Question sur la lutte contre le décrochage scolaire
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR), à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Education, à propos de la lutte contre le décrochage scolaire
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, depuis près de deux ans et demi, je vous interroge régulièrement sur la lutte contre le décrochage scolaire, qui est en hausse préoccupante depuis la crise sanitaire.
Pour rappel, le Pacte pour un enseignement d'excellence prévoyait une diminution du décrochage scolaire de 50 % d'ici 2030. Or, selon les chiffres que vous m'avez communiqués en commission le 7 février dernier, ce phénomène est exponentiel depuis 2019. En effet, à la fin du mois de décembre 2022, le décrochage scolaire concernait plus de 23 000 élèves en Fédération Wallonie-Bruxelles. C'est 32 % de plus que l'an dernier, et même 90 % de plus qu'en 2019 à la même époque!
Il est donc indispensable, comme je le demande depuis de nombreux mois, d'accélérer les travaux du chantier n° 13 du Pacte, consacré à la lutte contre le décrochage scolaire. Si vous avez présenté au gouvernement une note d'orientation relative au plan global de lutte contre le décrochage scolaire dans l'enseignement obligatoire le 19 janvier dernier, l'entrée en vigueur des mesures annoncées n'est programmée que pour la rentrée scolaire de 2024.
Quels sont les chiffres actualisés des élèves en absence injustifiée pour l'ensemble de l'année scolaire 2022-2023? Pourriez-vous comparer ces chiffres aux trois années scolaires précédentes, à savoir 2019-2020, 2020-2021 et 2021-2022? Des mesures sont-elles déjà à l'étude pour la prochaine rentrée scolaire de la fin du mois d'août 2023, dans l'attente de l'adoption du plan de lutte contre le décrochage scolaire pour la rentrée de 2024? Où en sont vos travaux dans le cadre du chantier n° 13 du Pacte consacré à la lutte contre le décrochage scolaire? Quel est l'agenda?
Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. – Madame la Députée, pour l'année scolaire en cours, l'augmentation de l'absentéisme annoncée lors des réunions précédentes de cette commission s'est finalement stabilisée. Elle devrait tourner autour des 15 à 20 % par rapport à juillet dernier. L'évolution réelle pourrait toutefois être inférieure, car, en application du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, l'administration a suivi une méthode de comptabilisation des absences injustifiées beaucoup plus stricte, qui a mécaniquement conduit à une augmentation du nombre de signalements, sans pour autant que les élèves concernés soient nécessairement en décrochage scolaire.
Plus globalement, je rappelle encore une fois que les outils informatiques actuels ne nous permettent pas de réaliser une analyse qualitative de la réalité. Derrière les données de l'absentéisme que vous avez mentionnées se cache une multitude de situations. Certains élèves ont cumulé entre 10 et 20 demi-jours d'absence répartis sur toute l'année sans absence prolongée, et d'autres ont omis de fournir des justificatifs, alors que leur absence était parfois fondée sur des motifs valides. Dans d'autres cas, des élèves ont été réellement absents pendant de nombreuses périodes consécutives, mais ils ont réintégré l'école et ont repris leur parcours avant la fin de l'année. Enfin, une partie des élèves sont réellement en décrochage. Les chiffres fournis par l'administration ne nous permettent pas de voir la différence entre ces situations distinctes.
Les futurs outils seront bien plus adaptés et performants grâce à l'application «App 100» qui est en cours d'élaboration. Les travaux du chantier n° 13 portent sur la préparation des développements informatiques nécessaires à l'élaboration de cette application de prise de présence et de suivi des élèves en fonction du stade de leur absentéisme. Dès la rentrée, préalablement à la mise en œuvre d' «App 100» sur le terrain, le chantier abordera cette problématique avec les acteurs du système éducatif. Il s'agira à la fois de mieux comprendre avec eux l'évolution des chiffres et de vérifier l'adéquation entre la nouvelle méthode de signalements de l'administration et la réalité de terrain.
Quoi qu'il en soit, Madame la Députée, je prends très au sérieux les chiffres relatifs à l'absentéisme et je vous rejoins absolument sur la nécessité d'agir. À cet égard, le calendrier des chantiers a été fixé de commun accord avec l'ensemble des partenaires du gouvernement. Comme vous le précisez, la note d'orientation relative au plan de lutte contre le décrochage scolaire adoptée par le gouvernement est en pleine concrétisation à travers un texte réglementaire porteur de toutes les mesures de la stratégie de réduction de l'absentéisme, qui sera appliqué à la rentrée 2024. Cette adaptation décrétale demande un travail important. Les acteurs de terrain devront également s'y adapter. C'est pourquoi nous devons nous assurer de la soutenabilité du dispositif. L'avant-projet de décret sera présenté au Comité de concertation du Pacte à la rentrée et entamera ensuite son parcours législatif afin d'entrer en vigueur là la rentrée 2024.
Enfin, je rappelle qu'une série de dispositions et dispositifs engendrés par le Pacte constituent par ailleurs des éléments déterminants agissant sur les facteurs qui sont à la source du décrochage scolaire. Ainsi, le décret relatif à l'amélioration du climat scolaire et à la prévention du harcèlement et du cyber-harcèlement scolaires, dont la finalité est le bien-être des élèves et l'amélioration du vivre-ensemble et de la sérénité propice à l'apprentissage, constitue un paramètre important dans la prévention collective. Dans le même ordre, le projet d'accord de coopération avec la Commission communautaire française (COCOF) et la Région wallonne en matière de généralisation de l'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS), que votre commission a voté ce matin, représente également une belle avancée. Il vise à favoriser l'épanouissement de la vie relationnelle, affective et sexuelle de tous les élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La mise en œuvre progressive des pôles territoriaux, qui participent à la construction d'une école inclusive, est aussi un facteur essentiel dans le volet préventif.
Je pourrais encore citer la réforme de l'enseignement qualifiant, la réforme des rythmes scolaires et l'installation progressive du tronc commun, qui concourent toutes d'une manière ou d'une autre à la lutte globale contre le décrochage.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, vous ne m'avez pas communiqué les chiffres que j'avais demandés. Je déposerai donc une question écrite. Vous avez fait état d'une évolution de 15 à 20 % par rapport au mois de juillet 2022, mais s'agit-il d'une diminution ou d'une augmentation?
Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. – Il s'agit d'une augmentation, qui est toutefois moindre que celle attendue selon les chiffres reçus au fur et à mesure des premiers mois. J'ai donc parlé d'un tassement de l'augmentation. Ce constat se base toutefois sur des chiffres qui ne sont pas comparables d'une année à l'autre, car la méthode de comptabilisation a changé.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Je vous redemanderai
ces chiffres par le biais d'une question écrite, Madame la Ministre. Je note
les avancées engrangées dans la lutte contre le décrochage scolaire. La note
d'orientation donnera lieu à un avant-projet de décret à la rentrée et je
ne manquerai pas de vous réinterroger à cet égard. J'ai toujours regretté
qu'au moment de la révision du calendrier des réformes, après la crise
sanitaire, le chantier consacré à la lutte contre le décrochage scolaire
n'ait pas été placé parmi les priorités. Néanmoins, je me réjouis
d'entendre que les travaux avancent et j'espère que ce dossier aboutira avant
la prochaine mandature, afin que les mesures entrent effectivement en vigueur
en 2024.