Question sur la réforme de l'alternance

13/09/2021

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse à M. Pierre-Yves Jeholet, Ministre-Président, à propos de la réforme de la formation en alternance

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- La Déclaration de politique communautaire (DPC) prévoit de «renforcer les collaborations avec la Wallonie et la Région de Bruxelles-Capitale, notamment dans le cadre de l'enseignement en alternance». Elle fait également état de la volonté du gouvernement de mener, au cours de cette législature, «une profonde réforme de l'alternance pour en faire un parcours d'excellence en développant un modèle comparable à celui existant en Suisse ou en Allemagne», et ce, «en concertation avec les acteurs de l'enseignement, de la formation professionnelle et des entreprises». Il est encore prévu que «l'alternance sera conçue en articulation avec la réforme de l'enseignement qualifiant». 

Dans l'avis n° 3 du Groupe central, le Pacte pour un enseignement d'excellence appelle les gouvernements concernés à trancher «clairement la question des périmètres respectifs des secteurs de l'enseignement et de la formation, en particulier en ce qui concerne l'alternance». 

La formation en alternance a toujours été au cœur de vos préoccupations et de votre action politique, tant lorsque vous étiez ministre wallon de l'Économie et de l'Emploi qu'aujourd'hui en tant que Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 

Le 1er décembre 2020, le journal «Le Soir» consacrait d'ailleurs un article dans lequel vous confirmiez votre volonté de faire de la formation en alternance un parcours d'excellence et un modèle d'orientation choisie et positive, au lieu d'une filière de relégation. Je vous rejoins totalement sur ce point. Vous précisiez qu' «il est temps d'avoir une meilleure articulation entre politique d'enseignement et politique d'emploi», «une véritable collaboration» entre les différents niveaux de pouvoir, et que ce constat était partagé par vos collègues wallons et bruxellois. Vous ajoutiez qu'il faut profiter de cette dynamique et que «si on veut des plans de relance ambitieux à tous les étages, l'éducation et la formation sont des éléments de la réussite». La première étape de ce chantier sera selon vous de réaliser un «diagnostic de l'écosystème que constitue l'alternance», en mettant sur pied un «comité de pilotage politique (...) avec l'appui de consultants externes techniques», pour ensuite aboutir à un décloisonnement et à une seule filière d'alternance, tout en optimisant «l'offre en alternance par rapport aux besoins du monde du travail, notamment les métiers d'avenir (technologiques, numériques)». 

L'alternance permet un taux d'intégration de plus de 80 % en moyenne sur le marché de l'emploi, avec des pointes à 100 % dans certaines filières. À ce titre, votre objectif déclaré serait donc de doubler, voire de tripler, le nombre d'élèves inscrits dans cet enseignement, qui recense actuellement seulement 9 000 élèves, soit 4 % de l'enseignement secondaire ordinaire en Fédération Wallonie-Bruxelles. 

Monsieur le Ministre-Président, je vous rejoins totalement dans votre volonté d'aborder ce dossier primordial sans plus attendre et sans tabou, en concertation avec tous les niveaux de pouvoir concernés. 

L'alternance est d'ailleurs un des grands points d'attention du rapport final du conseil stratégique mis en place en 2020 dans le cadre du plan de relance «Get up Wallonia!» du gouvernement wallon. Ce rapport préconise «de passer à une massification des dispositifs pour que l'alternance se place d'égal à égal avec les autres formes de formation/enseignement (y compris supérieur)» ou encore de «redéfinir la culture de l'alternance en ne la limitant pas aux métiers techniques». 

La question de l'alternance est d'autant plus d'actualité après les graves inondations qui ont touché la Région wallonne en juillet dernier et en raison de la pénurie de travailleurs dans de nombreux secteurs de la construction, qui risque de retarder la phase de reconstruction. 

Monsieur le Ministre-Président, où en sont vos discussions sur le sujet avec les acteurs politiques des autres entités fédérées, tant à Bruxelles qu'en Wallonie, mais également au sein de votre gouvernement avec les ministres Désir et Glatigny? Où en sont vos concertations avec les acteurs de l'enseignement, de la formation professionnelle et des entreprises? Le Comité de concertation du Pacte pour un enseignement d'excellence a-t-il été consulté sur le sujet, comme le prévoit la DPC? Qu'en est-il de la sollicitation des fédérations professionnelles, comme le prévoit également la DPC? D'un point de vue institutionnel et concernant la collaboration entre les différentes entités fédérées, dispose-t-on de précisions sur le modèle ou le mécanisme qui servira à réformer l'enseignement en alternance? Vous évoquiez un comité de pilotage politique, avec l'appui de consultants externes techniques. Comment sera-t-il mis en place? L'impulsion sera-t-elle donnée par la Fédération Wallonie-Bruxelles ou par les Régions, ou en concertation? Avez-vous déjà des indications sur le partage clair des périmètres respectifs des secteurs de l'enseignement et de la formation à réaliser, comme le suggère l'avis n° 3 du Groupe central? Comment votre gouvernement compte-t-il concevoir la réforme de l'alternance, en articulation avec la réforme de l'enseignement qualifiant prévue par le chantier n° 5 du Pacte, et dont plusieurs volets ont été reportés en 2022 à cause de la crise sanitaire? D'une manière générale, pourriez-vous refaire le point sur ce dossier? 

M. Pierre-Yves Jeholet, Ministre-Président.- Madame la Députée, votre question me permet de faire le point sur un dossier qui me tient particulièrement à cœur depuis de nombreuses années, non seulement parce que je crois pleinement au modèle de l'alternance pour répondre aux enjeux socio-économiques de nos régions - les projets lancés dans le cadre de la relance ou à la suite des inondations démontrent à quel point les besoins sont importants -, mais aussi, car je crois au modèle de l'alternance pour offrir une alternative positive à de nombreux jeunes pour qui le modèle de l'enseignement traditionnel est inadapté ou qui ne s'y retrouvent tout simplement plus. 

Malheureusement, force est de constater que les chantiers liés à l'alternance et à l'enseignement qualifiant prévus dans le cadre du Pacte pour un enseignement d'excellence ainsi que dans les déclarations de politique générale des différentes entités ont pris du retard. Ces retards sont dus au surcroît de travail lié à la crise du coronavirus, au plan de relance et aux récentes inondations, mais il est aujourd'hui impératif d'avancer. 

La Fédération Wallonie-Bruxelles est prête et j'ai saisi mes collègues ministres-présidents de Wallonie et de Bruxelles afin de leur proposer de lancer une initiative commune dans l'immédiat. Sans préjudice du projet de réforme de l'enseignement qualifiant prévu dans le cadre du Pacte, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles s'est d'ores et déjà accordé sur la nécessité de disposer d'un état des lieux transversal de l'enseignement qualifiant et de la formation professionnelle. Cet état des lieux a pour objectif de mieux articuler ces secteurs entre eux en veillant à encourager des synergies, des mutualisations de ressources et les rationalisations à y mettre en œuvre. 

À cette fin, le gouvernement m'a chargé de soumettre aux entités concernées une méthodologie en vue d'un renforcement transversal de l'enseignement qualifiant et de la formation professionnelle. J'ai donc soumis une proposition à mes homologues des Régions et les ai invités à poursuivre les travaux initiés. Les approches méthodologiques proposées visent à définir et à initier la mise en œuvre d'une feuille de route transversale dans le but de repenser structurellement les dispositifs et le paysage de l'enseignement qualifiant et de la formation professionnelle, en particulier l'alternance. 

Cette dynamique impliquera la création d'un comité de pilotage composé sur proposition des différents niveaux de pouvoir concernés. Les acteurs de l'enseignement, de la formation professionnelle et des entreprises seront bien entendu impliqués dans le processus. 

Vous m'interrogez également sur le partage clair des périmètres respectifs des secteurs de l'enseignement et de la formation ainsi que sur l'articulation avec la réforme de l'enseignement qualifiant. Permettez-moi de ne pas tirer de plans sur la comète et d'attendre les résultats de l'état des lieux avant de tirer des conclusions. Néanmoins, je peux d'ores et déjà vous indiquer que la réflexion sera menée en cohérence avec le chantier relatif à l'enseignement qualifiant du Pacte et les travaux initiés par les Régions dans le cadre de leur plan de relance respectif. 

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Monsieur le Ministre-Président, la réforme de l'enseignement en alternance est à mon sens un chantier capital pour la Fédération Wallonie-Bruxelles et fondamental pour l'avenir sociétal et économique de la Wallonie et de Bruxelles. Elle est d'autant plus cruciale compte tenu de la relance nécessaire à la suite de la crise sanitaire et économique, ainsi que des inondations catastrophiques qui ont touché de nombreuses communes. 

Je vous remercie donc de faire de la formation en alternance une priorité et salue votre volonté de renforcer les collaborations entre les Régions et la Fédération Wallonie-Bruxelles en vue d'une meilleure articulation et d'une vision commune entre les politiques d'enseignement, de formation et d'emploi. Je continuerai dès lors à suivre ce dossier.