Question sur la réforme des rythmes scolaires annuels

14/09/2021

Question de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, intitulée «Réforme des rythmes scolaires annuels»

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, comme vous l'avez récemment confirmé dans la presse, la réforme des rythmes scolaires annuels devrait entrer en vigueur lors de la rentrée scolaire 2022. Vous avez annoncé qu'un avant-projet de décret serait prochainement soumis au gouvernement, avant de faire l'objet d'un débat et d'un vote au sein de notre Parlement. 

Si mon groupe soutient cette réforme qui va dans le sens de l'intérêt des enfants tout en tenant compte de leurs besoins physiologiques et chrono-biologiques, plusieurs problématiques restent toutefois en suspens. Je voudrais en citer quatre. 

Premièrement, il existe des difficultés liées à la scolarisation d'enfants d'une même famille dans des écoles situées en Fédération Wallonie-Bruxelles et en Communauté flamande ou en Communauté germanophone. 

Deuxièmement, les écoles d'immersion en français et néerlandais, en particulier à Bruxelles, peinent chaque année à trouver des enseignants néerlandophones. Le problème risque de s'aggraver avec la réforme. En effet, les enfants des enseignants néerlandophones sont souvent scolarisés dans l'enseignement néerlandophone. Ces enseignants risquent de ne plus trouver d'intérêt à travailler dans un enseignement dont les vacances ne correspondent plus à celles de leurs propres enfants. 

Troisièmement, compte tenu du raccourcissement des vacances d'été qu'elle prévoit, la réforme risque d'accroître la pénurie de lieux, d'équipements et de personnel d'encadrement pour les camps de vacances. 

Quatrièmement, les bourgmestres des communes qui organisent des carnavals et les organisateurs de ces carnavals sont préoccupés par la réforme. En effet, les congés de Carnaval ne coïncideront plus nécessairement avec ces festivités qui font partie de notre patrimoine culturel et qui drainent des spectateurs venus de toute la Belgique. 

Madame la Ministre, des solutions sont-elles envisagées pour les enfants d'une même famille scolarisés de part et d'autre d'une frontière linguistique? 

Travaillez-vous sur la problématique de la pénurie d'enseignants néerlandophones dans les écoles en immersion, qui risque de s'accroître avec cette réforme? 

Avez-vous poursuivi votre concertation avec les ministres Glatigny et Linard, ainsi qu'avec les mouvements de jeunesse et les centres de vacances, sur les répercussions de la réforme sur leurs activités? Si oui, quelles sont les solutions et les aides concrètes qui en sont ressorties? Une concertation a-t-elle également été menée à ce sujet avec les Régions, les pouvoirs locaux et les gouverneurs de province? 

À l'instar de ce que vous avez déjà fait avec les nombreux autres secteurs concernés par cette réforme, ne jugeriez-vous pas utile d'organiser une rencontre avec tous les bourgmestres des communes de tradition carnavalesque, ainsi que les organisateurs des carnavals, afin de discuter de la problématique de la temporalité des congés de Carnaval? Sauf erreur de ma part, il a été annoncé dans la presse locale que vous alliez bientôt fixer une date de réunion avec eux. 

Par ailleurs, une analyse de la pertinence de la diminution des jours blancs et de l'organisation des journées de formation obligatoire des membres du personnel de l'enseignement est-elle menée parallèlement à cette réforme des rythmes scolaires annuels? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

Enfin, pourriez-vous nous présenter une analyse des impacts budgétaires de cette réforme, non seulement sur le secteur de l'enseignement, mais aussi sur les autres secteurs concernés qui dépendent de la Fédération Wallonie-Bruxelles?

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation.- Très concrètement, depuis que le gouvernement a décidé de réformer les rythmes scolaires annuels en mai dernier, les actions entreprises ont été multiples. 

Une deuxième démarche a été entreprise à l'attention des ministres de l'Éducation des autres Communautés. À ce stade, vous l'avez entendu, une coordination de la réforme des rythmes annuels ne semble pas envisagée par les autres entités. La Fédération Wallonie-Bruxelles poursuivra donc la réforme pour les administrés francophones. Pas plus tard que ce matin, toutefois, des instances d'avis flamandes ont encore demandé des informations à mon cabinet concernant notre projet. Le débat continue donc bel et bien à vivre en Flandre, ce qui est plutôt positif et de nature à nous rassurer. Comme je l'ai déjà déclaré, je peux également comprendre que mes homologues n'aient pas envie qu'on leur impose notre calendrier de réforme. 

Je rappelle ici que l'élément neuf autant que fondamental de cette réforme est l'introduction dans le calendrier d'une alternance régulière entre une période de cours de 7 à 8 semaines de travail et une période de 2 semaines de congé, ainsi que d'un raccourcissement des vacances d'été. Il n'est dès lors pas possible de faire systématiquement coïncider nos régimes de congé avec ceux des autres Communautés, car cela reviendrait à ne rien changer au système actuel. J'insiste sur ce point, car quiconque a essayé de jauger avec les calendriers scolaires comprend parfaitement ce que je veux dire. Si on veut respecter le principe de cette alternance, par exemple, Pâques tombera d'office plus tard dans l'année. Si on s'écarte de ce principe général, alors on ne change rien du tout au système actuel. 

La problématique des enseignants néerlandophones des écoles en immersion est prise en compte, mais se heurte à cette limite, qu'il faut garder à l'esprit. 

L'ensemble des ministres wallons et bruxellois ainsi que les pouvoirs locaux ont été informés du modèle des rythmes choisis et du calendrier de mise en œuvre de la réforme dans un courrier rédigé conjointement avec le ministre-président. Certains nous ont demandé un échange plus spécifique. La ministre wallonne du Tourisme souhaitait, par exemple, une présentation complète de la réforme au Conseil du tourisme wallon, ce que nous avons fait. 

Le gouvernement a rencontré collégialement les mouvements de jeunesse. Je vous confirme que le ministre-président a adressé un courrier à tous les gouverneurs en vue d'identifier les solutions qui pourront s'envisager pour faciliter la tenue des camps de jeunesse. Un retour est attendu pour la fin de ce mois. 

De façon plus large, l'ensemble des acteurs consultés pendant la phase préparatoire du dossier ont été spécialement informés de la décision, au minimum par courrier. Les secteurs dépendant directement des compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont également été invités par leur ministre de tutelle à rendre un avis sur les orientations définitives. Ces avis nous permettront de déterminer les mesures d'accompagnement utiles à la concrétisation du projet. Dans ce cadre, mes homologues Bénédicte Linard et Valérie Glatigny et moi-même poursuivons bien sûr conjointement nos efforts. Nos équipes entretiennent des échanges réguliers à cet égard. Notre objectif est d'apporter une réponse coordonnée concernant, par exemple, la réforme de l'accueil extrascolaire.

Nous avons également poursuivi le travail annoncé avec la Ligue des familles et l'Ordre des barreaux francophone et germanophone de Belgique. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour les remercier l'un et l'autre pour la collaboration fructueuse qui en a découlé jusqu'ici. Nous avons travaillé ensemble pour réunir toutes les informations et les outils pratiques qui faciliteront l'adaptation des jugements de garde pour les familles concernées. L'objectif est de produire un document d'information complet et lisible reprenant des modèles de garde adaptés au nouveau calendrier scolaire et les informations utiles relatives aux différentes voies par lesquelles les parents peuvent passer pour trouver un terrain d'entente. Nous espérons pouvoir proposer également des modèles de dispositif de conclusion et de jugement de garde adaptés à chaque modèle de garde produit. 

En ce qui concerne les acteurs de l'enseignement, plusieurs rencontres ont eu lieu, plus particulièrement avec les organisations syndicales, afin de leur exposer de façon approfondie les différents enjeux relatifs au personnel de l'enseignement soulevés par la réforme et les adaptations conçues par l'administration afin de conserver les équilibres actuels. L'ensemble des acteurs de l'enseignement ont encore été réunis la semaine dernière pour avoir un échange systématique sur toutes ces options techniques et les orientations d'écriture qui ont été prises dans le cadre de la rédaction de l'avant-projet de décret. 

Certains d'entre vous ont évoqué la question des jours blancs: cette dernière a fait l'objet d'un développement particulier lors de cet échange et doit encore être approfondie cette semaine. 

Notre objectif est de pouvoir faire adopter l'avant-projet de décret en première lecture dans les toutes prochaines semaines. Viendra alors la négociation formelle du texte avec les acteurs de l'enseignement avant la seconde lecture. 

Concernant les impacts budgétaires de la réforme, à l'heure où cette réponse a été préparée, leur chiffrage était encore en cours d'affinement ou de réalisation dans les différents départements affectés. Le gouvernement a même mis en place un groupe de travail spécifique sur le sujet du financement de la réforme des rythmes, mais je ne pourrai vous livrer des précisions qu'après la première lecture de l'avant-projet de décret. 

Enfin, pour ce qui concerne l'importante problématique des festivités folkloriques et carnavalesques, elle rejoint celle de la désynchronisation des congés entre Communautés. Si les vacances d'hiver ou de Noël et la majeure partie des vacances d'été resteront bien alignées, je comprends que ces deux questions restent un point d'attention majeure pour le public qu'elles concernent. Compte tenu du fait que les calendriers annuels influent directement sur l'organisation générale de l'enseignement, il n'est pas possible d'envisager la mise en place de calendriers particuliers ou de mesures d'exception ponctuelles. En revanche, nous travaillons à des pistes de solution très concrètes qui pourraient permettre de mitiger encore mieux les décalages observés, mais sans remettre en question les principes cardinaux de la réforme dont je vous parlais tout à l'heure - il s'agit là d'un jeu d'équilibriste. Par ailleurs, les écoles ont déjà aujourd'hui la possibilité de suspendre des cours, à condition de reporter le temps suspendu à un autre moment de l'année. Ces dispositions constituent évidemment une première solution pour couvrir le ou les cours concernés. Nous envisageons également de réintroduire le motif des festivités locales comme un motif de suspension de cours. Donc nous sommes en train de travailler, là aussi, à des pistes de solution.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, le groupe MR est en faveur de cette réforme, qui va dans l'intérêt des élèves et des enseignants. Les temps des cours et des congés seront mieux rythmés et mieux structurés. 

Je suis d'accord avec vous: si l'on donne raison à tel secteur qui souhaite modifier les congés, il faut aussi donner raison à tel autre secteur, ce qui déstructurera complètement la réforme pour en définitive l'annihiler. Il faut donc garder le principe de sept semaines de cours suivies de deux semaines de congé. 

Néanmoins, j'ai soulevé certains points à ne pas négliger si l'on veut que cette réforme soit une réussite et tienne compte du secteur de l'enseignement ainsi que de tous les autres secteurs de la société qui dépendent inévitablement des rythmes scolaires. 

Dans un arrondissement comme Verviers, et plus largement dans la province de Liège, par exemple, les solutions que vous apporterez seront importantes. En effet, nous sommes proches des Communautés flamande et germanophone; plusieurs de nos communes ont des traditions carnavalesques et comportent de nombreux endroits de camp. 

Je suivrai donc avec attention les avancées de ce dossier.