Question orale sur la représentation étudiante (suivi)
Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, je reviens vers vous au sujet du décret du 21 septembre 2012 relatif à la participation et la représentation étudiante dans l'enseignement supérieur, dont vous avez sollicité une évaluation par l'Académie de recherche et d'enseignement supérieur (ARES), la Direction générale de l'enseignement supérieur (DGES) et la Direction générale de l'enseignement non obligatoire et de la recherche scientifique (DGENORS).
Lors de ma précédente intervention à ce sujet, vous m'avez indiqué que ces organismes vous avaient fait parvenir leurs premières réflexions dans le courant du mois d'octobre par le biais d'un rapport conjoint, mais que leur rapport final était prévu pour la fin de l'année 2020 en raison des nombreuses pistes de réflexion qu'ils souhaitaient aborder. Ils avaient notamment l'intention d'effectuer une comparaison internationale des pratiques d'une quarantaine de pays à travers le réseau Erasmus+.
Par ailleurs, le 27 novembre, l'administration a fait parvenir à tous les conseils d'étudiants un questionnaire anonyme permettant de recueillir leurs avis et propositions et d'identifier les points à améliorer, à réviser ou à maintenir dans le décret actuel. Ce questionnaire était accessible en ligne jusqu'au 9 décembre dernier. Vous avez précisé que l'analyse des données se déroulerait au cours des semaines suivantes et serait intégrée au rapport final de l'ARES et la DGES.
Vous avez également ajouté qu'il s'agissait d'une première étape de l'évaluation qui devait associer toutes les parties intéressées par la représentation étudiante et que plusieurs autres initiatives permettront d'avoir une vue d'ensemble sur cette thématique, comme la consultation des commissaires et délégués du gouvernement, de la Fédération des étudiants francophones (FEF) ou encore des représentants des étudiants indépendants.
Avez-vous pu mener les concertations voulues avec les acteurs précités? Que ressort-il de l'étude comparative internationale? Avez-vous pu comparer notre système avec celui de la Flandre? Quels sont les résultats du rapport final de l'évaluation du décret du 21 septembre 2012 établi par l'ARES, la DGES et la DGENORS? Les premières difficultés révélées lors des conclusions partielles sont-elles confirmées par les résultats complets de l'évaluation? D'autres difficultés sont-elles mises en avant?
Vous avez annoncé que ce rapport mettrait en avant les forces et les faiblesses du décret actuel sur le plan du pluralisme, du financement et de l'intérêt de la communauté étudiante pour ces élections. En ce qui concerne le financement, pourriez-vous me préciser comment sont financées les organisations représentatives communautaires (ORC)? Les subsides perçus par une ORC sont-ils cumulés avec ceux qu'elle perçoit en sa qualité d'organisation de jeunesse? Quel est leur montant annuel?
Sur la base de l'évaluation que vous avez demandée, envisagez-vous une révision du décret en vigueur? Dans l'affirmative, sur quelle méthode et quel calendrier cette révision sera-t-elle fondée?
Mme Valérie Glatigny, ministre de l'Enseignement supérieur. - Dans le cadre de l'évaluation menée par l'administration, les commissaires ont été consultés. En ce qui concerne les représentants des étudiants, une consultation devrait avoir lieu ce mois-ci avec la FEF et les conseils étudiants indépendants. Il n'était pas souhaitable d'organiser cette rencontre entre décembre et janvier, en raison de la session d'examens.
Dans le cadre de l'évaluation du décret, je vous confirme qu'il est apparu intéressant de disposer d'un comparatif des pratiques d'autres pays européens en vue d'alimenter les réflexions en cours portant sur cette question en Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette enquête a permis de collecter un certain nombre d'informations utiles en provenance d'autres systèmes européens, dont la Flandre. Il en ressort qu'il existe une grande diversité de modèles de participation et représentation étudiante au sein de l'espace européen de l'enseignement supérieur. Les différents exemples récoltés nous permettent d'alimenter notre réflexion au regard des réalités de notre système et des besoins de nos étudiants à cet égard. Par ailleurs, l'étude relève que la grande majorité des pays interrogés disposent surtout de dispositifs légaux sur la participation et la représentation étudiante au niveau des établissements d'enseignement supérieur. Les pays organisant la représentation étudiante à des niveaux autres que les seuls établissements, notamment en déterminant légalement un modèle de structure de représentation et en assurant le financement de celui-ci, sont rares.
La Fédération Wallonie-Bruxelles et la Flandre font donc figure d'exceptions, car elles disposent d'organes au niveau de l'établissement, c'est-à-dire les conseils étudiants en Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi au niveau institutionnel avec les organisations représentatives des étudiants dans le cas de la Fédération Wallonie-Bruxelles et les associations coordinatrices d'étudiants en Flandre. Ces dernières font l'objet d'un double subventionnement public.
En ce qui concerne le financement des organisations représentatives des étudiants, les ORC, le mécanisme est complexe. Les organisations représentatives des étudiants disposent d'un financement direct par le biais d'une subvention de 105.000 euros indexés. 25 % de ce montant est alloué égalitairement aux différentes organisations représentatives des étudiants. Le montant restant est réparti au prorata des résultats des élections étudiantes. En pratique, étant donné que la FEF est la seule organisation représentative des étudiants, elle touche pratiquement la totalité de la subvention, soit 108.007 euros en 2020. Outre cette subvention annuelle, il existe un financement indirect à travers les cotisations des conseils étudiants affiliés, soit 94.477,94 euros en 2020. Ces versements sont opérés sur la base des moyens alloués aux conseils étudiants de chaque établissement pour l'exercice de leurs propres missions. Enfin, la FEF a également été reconnue en tant qu'organisation de jeunesse et a obtenu à ce titre une subvention de 231.000 euros en 2020. Au total, la FEF, en tant que seule organisation représentative des étudiants, dispose donc d'un budget annuel de plus de 400.000 euros pour exercer ses missions.
Nous avons reçu le rapport d'évaluation du décret du 21 septembre 2012 de l'administration au début du mois de février. Cependant, certains approfondissements sont nécessaires, notamment la consultation avec les représentants étudiants et l'examen approfondi de certaines pistes. Il est donc un peu tôt pour en présenter les résultats.
Toutefois, les résultats provisoires confirment des difficultés à susciter davantage d'adhésion des étudiants à la participation, un manque de formation des représentants des étudiants ainsi qu'une certaine rigidité du cadre actuel. Celui-ci étant trop strict, il limite mécaniquement la représentation étudiante à une seule organisation, ce qui ne facilite pas l'expression et la prise en considération de la diversité des opinions des étudiants.
Dans l'attente de la rencontre avec les représentants des étudiants et de l'approfondissement de certaines pistes, il reste prématuré de se prononcer sur l'agenda et la méthode d'une éventuelle réforme.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, je vous remercie pour toutes ces précisions. Je constate que l'évaluation du décret suit son cours et je salue votre volonté de mener une concertation plus approfondie avec tous les acteurs, à savoir la FEF et les conseils étudiants indépendants.
A mon sens, pour que les étudiants soient légitimement représentés auprès de votre gouvernement et de l'ARES, il ne faut pas une seule ORC qui, par définition, ne peut pas être pluraliste; il faut au contraire une pluralité d'ORC.
J'espère que vos discussions avec la FEF seront constructives à cet égard, car je vous avoue avoir été très étonnée de prendre connaissance d'une note intitulée «Vodka Cécémel, pour le renouveau du mouvement étudiant» dans laquelle la FEF prône un idéal d'unité du mouvement étudiant. Cette note date de l'année 2000. J'imagine donc que la position de la FEF a évolué depuis toutes ces années.
En ce qui concerne le financement des ORC, j'ai appris que la FEF bénéficie annuellement d'un montant d'environ 450 000 euros, compte tenu des subventions aux ORC, des cotisations des membres et des subventions aux organisations de jeunesse. C'est un montant conséquent. Il me paraît dès lors encore plus évident, compte tenu de ce mécanisme de financement public, que vous procédiez à une évaluation du décret sur les ORC.
Je m'étonne d'autant plus que la FEF se soit insurgée dans la presse en décembre dernier, estimant qu'elle est la seule à pouvoir se questionner sur le mécanisme de la représentation étudiante en Fédération Wallonie-Bruxelles. La FEF allait jusqu'à préciser que «ce n'est pas à la ministre d'en discuter». Et bien, si! Lorsqu'ils octroient des subventions publiques pour un total de plus de 400 000 euros, votre gouvernement et notre Parlement ont tout à fait le droit d'évaluer le décret et de le réviser si nécessaire.
Je ne manquerai pas de suivre ce dossier avec attention, car il me tient à cœur.