Question sur la responsabilisation collective non seulement des enseignants, mais aussi des parents et des élèves

21/11/2023

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR), à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos de la responsabilisation collective non seulement des enseignants, mais aussi des parents et des élèves

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je vous interroge régulièrement sur l'amélioration des relations entre les familles et les écoles, ce qui est une nécessité constatée dans l'avis n°3 du Groupe central du Pacte pour un enseignement d'excellence, renforcée encore depuis la crise sanitaire.

Dans le cadre de mes visites de terrain, je constate qu'il s'agit d'une préoccupation importante des directions et des équipes éducatives. Deux principales problématiques, aussi importantes l'une que l'autre, me sont rapportées: d'un côté, souvent dans les écoles à indice socio-économique faible (ISEF), avec des familles plus précarisées, les parents sont démissionnaires et ne s'intéressent pas du tout à l'école, et, d'un autre côté, plus souvent dans les écoles à ISEF plus élevé, les parents sont plutôt dans une forme d'ingérence, notamment par rapport à la pédagogie et au travail des enseignants. Il ne faut pas en faire une généralité par rapport à toutes les familles, mais ce sont les grandes tendances qui ressortent de témoignages de terrain. En outre, on en demande de plus en plus à l'école, ce qui tend à déresponsabiliser les parents en surchargeant les équipes éducatives qui ne devraient se concentrer que sur les aspects pédagogiques.

À ce sujet, l'avis n°3 du Groupe central prévoit de «réaliser un cadastre des différents types de dispositifs formels et informels qui favorisent des relations de confiance avec les familles, en vue: a) d'évaluer les leviers d'action et les obstacles ou résistances à la mise en œuvre de ces dispositifs ainsi que leurs effets, en particulier pour la scolarisation des enfants issus des familles défavorisées; b) de relever les ressources mises à disposition des acteurs scolaires pour approfondir les enjeux des relations familles/école et renforcer leurs compétences relationnelles; c) et de diffuser ces dispositifs auprès des équipes pédagogiques, des directions, des associations de parents et de faciliter leur transmission dans les écoles par des réunions d'échanges et de partage des pratiques entre pairs». Il est encore prévu que «le cadastre devra être élaboré sur la base d'une méthodologie de recueil et de traitement des données précises réalisés à partir des plans de pilotage des établissements. Les modalités d'une diffusion efficace des dispositifs formels et informels et/ou pratiques pertinent(e)s feront l'objet d'un travail approfondi».

Lors de la séance de Commission du 28 février dernier, vous m'avez précisé que ce travail avait pris du retard et que les travaux méthodologiques étaient en cours en vue de lancer ce cadastre l'année scolaire suivante.

Madame la Ministre, en quoi consiste exactement ce cadastre? Par qui sera-t-il réalisé? Selon quelle méthode? Où en est l'état d'avancement des travaux? Quand doivent-ils aboutir? Outre la réalisation d'un cadastre, quels outils seront-ils créés pour améliorer concrètement les relations parents-écoles?

En outre, certains enseignants ont l'impression que les mesures du Pacte pour un enseignement d'excellence ne reposent que sur le personnel enseignant. Je vous relate le témoignage d'une enseignante: «Le problème est que tout repose sur le personnel enseignant. Aucune mesure ne concerne réellement les élèves et leurs parents. C'est comme si tous les échecs ne s'expliquaient que par des déficits du côté des structures de l'enseignement et du personnel. Aucun résultat probant ne sera observé tant que l'on niera la réalité: les premiers responsables de la réussite des élèves sont les élèves eux-mêmes. On assiste à une culpabilisation du corps enseignant et à la déresponsabilisation des élèves. Rien n'est mis en place vis-à-vis du comportement de l'élève face au travail. Il faut agir sur l'attitude des élèves et de leurs parents face à la scolarité et à ses exigences.»

Je rejoins l'avis de cette enseignante. Le Pacte a amené une logique de renforcement de la responsabilisation des acteurs de l'enseignement avec, d'un côté, un pilotage renforcé de chaque établissement scolaire et une dynamique collective plus forte grâce aux plans de pilotage et aux contrats d'objectifs et, d'un autre côté, l'évaluation individuelle de chaque enseignant. Cependant, aucune mesure ne concerne jusqu'à présent la nécessaire responsabilisation des élèves et de leurs parents.

L'avis n°3 du Groupe central mentionne d'ailleurs expressément que: «La responsabilisation collective de l'établissement ne se restreint pas aux seuls enseignants: elle doit s'étendre aux parents via l'association des parents et à d'autres acteurs pertinents de l'environnement de l'école via le Conseil de participation. Elle doit bien sûr aussi s'étendre aux élèves». Il n'est toutefois pas suffisant de se référer aux associations de parents – toutes les écoles n'en disposent pas et ce sont les parents qui sont déjà de bonne volonté qui en font partie – ou aux conseils de participation (Copa) – toutes les écoles n'en ont pas encore ou ne les convoquent pas régulièrement, en sus du fait que seuls quelques parents volontaires en sont membres. J'estime qu'il faut responsabiliser tous les parents, ainsi que tous les élèves.

Le Pacte évoque un partenariat éducatif durable et constructif entre les équipes éducatives et les parents d'élèves de tous les milieux socio-économiques et culturels, sans malheureusement aller plus loin dans la réflexion.

Madame la Ministre, ne devons-nous pas aller plus loin que les mesures préconisées par le Pacte afin de responsabiliser toutes les familles aux enjeux de l'enseignement? Des mesures sont-elles prévues en ce sens? Lesquelles? Sinon, allez-vous lancer un chantier en ce sens?

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation. – Madame la Députée, je vous le confirme: le travail mené par le Chantier sur cette question a pris du retard, mais il se révèle surtout plus compliqué qu'il n'y paraît en termes de ressources humaines et de contenu exploitable. En effet, les données recueillies ont été analysées et il s'avère qu'elles ne peuvent pas être utilisées telles quelles pour réaliser un cadastre des dispositifs organisés par les écoles visant à favoriser les relations entre l'école et la famille. Le sondage a révélé que ces informations sont extrêmement diversifiées dans leur rédaction, mais aussi dans leur degré de précision.

Il faudrait retourner vers les écoles, mais, compte tenu des échos du terrain sur la surcharge administrative à laquelle les établissements font face, ce dossier ne fait pas partie des priorités.

La thématique reste évidemment à l'ordre du jour, mais le Chantier œuvre pour une alternative plus pratique à mettre à la disposition des écoles plutôt qu'un cadastre en tant que tel.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, j'entends bien qu'il n'est pas évident de réaliser un tel cadastre sachant que l'on récolte parfois des informations inutilisables. En revanche, je regrette de ne pas savoir quelle direction vous souhaitez prendre en termes d'alternative à ce cadastre.

Je ne vous ai pas entendue non plus au sujet de la responsabilisation des parents et des élèves vis-à-vis des enseignants. Les trois acteurs que sont les parents, les élèves et les enseignants doivent être responsabilisés dans le cadre du Pacte pour un enseignement d'excellence. Les enseignants m'ont fait part de leur sentiment d'injustice.

Le Pacte traite d'un partenariat éducatif durable et constructif. C'est bien de le dire, encore faut-il l'appliquer. Il est essentiel de mettre sur pied un groupe de travail pour déterminer des pistes d'actions et des mesures concrètes à mettre en œuvre afin d'améliorer véritablement les relations familles-école et d'accroître la responsabilisation des parents et des élèves quant aux enjeux scolaires. Peut-être pourrons-nous profiter du groupe de travail créé à l'origine pour réaliser le cadastre. Mais il doit être composé d'acteurs institutionnels et d'acteurs de terrain.

Pourquoi ne pas imaginer un véritable contrat entre les écoles, les parents et les élèves centré sur les valeurs de l'effort, du travail, du mérite et du plaisir d'apprendre? C'est aussi à travers ce type de mesure que nous améliorerons véritablement notre enseignement, ce qui est l'un des objectifs du Pacte. C'est en tout cas une demande des acteurs de terrain.