Question sur la pénurie d'accueillantes d'enfants à domicile

26/09/2022

Question écrite de Madame Stéphanie Cortisse, Députée, à Madame Bénédicte Linard, Vice-Présidente et Ministre de l'Enfance, relative à la pénurie d'accueillant(e)s d'enfants à domicile

Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR).- Madame la Ministre, je viens vers vous par rapport à la pénurie d'accueillant(s) d'enfants à domicile. Ces professionnels de l'enfance, pourtant si précieux, sont devenus des perles rares à recruter sur le marché du travail.

Le Centre Régional de la Petite Enfance (CRPE) à Verviers fait face à cette problématique. Alors qu'il a reçu l'autorisation de l'ONE pour engager 180 accueillant(e)s, ce qui correspond à 720 places d'accueil à temps complet, il n'en compte actuellement que 150, càd 600 places, et se retrouve dans l'obligation de refuser des places aux enfants, tant en milieu rural que urbain. Pour trouver une place, les parents doivent s'y prendre plus d'un an à l'avance et malgré cela, le Centre doit refuser des demandes. Le CRPE de Verviers multiplie pourtant les démarches pour faire la promotion du métier d'accueillante : articles de presse, affiches, vidéo promotionnelle... Le Centre songe même à faire appel à une boîte de communication pour lancer une campagne promotionnelle.

Et les arguments ne manquent pas : un engagement salarié en CDI à temps plein ou à temps partiel, une profession que le SIEP classe parmi les dix métiers qui rendent heureux, un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, un travail à domicile avec moins de stress, pas de trajets en voiture, plus d'autonomie, des horaires réguliers, une meilleure qualité de vie, l'exercice d'un métier de proximité en soutien de la vie familiale, sociale et professionnelle...

Cette difficulté de recrutement peut s'expliquer en partie par la réforme de 2019 qui a allongé la durée de la formation et qui conditionne l'inscription à la détention du CESS. L'IFAPME s'est retrouvé dans l'obligation d'annuler plusieurs formations par manque d'inscriptions. Le secteur est inquiet, la demande est grande, mais il n'y a pas suffisamment de main-d'œuvre. A l'heure où l'on annonce la création de nouvelles places d'accueil, cette pénurie est d'autant plus interpellante.

Madame la Ministre, mes questions sont les suivantes : La problématique de la pénurie d'accueillant(e)s est-elle généralisée en Fédération Wallonie-Bruxelles ? Pourriez-vous retracer l'évolution du nombre de travailleurs employés dans ce secteur sur les dernières années, avant et après la réforme de 2019 et avant et après la pandémie (nouveaux engagements, retraits etc...) ? Quelles initiatives sont ou vont-elles être mises en place avec l'ONE pour freiner les démissions dans ce secteur et pour attirer de nouvelles recrues ? Comment inciter à ce métier puisque le nouveau statut prévu par la réforme MILAC ne semble pas suffisant ? L'ONE mène-t-il une campagne de promotion en mettant en avant les avantages et le statut de cette profession, afin d'éviter les idées préconçues et donner un nouvel attrait à cette fonction essentielle ?

Je vous remercie pour vos réponses.

Mme Bénédicte Linard, Ministre de l'Enfance.- Madame la Députée, en bref, la diminution de l'offre de places d'accueil est une réalité. Si l'offre en milieu d'accueil collectif se révèle globalement stable, l'activité d'accueil individuel poursuit un recul constaté depuis plusieurs années.

Les éléments que me transmettent les services de l'O.N.E. confirment que la perte de vitesse de ce type d'accueil dit « familial » ou « à domicile » est observée depuis plusieurs années. Entre 2017 et 2020, le nombre d'accueillantes salariées ou conventionnées est passé de 2.597 à 2.317, et le nombre d'accueillantes indépendantes de 698 à 572. Cela représente respectivement une diminution de 10,8% et de 18,1%.

La généralisation du travail salarié pour les accueillantes conventionnées était inscrite dans la réforme de l'accueil de la petite enfance : elle est entièrement financée via les moyens prévus dans le contrat de gestion de l'ONE. La généralisation du travail salarié aurait dû marquer un tournant, en offrant des perspectives de stabilité à toutes ces accueillantes. Or, la crise sanitaire a interrompu les efforts de mise en œuvre déployés par l'ONE depuis le projet pilote de 2018-2019 précisément au moment où ils auraient dû s'intensifier. La tendance s'est donc prolongée en 2021, avec un recul de 7,1% pour les accueillantes salariées & conventionnées. Dans le même laps de temps, le nombre d'accueillantes indépendantes a subi une diminution de 8,7%.

L'enthousiasme contenu dans les témoignages d'accueillantes ayant obtenu leur statut de salariée démontre que cette tendance n'est pas inéluctable et qu'il est possible de l'inverser. Au lendemain d'une crise sanitaire qui a frappé durement les accueillantes, les solutions ne viennent pas d'elles-mêmes. Au contraire, il faut prendre cette problématique à bras-le-corps et sans tarder. L'ONE est conscient de cette urgence, et ses services sont mobilisés depuis plusieurs mois déjà. Des échanges ont lieu avec les fédérations, les services d'accueil d'enfants, les opérateurs de formation ainsi qu'Actiris et le Forem pour engager une action résolue de promotion du métier d'accueillante (salarié comme indépendante), dès 2023. Il importe de soutenir les accueillantes actuelles ainsi que la reprise des engagements dans la fonction et dans la formation qui y mènent. L'enjeu est aussi de garantir le maintien de la diversité de l'offre d'accueil pour les familles. Le métier d'accueillante est un métier porteur de sens pour celles et ceux qui s'y engagent : il comporte aussi une série d'atouts qu'il convient de valoriser auprès du public.

J'en viens aux éléments relatifs à l'évolution de l'offre d'accueil collectif. La tendance est ici à la stabilité : on dénombre 35.532 places d'accueil en milieu d'accueil collectif en 2021 contre 35.362 en 2020. L'absence d'appel pour la création de places subventionnées ces 8 dernières années a cependant créé un déficit. Les budgets débloqués par les Régions et la Communauté entre 2000 et 2014 ont soutenu une dynamique de création de nouvelles places sans précédent. Depuis 2018, cette dynamique s'est considérablement ralentie, faute de nouveaux investissements publics. Ce déficit d'ouverture de nouveaux milieux d'accueil subventionnés ne permet dès lors pas de pallier les pertes de places du côté des accueillantes, ce qui nous amène à une diminution de 1,6% du nombre de places total, entre 2020 et 2021.

Le lancement du plan de création de places permettra de faire progresser l'offre de manière très nette. Pour ces raisons, nous avons consacré beaucoup d'attention et de travail à l'enjeu de la création de places ces derniers mois. L'accord de coopération conclu avec la Wallonie il y a quelques semaines est une étape déterminante. Ce dispositif permet de relancer la dynamique initiée par les plans Cigogne depuis la première législature arc-en-ciel, en ciblant les zones où les besoins sont les plus criants. Il propose aussi des conditions de financement plus avantageuses que les précédents appels à projets.

Depuis 2019, le Gouvernement a déployé d'importants efforts afin de soutenir les pouvoirs organisateurs des milieux d'accueil de la petite enfance.

Premièrement, une enveloppe de quarante millions supplémentaires s'ajoutera progressivement au subventionnement des milieux d'accueil d'ici 2025. Ces moyens permettront la prise en charge du poste de direction en plus de celui du personnel d'accueil et d'encadrement, relevant historiquement des régimes de subventionnement de l'ONE (à la différence du personnel technique ou d'entretien). Ils seront octroyés à tous les milieux d'accueil, y compris ceux qui ne bénéficient actuellement d'aucun subventionnement. C'est un engagement significatif pour l'avenir du secteur et le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance dans son ensemble.

Deuxièmement, le coefficient de majoration des subventions versées aux milieux d'accueil pour la prise en charge des absences et de leur remplacement a été porté de 1,8% à 2,73%. Ce complément, versé pour tout emploi subventionné, a été octroyé sur proposition des partenaires sociaux dans le cadre d'un accord sectoriel conclu voici plus d'un an.

Troisièmement, le Gouvernement a mis en place le dispositif « éco-crèches » de soutien à la transition dans le secteur de l'accueil de la petite enfance. Il permet l'octroi d'un financement de 125€ par place pour favoriser le recours à des solutions respectueuses de l'environnement dans le fonctionnement des crèches. Ces moyens pourront notamment soutenir les milieux d'accueil dans des initiatives visant à réduire leur production de déchets, et les coûts qui y sont liés. Ils soutiendront aussi les initiatives des milieux d'accueil en matière d'économie d'énergies, une priorité dans le contexte actuel. J'y reviendrai plus tard dans nos travaux.

Chacun, chacune pourra convenir que ces éléments sont plutôt de nature à encourager les pouvoirs organisateurs à poursuivre leur activité et à développer leur offre, en réduisant les charges financières reposant sur leurs fonds propres. L'ampleur des moyens publics consacrés à cette politique va de pair avec certaines contreparties quant à l'accessibilité et à la qualité du service. Les limites à la perception de la participation financière des parents font partie de ces contreparties. Le mécanisme de rétrocession / péréquation, le plafonnement selon les revenus des parents ou la perception selon un nombre de jours donné ont un caractère réglementaire et il ne saurait être question d'en faire une application différenciée pour les nouveaux projets.

Je vous remercie pour votre question.