Question sur la généralisation du néerlandais ou de l'allemand comme première langue moderne
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR), à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos de la généralisation de l'enseignement du néerlandais ou de l'allemand comme première langue moderne en Fédération Wallonie-Bruxelles
Mme Stéphanie
Cortisse (MR). – Madame la Ministre, lors de la
réunion du 25 octobre dernier de notre commission, vous nous présentiez les
grandes lignes de la note d'orientation adoptée par le gouvernement, le 13
octobre, à propos de la généralisation de l'enseignement du néerlandais ou de
l'allemand comme première langue moderne en Fédération Wallonie-Bruxelles, pour
la rentrée 2027-2028 en P3, puis année après année pendant six ans.
En réunion de
commission du 7 février dernier, je vous ai interrogée à nouveau sur les
différentes problématiques à résoudre pour y parvenir. Vous m'annonciez que la
note d'orientation avait été soumise au Comité de concertation le 26 janvier et
qu'un second tour de table devait encore être organisé.
Tout d'abord, en ce
qui concerne le devenir des écoles d'immersion en langue anglaise, vous
annonciez qu'une piste consistait à dissocier le parcours immersif de l'élève
du choix de la première langue moderne, mais que cette proposition présentait
des lacunes quant à l'accompagnement pédagogique des élèves dans
l'apprentissage de la langue cible, de sorte que toutes ses conséquences
devaient encore être soupesées.
Où en sont les
réflexions à cet égard? Les écoles en immersion anglaise sont-elles vouées à
disparaître pour le niveau fondamental et les deux premières années du
secondaire?
En outre, vous
annonciez que si l'apprentissage de l'allemand doit légalement être
maintenu dans les communes dotées d'un régime linguistique spécifique, il
pourrait être étendu aux communes situées aux frontières avec l'Allemagne, le
Grand-Duché de Luxembourg et la Communauté germanophone. Toutefois, vous
n'aviez pas encore défini les modalités de la mesure et son périmètre
géographique et n'aviez donc pas encore tranché la question de savoir si le
choix entre le néerlandais et l'allemand resterait possible dans les zones
concernées.
Lors de nos
derniers débats à ce sujet, vous annonciez que si rien n'avait encore été
tranché à ce stade, il avait été proposé de maintenir la possibilité
d'enseigner l'allemand dans les communes les plus proches de la frontière
germanophone, en particulier dans les arrondissements directement limitrophes
de Liège, Verviers, Bastogne et Arlon, mais également dans les arrondissements
de Neufchâteau et Virton.
J'estime qu'il
s'agit de la meilleure formule, car il ne faudrait pas parler d'une
généralisation du néerlandais, mais des langues nationales en Fédération
Wallonie-Bruxelles, en ce compris l'allemand. En effet, le renforcement des
liens doit se faire non pas uniquement avec la Communauté flamande, mais aussi
avec la Communauté germanophone. Beaucoup d'offres d'emploi demandent d'ailleurs
l'allemand dans ces régions. À mon sens, le choix entre le néerlandais et
l'allemand doit toutefois rester possible pour les écoles de ces
arrondissements.
La question du
périmètre géographique a-t-elle à présent été tranchée? Les écoles situées au
sein de ces six arrondissements pourront-elles continuer l'apprentissage de
l'allemand si elles le souhaitent? Pourront-elles proposer tant le néerlandais
que l'allemand ou un choix entre ces deux langues devra-t-il être fait? Cette
question est importante, notamment pour les écoles secondaires qui
souhaiteraient pouvoir continuer à proposer tant l'allemand que le néerlandais
comme première langue. En effet, les élèves qui s'y inscrivent proviennent de
plusieurs écoles fondamentales différentes qui proposaient le choix d'une
première langue nationale pouvant différer entre le néerlandais et l'allemand.
Enfin, en ce qui
concerne l'impact social, vous annonciez votre volonté de limiter
l'incidence de cette réforme sur l'emploi et de trouver des solutions pour tous
les maîtres d'anglais actuellement en fonction. Vous ajoutiez que plusieurs
pistes étaient déjà envisagées pour une partie d'entre eux et que ce chantier serait
intégré à la création de la fameuse cellule de reconversion – prévue dans le
cadre du Pacte pour un enseignement d'excellence – afin d'accompagner la
transition sociale. J'ai transmis cette réponse aux nombreux enseignants
d'anglais, d'espagnol et d'allemand qui m'ont interpelée à ce sujet. Ils n'ont
pas été réellement satisfaits. Ils s'inquiètent sérieusement pour leur avenir
et se posent une série de questions que je reprends ici.
Pourrait-on obliger
un enseignant avec un titre requis en anglais et en néerlandais, et par exemple
nommé à mi-temps en anglais et à mi-temps en néerlandais, à accepter de donner
100 % de sa charge en néerlandais? Cela modifierait-il sa nomination à temps
plein en néerlandais et permettrait-il de combler la pénurie de professeurs de
néerlandais tout en libérant des heures pour les professeurs d'anglais? Qu'en
est-il des professeurs qui refuseraient? Un recours sera-t-il possible?
Si un enseignant
nommé à temps plein en anglais, espagnol ou allemand n'a plus une charge
suffisante dans son école, quelles solutions lui proposer? Même nommé,
pourrait-il être amené à devoir changer d'école?
Un enseignant qui
n'aurait plus de charge complète, pourrait-il être amené à devoir apprendre sur
le tard une autre matière – par exemple la géographie – ou une autre langue –
comme le néerlandais –, pour pouvoir continuer à enseigner à temps plein? Cela
nécessiterait des années d'études, de pratique et d'investissement. De telles
formations feraient-elles partie de leur charge horaire et les frais de
déplacement pour se rendre à ces formations seraient-ils pris en charge?
Madame la Ministre,
où en sont vos analyses à cet égard? Quelles pistes de solution concrètes
sont-elles envisagées, non seulement pour les maîtres de langue anglaise dans
le fondamental, mais aussi pour les enseignants d'anglais, espagnol et allemand
dans le secondaire?
Mme Caroline
Désir, ministre de l'Éducation. – Madame la Députée,
les réflexions sont toujours en cours concernant le devenir de l'immersion
anglaise et le périmètre géographique au sein duquel l'apprentissage de
l'allemand pourra être maintenu. Je ne suis pas en mesure de vous fournir de
réponses définitives à ce stade. Les contributions écrites annoncées par les
acteurs sont toujours en cours de réception.
Dans le contexte
d'anticipation des cours de langues en P3-P4, l'un des plus importants points
d'attention exprimés concerne la pénurie. Le choix du phasage de la prise
d'effet de la décision de généraliser l'apprentissage du néerlandais ou de
l'allemand ne suffit pas à apaiser les craintes des fédérations de pouvoirs
organisateurs (PO) à ce niveau. Ces dernières mettent en effet en avant le fait
que le resserrement de l'enseignement des langues sur les langues nationales
aura pour conséquence de complexifier encore la recherche des enseignants en
langues, certains d'entre eux n'ayant les titres que pour enseigner l'anglais
par exemple. Face à ces éléments et avant de déterminer les aspects sur
lesquels le gouvernement pourrait encore statuer pour concrétiser sa décision
de principe, il sera intéressant d'évaluer la manière dont se sera déroulée la
rentrée 2023.
Dans tous les cas,
il sera essentiel d'apporter le plus rapidement possible des réponses aux
questions d'impact social et statutaire en veillant notamment à dégager des
solutions pour favoriser la reconversion d'un maximum de maîtres d'anglais en
maîtres de néerlandais, moyennant la mise en œuvre de formations ad hoc. Ce
travail est en cours et je n'entrerai donc pas dans le détail sur les
orientations susceptibles d'être envisagées au regard de la législation
actuelle et des besoins identifiés.
Mme Stéphanie
Cortisse (MR). – Merci Madame la Ministre. C'est tout
le problème lorsqu'on prend une décision de principe. En l'occurrence, une
décision importante et qui a fait beaucoup de bruit dans la société, d'autant
qu'une série de questions restent en suspens. Ce processus va donc durer un
certain temps. Les enseignants s'inquiètent déjà en pensant à 2026 et veulent
des réponses tout de suite.
Je note que le travail est toujours en cours sur les
trois questions que je vous ai posées. Ma question était un peu longue, mais
m'a permis de mettre en lumière les points d'attention qui me reviennent de la
part des enseignants. J'espère que vous pourrez les soumettre aux groupes de
travail qui se réunissent sur le sujet afin de solutionner les choses.