Question sur la Justice Communautaire (suivi)

09/03/2021
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Valérie Glatigny, Ministre des Maisons de justice, à propos de la codification de la Justice communautaire et de la Conférence interministérielle "Milieu carcéral" (suivi)

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Bien que la justice soit une matière régalienne et relève principalement du niveau fédéral, au cours de la précédente législature et à la suite de la sixième réforme de l'État, la Fédération Wallonie-Bruxelles s'est vu transférer de nouvelles compétences importantes en la matière, à savoir les maisons de justice, la surveillance électronique et les missions d'accompagnement et de prise en charge des justiciables.

Lors de la réunion du 23 juin dernier de la commission de l'Enseignement supérieur, je vous ai interrogée tout d'abord sur la volonté affichée par votre gouvernement dans la Déclaration de politique communautaire (DPC) d'élaborer un Code de la justice communautaire compilant l'ensemble des dispositions de droit positif en Fédération Wallonie-Bruxelles, afin de mieux rendre compte de l'étendue de ses nouvelles compétences.

J'insiste à nouveau sur le fait qu'à mon sens, à l'heure où la simplification administrative est de mise dans tous les domaines, une simplification d'un point de vue juridique est également nécessaire. Une codification des textes épars en vigueur est primordiale pour une meilleure lisibilité et accessibilité du cadre légal à tout un chacun.

Vous m'aviez alors précisé qu'un texte législatif reprenant l'ensemble de ses nouvelles compétences était en cours d'élaboration, votre administration ayant «déjà entamé un travail de réflexion sur le contenu de ce projet de loi» et étant sur le point de «mettre sur pied divers groupes de travail» et de fixer des rencontres avec les professionnels concernés. Vous annonciez attendre en principe les conclusions de ces divers groupes de travail pour la fin de l'année 2020.

Je vous ai par ailleurs interrogée sur la création, prévue par la DPC, d'une conférence interministérielle (CIM) visant la réinsertion des justiciables. Vous m'aviez confié qu'une réflexion devrait être menée sur les modalités d'organisation, mais qu'en attendant de pouvoir l'organiser, vous prendriez les initiatives nécessaires pour assurer l'efficacité de l'actuelle CIM, déjà instaurée par l'Accord de coopération du 29 mars 2018 entre la Communauté française, la Région wallonne et la Commission communautaire française visant la coordination des politiques d'intervention en lien avec le milieu carcéral. Vous annonciez d'ailleurs avoir entrepris des démarches en vue de la convoquer en 2020.

Cependant, cette CIM existante ne se compose que de représentants de la Communauté française, de la Commission communautaire française (COCOF) et de la Région wallonne. Des représentants de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Commission communautaire commune (COCOM) peuvent également être invités, mais uniquement à titre consultatif. Nous constations surtout que le ministre fédéral de la Justice n'y était pas associé, sa présence étant toutefois possible et même souhaitée par le comité de pilotage. À cet égard, j'estime que le ministre de la Justice devrait impérativement être membre de droit de la nouvelle CIM.

Madame la Ministre, pourriez-vous me préciser l'état d'avancement du projet de codification des normes régissant les compétences en Justice de la Fédération Wallonie-Bruxelles? Les groupes de travail vous ont-ils remis leurs conclusions dans les délais prévus? Si oui, qu'en ressort-il?

Avez-vous pu réunir comme prévu la CIM existante visant la coordination des politiques d'intervention liées au milieu carcéral? Outre les acteurs dont la présence est requise, des représentants de la Région de Bruxelles-Capitale, de la COCOM, ainsi que le ministre fédéral de la Justice ont-ils répondu présents à l'invitation? Pourriez-vous nous présenter les conclusions de cette CIM?

Enfin, le 7 septembre dernier, vous avez rencontré l'ancien ministre fédéral de la Justice, Koen Geens, à cet égard. Pourriez-vous nous préciser ce qu'il est ressorti de cette rencontre? Avez-vous depuis lors pu rencontrer, dans le même but, le nouveau ministre fédéral de la Justice, M. Vincent Van Quickenborne?

Mme Valérie Glatigny, ministre des Maisons de justice. - Madame la Députée, les travaux relatifs à la rédaction du futur texte réglementaire ont été planifiés et sont toujours en cours. Les lignes directrices définissant le paramètre et les orientations à prendre en compte ont été balisées. Avec celles-ci, il sera établi que, tout en préservant son identité et en continuant à assurer les missions qui s'inscrivent dans les limites de ses compétences et contribuent à l'état de droit, l'Administration générale des maisons de justice (AGMJ) s'adapte à l'ancrage institutionnel communautaire. En outre, elle donne une place centrale à la personne dans le cadre des interventions de ses services opérationnels. Actuellement, mon administration récolte des avis et sonde les besoins afin d'alimenter le contenu du futur texte. À cette fin, elle s'adresse à l'ensemble de la ligne hiérarchique de l'AGMJ, aux acteurs concernés, qui se réuniront par petits groupes de travail, ainsi qu'aux personnes-ressources. Une fois cette récolte d'informations terminée, la structuration d'un projet de texte sera amorcée. Le travail de l'écriture définitive se fera en collaboration avec le Centre d'expertise juridique (CEJ) de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 

La CIM s'est réunie le 2 décembre 2020. Elle a pris en considération le suivi des mesures 2019-2020 - la CIM ne s'étant pas réunie en 2019. Pour 2021, elle a intégré et approuvé diverses mesures proposées par les instances wallonnes et bruxelloises lors des travaux du comité de pilotage. À cet effet, elle a adopté une approche décloisonnée pour la formation, le sport et l'hébergement des sortants de prison. Des responsables de la Direction générale des établissements pénitentiaires (DG EPI) ont participé aux travaux menés lors des réunions en visioconférence du comité de pilotage. La notion de «plan de détention» désormais officiellement d'application pourrait servir d'axe d'articulation à un renforcement de la concertation avec la justice. Les ministres présents ont mis en avant l'importance d'associer le pouvoir fédéral dans cette matière, les politiques menées ne devant pas se substituer au rôle du département de la justice. Le soutien aux femmes détenues et la prise en compte de l'intérêt des enfants ayant un parent détenu font partie des sujets qui pourront être analysés plus en profondeur avec le pouvoir fédéral. Les ministres se sont également engagés à initier une réflexion sur la modification de l'accord de coopération du 23 mai 2014. Par ailleurs, ils identifient qu'un travail en amont de la CIM et éventuellement dans un autre cadre institutionnel approprié doit être réalisé sur des thématiques particulières telles que le soutien aux femmes détenues. Ils souhaitent y associer le département de la justice. 

En décembre 2020, j'ai rencontré le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborn, tout comme j'avais rencontré l'ancien ministre Koen Geens. J'ai pris ces initiatives, car il est essentiel d'échanger sur les visions et les projets menés par nos différents niveaux de pouvoirs. En effet, nos interventions sont complémentaires et doivent s'articuler de manière cohérente. À titre d'exemple, je citerai certains dossiers qui requièrent une attention particulière: le suivi des auteurs, la prise en charge des victimes dans le suivi des attentats de Bruxelles, le travail réalisé en prison par les services partenaires, les services de formation et les collaborations à mener dans le suivi des personnes condamnées pour des faits terroristes ou pour violences conjugales.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, je vous remercie pour toutes ces précisions. Je me réjouis de constater que le dossier évolue dans le bon sens. En tant que juriste, j'estime qu'une telle codification des différents textes en vigueur est nécessaire non seulement pour une meilleure visibilité, mais aussi pour que la Fédération Wallonie-Bruxelles s'approprie pleinement les compétences de Justice dont elle a hérité à la suite de la sixième réforme de l'État. 

Cette même réforme nous impose par ailleurs des efforts de concertation plus poussés avec d'autres niveaux de pouvoir, dont le niveau fédéral. Je suis ravie de constater votre volontarisme sur cette thématique.