Question sur la fréquentation scolaire en maternelle

12/10/2021

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Education, intitulée «Renforcement de la fréquentation scolaire en maternelle» 

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, j'ai déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de débattre avec vous des bienfaits et de la nécessité d'un renforcement de l'inscription et de la fréquentation assidue en maternelle, à partir de l'âge de cinq ans, âge de l'obligation scolaire, voire en deçà. 

La Déclaration de politique communautaire (DPC) prévoit d'ailleurs de «favoriser la fréquentation de l'école à partir de trois ans». 

Un objectif du Pacte pour un enseignement d'excellence est de revaloriser l'enseignement maternel. Le chantier n° 1 est consacré à cet objectif. 

Vous m'avez précisé que différents projets étaient en cours dans ce chantier, dont celui de la fréquentation régulière des élèves de l'enseignement maternel. 

En ce qui concerne les inscriptions, les derniers chiffres dont nous disposons remontent au 30 septembre 2018, date à laquelle 2,69 % des enfants n'étaient pas encore scolarisés à l'âge de cinq ans. 

En revanche, s'il nous revient que, parmi les enfants inscrits en maternelle avant l'âge de l'obligation scolaire, la fréquentation reste très irrégulière, vous m'avez indiqué, lors de la réunion du 8 septembre 2020 de notre commission, que vous ne disposiez pas de données objectives à cet égard, car les présences sont consignées dans des registres papier. Vous avez ajouté que, pour améliorer la qualité des statistiques de fréquentation scolaire, était en cours d'analyse le développement d'un outil numérique permettant le relevé des présences par tranche d'âge, par commune ou selon l'indice socio-économique de l'implantation, le tout sans impliquer de surcharge administrative. 

Madame la Ministre, disposez-vous à présent des statistiques concernant l'inscription des enfants en maternelle, aux 30 septembre 2019, 2020 et 2021? Par ailleurs, où en sont vos travaux quant au développement d'un outil numérique qui permettrait le relevé des présences en maternelle? Pourriez-vous nous présenter un calendrier pour sa création? Où en sont vos travaux au sein du chantier n° 1 du Pacte en ce qui concerne la fréquentation régulière des élèves de maternelle? Discutez-vous avec la ministre de l'Enfance, Bénédicte Linard, à cet égard, la DPC prévoyant de veiller à une meilleure transition entre l'accueil de la petite enfance et l'enseignement maternel et à une amélioration du continuum entre le préscolaire et le scolaire? Pourriez-vous faire le point sur ce chantier? 

Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. - Madame la Députée, accrochez-vous parce que vous allez être servie en chiffres!

Dans le cadre du chantier n° 1, les chiffres prélevés par l'administration ont permis d'élaborer un monitoring de l'inscription des élèves à l'école maternelle. 

Dans ce monitoring, selon les chiffres du comptage du 1er octobre 2020 des élèves inscrits dans les écoles organisées ou subventionnées par la Fédération Wallonie-Bruxelles, on dénombrait 57 523 enfants en première année maternelle, 49 028 en deuxième et 50 476 en troisième. Les élèves étaient inscrits dans des écoles wallonnes, flamandes, bruxelloises ou en dehors de nos frontières. 

En collaboration avec la Communauté flamande, le service du contrôle de l'inscription, le Service du droit à l'instruction (SDI), a dénombré à Bruxelles 751 dossiers d'enfants nés en 2015 et supposés non inscrits. Sur la base de ce fichier, des courriers sont envoyés aux responsables légaux afin qu'ils informent le SDI de la manière dont leur enfant répond à l'obligation scolaire. Sur la base des réponses et des preuves transmises, des corrections seront apportées à ce fichier. La raison la plus fréquente de ces incohérences momentanées est que l'enfant suit une scolarité dans une école à l'étranger. Au 31 août 2021, le SDI a constaté que 434 enfants nés en 2015 n'avaient pas répondu à l'obligation scolaire en 2020-2021. Pour 289 d'entre eux, le SDI n'a pu obtenir aucune réponse. Les autres ont répondu, mais les preuves n'ont pas été considérées comme valides. 

Pour ce qui concerne la Wallonie, le contrôle de l'inscription a été lancé au début du mois de janvier 2021. Le fichier de supposés non-inscrits wallons comprend 586 dossiers concernant des mineurs nés en 2015. Au 31 août 2021, le SDI a constaté que 276 enfants nés en 2015 n'ont pas répondu à l'obligation scolaire en 2020-2021. Pour 162 d'entre eux, il n'a pu obtenir aucune réponse. Les autres ont répondu, mais les preuves n'étaient pas valides. 

Le service du contrôle des inscriptions a également constaté une augmentation importante de demandes d'enseignement à domicile. À la suite de l'abaissement de l'âge d'obligation scolaire à 5 ans, 394 déclarations d'enseignement à domicile pour des enfants nés en 2015 ont été réceptionnées. Parmi eux, 297 sont instruits à domicile au sens strict et 97 sont scolarisés dans une structure privée. Il faut toujours rester prudent avec ces données, car, depuis lors, des familles ont décidé de réinscrire leurs enfants dans des écoles organisées ou subventionnées par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler plusieurs fois. Certains parents se rendent compte que ce choix est lourd. 

Concernant le contrôle de la fréquentation scolaire depuis le 1er septembre 2020, les élèves en obligation scolaire nés en 2015 qui ont plus de 9 demi-jours d'absence injustifiée doivent être signalés par le chef d'établissement au SDI. Toute nouvelle absence sera ensuite signalée mensuellement. Le bilan au 31 août 2021 comptabilise 4327 dossiers introduits pour des élèves de troisième année maternelle, dont 1547 pour plus de 20 demi-jours d'absence injustifiée. Aucune donnée n'est disponible pour les élèves de première et de deuxième années puisqu'ils ne sont pas en obligation scolaire. 

Le SDI peut fournir une série de données permettant le monitoring de l'impact de l'abaissement de l'obligation scolaire à 5 ans. Toutefois ces missions se réalisent sur une année scolaire. Il semble donc opportun de refaire un bilan au 31 août de chaque année. Par ailleurs, ne disposant pas de chiffres pour les années antérieures, il faudra probablement a minima deux années scolaires pour observer l'impact de cette législation, d'autant plus que cette année est particulière à la suite de la crise de la Covid-19. 

Enfin, pour donner suite aux comparaisons mensuelles par année d'étude effectuées par le SDI, un premier constat semble se dégager. La troisième maternelle est l'année de l'enseignement fondamental qui a été la plus touchée par l'absentéisme scolaire injustifié en 2020-2021. C'est d'autant plus interpellant quand on sait que les chefs d'établissements étaient invités, dans la circulaire 7674, à faire preuve de plus de souplesse pour ces élèves. Devant ce constat, la Direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO) a souhaité une prise en charge prioritaire de ces dossiers d'élèves qui étaient en troisième année maternelle en 2020-2021, par le service des équipes mobiles, dès la rentrée 2021-2022. Il s'agira de s'assurer de la bonne fréquentation de ces élèves qui viennent de faire leur entrée en première année primaire, cruciale dans le début des apprentissages. 

La gestion des dossiers des élèves passe effectivement encore par le format papier. Cependant, des outils sont mis en place pour faciliter l'encodage et la gestion des présences, grâce à des applications et à des web-services. Par ailleurs, l'administration travaille à l'élaboration d'un nouvel outil numérique qui répondra davantage aux besoins de gestion et de suivi des présences des élèves. 

Un projet ciblant la transition est en effet mené dans le chantier n° 1 du Pacte, avec l'objectif d'identifier les conditions grâce auxquelles il est possible d'améliorer le passage de l'école maternelle vers les classes primaires. Nous visons la réalisation d'un cadastre des bonnes pratiques pour la rentrée 2022. Une analyse approfondie est également prévue à terme, pour étudier les conditions d'une transition réussie entre la crèche et les classes d'accueil et maternelles. Ce travail devra évidemment se réaliser en bonne intelligence avec l'Office de la naissance et de l'enfance (ONE) et ma collègue, Bénédicte Linard. 

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, j'estime que la scolarisation et la fréquentation régulière de l'école maternelle dès le plus jeune âge ont de nombreux impacts positifs sur la réduction des inégalités, sur le développement de l'enfant et la stimulation des fonctions cognitives et l'apprentissage du langage.

À mon sens, on devrait abaisser l'âge de l'obligation scolaire à trois voire deux ans et demi. Cependant, cette décision appartient au pouvoir fédéral. En attendant d'arriver à un consensus sur cette question, nous devons encourager à notre niveau l'inscription en deçà de l'âge de l'obligation scolaire et la fréquentation assidue. 

Pour cela, nous devons disposer d'une meilleure analyse du taux de fréquentation par tranche d'âge. J'ai hâte que cet outil numérique soit créé, en veillant bien évidemment à ne pas alourdir les tâches administratives des directions d'écoles. 

Au-delà des chiffres, nous devons aussi travailler à la détermination des causes pour lesquels certains parents renoncent à inscrire leur enfant plus tôt ou bien ne perçoivent pas l'intérêt de les présenter régulièrement à l'école. Cela nous permettra de trouver ensuite les remèdes avec un plan d'actions pérennes et non ponctuelles, en collaborant de manière structurelle avec les milieux d'accueil. C'est pourquoi je serai attentive à la poursuite du chantier n° 1 du Pacte.