Question sur la généralisation du néerlandais ou de l'allemand comme première langue moderne

07/02/2023

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos de la généralisation de l'enseignement du néerlandais ou de l'allemand comme première langue moderne en Fédération Wallonie-Bruxelles

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - En commission du 25 octobre dernier, vous nous présentiez les grandes lignes de la note d'orientation adoptée par le Gouvernement le 13 octobre 2022 à propos de la «Généralisation de l'enseignement du néerlandais (ou de l'allemand) comme deuxième langue (langue moderne 1) en Fédération Wallonie-Bruxelles» pour la rentrée 2027-2028 en troisième année primaire, puis année après année pendant 6 ans.

Pour rappel, mon groupe est favorable à une généralisation des langues nationales dans l'enseignement francophone. Néanmoins, décider aujourd'hui du principe de cette généralisation, sans résoudre au préalable les problèmes que celle-ci pose, ne suffit pas pour garantir une entrée en vigueur de cette généralisation dans cinq ans.

Tout d'abord, il existe déjà une pénurie des maîtres et professeurs de langues modernes. Cette pénurie risque d'être renforcée parce qu'il faut trouver 373 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour la rentrée 2023-2024. En effet, la première langue moderne sera alors enseignée en Wallonie dès la troisième primaire au lieu de la cinquième primaire. Le Parlement a récemment adopté le décret instituant un dispositif expérimental créant un pool local de remplacement pour l'année scolaire 2022-2023 et contenant des mesures diverses en vue de lutter contre la pénurie d'enseignants (décret «Pénurie»); ce décret contient un train de nouvelles mesures.

Un groupe de travail spécifiquement consacré aux enseignants de seconde carrière continue par ailleurs à se pencher sur la question. Quelles mesures avez-vous prises pour les maîtres de langues modernes dans l'enseignement primaire? Qu'en est-il dans l'enseignement secondaire? Le groupe de travail étudie-t-il aussi cette question? Où en sont ses travaux? Quelles pistes sont-elles envisagées? Comment et quand seront-elles concrétisées?

Ensuite, vous précisiez que les possibilités d'organiser un enseignement d'immersion en anglais devraient encore être réexaminées. Vous ajoutiez que s'il vous paraît essentiel de préserver la philosophie du tronc commun, vous êtes également soucieuse du devenir des écoles qui reposent sur un projet pédagogique de ce type.

Où en sont les réflexions à cet égard? Les écoles en immersion en anglais sont-elles vouées à disparaître pour le niveau fondamental et les premières années du secondaire?

Par ailleurs, vous précisiez que l'impact social qu'aura l'imposition du choix de la première langue moderne sur les professeurs d'anglais et d'allemand doit être au cœur des préoccupations et que, selon les analyses menées par l'administration, le taux de reconversion de ces membres du personnel s'élève à 86 %. Vous ajoutiez qu'il conviendrait d'assurer une transition sociale évitant un impact négatif sur l'emploi, par exemple, en offrant suffisamment de temps aux enseignants qui perdraient des heures pour se former, voire se réorienter.

Où en sont vos analyses à cet égard? Quelles pistes de solution concrètes envisagez-vous non seulement pour les professeurs de langue anglaise dans le fondamental, mais aussi pour les professeurs d'anglais dans le secondaire? Les enseignants d'anglais et d'espagnol s'inquiètent pour leur avenir: même nommés, pourraient-ils être amenés à devoir changer d'école ou encore à devoir intégrer une autre matière comme la géographie ou une autre langue pour continuer à enseigner à temps plein, ce qui leur demanderait des années d'études, de pratique et d'investissement?

Enfin, vous annonciez que si l'apprentissage de l'allemand doit légalement être maintenu dans les communes dotées d'un régime linguistique spécial, il pourrait être étendu aux communes situées aux frontières avec l'Allemagne, le Grand-Duché de Luxembourg et la Communauté germanophone. Toutefois, vous n'aviez pas encore défini les modalités et le périmètre géographique de la mesure. Vous n'aviez pas non plus tranché la question de savoir si le choix entre le néerlandais et l'allemand restera possible ou si l'allemand sera imposé seul dans ces communes.

Certaines écoles de l'arrondissement de Verviers, implantées dans des communes qui ne sont pas limitrophes avec la Communauté germanophone, m'ont contactée. Elles se situent aux frontières de l'arrondissement de Liège, mais sont localisées dans l'arrondissement de Verviers, qui comprend la Communauté germanophone. À l'heure actuelle, certaines écoles primaires de ces communes enseignent seulement l'allemand et souhaiteraient pouvoir continuer à le faire en 2027.

Plutôt que parler de la généralisation du néerlandais, pourquoi ne pas évoquer la généralisation des langues nationales? Pourquoi ne pas autoriser les communes plus éloignées de la frontière linguistique avec la Communauté germanophone, qui font néanmoins partie du même arrondissement que cette Communauté, de continuer à enseigner l'allemand? Prévoyez-vous des concertations avec les écoles et les pouvoirs organisateurs pour tenir compte de ces réalités de terrain?

De plus, vous prévoyiez un plan de communication détaillée à l'adresse des écoles, des parents et des membres du personnel concerné. Qu'en est-il?

Enfin, le Gouvernement vous avait chargée de soumettre la note d'orientation au Comité de concertation du Pacte pour un enseignement d'excellence. Vous attendiez les avis des acteurs institutionnels de l'enseignement pour réfléchir sur les points d'attention évoqués et aborder d'autres enjeux, comme les évaluations externes ou certificatives.

Avez-vous soumis la note au Comité de concertation? Qu'est-il ressorti des discussions sur les problématiques soulevées? Est-il prévu d'intégrer une épreuve de langue moderne dans le certificat d'études de base (CEB)?

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation. - La note d'orientation relative à la Généralisation de l'enseignement du néerlandais (ou de l'allemand) comme deuxième langue (langue moderne 1) en Fédération Wallonie-Bruxelles a été soumise au Comité de concertation le 26 janvier dernier. Les acteurs institutionnels ont eu l'occasion de formuler leurs premières remarques et interrogations sur ce dossier et un second tour de table sera organisé sous la même forme le mois prochain.

À cette occasion, mes collaborateurs ont avancé des pistes concrètes relatives à l'immersion en anglais et à l'apprentissage résiduel de l'allemand.

Afin de préserver le devenir des écoles dont le projet pédagogique repose sur l'organisation d'une filière immersive en anglais, une piste consiste à dissocier le parcours immersif de l'élève du choix de la première langue moderne. Cette proposition présente des écueils quant à l'accompagnement pédagogique des élèves dans l'apprentissage de la langue cible. Elle n'a pas encore fait l'objet de décision à ce stade et toutes ses conséquences doivent encore être soupesées.

Si rien n'a été tranché à ce stade, il a également été proposé de maintenir la possibilité d'enseigner l'allemand dans les communes les plus proches de la frontière germanophone, en particulier au sein des arrondissements de Liège, Verviers, Bastogne et Arlon, qui sont directement limitrophes, mais également au sein des arrondissements de Neufchâteau et Virton.

La volonté du Gouvernement reste de limiter l'incidence de la mesure envisagée sur l'emploi et de trouver des solutions pour tous les maîtres d'anglais actuellement en fonction. Plusieurs pistes sont déjà envisagées pour une partie d'entre eux. Ce chantier sera intégré à la création d'une cellule de reconversion, prévue dans le cadre du Pacte pour un enseignement d'excellence, afin d'accompagner la transition sociale.

Le CEB, quant à lui, n'a pas fait l'objet de discussions plus approfondies que les pistes déjà évoquées.

Enfin, nous travaillons activement à la mise en œuvre de propositions formulées par le groupe de travail et consacrées aux enseignants de seconde carrière, à commencer par le lancement, en mai prochain, d'une campagne de promotion et de valorisation des métiers de l'enseignement. Le rapprochement entre les services de l'Administration générale de l'enseignement (AGE) et les services régionaux chargés de l'emploi est également envisagé à cette même échéance afin de développer des partenariats et des outils permettant de renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi susceptibles de s'orienter vers l'enseignement. Enfin, l'amélioration de la plateforme Primoweb, dont le but est de faciliter le croisement des candidatures d'enseignants et des pouvoirs organisateurs à la recherche d'enseignants s'inscrit dans une temporalité un peu plus longue, notamment en raison du caractère technique des modifications à apporter à cette plateforme.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Je note que les discussions sont encore en cours et que le Comité de concertation se réunira une nouvelle fois. Je ne manquerai pas de vous interroger à nouveau sur ces points, Madame la Ministre.

S'agissant de l'enseignement de l'allemand, il est pertinent de procéder par arrondissement plutôt que par commune.

Il faut également poursuivre l'hypothèse que vous évoquez quant à l'immersion en anglais et ne pas abandonner ce type de projet pédagogique.