Question sur la dispense de cours de langues modernes durant l'éveil aux langues

17/01/2024

Question d'actualité de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos de la dispense de cours de langues modernes durant les périodes d'éveil aux langues

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Avec le nouveau tronc commun et les nouveaux référentiels, un cours d'éveil aux langues d'une heure par semaine a été instauré de la première année maternelle à la deuxième année primaire.

Des écoles fondamentales étaient déjà à la pointe en matière de langues modernes et organisaient déjà durant ces années scolaires de véritables cours de langues, que ce soit de néerlandais, d'anglais ou d'allemand.

Dans un premier temps, fin d'année 2022, vous avez précisé, Madame la Ministre, que ces cours de langues à part entière devaient disparaître au profit des cours d'éveil aux langues.

Vous avez toutefois apporté une mesure de souplesse dans le courant du premier trimestre 2023, mesure que vous avez notifiée aux écoles par la circulaire 8936 du 1er juin 2023 « portant sur les informations relatives à la mise en œuvre du tronc commun durant l'année scolaire 2023-2024 », dans laquelle vous expliquez qu'on piouvait encore permettre aux écoles d'engager sur fonds propres, comme elles le faisaient avant, des maîtres de seconde langue. Ceux-ci ne peuvent pas donner leur cours seul, mais en présence du titulaire de la classe, et il est possible d'insister sur une langue plus qu'une autre, tout en maintenant l'éveil aux langues en parallèle. Le cours de langue doit être occasionnel en regard du cours d'éveil aux langues.

Mon collègue Nicolas Janssen et moi-même avons été interpellés par plusieurs écoles: M. Janssen plutôt par des écoles qui organisaient un cours de néerlandais, et moi par des écoles qui organisaient alors des cours d'allemand à la frontière de la Communauté germanophone. Elles nous ont dit regretter une interprétation différente de cette mesure de souplesse d'une école à l'autre, engendrant alors une concurrence déloyale. On doit pouvoir insister sur une langue plutôt qu'une autre; cependant, certaines écoles de communes voisines organisent toujours un véritable cours de langue et en font la publicité. Les écoles qui respectent les règles à la lettre perdent alors des élèves et voient le nombre d'inscriptions diminuer au profit des écoles qui maintiennent un cours de langue.

Ces écueils nous font nous poser plusieurs questions: ne pourrait-on pas mieux préciser la mesure de souplesse, et déterminer un nombre de périodes à partir duquel il ne s'agirait plus d'un cours occasionnel ? Le Service général de l'inspection (SGI) pourrait-il se voir charger d'une mission pour rappeler le cadre à toutes les écoles afin d'éviter des abus et mettre fin à cette concurrence déloyale ?

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation. – Madame la Députée, je vous remercie d'avoir parfaitement résumé la situation. Cela me facilite la tâche.

J'ai effectivement rencontré, dès la rentrée 2021-2022, différentes directions d'écoles qui organisaient des cours de langue en maternelle ou en première et deuxième années primaires, qui s'inquiétaient de l'entrée en vigueur de ce nouveau tronc commun et de ce nouveau cours d'éveil aux langues. On a essayé d'être pragmatique dans ce dossier. Nous ne voulons pas introduire ce tronc commun pour embêter les écoles qui avaient fait un effort particulier en matière d'apprentissage des langues, mais, en même temps, le tronc commun est fait pour être commun, donc, à tous les élèves et éviter que des écoles ne se distinguent par ce biais.

Afin d'éviter de casser des projets pédagogiques, nous avons introduit cette mesure de souplesse, que vous avez bien résumée et qui permet de se focaliser sur une autre langue, tout en gardant cette idée de progressivité dans l'apprentissage. À ce stade, il s'agit d'un éveil à différents sons et à différentes cultures. Cela doit rester une réalité, même si on peut cependant admettre un focus sur l'une ou l'autre langue.

Cette mesure de souplesse permet également d'admettre que le titulaire de la classe, lorsqu'il dispense le cours d'éveil aux langues, soit accompagné d'un professeur de néerlandais ou d'allemand, par exemple. Cela pourrait aussi être un opérateur externe ou un parent d'élève. En réalité, toutes les formules sont possibles. C'est d'ailleurs tout l'intérêt d'une mesure de souplesse que de ne pas trop figer les choses.

Je reconnais être étonnée par les témoignages que j'ai pu lire dans la presse, car depuis que l'on a eu cette réunion avec les directions afin de clarifier le cadre, nous n'avons plus jamais eu de retours, ni via les réunions mensuelles que l'on organise avec les associations de directions ni via les réunions bilatérales que l'on organise avec les fédérations de pouvoirs organisateurs. Je pensais de bonne foi que la situation s'était apaisée sur le terrain et que chacun avait trouvé son chemin.

Madame la Députée, vous avez d'ailleurs rappelé que les écoles qui organisaient des cours de langues précoces le faisaient sur fonds propres. A priori, ces établissements peuvent toujours continuer comme cela.

Enfin, pour répondre à votre dernière question, un monitoring de la mise en œuvre du tronc commun et de la manière dont sont appréhendés les nouveaux référentiels de ce tronc commun est en cours. Dans ce cadre-là, nous allons recevoir un premier rapport d'évaluation, qui se fonde sur une mission d'inspection qui comprend une part spécifique sur l'éveil aux langues. Nous verrons donc plus clair après ce premier rapport d'évaluation.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je vous remercie pour votre réponse. Je note qu'il y a bien une mission d'inspection. J'espère que le cadre sera rappelé à toutes les écoles.

Je plaide en faveur de cette mesure de souplesse importante afin que continue, malgré l'éveil aux langues, l'apprentissage d'une langue plutôt qu'une autre dans certaines écoles: le néerlandais, l'allemand ou l'anglais. Le contraire aurait manqué de cohérence à l'heure où l'on encourage plus que jamais l'apprentissage des langues modernes à l'école.

Par contre, la mesure de souplesse actuelle reste floue; certaines écoles respectent les règles à la lettre et d'autres non. Cela entraîne une sorte de concurrence déloyale entre écoles de communes voisines. Certaines écoles en font même la publicité, ce qui entraîne parfois une perte d'élèves au détriment d'autres établissements scolaires.

Ces écoles se voient mal écrire à la Ministre ou l'administration pour en dénoncer d'autres; elles se voient mal pratiquer la délation. En tant que pouvoir régulateur vous devez remédier, avec votre administration et le Service Général de l'Inspection, à cette situation le plus rapidement possible et unifier, pour éviter toute concurrence déloyale, ces pratiques dans les écoles.