Question orale sur l'invitation de policiers dans les écoles (suivi)

03/06/2021

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos de l'invitation de policiers dans les écoles

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - De nombreux faits d'actualité renforcent toujours plus ma conviction de la nécessité de rapprocher la population, en ce compris et surtout les jeunes, et les forces de police, ces dernières faisant face à une défiance grandissante dans l'exercice de leur profession depuis des années et encore plus depuis la crise sanitaire. Au quotidien, les policiers doivent faire face à des attitudes, des propos ou des comportements reflétant un manque de respect croissant ainsi qu'à des violences verbales et physiques. 

À mon sens, notre société gagnerait à sensibiliser les jeunes au respect des institutions de l'État, en ce compris la police. Trop souvent, ils sont uniquement confrontés aux services de police dans leur rôle répressif et ils en gardent une image négative, alors que la mission de ces services s'étend pourtant aussi à la prévention, à la sécurité et au respect des libertés individuelles. 

Comme je le suggérais déjà en commission du 19 novembre 2019, l'une des pistes à explorer pourrait être d'inviter des policiers dans les écoles, en vue d'une meilleure connaissance de cette fonction essentielle et d'un dialogue à portée pédagogique permettant d'établir la confiance et le respect de l'autorité dès le plus jeune âge. Plusieurs zones de police, dont celles de Liège et de Vesdre, en ont fait la demande depuis plusieurs mois, par voie de presse. 

Tendre la main aux policiers en les invitant de manière structurelle à venir présenter leur métier aux jeunes dans les écoles de notre Fédération permettrait d'éviter de faire l'amalgame entre quelques auteurs d'actes illégaux aux conséquences dramatiques et une très large majorité de policiers exemplaires, qui exercent leur métier avec professionnalisme et déontologie. Nos policiers de terrain doivent pouvoir exercer leur fonction sereinement sans craindre d'être insultés ou agressés à tout-va. De surcroît, un dialogue entre la police et les jeunes dans le contexte scolaire permettrait également aux services de l'ordre d'adapter, le cas échéant, leurs opérations de sensibilisation de façon utile et constructive. 

Pour ma part, il s'agit d'une question d'éducation qui concerne non seulement les parents, mais aussi l'école. Cette dernière a un rôle à jouer surtout auprès des enfants dont les parents se révéleraient malheureusement défaillants à cet égard. 

Dans un avis émis en février 2012, intitulé «Jeunesse et Police: Recommandations pour un apaisement», le Délégué général aux droits de l'enfant (DGDE) recommande notamment de donner une «information quant aux fonctions de base de la police et quant à son rôle au sein de la société» ainsi que d'organiser des «rencontres préparées et structurées, sur le long terme, entre les mineurs d'âge et la police, en vue d'humaniser les relations entre les jeunes et la police, de susciter le dialogue et de travailler sur la question des stéréotypes mutuels». 

Dans l'enquête «Les jeunes et la police» parue plus récemment, en décembre 2020, le Forum des jeunes a révélé qu'«à peine 18 % des 18-30 ans s'estiment bien informés de leurs droits et devoirs» et précise que «si la plupart d'entre eux souhaitent l'être davantage, ils assignent ce rôle à l'école et à la police elle-même. L'idée de faire venir des policiers dans les écoles est souvent énoncée, à condition que ces visites soient soigneusement préparées de concert», en insistant sur «la nécessité d'une vraie démarche éducative à l'égard des plus jeunes». 

À l'époque, vous m'aviez simplement répondu que de telles activités doivent se dérouler dans le respect de la liberté, de l'autonomie pédagogique de l'enseignant, de la direction et du pouvoir organisateur, sans plus. 

Toutefois, dans un article de presse paru dans La Dernière Heure, ce 11 mai 2021, et intitulé «Le Plan du PS pour rapprocher jeunes et police», votre parti, en tous cas, au niveau bruxellois, préconise à présent la même approche que moi en ces termes: «La police doit par ailleurs aller plus souvent dans les écoles (et vice versa), de manière structurelle et organisée, via des vrais partenariats». 

Madame la Ministre, mes questions à ce sujet sont les suivantes. Au-delà des initiatives individuelles de certains pouvoirs organisateurs, encourageriez-vous de telles visites? Pourraient-elles avoir lieu de manière structurelle, pour toutes les écoles et les réseaux, par exemple, dans le cadre de l'éducation à la philosophie et la citoyenneté (EPC)? Un outil pédagogique élaboré par la Fédération Wallonie-Bruxelles et permettant d'optimaliser les ressources et d'avoir finalement un canevas commun pour organiser de telles activités est-il envisageable? J'ai rencontré des représentants des différentes zones de police qui, bien qu'ils veuillent organiser de telles rencontres, me demandaient cependant si la Fédération Wallonie-Bruxelles ne pouvait pas prévoir un cadre commun pour les aider afin de ne pas devoir réitérer le même travail de préparation dans chaque zone de police. 

Par ailleurs, une concertation à ce sujet avec la ministre fédérale de l'Intérieur est-elle prévue? Notamment à propos de la participation de toutes les zones de police à un tel projet et à propos de la formation pédagogique des policiers amenés à se rendre dans des écoles. On sait, par exemple, que, dans le cadre du projet MEGA (Mon Engagement pour Garantir l'Avenir), qui ne concerne pas la présentation du rôle de la police, une mini formation pédagogique destinée aux policiers est organisée. Cependant, il faut évidemment avoir l'accord de la ministre fédérale de l'Intérieur à cet égard. 

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation. - Depuis 1998, la police organise tous les ans des projets de parrainage de classes de sixième année primaire. Durant toute une année scolaire, le policier parrain anime trois rencontres durant lesquelles les élèves assistent à une présentation de son métier et de ses missions. Ce genre d'initiative se déroule dans le respect de l'autonomie de l'enseignant, de la direction, du pouvoir organisateur ainsi que de leur liberté pédagogique. Il n'est donc pas prévu qu'elle devienne structurelle. 

De la même façon, un outil pédagogique organisant un canevas commun pour cette thématique n'est pas à l'ordre du jour. 

Enfin, concernant d'éventuels contacts avec la ministre de l'Intérieur, aucune rencontre n'est encore envisagée à ce stade. 

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Je vous remercie pour votre réponse, Madame la Ministre. Votre argument qui consiste à dire que cette initiative relève de la liberté pédagogique des écoles ne se justifie pas, car comme pour certains sujets, par exemple le harcèlement ou encore l'éducation à la mobilité, la circulation routière, toutes les écoles devraient s'y atteler au risque de créer une disparité non souhaitable entre les élèves. À mon sens, il en va de même pour cette initiative qui consiste à faire intervenir des policiers dans les écoles, compte tenu du contexte actuel. 

C'est la raison pour laquelle j'estime qu'il faudrait une solution structurelle pour l'ensemble des élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce projet est apparemment très fructueux, mais il ne voit le jour que dans certaines zones de police et je trouve dommage que tous les élèves ne puissent pas en profiter. 

J'ai été très enthousiaste de voir que votre parti, dans son plan visant à réconcilier la jeunesse et la police, prévoit exactement ce que je réclamais voici presque deux ans. 

Cependant, il ne semble pas que vous vous soyez concertée avec les membres de votre parti qui demandent, eux aussi, une solution structurelle pour toutes les écoles. 

Je ne perds toutefois pas espoir et ne manquerai pas de revenir vers vous pour en discuter, même de manière informelle, afin d'essayer de vous convaincre des bienfaits d'une telle mesure.