Question orale sur la vaccination des enseignants (suivi)

23/02/2021

Question de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation, sur la vaccination du personnel des écoles contre la Covid‑19. 

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - En décembre et en janvier derniers, je vous ai déjà interrogée, Madame la Ministre, ainsi que le Ministre-Président Jeholet, sur la reconnaissance du personnel des écoles au sens large dans la liste des fonctions et métiers essentiels pouvant être vaccinés en priorité dans le cadre de la phase 1B de la stratégie de vaccination contre la Covid‑19. Cette phase 1B concerne les personnes âgées de 65 ans et plus, les personnes à risque entre 18 et 65 ans et les fonctions dites essentielles sur les plans social ou économique.

Lors de la séance plénière du 6 janvier dernier, le Ministre-Président Jeholet précisait que d'ici le début du mois de février, le groupe de travail «Vaccination» déterminerait, sur la base de critères objectifs, la liste des fonctions et des métiers essentiels ainsi que leur ordre de priorité. 

Le 5 janvier dernier, vous me confirmiez que la demande de votre gouvernement - comme celle du gouvernement de la Région flamande - est que les membres du personnel enseignant, toutes catégories confondues, soient compris dans cette phase de vaccination. Vous évoquiez les professionnels de l'école, pour bien signifier que tous les types de membres du personnel doivent être inclus dans cette approche, du directeur aux éducateurs, en passant par les enseignants, le personnel administratif et ouvrier, sans oublier les collaborateurs des centres psycho-médico-sociaux (PMS).

Madame la Ministre, bien que vous ne soyez pas membre de ce groupe de travail ou de la conférence interministérielle (CIM) Santé, vous avez précisé que dès que les instances compétentes vous auraient informée d'un éventuel calendrier et des modalités de vaccination, vous communiqueriez ces informations aux professionnels concernés. 

Comme je l'ai déjà signalé à plusieurs reprises, j'estime que si l'école a toujours été une priorité tant dans le Nord que dans le Sud de notre pays, tant pendant la première que durant la seconde vague de l'épidémie, elle doit le rester dans le cadre de la stratégie de vaccination. Je sais que vous êtes du même avis, tout comme la plupart voire l'ensemble des membres de notre commission.

Disposez-vous à présent de plus d'informations par rapport à la reconnaissance du personnel des écoles comme faisant partie des métiers essentiels pouvant se faire vacciner en priorité dans le cadre de la phase 1B de la stratégie de vaccination? Pourriez-vous par ailleurs nous en dire plus à propos du calendrier et des modalités de vaccination de ce personnel? 

Je me permets de vous poser une question supplémentaire. J'ai en effet été interpellée par plusieurs membres du personnel de l'enseignement secondaire artistique à horaire réduit (ESAHR), qui souhaitent savoir s'ils font partie du personnel de l'école au sens large pour lequel vous plaidez en faveur d'une vaccination prioritaire. Ils pensent que ce n'est pas le cas, parce que vous leur avez récemment adressé un courrier qu'ils ont comparé au courrier envoyé aux autres enseignants. Je ne dispose pas de ces documents. Il semblerait qu'il existe une différence entre les deux textes et que vous n'évoquez pas la question de la vaccination dans le courrier destiné aux enseignants de l'ESAHR.

Enfin, je réitère une question à laquelle vous ne m'avez pas encore répondu: si les enseignants sont considérés comme un métier essentiel - j'en suis persuadée -, prévoyez-vous une campagne de communication et de sensibilisation spécifique destinée au personnel des écoles? Une réflexion à cet égard est-elle en cours au sein de votre gouvernement? Si oui, pouvez-vous nous en présenter les contours?

Je précise que ma question ne concerne pas l'absence de reconnaissance des enseignants dans la liste des fonctions critiques. Une certaine confusion a régné à ce sujet dans la presse et au niveau des syndicats. Les fonctions critiques ont été déterminées en urgence le 6 février dernier comme pouvant bénéficier sans délai du vaccin d'AstraZeneca. Celui-ci a finalement été déconseillé aux moins de 55 ans. À mon sens, ce n'est pas parce que les enseignants n'ont pas été reconnus dans les fonctions critiques qu'ils ne peuvent pas l'être et ne devront pas l'être dans les fonctions essentielles. Ce point ayant entraîné des crispations dans le chef de plusieurs syndicats, pourriez-vous me donner votre avis sur cette question?

Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. - Mesdames et Messieurs les Députés, je vous rappelle tout d'abord que je ne suis pas responsable de la stratégie de vaccination et de sa mise en œuvre. Celles-ci sont du ressort de l'État fédéral et des Régions. La Fédération Wallonie-Bruxelles est cependant représentée dans le groupe de travail «Vaccination» par une représentante de l'Office de la naissance et de l'enfance (ONE), afin de communiquer nos priorités et nos points d'attention. La Fédération est également présente dans la CIM Santé, par l'intermédiaire de Bénédicte Linard et Valérie Glatigny qui relaient la position de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 

C'est d'ailleurs avec l'ensemble des membres du gouvernement que j'ai rencontré, avant le congé de Carnaval, les représentants des organisations syndicales des membres du personnel de l'enseignement. J'ai souhaité faire le point avec eux sur l'enjeu de la vaccination. 

Aux différentes étapes de la construction de la stratégie interfédérale de vaccination, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a plaidé pour que les membres des personnels de l'enseignement soient reconnus comme relevant des fonctions essentielles et fassent partie des publics prioritaires à vacciner dans ce cadre. 

Malheureusement, le calendrier de livraison des doses de vaccin à la Belgique ne permet pas, pour le moment, d'envisager une phase de vaccination réservée à des fonctions essentielles. 

Le nombre de doses qui seront livrées dans ces prochaines semaines sera insuffisant pour couvrir, à court terme, d'autres publics que les plus de 65 ans et ceux concernés par une comorbidité. Or, la protection de ces personnes à haut risque doit rester une priorité absolue dans le cadre de la stratégie de vaccination. 

Outre ces personnes à risque, la CIM Santé a décidé, sur recommandation des experts du groupe de travail, de réserver 30 000 vaccins pour des fonctions critiques - à ne pas confondre avec des fonctions essentielles -, à savoir des forces d'intervention ou les militaires qui partent en mission. Ce ne sont donc pas tous les policiers, pompiers ou militaires qui sont concernés, mais bien certains d'entre eux qui travaillent sur le terrain et qui doivent intervenir dans des situations où les contacts avec des adultes potentiellement positifs au virus sont inévitables sans gestes barrières. 

Si une phase de vaccination réservée aux fonctions essentielles est activée, le gouvernement continuera à défendre la prise en considération, à ce titre, des membres des personnels de l'enseignement. 

Dans le cadre global de la stratégie de vaccination, nous sommes limités par le nombre de doses disponibles à un moment donné. Si ce nombre ne permet pas de couvrir l'ensemble des membres du personnel dans une éventuelle phase de vaccination prioritaire, notre gouvernement a convenu de travailler à l'inclusion prioritaire des personnels occupés dans des types ou niveaux d'enseignement présentant les contacts les plus à risque avec les élèves, comme c'est le cas dans l'enseignement spécialisé. 

S'agissant du dépistage salivaire des membres du personnel enseignant, la CIM Santé, élargie aux ministres de l'Éducation, a décidé le 10 février dernier d'autoriser le lancement d'une expérience pilote dans un nombre restreint d'écoles. La particularité du dépistage salivaire, technique développée par l'ULiège et utilisée dans les maisons de repos de la Région wallonne, est qu'il ne nécessite pas l'intervention de personnel médical. L'idée est de fournir, chaque semaine, un kit de test aux membres du personnel qui effectuent le prélèvement chez eux et le ramènent à l'école. Ces tests sont alors acheminés vers des laboratoires de la plateforme fédérale de dépistage qui regroupe différents laboratoires universitaires par des points de logistique centraux. Après analyse du test, le membre du personnel aura normalement accès aux résultats dans la journée du prélèvement. La fiabilité un peu moindre de ces tests par rapport aux tests PCR naso-pharyngés est contrebalancée par leur régularité. En Fédération Wallonie-Bruxelles, nous allons débuter cette expérience pilote dans vingt écoles fondamentales et secondaires, dès la semaine prochaine. Ces écoles ont été sélectionnées sur la base d'un échantillon représentatif fourni par les différentes fédérations de pouvoirs organisateurs et Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE), toutes parties prenantes à l'expérience. Selon l'accord de la CIM Santé, le financement des kits des tests de dépistage et leur acheminement vers des points de logistique centraux répartis sur le territoire sont à charge des entités fédérées. Le ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles va mettre des chauffeurs à notre disposition à cet effet. Concernant le financement des kits de test de dépistage, une convention a été conclue entre le gouvernement et l'ULiège portant sur la mise à disposition gratuite de ces kits pour la Communauté française. C'est donc avec l'ULiège que nous réaliserons cette phase pilote dans les semaines à venir. Enfin, le coût de l'analyse en laboratoire est du ressort de l'État fédéral, ainsi que l'élaboration d'un système d'encodage central permettant de relier les résultats des tests au système central de Sciensano. Le but est d'agir au plus vite lorsqu'un cas de Covid-19 est détecté, afin de limiter le nombre de fermetures d'écoles. Le but est d'être le plus réactif possible et de pouvoir élargir, à un moment donné, le nombre d'écoles concernées.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Il n'est pas encore certain qu'une phase de vaccination de professions essentielles puisse être activée. Vous continuerez de défendre le personnel des écoles au sens large, avec certainement une priorisation au niveau des enseignements maternel et spécialisé. 

Mais si vous défendez le personnel des écoles au sens large, vous devrez aussi défendre le personnel de l'enseignement secondaire artistique à horaire réduit (ESAHR). Je ne pense pas vous avoir entendue sur cette question. 

J'espère que nous serons entendus, car seule une vaccination importante du personnel enseignant permettrait un retour à la normale dans nos écoles, en limitant les dégâts socio-pédagogiques et psychologiques que la crise sanitaire a causés et cause toujours. Cette campagne de vaccination serait également de nature à apporter plus de sérénité aux enseignants et directeurs.

Vous n'avez pas répondu à ma question concernant la mise en place d'une campagne de sensibilisation à la vaccination à destination du personnel enseignant. Mais vous dites qu'il n'est pas certain qu'une phase de vaccination de fonctions essentielles puisse avoir lieu. Il est quand-même possible de sensibiliser et de communiquer à propos de la vaccination auprès du personnel enseignant. La pertinence d'une véritable campagne de communication se vérifie quand on sait qu'initialement, de nombreux membres du personnel des maisons de repos étaient réticents.

Une enquête relative à l'acceptation potentielle ou non des enseignants vis-à-vis de la vaccination a été menée au sein de l'enseignement communal à Verviers. Je ne dispose pas des chiffres exacts, mais, sur environ 220 enseignants, 50 % environ ont répondu oui, 40 % ont répondu non et 10 % n'avaient pas d'avis. C'est interpellant. Comment revenir à la normale dans les écoles si les moins de 18 ans ne sont pas concernés par la vaccination et si - sur la base d'une extrapolation - 50 % des enseignants refusent de se faire vacciner? Fonction essentielle ou non, il faut mener une campagne de sensibilisation auprès des enseignants quant à l'importance de se faire vacciner. En effet, il n'en ira jamais d'une obligation.

Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. - Il faut faire attention à ne pas nous emmêler les pinceaux, parce que des campagnes concernant la vaccination sont prévues par d'autres niveaux de pouvoir en fonction des différentes phases de vaccination. Il faut que la communication soit cohérente et orchestrée de manière harmonieuse. Or, ce point spécifique ne relève pas de ma compétence.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Quand je parle d'une campagne de vaccination, ce n'est pas vous seule que je vise. Une telle campagne devra être menée en collaboration avec les Régions. Mais l'impact sera d'autant plus fort si vous communiquez également à ce sujet. Nous devons opérer une sensibilisation secteur par secteur.