Question sur la scolarisation des enfants fuyant la guerre en Ukraine
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR), à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos de la scolarisation des enfants fuyant la guerre en Ukraine
Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, le 24 février dernier, la Fédération de Russie a envahi l'Ukraine. Au moment du dépôt de ma question, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés avait estimé le nombre de personnes ayant fui le pays à plus de quatre millions, dont plus de 1,5 million d'enfants. Bien entendu, ces chiffres ont encore augmenté depuis. D'après une estimation de l'Office des étrangers datant de la semaine dernière, la Belgique accueillerait quelque 40 000 réfugiés ukrainiens, dont 37 % d'enfants en âge de scolarisation.
Cela représente une tâche considérable pour les États de l'Union européenne, dont la Belgique, notamment pour assurer l'éducation de ces enfants qui se retrouvent dans un pays dont ils ne parlent pas la langue.
Vous avez déjà donné réponse à de nombreuses questions lors des réunions de commission des 17 et 29 mars 2022, ainsi qu'à travers deux circulaires émises les 10 et 23 mars 2022.
Celle du 10 mars, la circulaire 8507, a fourni aux écoles les premières informations de base afin d'accueillir au mieux les enfants fuyant le conflit armé. Elle répond aux questions relatives à la scolarisation, au DASPA et au soutien psychologique. Elle fournit également des ressources pédagogiques pour aborder le conflit avec les élèves. Elle fait encore état de pistes de réflexion quant à certaines problématiques comme les équivalences de diplômes et la modification temporaire du DASPA pour le fluidifier face aux besoins du terrain.
La circulaire 8517, quant à elle, apporte des réponses complémentaires: la création d'un monitoring en temps réel; la possibilité de répartir les élèves par zones d'enseignement ou par écoles d'une même localité grâce à la Direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO); la résolution des problèmes d'équivalence dans l'enseignement secondaire; un assouplissement temporaire du DASPA; la scolarisation dans l'enseignement spécialisé. Elle expose également plusieurs problématiques faisant l'objet d'une réflexion: la passation des épreuves certificatives externes; la prise en compte des nouveaux élèves dans les comptages pour l'encadrement et les subventions de fonctionnement de l'année scolaire prochaine, tant pour les écoles que pour les centres PMS; l'inscription en première année secondaire commune.
Plusieurs interrogations importantes restent donc en suspens; vous avez annoncé la création de groupes de travail pour y répondre. La prise en charge des élèves dans ce contexte de pénurie d'enseignants est sans doute le problème le plus important. Le gouvernement devra y remédier au plus vite.
Lors de la réunion de commission du 17 mars, vous avez annoncé que 130 élèves venant de l'Ukraine étaient inscrits dans nos écoles. Le 29 mars, vous nous avez informés qu'ils étaient 992. Cette augmentation exponentielle s'est-elle poursuivie? Combien d'enfants ayant quitté l'Ukraine sont-ils actuellement scolarisés en Fédération Wallonie-Bruxelles? Le nombre de classes DASPA a-t-il continué d'augmenter? Dans quelles communes wallonnes et bruxelloises de telles classes ont-elles été ouvertes? Combien d'élèves sont-ils scolarisés dans des classes DASPA et dans des classes ordinaires? L'enseignement primaire compte-t-il toujours plus d'enfants venus d'Ukraine que l'enseignement secondaire et maternel?
Comment la DGEO a-t-elle procédé à la répartition de ces élèves? Les zones touchées par une importante tension démographique offrent-elles suffisamment de places pour ces élèves? Menez-vous une réflexion à cet égard avec le ministre Daerden, chargé des bâtiments scolaires?
Avez-vous reçu des témoignages de terrain à propos de la scolarisation de ces enfants? Comment se passe leur intégration au sein des écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles?
Vous avez insisté sur le rôle des centres PMS pour favoriser cette intégration, mais qu'en est-il des équipes mobiles d'accompagnement (EMA)? Ne pourraient-elles pas être mobilisées, comme vous l'aviez proposé pour les écoles et les élèves sinistrés par les inondations de juillet 2021?
Votre cabinet a-t-il déjà réalisé des projections par rapport à l'impact budgétaire des mesures activées pour faire face à cet afflux inédit de nouveaux élèves, que ce soit pour cette année ou pour l'année scolaire prochaine?
Où en sont vos réflexions concernant la passation des épreuves externes certificatives et l'inscription en première année secondaire commune?
Qu'en est-il des pistes envisagées pour combler la pénurie d'enseignants, qui s'est accentuée avec l'arrivée des enfants venus d'Ukraine? Vous avez notamment évoqué la possibilité d'engager des pensionnés ou des professeurs ayant eux-mêmes fui la guerre. Plus généralement, envisagez-vous d'autres solutions pour résoudre ce problème plus crucial que jamais?
Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation. - Parmi les réfugiés enregistrés à ce jour, 12 442 sont des enfants de 3 à 18 ans, donc en âge d'être scolarisés. Selon l'engagement de l'État fédéral, qui visait une répartition à hauteur de 60 % et 40 % entre les deux grandes Communautés, nous devrions scolariser près de 5 000 enfants en Fédération Wallonie-Bruxelles.
D'après les derniers chiffres de Signalétique ELèves (SIEL), 2 065 élèves sont inscrits dans les établissements de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont 23 % dans l'enseignement maternel, 49 % dans l'enseignement primaire et 28 % dans l'enseignement secondaire. La Région wallonne accueille 1 369 élèves; la Région de Bruxelles-Capitale en compte 696.
Dans l'enseignement primaire, 26 % des élèves sont dans un DASPA, contre 42 % dans l'enseignement secondaire. Depuis le mois de novembre 2021, l'enseignement fondamental a bénéficié de la création de 17 nouveaux DASPA et de l'agrandissement de neuf autres. Dans l'enseignement secondaire, douze DASPA ont été créés et vingt ont été agrandis. Les écoles qui viennent de créer un DASPA peuvent adresser leurs questions au cabinet ou à l'administration. Leur faible nombre permet encore de leur répondre et de les accompagner sans problème.
Tout cela aura évidemment un impact budgétaire, tant pour les DASPA que pour l'encadrement. Le gouvernement a réalisé des simulations budgétaires, mais les variables et les inconnues sont tellement nombreuses qu'elles ne sont encore ni précises ni fiables. Les estimations dépendent avant tout du nombre total d'élèves que la Fédération Wallonie-Bruxelles devra accueillir à terme; or, ce chiffre est impossible à prévoir.
De manière générale, les inscriptions au centre d'enregistrement du Heysel commencent à ralentir et l'afflux d'élèves ukrainiens dans les écoles reste gérable. Il n'est donc pas encore question d'activer un quelconque mécanisme de répartition des élèves, même si le sujet est abordé dans les discussions interfédérales.
La différence entre le nombre d'enfants ukrainiens présents en Belgique et le nombre d'inscrits dans nos écoles peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Au-delà du temps qu'il faut aux familles pour s'installer et entamer les démarches d'inscription scolaire, il s'avère qu'un nombre important de réfugiés envisagent un retour rapide en Ukraine. En effet, de nombreux pères et époux sont restés au pays, notamment pour combattre. Dans de tels cas, les familles privilégient parfois, surtout pour l'enseignement secondaire, les plateformes d'enseignement à distance que l'Ukraine a mis à leur disposition. Nous devons composer avec cette donnée et trouver des modalités appropriées pour l'inscrire dans la durée si cela s'avère nécessaire. Mes services y réfléchissent. Par ailleurs, il n'est pas certain que toutes les personnes enregistrées au centre du Heysel se trouvent toujours sur notre territoire. En effet, lors de nos réunions avec les autorités locales, nous avons constaté une différence entre le nombre d'enregistrements au niveau fédéral et les inscriptions dans les communes. Il faudra donc approfondir cette question avec les autres niveaux de pouvoir.
Les écoles peuvent évidemment faire appel aux EMA, mais à ma connaissance, aucune ne l'a encore fait.
Je transmettrai bientôt au gouvernement les réflexions des groupes de travail consacrés à l'encadrement, à la pénurie, aux épreuves certificatives et à l'inscription en première année secondaire. Les aspects de ces réflexions susceptibles d'affecter le fonctionnement des écoles seront communiqués à ces dernières. L'important sera ensuite de suivre la situation au plus près et de continuer à nous préparer à toutes les hypothèses en vue de la rentrée scolaire 2022-2023.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, je vous remercie pour les mesures que vous avez prises et que vous prendrez encore. Plusieurs groupes de travail ont été créés et je comprends que vous réserviez vos pistes de réflexion au gouvernement avant de nous les présenter.
Par ailleurs, vous avez indiqué que les écoles pouvaient mobiliser les EMA, mais cela ne figure pas dans les circulaires. Je vous suggère donc d'y ajouter cette information trop souvent oubliée.
Mon groupe et moi-même ne manquerons pas de suivre l'évolution de la
situation et les solutions qui seront trouvées pour résoudre les problèmes, en
particulier la pénurie d'enseignants.