Question sur la lutte contre le décrochage scolaire

25/01/2022

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos de la lutte contre le décrochage scolaire

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, le 14 septembre dernier, je vous ai une nouvelle fois interrogée sur le décrochage scolaire. Déjà problématique avant la crise sanitaire, le décrochage s'est fortement aggravé depuis lors. Alors que l'objectif du Pacte pour un enseignement d'excellence est de réduire de moitié le décrochage scolaire d'ici 2030, les taux ont au contraire augmenté de 36 % à Bruxelles et de 45 % en Wallonie au cours de l'année scolaire passée. Et encore, ces taux sont un minimum puisque vous m'avez précisé que les absences aux cours à distance n'avaient étonnamment pas été recensées.

Cela fait à présent un an que je vous fais régulièrement part de ma volonté d'accélérer la mise en œuvre du chantier n° 13 du Pacte qui vise précisément à lutter contre le décrochage scolaire, compte tenu de la hausse inquiétante de ce phénomène dans le contexte de crise sanitaire.

En mars et en septembre 2021, vous m'avez invariablement répondu qu' «il est prévu d'élaborer une réforme très complexe», car «agir contre le décrochage suppose de coordonner les actions de nombreux intervenants et de plusieurs secteurs». Vous avez ajouté que le travail se poursuivait progressivement, que le calendrier du chantier serait réorganisé après avoir été, lui aussi, fortement perturbé par la crise et que vous ne manqueriez pas de m'informer dès qu'un agenda serait fixé.

Pourriez-vous aujourd'hui, plusieurs mois après mes dernières questions orales à ce sujet, me communiquer le nombre d'élèves en absence injustifiée depuis la rentrée scolaire de septembre 2021? En effet, vous m'avez donné les chiffres relatifs à l'année précédente en septembre dernier. La tendance à la hausse se confirme-t-elle? Disposez-vous de chiffres concernant les jeunes élèves qui ne fréquenteraient plus l'école primaire depuis l'obligation du port du masque dès 6 ans? Je peux concevoir qu'il soit difficile d'obtenir ces chiffres. Pourquoi les absences aux cours à distance dans l'enseignement secondaire, lorsque celui-ci est organisé de manière hybride - ce qui j'espère ne se reproduira plus - ne sont-elles pas recensées? Pourriez-vous à présent présenter l'agenda des travaux du chantier n° 13 du Pacte? Pourquoi ne pas accélérer ce chantier, à l'instar de ce que vous avez fait en matière de numérique? Compte tenu des urgences liées à la crise sanitaire, j'en ai encore fait la demande lors de la précédente séance plénière lorsque nous avons évoqué les difficultés rencontrées au sein du Service de médiation scolaire.

Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. - Madame la Députée, vous le constaterez à la lecture des chiffres que je vous livrerai dans un document écrit, l'absentéisme croit chaque mois en cours d'année scolaire, mais il reste stable pour le moment par rapport à l'exercice précédent. Le 15 décembre dernier, 17 402 élèves étaient signalés en absence injustifiée alors qu'ils étaient 17 503 l'année précédente à la même date.

Croyez bien que je reste attentive à ce monitoring: les chiffres constituent un indicateur précieux pour étudier les effets de la crise sanitaire et la lutte contre le décrochage scolaire à laquelle je m'attelle sans relâche.

Je rappelle que les signalements ne sont adressés à la Direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO) qu'à partir de 9 demi-jours d'absence, ce qui complique la collecte de chiffres en si peu de temps et ce qui empêche d'établir une éventuelle corrélation avec l'obligation du port du masque par les plus jeunes, mesure qui s'applique depuis le 6 décembre dernier. La prudence nous impose, me semble-t-il, de ne pas tirer de conclusions trop hâtives et approximatives. En outre, les mois de décembre et de janvier ont été fortement perturbés par des poussées de contaminations conduisant à un taux d'absentéisme conséquent lié aux quarantaines et aux fermetures de classes, voire d'écoles.

Quant au recensement des absences lors des cours à distance, le message qui avait été délivré aux établissements a été nuancé. Il leur avait été demandé de les considérer comme inquiétants dès le moment où l'élève présente plus de 9 demi-jours d'absence injustifiée aux cours en présentiel. La fréquentation des cours à distance dépend du cadre, de l'accès, du lieu ou encore du matériel. Il est particulièrement difficile d'imposer des règles trop strictes à des élèves victimes de la situation: le risque serait de renforcer les inégalités sociales existantes.

Pour ce qui est de la perspective structurelle, le plan de lutte contre le décrochage est en phase très active d'élaboration depuis quelques mois dans le cadre du chantier n° 13. Le plan s'articule autour de trois axes: prévention, intervention et compensation. Madame Cortisse, cette thématique est effectivement très importante et je peux vous assurer que le travail avance bien.

Si je ne suis pas encore en mesure de vous communiquer un calendrier précis du chantier, c'est parce qu'il est structuré autour d'une dizaine de projets, parmi lesquels le renforcement des coordinations locale et zonale des multiples acteurs impliqués dans la lutte contre le décrochage scolaire. Cela suppose une articulation complexe de nombreux intervenants et de plusieurs secteurs, en particulier le secteur de l'aide à la jeunesse avec lequel la collaboration a été entamée dans un groupe de travail centré sur les services d'accrochage scolaire qui combinent leurs expertises.

Toutefois, l'urgence aujourd'hui est surtout d'essayer de garder tout le monde dans le même bateau et de permettre aux élèves ainsi qu'à toutes les équipes éducatives et de direction de s'accrocher et de garder le cap malgré des conditions pénibles et assurément perturbantes.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Je note que les travaux relatifs au chantier n° 13 du Pacte avancent bien. En revanche, je n'ai reçu aucune précision sur les autres projets et reste donc un peu sur ma faim, mais je reviendrai rapidement vers vous à ce sujet. Je ne peux que réitérer mon souhait de voir les travaux de ce chantier s'accélérer, compte tenu de la hausse du taux de décrochage scolaire depuis le début de la crise sanitaire.

Vous indiquez, Madame la Ministre, que les absences injustifiées constatées durant la présente année scolaire sont stables par rapport à l'année précédente, mais ces absences avaient augmenté de 50 % l'année dernière, alors que le but initial était de les voir diminuer de moitié.

Ce chiffre est d'autant plus inquiétant que des aides ont été accordées à l'enseignement fondamental et secondaire pendant la crise.

Vous affirmez qu'il ne faut pas tirer de conclusions hâtives en raison des quarantaines et des cas de Covid-19, mais ces absences sont normalement justifiées par un certificat et ne rentrent donc pas dans le pourcentage des absences injustifiées.