Question sur la responsabilisation collective non seulement des enseignants, mais aussi des parents et des élèves

05/03/2024

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos de la responsabilisation collective non seulement des enseignants, mais aussi des parents et des élèves

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je vous interroge régulièrement sur l'amélioration des relations entre les familles et les écoles, qui est une nécessité identifiée par le Groupe central dans son avis n° 3 sur le Pacte pour un enseignement d'excellence. Ce besoin s'est encore accru depuis la crise sanitaire.

Lors de mes visites de terrain, j'ai constaté que les directions et les équipes éducatives avaient à cœur de travailler sur ce point. Deux principales problématiques, qui sont aussi importantes l'une que l'autre, ressortent. D'un côté, plus souvent dans les écoles à indice socioéconomique (ISE) faible, les parents sont démissionnaires et ne s'intéressent pas du tout à l'école. D'un autre côté, plus souvent dans les écoles à ISE plus élevé, les parents font de l'ingérence notamment dans le volet pédagogique et le travail des enseignants. Il faut bien sûr éviter de faire des généralités, mais ces deux phénomènes apparaissent. En outre, l'école est de plus en plus mise sous pression, ce qui tend à déresponsabiliser les parents et à surcharger les équipes éducatives qui ne devraient se concentrer que sur le pédagogique.

L'avis n° 3 du Groupe central prévoit de «réaliser un cadastre des différents types de dispositifs formels et informels qui favorisent des relations de confiance avec les familles». Néanmoins, lors de la réunion du 21 novembre dernier de notre commission, Madame la Ministre, vous m'avez dit avoir abandonné ce projet, car les données recueillies seraient malheureusement inexploitables. Vous avez ajouté que la thématique restait à l'ordre du jour, mais que les responsables du chantier consacré à cette question œuvraient pour une alternative plus pratique à mettre à disposition des écoles.

Madame la Ministre, quel est cet outil alternatif au cadastre et quelles sont les mesures que vous allez prendre pour améliorer concrètement les relations entre familles et écoles, comme c'est prévu par le Pacte? Quel est l'état d'avancement de ces travaux? Quand doivent-ils aboutir?

En outre, certains enseignants ont l'impression que les mesures du Pacte ne reposent que sur le personnel enseignant. Lors de la réunion du 21 novembre dernier de notre commission, je vous ai livré le témoignage d'une enseignante à ce sujet. Le Pacte suit bien une logique de responsabilisation des acteurs de l'enseignement: d'une part, il renforce le pilotage de chaque établissement scolaire et renforce la dynamique collective et, d'autre part, il prévoit l'évaluation individuelle de chaque enseignant. Par contre, jusqu'à présent, aucune mesure ne vise à responsabiliser des élèves et leurs parents.

L'avis n°3 du Groupe central précise ceci: «La responsabilisation collective de l'établissement ne se restreint pas aux seuls enseignants: elle doit s'étendre aux parents via l'association des parents et à d'autres acteurs pertinents de l'environnement de l'école via le Conseil de participation. Elle doit bien sûr aussi s'étendre aux élèves.» Il n'est toutefois pas suffisant de s'en référer aux associations de parents, parce que toutes les écoles n'en disposent pas et parce que tous les parents qui en font partie font déjà preuve de bonne volonté. De même, il ne suffit pas de se reposer sur les conseils de participation (Copa), car toutes les écoles n'en ont pas encore ou ne les convoquent pas régulièrement, en sus du fait que seuls quelques parents volontaires en sont membres. L'objectif à atteindre est de responsabiliser tous les parents et tous les élèves.

Le Pacte évoque un «partenariat éducatif durable et constructif entre les équipes éducatives et les parents d'enfants/élèves de tous les milieux socio-économiques et culturels», sans pousser davantage la réflexion.

Ne faut-il pas aller plus loin que les mesures préconisées par le Pacte pour responsabiliser toutes les familles, parents et élèves aux enjeux de l'enseignement? Des mesures sont-elles prévues? Si oui, lesquelles? Dans le cas contraire, allez-vous lancer un chantier à cette fin, comme prévu dans le Pacte? Pourquoi ne pas imaginer un véritable contrat conclu entre les écoles, les parents et les élèves et centré sur les valeurs de l'effort, du travail, du mérite et du plaisir d'apprendre? C'est aussi à travers des mesures de ce type que nous améliorerons véritablement notre enseignement, ce qui constitue l'un des objectifs du Pacte et une demande des professionnels de terrain.

La dernière enquête du Programme international pour le suivi des acquis (PISA) a montré que les élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont une conception fixiste de l'intelligence. Ils pensent ainsi que l'intelligence est un paramètre non modifiable. Ils évitent donc de s'engager dans des tâches difficiles et attribuent leurs échecs à des causes externes sur lesquelles ils n'ont pas de prise. Au contraire, dans la plupart des autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les élèves ont une conception évolutive de l'intelligence et attribuent leurs échecs à des facteurs modifiables comme le manque de travail, le recours à de mauvaises stratégies, autant d'éléments sur lesquels ils peuvent travailler. Il ressort donc de cette enquête qu'il faut changer les mentalités, ce qui rejoint l'idée de véritables contrats entre les écoles, les parents et les élèves.

Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. – Le chantier n°16 du Pacte est consacré aux relations entre l'école et les familles. Ses responsables préparent une note d'orientation qui est attendue pour la fin de l'année scolaire. Des relations de qualité ne s'obtiennent pas simplement par un contrat entre les parties prenantes. Ce modèle est celui sur lequel nous avons fondé jusqu'ici nos rapports institutionnels avec le citoyen et force est de constater qu'il montre aujourd'hui ses limites. Les situations conflictuelles ou le désintéressement des parents en sont de belles illustrations dans le monde de l'enseignement. Plus largement, la défiance envers les institutions est aujourd'hui un phénomène généralisé. Je ne crois pas que les formules de contractualisation apportent des solutions, d'autant plus qu'elles existent déjà. En effet, les parents et les élèves doivent souscrire au projet de l'établissement et à son règlement d'ordre intérieur.

En somme, il ne suffit pas d'affirmer avec la plus grande conviction que chacun doit se responsabiliser pour que cela soit le cas. Il ne suffit pas non plus de faire signer un bout de papier pour créer de l'adhésion. Au contraire, c'est un travail quotidien, profond. Nous l'avons observé avec certains dossiers sensibles, comme la généralisation de l'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) ou l'instauration du dossier d'accompagnement de l'élève (DAccE). Les tenants de la chose publique, les responsables politiques, les administrations, les responsables des écoles et tous les autres acteurs doivent réussir à remettre de la confiance et du sens dans le lien institutionnel. C'est possible grâce au dialogue, à l'écoute et à la prise en compte de la parole exprimée.

Il faut donc réinvestir les Copa. Nous devons œuvrer sans relâche et montrer par l'effort et la répétition que les parents et élèves ont un intérêt à s'impliquer, à participer, à venir exprimer des désaccords et à chercher, ensemble, la meilleure manière de les dépasser, et ce, avec respect.

J'apporte une nuance à vos propos, Madame la Députée: il n'est pas correct de dire que les élèves et les parents ne sont pas mis à contribution à travers le Pacte pour un enseignement d'excellence. Si les réformes visent à créer les conditions systémiques d'un meilleur accompagnement des élèves par les équipes éducatives, ce sont bien les élèves eux-mêmes qui restent in fine les acteurs de leur parcours scolaire. Ce sont eux aussi qui éprouvent toutes les conséquences d'une réussite ou d'un échec, parfois pour le reste de leur vie.

Plus que jamais, nous attendons des élèves qu'ils s'impliquent dans le cercle vertueux de l'excellence par le dépassement tant des difficultés que des acquis et qu'ils fournissent les efforts nécessaires pour y arriver. Plus que jamais, et notamment grâce au DAccE, les parents sont informés des difficultés d'apprentissage de leurs enfants et de tout ce qui doit être mis en œuvre pour y remédier dans la mesure du possible, avec leur soutien, en complément des actions menées par le corps enseignant. L'esprit de partenariat est donc au cœur de chaque réforme du Pacte. Néanmoins, il est évident que, dès lors que l'un des principaux objectifs est d'éviter la transformation des inégalités sociales en inégalités scolaires, le rôle des équipes éducatives et la qualité des outils que nous leur fournissons sont primordiaux.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Je prends note du fait que les responsables du chantier n°16 préparent une note d'orientation. J'espère qu'elle sera disponible avant la fin de l'actuelle législature.

Madame la Ministre, vous ne vous dites pas favorable au principe de contractualisation. C'est pourtant le procédé qui a été suivi pour les plans de pilotage et les contrats d'objectifs des établissements. Cette même logique pourrait s'appliquer aux élèves et aux parents.

Par ailleurs, le DAccE ne concerne que les élèves qui rencontrent des difficultés spécifiques. Dès lors, tous les parents ne bénéficient pas de cet outil.

Dans son avis n°3, le Groupe central insiste sur l'importance d'améliorer les relations avec toutes les familles.

Vous affirmez que le Pacte contient des mesures visant à responsabiliser les élèves. Toutefois, les enseignants ont l'impression que la responsabilité repose uniquement sur leurs épaules.

Les conclusions de la dernière enquête PISA montrent qu'en Belgique, et principalement en Fédération Wallonie-Bruxelles, les élèves ont une mentalité différente par rapport à ceux des autres pays de l'OCDE. Chez nous, l'élève a tendance à ne pas se remettre en question et à attribuer ses échecs à des causes externes, tandis que, dans la plupart des autres pays, l'élève se rend compte que le travail paie. Il faut changer les mentalités et, pour ce faire, des mesures concrètes sont nécessaires.

Vous dites que vous n'êtes pas en faveur de la contractualisation, mais vous ne proposez pas d'autre solution !