Question sur la généralisation du néerlandais ou de l'allemand comme première langue moderne

06/06/2023

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR), à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos de la généralisation de l'enseignement du néerlandais ou de l'allemand comme première langue moderne en Fédération Wallonie-Bruxelles

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, lors de la réunion du 25 octobre dernier de notre commission, vous nous présentiez les grandes lignes de la note d'orientation adoptée par le gouvernement, le 13 octobre, à propos de la généralisation de l'enseignement du néerlandais ou de l'allemand comme première langue moderne en Fédération Wallonie-Bruxelles, pour la rentrée 2027-2028 en P3, puis année après année pendant six ans.

En réunion de commission du 7 février dernier, je vous ai interrogée à nouveau sur les différentes problématiques à résoudre pour y parvenir. Vous m'annonciez que la note d'orientation avait été soumise au Comité de concertation le 26 janvier et qu'un second tour de table devait encore être organisé.

Tout d'abord, en ce qui concerne le devenir des écoles d'immersion en langue anglaise, vous annonciez qu'une piste consistait à dissocier le parcours immersif de l'élève du choix de la première langue moderne, mais que cette proposition présentait des lacunes quant à l'accompagnement pédagogique des élèves dans l'apprentissage de la langue cible, de sorte que toutes ses conséquences devaient encore être soupesées.

Où en sont les réflexions à cet égard? Les écoles en immersion anglaise sont-elles vouées à disparaître pour le niveau fondamental et les deux premières années du secondaire?

En outre, vous annonciez que si l'apprentissage de l'allemand doit légalement être maintenu dans les communes dotées d'un régime linguistique spécifique, il pourrait être étendu aux communes situées aux frontières avec l'Allemagne, le Grand-Duché de Luxembourg et la Communauté germanophone. Toutefois, vous n'aviez pas encore défini les modalités de la mesure et son périmètre géographique et n'aviez donc pas encore tranché la question de savoir si le choix entre le néerlandais et l'allemand resterait possible dans les zones concernées.

Lors de nos derniers débats à ce sujet, vous annonciez que si rien n'avait encore été tranché à ce stade, il avait été proposé de maintenir la possibilité d'enseigner l'allemand dans les communes les plus proches de la frontière germanophone, en particulier dans les arrondissements directement limitrophes de Liège, Verviers, Bastogne et Arlon, mais également dans les arrondissements de Neufchâteau et Virton.

J'estime qu'il s'agit de la meilleure formule, car il ne faudrait pas parler d'une généralisation du néerlandais, mais des langues nationales en Fédération Wallonie-Bruxelles, en ce compris l'allemand. En effet, le renforcement des liens doit se faire non pas uniquement avec la Communauté flamande, mais aussi avec la Communauté germanophone. Beaucoup d'offres d'emploi demandent d'ailleurs l'allemand dans ces régions. À mon sens, le choix entre le néerlandais et l'allemand doit toutefois rester possible pour les écoles de ces arrondissements.

La question du périmètre géographique a-t-elle à présent été tranchée? Les écoles situées au sein de ces six arrondissements pourront-elles continuer l'apprentissage de l'allemand si elles le souhaitent? Pourront-elles proposer tant le néerlandais que l'allemand ou un choix entre ces deux langues devra-t-il être fait? Cette question est importante, notamment pour les écoles secondaires qui souhaiteraient pouvoir continuer à proposer tant l'allemand que le néerlandais comme première langue. En effet, les élèves qui s'y inscrivent proviennent de plusieurs écoles fondamentales différentes qui proposaient le choix d'une première langue nationale pouvant différer entre le néerlandais et l'allemand.

Enfin, en ce qui concerne l'impact social, vous annonciez votre volonté de limiter l'incidence de cette réforme sur l'emploi et de trouver des solutions pour tous les maîtres d'anglais actuellement en fonction. Vous ajoutiez que plusieurs pistes étaient déjà envisagées pour une partie d'entre eux et que ce chantier serait intégré à la création de la fameuse cellule de reconversion – prévue dans le cadre du Pacte pour un enseignement d'excellence – afin d'accompagner la transition sociale. J'ai transmis cette réponse aux nombreux enseignants d'anglais, d'espagnol et d'allemand qui m'ont interpelée à ce sujet. Ils n'ont pas été réellement satisfaits. Ils s'inquiètent sérieusement pour leur avenir et se posent une série de questions que je reprends ici.

Pourrait-on obliger un enseignant avec un titre requis en anglais et en néerlandais, et par exemple nommé à mi-temps en anglais et à mi-temps en néerlandais, à accepter de donner 100 % de sa charge en néerlandais? Cela modifierait-il sa nomination à temps plein en néerlandais et permettrait-il de combler la pénurie de professeurs de néerlandais tout en libérant des heures pour les professeurs d'anglais? Qu'en est-il des professeurs qui refuseraient? Un recours sera-t-il possible?

Si un enseignant nommé à temps plein en anglais, espagnol ou allemand n'a plus une charge suffisante dans son école, quelles solutions lui proposer? Même nommé, pourrait-il être amené à devoir changer d'école?

Un enseignant qui n'aurait plus de charge complète, pourrait-il être amené à devoir apprendre sur le tard une autre matière – par exemple la géographie – ou une autre langue – comme le néerlandais –, pour pouvoir continuer à enseigner à temps plein? Cela nécessiterait des années d'études, de pratique et d'investissement. De telles formations feraient-elles partie de leur charge horaire et les frais de déplacement pour se rendre à ces formations seraient-ils pris en charge?

Madame la Ministre, où en sont vos analyses à cet égard? Quelles pistes de solution concrètes sont-elles envisagées, non seulement pour les maîtres de langue anglaise dans le fondamental, mais aussi pour les enseignants d'anglais, espagnol et allemand dans le secondaire?

Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. – Madame la Députée, les réflexions sont toujours en cours concernant le devenir de l'immersion anglaise et le périmètre géographique au sein duquel l'apprentissage de l'allemand pourra être maintenu. Je ne suis pas en mesure de vous fournir de réponses définitives à ce stade. Les contributions écrites annoncées par les acteurs sont toujours en cours de réception.

Dans le contexte d'anticipation des cours de langues en P3-P4, l'un des plus importants points d'attention exprimés concerne la pénurie. Le choix du phasage de la prise d'effet de la décision de généraliser l'apprentissage du néerlandais ou de l'allemand ne suffit pas à apaiser les craintes des fédérations de pouvoirs organisateurs (PO) à ce niveau. Ces dernières mettent en effet en avant le fait que le resserrement de l'enseignement des langues sur les langues nationales aura pour conséquence de complexifier encore la recherche des enseignants en langues, certains d'entre eux n'ayant les titres que pour enseigner l'anglais par exemple. Face à ces éléments et avant de déterminer les aspects sur lesquels le gouvernement pourrait encore statuer pour concrétiser sa décision de principe, il sera intéressant d'évaluer la manière dont se sera déroulée la rentrée 2023.

Dans tous les cas, il sera essentiel d'apporter le plus rapidement possible des réponses aux questions d'impact social et statutaire en veillant notamment à dégager des solutions pour favoriser la reconversion d'un maximum de maîtres d'anglais en maîtres de néerlandais, moyennant la mise en œuvre de formations ad hoc. Ce travail est en cours et je n'entrerai donc pas dans le détail sur les orientations susceptibles d'être envisagées au regard de la législation actuelle et des besoins identifiés.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Merci Madame la Ministre. C'est tout le problème lorsqu'on prend une décision de principe. En l'occurrence, une décision importante et qui a fait beaucoup de bruit dans la société, d'autant qu'une série de questions restent en suspens. Ce processus va donc durer un certain temps. Les enseignants s'inquiètent déjà en pensant à 2026 et veulent des réponses tout de suite.

Je note que le travail est toujours en cours sur les trois questions que je vous ai posées. Ma question était un peu longue, mais m'a permis de mettre en lumière les points d'attention qui me reviennent de la part des enseignants. J'espère que vous pourrez les soumettre aux groupes de travail qui se réunissent sur le sujet afin de solutionner les choses.