Question sur la dispense de cours de langues modernes durant l'éveil aux langues
Question d'actualité de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos de la dispense de cours de langues modernes durant les périodes d'éveil aux langues
Mme Stéphanie
Cortisse (MR). – Avec le nouveau tronc commun et les
nouveaux référentiels, un cours d'éveil aux langues d'une heure par semaine a
été instauré de la première année maternelle à la deuxième année primaire.
Des écoles fondamentales étaient déjà à la pointe en matière de langues modernes et organisaient déjà durant ces années scolaires de véritables cours de langues, que ce soit de néerlandais, d'anglais ou d'allemand.
Dans un premier
temps, fin d'année 2022, vous avez précisé, Madame la Ministre, que ces cours
de langues à part entière devaient disparaître au profit des cours d'éveil aux
langues.
Vous avez toutefois apporté une mesure de souplesse dans le courant du premier trimestre 2023, mesure que vous avez notifiée aux écoles par la circulaire 8936 du 1er juin 2023 « portant sur les informations relatives à la mise en œuvre du tronc commun durant l'année scolaire 2023-2024 », dans laquelle vous expliquez qu'on piouvait encore permettre aux écoles d'engager sur fonds propres, comme elles le faisaient avant, des maîtres de seconde langue. Ceux-ci ne peuvent pas donner leur cours seul, mais en présence du titulaire de la classe, et il est possible d'insister sur une langue plus qu'une autre, tout en maintenant l'éveil aux langues en parallèle. Le cours de langue doit être occasionnel en regard du cours d'éveil aux langues.
Mon collègue
Nicolas Janssen et moi-même avons été interpellés par plusieurs écoles: M.
Janssen plutôt par des écoles qui organisaient un cours de néerlandais, et moi
par des écoles qui organisaient alors des cours d'allemand à la frontière de la
Communauté germanophone. Elles nous ont dit regretter une interprétation
différente de cette mesure de souplesse d'une école à l'autre, engendrant alors
une concurrence déloyale. On doit pouvoir insister sur une langue plutôt qu'une
autre; cependant, certaines écoles de communes voisines organisent toujours un
véritable cours de langue et en font la publicité. Les écoles qui respectent
les règles à la lettre perdent alors des élèves et voient le nombre
d'inscriptions diminuer au profit des écoles qui maintiennent un cours de
langue.
Ces écueils nous
font nous poser plusieurs questions: ne pourrait-on pas mieux préciser la
mesure de souplesse, et déterminer un nombre de périodes à partir duquel il ne
s'agirait plus d'un cours occasionnel ? Le Service général de l'inspection
(SGI) pourrait-il se voir charger d'une mission pour rappeler le cadre à toutes
les écoles afin d'éviter des abus et mettre fin à cette concurrence déloyale ?
Mme Caroline
Désir, Ministre de l'Éducation. – Madame la Députée,
je vous remercie d'avoir parfaitement résumé la situation. Cela me facilite la
tâche.
J'ai effectivement
rencontré, dès la rentrée 2021-2022, différentes directions d'écoles qui
organisaient des cours de langue en maternelle ou en première et deuxième
années primaires, qui s'inquiétaient de l'entrée en vigueur de ce nouveau tronc
commun et de ce nouveau cours d'éveil aux langues. On a essayé d'être
pragmatique dans ce dossier. Nous ne voulons pas introduire ce tronc commun
pour embêter les écoles qui avaient fait un effort particulier en matière
d'apprentissage des langues, mais, en même temps, le tronc commun est fait pour
être commun, donc, à tous les élèves et éviter que des écoles ne se distinguent
par ce biais.
Afin d'éviter de
casser des projets pédagogiques, nous avons introduit cette mesure de
souplesse, que vous avez bien résumée et qui permet de se focaliser sur une
autre langue, tout en gardant cette idée de progressivité dans l'apprentissage.
À ce stade, il s'agit d'un éveil à différents sons et à différentes cultures.
Cela doit rester une réalité, même si on peut cependant admettre un focus sur
l'une ou l'autre langue.
Cette mesure de
souplesse permet également d'admettre que le titulaire de la classe, lorsqu'il
dispense le cours d'éveil aux langues, soit accompagné d'un professeur de
néerlandais ou d'allemand, par exemple. Cela pourrait aussi être un opérateur externe ou un parent
d'élève. En réalité, toutes les formules sont possibles. C'est d'ailleurs tout
l'intérêt d'une mesure de souplesse que de ne pas trop figer les choses.
Je reconnais être
étonnée par les témoignages que j'ai pu lire dans la presse, car depuis que
l'on a eu cette réunion avec les directions afin de clarifier le cadre, nous
n'avons plus jamais eu de retours, ni via les réunions mensuelles que l'on
organise avec les associations de directions ni via les réunions bilatérales
que l'on organise avec les fédérations de pouvoirs organisateurs. Je pensais de
bonne foi que la situation s'était apaisée sur le terrain et que chacun avait
trouvé son chemin.
Madame la Députée,
vous avez d'ailleurs rappelé que les écoles qui organisaient des cours de
langues précoces le faisaient sur fonds propres. A priori, ces établissements
peuvent toujours continuer comme cela.
Enfin, pour répondre à votre dernière question, un monitoring de la mise en œuvre du tronc commun et de la manière dont sont appréhendés les nouveaux référentiels de ce tronc commun est en cours. Dans ce cadre-là, nous allons recevoir un premier rapport d'évaluation, qui se fonde sur une mission d'inspection qui comprend une part spécifique sur l'éveil aux langues. Nous verrons donc plus clair après ce premier rapport d'évaluation.
Mme Stéphanie
Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je vous remercie
pour votre réponse. Je note qu'il y a bien une mission d'inspection. J'espère
que le cadre sera rappelé à toutes les écoles.
Je plaide en faveur
de cette mesure de souplesse importante afin que continue, malgré l'éveil aux
langues, l'apprentissage d'une langue plutôt qu'une autre dans certaines
écoles: le néerlandais, l'allemand ou l'anglais. Le contraire aurait manqué de
cohérence à l'heure où l'on encourage plus que jamais l'apprentissage des
langues modernes à l'école.
Par contre, la
mesure de souplesse actuelle reste floue; certaines écoles respectent les
règles à la lettre et d'autres non. Cela entraîne une sorte de concurrence
déloyale entre écoles de communes voisines. Certaines écoles en font même la
publicité, ce qui entraîne parfois une perte d'élèves au détriment d'autres
établissements scolaires.
Ces écoles se
voient mal écrire à la Ministre ou l'administration pour en dénoncer d'autres;
elles se voient mal pratiquer la délation. En tant que pouvoir régulateur vous
devez remédier, avec votre administration et le Service Général de l'Inspection,
à cette situation le plus rapidement possible et unifier, pour éviter toute
concurrence déloyale, ces pratiques dans les écoles.