, rappelons que la Commission des séniors, pourtant instituée par le décret du 26 mai 2011 instaurant la Commission des séniors de la Communauté française, n'a jamais été consultée par le gouvernement ni par le Parlement. À ma demande, elle a cependant été remise en ordre de marche par Mme la ministre Linard. Envisagez-vous de collaborer avec les membres de cette commission dans le cadre de vos compétences respectives?

Mme Valérie Glatigny, Ministre de la Jeunesse et de l'Aide à la jeunesse.- Dans le secteur de la jeunesse, les dispositifs de soutien aux associations sont principalement décrétaux. Les associations de jeunesse choisissent, dans le respect de leur autonomie, les thèmes sur lesquels elles se mobilisent en vue du développement de la citoyenneté critique et active des jeunes.

Certaines associations sont actives dans la problématique de l'intergénérationnel, comme l'ASBL Volont'R reconnue en tant qu'organisation de jeunesse. Partant du constat que les générations entretiennent de moins en moins de contacts naturels et qu'il existe donc de moins en moins de solidarité intergénérationnelle, Volont'R favorise la création de liens entre les générations. Elle propose à des mouvements de jeunesse de rencontrer des personnes âgées, notamment par le biais d'animations en maisons de repos qui abordent les stéréotypes et les peurs des jeunes face à la vieillesse.

Le Conseil de la jeunesse catholique (CJC), une autre organisation de jeunesse, est aussi attentif à cette problématique et organise des rencontres intergénérationnelles par le biais de sa plateforme Courants d'Âges.

De manière générale, et sans que cela induise une action ou une thématique ciblée par les associations, la notion de "Citoyen Responsable Actif Critique et Solidaire" (CRACs) induit souvent l'interaction avec les aînés.

Par ailleurs, des actions destinées à créer du lien entre les jeunes, les maisons des jeunes et leurs aînés ont pu être menées dans le cadre de projets ponctuels soutenus par la circulaire «Soutiens aux projets jeunes». En 2019 et 2020, des fresques murales ont ainsi été réalisées par des jeunes et en étroite collaboration avec des résidents de maisons de repos dans la région liégeoise, à Vaux-sous-Chèvremont et à Jupille. La maison des jeunes MJ Wanze et la MJ L'Éveil de Charleroi ont aussi organisé des activités ludiques pour et par les aînés.

L'aide à la jeunesse accorde également une grande importance au travail intergénérationnel, sur fond d'initiatives locales, dans une perspective d'entraide mutuelle. De nombreuses initiatives ponctuelles ont eu lieu en incluant des séniors, et ce, sur l'ensemble du secteur.

Au sein des services AMO par exemple, différentes activités mettent en contact les jeunes avec des séniors. Il s'agit, par exemple, d'un atelier de réparation de vélos où des séniors transmettent leur expérience en mécanique, d'activités de soutien scolaire, d'école de devoirs ou de réseaux d'entraide grâce auxquels des adolescents sont mis en contact avec des personnes âgées pour leur donner des coups de pouce au quotidien.

Dans les services résidentiels pour jeunes (SRJ) de l'aide à la jeunesse, il n'est pas rare que des séniors apportent bénévolement une aide scolaire ou participent à des activités comme les Papys & Mamys Conteurs.

Il arrive que ces synergies soient, dès le départ, au centre du projet. L'association Le Balloir rassemble, sur le même site liégeois, une maison de retraite, une crèche et un SRJ.

Dans la même logique, les services d'actions restauratrices et éducatives (SARE) proposent régulièrement aux jeunes des activités à prester au bénéfice de résidents de maisons de repos ou de résidents de centres de jour pour personnes âgées favorisant ainsi les approches intergénérationnelles.

Le projet pédagogique des institutions publiques de protection de la jeunesse (IPPJ) organise également de telles activités depuis plusieurs années. L'IPPJ de Braîne-le-Château, par exemple, collabore avec trois maisons de repos au sein desquelles les jeunes sont accueillis et encadrés pour mener des activités de volontariat liées à l'animation, à la logistique ou à l'entretien. À Saint-Servais, des jeunes filles sont régulièrement mises en contact avec des résidents d'une maison de repos à proximité pour prendre le temps d'échanger. À Fraipont, les jeunes participent à différentes activités à caractère solidaire, comme l'Opération Thermos de la Croix-Rouge, au cours desquelles ils sont en contact avec des aînés.

Comme vous pouvez le constater, Madame la Députée, l'organisation d'activités intergénérationnelles est bien ancrée au sein de l'aide à la jeunesse.

Les treize Conseils d'arrondissement de l'aide à la jeunesse, qui s'occupent de la prévention, ont également réalisé chacun un diagnostic social de leur territoire et ils ont dégagé un nombre important de priorités. Préparés par les chargés de prévention, les diagnostics regorgent de précieuses informations issues des acteurs de terrain. Le Collège de la prévention se réunira d'ici la fin de la l'année et je pourrai alors prendre connaissance de ses recommandations.

Soyez assurée du fait que je soutiendrai toute proposition de travail intergénérationnel considérée comme prioritaire.

La crise de la Covid-19 nous incite toutefois à faire preuve de davantage de prudence, en particulier à l'égard des séniors. Actuellement, il est nécessaire de marquer le pas. Le renforcement intergénérationnel se poursuivra et les problématiques du vieillissement de la population et des liens entre générations seront prises en considération dans l'élaboration des politiques développées par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Il ne s'agit pas que de questions économiques et de santé, mais il s'agit de vivre ensemble et de favoriser la participation citoyenne des aînés, de changer leurs représentations et de les reconnaître en tant que ressources et non seulement comme une charge économique.

Différents opérateurs des secteurs de la jeunesse, de l'aide à la jeunesse, de la culture et de l'enseignement peuvent s'emparer de ces questions.

L'ASBL Entr'âges, une association d'éducation permanente facilitatrice de liens entre les générations organise des actions de terrain, développe des réflexions et met en réseau différents opérateurs.

Enfin, la Commission des séniors est chargée de quatre grandes missions, dont celle d'être l'organe consultatif sur les questions liées à la participation des aînés à la société. Elle relève de la compétence de la ministre de la Culture, Mme Linard. En 2018, elle a organisé les Assises des séniors, dont les actes peuvent constituer une source de réflexions en vue de promouvoir la dimension intergénérationnelle.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Merci pour cet état des lieux très détaillé, Madame la Ministre.

Je suis heureuse de savoir que vous souhaitez aussi inclure davantage les séniors dans les politiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles et valoriser les projets intergénérationnels.

Un premier pas avait été fait en 2011, à la suite de la création de la Commission des séniors, mais cette dernière n'a jamais été sollicitée. Dans chaque secteur, il faudrait pourtant pouvoir travailler avec ladite commission dont la mission première est de rendre des avis au gouvernement.

J'examinerai la faisabilité d'une proposition allant en ce sens, car il s'agit une matière qui me tient vraiment à cœur.