Question sur la réforme du secteur de l'Accueil Temps Libre

10/11/2020

Question de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Bénédicte Linard, Ministre de l'Enfance, sur la réforme du secteur de l'Accueil Temps Libre au sens large.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Madame la Ministre, la crise sanitaire a mis en exergue le caractère essentiel du secteur de l'accueil temps libre (ATL), troisième milieu de vie à côté de l'école et de la famille pour de nombreux enfants. Malgré qu'ils soient en première ligne les travailleurs de ce secteur se sentent souvent délaissés et dans l'ombre du secteur de l'enseignement. Les accueillants et accueillantes extra scolaires méritent plus de reconnaissance. À mon sens, les synergies et la solidarité avec les équipes éducatives doivent être renforcées.

Pour rappel, dans le chapitre consacré à l'enseignement obligatoire de la Déclaration de politique communautaire (DPC), le gouvernement marque sa volonté de «veiller à mieux articuler la politique éducative mêlant scolaire et extrascolaire, en associant les acteurs des secteurs concernés», de «revoir les législations concernant l'accueil temps libre et les écoles de devoirs en vue d'offrir à tous les enfants un accueil extrascolaire et des loisirs de qualité dans une continuité et une cohérence pédagogique avec l'école» et de «rassembler les activités au sein ou à proximité des écoles, encourager et encadrer le partage des locaux».

La DPC prévoit par ailleurs, dans son chapitre consacré à l'Enfance, de «reconnaître l'accueil temps libre comme un troisième lieu de vie (à côté de la famille et de l'école) garant de la lutte contre les inégalités sociales et améliorer sa qualité et son accessibilité» et d'«étendre la gratuité de l'accueil avant et après l'école à l'ensemble des écoles et proposer des horaires répondant aux besoins des parents».

Comme certains de mes collègues, j'ai déjà eu l'occasion de vous interroger sur le commencement de vos travaux sur la réforme structurelle du secteur de l'accueil temps libre au sens large.

À cet égard, j'estime qu'il est primordial, d'une part, de se pencher sur une augmentation du nombre d'écoles de devoirs au sein ou à proximité des établissements scolaires, le cas échéant, suivant une programmation par zones prioritaires, sur la base d'un cadastre et d'une évaluation des besoins. D'autre part, il faudrait élaborer un véritable statut et une formation adéquate pour les accueillantes du secteur extrascolaire.

Vous annonciez que vous souhaitiez copiloter, à court terme, votre réflexion avec la ministre de l'Éducation, Caroline Désir, en y associant les secteurs de l'enseignement et de l'ATL et en vous appuyant sur les résultats des projets-pilotes créés à l'échelon local ainsi que sur les acteurs ayant à leur actif des expériences probantes et inspirantes. Vous ajoutiez que vos travaux, retardés par la crise sanitaire, devaient débuter cet automne, après en avoir débattu avec vos collègues du gouvernement.

Madame la Ministre, des discussions ont-elles déjà pu avoir lieu au sein du gouvernement, et en particulier avec la ministre de l'Éducation, concernant la réforme du secteur de l'ATL et l'élaboration d'une véritable politique éducative mêlant scolaire et extrascolaire? Dans l'affirmative, qu'en ressort-il? Dans la négative, qu'est-ce qui retarde ce dossier?

Pourriez-vous nous présenter votre méthodologie de travail ainsi qu'un calendrier pour procéder à cette réforme? Vos travaux porteront-ils sur une augmentation du nombre d'écoles de devoirs en Fédération Wallonie-Bruxelles, ainsi que sur la création d'un véritable statut et une formation adéquate pour les accueillant(e)s du secteur extrascolaire?

Votre gouvernement a-t-il déjà pu réaliser une analyse des implications budgétaires de ces réformes?

Mme Bénédicte Linard, Ministre de l'Enfance.- Mesdames les Députées, Messieurs les Députés, vos questions nous donnent à nouveau l'occasion de souligner l'importance de ce secteur qui joue un rôle essentiel de socialisation et d'éducation pour les enfants et les jeunes. Ce secteur manque pourtant de reconnaissance et de moyens. La crise sanitaire a mis en évidence les fragilités de ce secteur composé presque exclusivement d'emplois précaires et de volontaires. Cela ne fait que renforcer ma détermination, affichée dès le début de mon mandat, d'engranger des avancées, en particulier au niveau du statut des accueillantes et accueillants extrascolaires.

Au cours des dernières semaines, j'ai pu rencontrer à plusieurs reprises les représentants sectoriels de l'accueil temps libre: les fédérations, les syndicats, les représentants des usagers, les coordinateurs ATL et bien sûr l'ONE. Deux concertations de ce type ont été organisées récemment et des rencontres bimensuelles ont été programmées jusqu'à la fin de l'année 2020. Elles se poursuivront au même rythme en 2021. Une rencontre avec une délégation de coordinateurs ATL a également été organisée par mon cabinet, à la fin du mois d'octobre.

L'emballement de la pandémie a forcé des décisions fortes, dans des délais serrés, à la veille des vacances d'automne. Je regrette qu'une concertation avec le secteur de l'ATL n'ait pu avoir lieu en amont de la décision de prolonger le congé d'automne les 9 et 10 novembre, étant donné l'impact que cette décision a engendré sur la charge de travail, mais surtout sur la motivation de travailleuses et travailleurs. N'oublions pas que ces derniers sont sur le pont, auprès des enfants et des familles, depuis le début de la crise alors qu'ils pâtissent depuis des années d'un manque de reconnaissance, de statuts précaires et de conditions de travail difficiles.

Dans cette crise sanitaire inédite, ces professionnels ont besoin de balises claires pour mener leurs missions, de soutien et de reconnaissance, mais ils ont surtout besoin de perspectives. Lors de nos rencontres, j'ai pu les rassurer sur la possibilité de subventionnement des 9 et 10 novembre, suivant les modalités prévues dans le décret ATL, et ce, même en cas d'inscription de ces deux journées dans le calendrier des congés scolaires. C'est ensuite que nous avons pu évoquer les perspectives.

La première étape de ce chantier sera, comme vous l'avez souligné, la négociation du prochain contrat de gestion de l'ONE. Ce calendrier, comme beaucoup d'autres dossiers, a été retardé en raison de la crise, mais le travail se poursuit malgré le contexte difficile.

Ensuite, j'ai annoncé que, dès cet automne, malgré la crise et suivant le calendrier annoncé depuis des mois, nous allions initier les travaux relatifs à la réforme de l'ATL. Il s'agit d'un enjeu capital de cette législature. Ces travaux seront menés de façon concertée et participative avec tous les acteurs.

La gestion de la crise sanitaire ne nous permettra pas de présenter une note d'orientation aboutie avant la fin de cette année, mais nous y parviendrons au premier semestre 2021.

La crise sanitaire et ses nombreuses contraintes nous encouragent à engager plus franchement la révision des rythmes scolaires, la collaboration entre scolaire et extrascolaire, la solidarité entre acteurs d'éducation et la concertation sur le plan local.

Pour terminer, je préciserai qu'actuellement, le temps de midi n'est pas considéré comme un temps extrascolaire. L'article 14 du décret «ATL» stipule en effet que le programme CLE (coordination locale pour l'enfance) couvre, en fonction des besoins locaux, une ou plusieurs des périodes suivantes: le temps avant et après l'école; le mercredi après-midi; le week-end et les congés scolaires.

La question du remplacement des travailleurs absents et de la continuité du service au bénéfice des enfants et des familles est réelle. Ma conviction est que c'est précisément dans le décloisonnement et le dialogue avec l'école que des solutions innovantes pourront être trouvées.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Comme l'a dit ma collègue, Madame Durenne, les représentants du secteur attendent beaucoup d'une réforme que le gouvernement et votre prédécesseure annoncent depuis longtemps.

Je regrette que le gouvernement n'ait pas encore mené de discussions à ce sujet puisque vous aviez annoncé votre volonté d'y mener rapidement et de concert votre réflexion.

Je comprends tout à fait que les circonstances en ont voulu autrement et vous remercie d'avoir exposé les premières avancées réalisées tout récemment et de votre volonté de rencontrer les représentants du secteur sur une base bimensuelle.

Je note qu'une première note d'orientation est attendue pour le premier semestre 2021. Mes collègues et moi-même y seront fort attentifs.

Une autre question importante que le gouvernement ne semble pas encore avoir étudiée porte sur le budget. Nous ne disposons pas encore d'une première analyse budgétaire. Or, il est essentiel de savoir où l'on va et de définir les postes de la réforme où nous investirons nos moyens et éviter ainsi de donner de faux espoirs aux responsables du secteur qui attendent la réforme avec impatience et depuis longtemps.

Mes collègues et moi-même ne manquerons pas de revenir régulièrement vers vous pour suivre avec attention l'état d'avancement de cette réforme que mon groupe juge primordiale et de vous faire part de propositions émanant des acteurs de terrain.