Question sur la réaction de la FEF à la grève des services publics du 31 mai 2022

07/06/2022

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR), à Mme Valérie Glatigny, Ministre de l'Enseignement supérieur, à propos de la réaction de la Fédération des étudiant(e)s francophones (FEF) à la grève des services publics du 31 mai 2022

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Le 31 mai dernier se tenait une grève nationale des services publics; les transports en commun étaient donc fortement perturbés. S'agissant d'une grève annoncée, la plupart des établissements d'enseignement supérieur avaient invité les étudiants à prendre leurs dispositions pour se rendre aux examens programmés ce jour-là. 

Un article du journal «Le Soir» du 30 mai dernier rappelait que, déjà en 2015 et 2016, plusieurs vagues de grève avaient ébranlé les sessions d'examens. Les représentants étudiants, à savoir l'Union des étudiants de la Communauté française (Unécof) du côté francophone, à l'époque, et l'association flamande Vlaamse Vereniging van Studenten (VVS), étaient montés au créneau condamnant fermement l'absence d'alternative. Ils estimaient que «les syndicats représentatifs du personnel du rail se retrouvent déconnectés du sens de service public, indispensable à une tranche de la population laissée sans alternative». 

Selon le même article, comme à l'époque, la FEF dit soutenir la grève de ce mardi qui vise «à défendre les services publics, dont fait partie l'enseignement supérieur». La FEF ajoute: «Du côté des établissements, on se serait attendu à un geste de solidarité. Déplacer les examens d'une journée ne nous semblait pas impossible.» 

La veille de la grève, la FEF a exprimé sur les réseaux sociaux son soutien à la grève du 31 mai, alléguant que «si demain, les étudiants ne peuvent pas assister à leurs examens, ce n'est pas la faute des travailleurs et des travailleuses de la SNCB, la TEC ou la STIB, mais des établissements qui n'ont rien mis en place pour pallier la situation et faire preuve de solidarité.»

Je m'étonne fortement de cette position émanant d'une organisation représentative communautaire (ORC) des étudiants, subventionnée par la Fédération Wallonie-Bruxelles et ayant pour mission décrétale de défendre et de promouvoir les intérêts des étudiants. Ce nouveau positionnement de la FEF, qui soutient la tenue d'une grève des transports en commun entravant la bonne tenue des examens des étudiants, révèle au grand jour que cette organisation n'a pas pour but principal de défendre les étudiants, mais bien de défendre d'autres intérêts politiques légitimes ou non. Je ne porte pas de jugement de valeur, mais force est de constater que la FEF défend la grève des cheminots plutôt que l'intérêt premier des étudiants qui est de participer à leurs examens. 

Madame la Ministre, la FEF ne sort-elle pas de son rôle lorsqu'elle encourage une grève des cheminots en pleine période d'examens au détriment de l'intérêt des étudiants?

Mme Valérie Glatigny, Ministre de l'Enseignement supérieur. - La grève du 31 mai a entraîné des perturbations, notamment dans les transports en commun, dont l'ampleur variait fortement selon les provinces et localités. C'est un fait, de nombreux étudiants ont dû s'adapter: certains ont recouru au covoiturage et d'autres ont trouvé des solutions d'hébergement pour se présenter à leurs examens dans les délais prévus. 

Je ne dispose pas de données quant aux effets de cette grève sur la présence des étudiants aux examens, mais je n'ai pas été alertée par les commissaires et délégués de problèmes généralisés à ce sujet. 

En application de l'article 134 du décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l'enseignement supérieur et l'organisation académique des études (décret «Paysage»), les autorités académiques sont tenues de communiquer l'horaire des épreuves au plus tard un mois avant le début de la période d'évaluation. Sauf cas de force majeure, la date et l'horaire d'une épreuve ne peuvent être modifiés moins de dix jours ouvrables avant la date annoncée initialement. La grève ayant été annoncée, elle ne pouvait être considérée comme un cas de force majeure. 

Je tiens à souligner que je ne partage pas la vision qui consiste à dire que tous les établissements auraient dû s'adapter et reporter les examens: cette vision des choses ne tient pas compte de la charge de travail qu'implique l'organisation d'une session d'examens pour les équipes des établissements et du fait que tout changement du calendrier au dernier moment peut avoir un impact négatif pour les étudiants, en particulier sur leur blocus. Plusieurs étudiants m'ont d'ailleurs exprimé leur insatisfaction quant au moment choisi pour faire grève, eu égard à la planification de leur blocus.

Par ailleurs, les règles relatives à l'absence aux examens relèvent effectivement des règlements des études de chaque établissement. La plupart prévoient certaines dispositions en cas de grève, en distinguant généralement la situation d'une grève sauvage frappant les transports en commun de celle d'une grève organisée: l'absence de l'étudiant est généralement considérée comme un cas de force majeure dans le premier cas, mais pas dans le second, en raison de la prévisibilité de la grève. 

Comme je l'ai indiqué, la grève a compliqué la vie de nombreux étudiants. Les étudiants font partie des plus grands utilisateurs de transports en commun. À chaque fois qu'une grève est organisée durant les deux périodes particulièrement sensibles que sont les sessions d'examens du mois de janvier et des mois de mai et juin, les étudiants en sont les victimes. Il en est d'ailleurs de même pour les membres du personnel des établissements qui sont susceptibles d'être touchés. Je respecte évidemment le droit fondamental qu'est le droit de grève, mais la période actuelle est déjà difficile pour nos jeunes, qui sortent de deux années marquées par la Covid-19. La grève du 31 mai est venue accroître le stress des étudiants, ce que je regrette. 

La solution la plus favorable aux étudiants ne consiste pas à demander aux établissements de déplacer les examens, ce qui viendrait troubler le programme de tous les étudiants qui planifient leurs révisions depuis plusieurs semaines. La solution réside plutôt dans la garantie d'un service minimum au sein de l'ensemble des sociétés de transports en commun, permettant ainsi à tout un chacun de se déplacer. Il ne s'agit pas d'une idée neuve ou incongrue, mais de l'application d'une législation fédérale en vigueur. 

Comme vous, Madame Cortisse, j'ai noté que la FEF avait choisi de marquer son soutien au mouvement de grève, en dépit des difficultés rencontrées par de nombreux étudiants. Il convient donc de constater que la défense des intérêts des étudiants par la FEF est sans doute conditionnée à d'autres intérêts, et je resterai attentive aux moyens de favoriser la défense des intérêts de tous les étudiants.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, je vous remercie pour votre réponse. J'estime, si l'on se place réellement du côté des étudiants en de pareilles circonstances, que l'on aurait pu attendre d'une ORC subventionnée à hauteur de 400 000 euros par an pour défendre les étudiants qu'elle plaide pour un service garanti ou au moins un service minimal de la part des transports en commun en période d'examens. 

La FEF a inversé les responsabilités et prétendu qu'il revenait aux établissements d'enseignement supérieur de s'adapter et de reporter les examens prévus ce jour-là. Ce faisant, elle n'a demandé l'avis ni des étudiants ni du personnel enseignant, qui auraient ainsi vu le calendrier des examens bouleversé au dernier moment après deux années marquées par la pandémie de Covid-19. 

Je suis d'avis que la présente polémique reflète une problématique que j'ai déjà soulevée au sein de ce Parlement. J'estime que la FEF est politisée, manque de pluralisme et n'est pas représentative de l'ensemble des étudiants. 

Or, elle est, par la force des choses - puisque le décret du 21 septembre 2012 relatif à la participation et la représentation étudiante dans l'enseignement supérieur est trop rigide selon moi -, la seule ORC reconnue dans le paysage académique de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 

Je ne manquerai pas de revenir vers vous au sujet de la réforme du décret de 2012, décret dont l'évaluation est en cours.