Question sur la surcharge des directeurs d'écoles

20/10/2020

Question de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, sur la (sur)charge administrative des directeurs d'école.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Madame la Ministre, dans son deuxième axe stratégique, l'avis n° 3 du Groupe central prévoit, en ce qui concerne les directeurs d'écoles, de passer progressivement d'une gestion administrative et multitâches à un leadership éducatif et pédagogique. Il y est également précisé que la gestion des ressources humaines, matérielles et financières doit être au service des finalités éducatives et pédagogiques de l'établissement scolaire et non l'inverse.

Le Pacte prévoit diverses mesures visant à permettre aux directions de disposer du temps nécessaire pour assumer leur leadership, d'alléger leur charge administrative, de redéfinir leurs missions et responsabilités, y compris en matière de gestion stratégique des ressources humaines, ou encore de se professionnaliser grâce à des stratégies intégrées de développement des compétences et à une approche plus systémique de la fonction.

Paradoxalement, les directeurs que je rencontre lors de mes visites sur le terrain sont quasiment unanimes pour dire que leur charge administrative ne cesse d'augmenter. C'était déjà le cas avant le début de la crise sanitaire. Ils se disent noyés dans la paperasse, ce qui les amène à délaisser leur fonction première, assurer un leadership éducatif et pédagogique.

De plus, nombreux sont les directeurs qui doivent prester de nombreuses heures supplémentaires en soirée et le week-end, au détriment de leur vie privée, sans rémunération supplémentaire.

«La Dernière Heure» a dressé le constat de cette surcharge de travail des directeurs d'écoles dans un article du 9 septembre 2020 intitulé «Burn-out, turn-over et corona: le blues des directions d'écoles». Cet article était basé sur la dernière analyse de l'UFAPEC qui fait état d'un véritable sentiment de malaise des directions d'écoles. Ce malaise engendre des burn-out et un turn-over qui aggravent encore le problème de pénurie dans le secteur de l'enseignement.

Nous étions à ce moment-là au début de la rentrée scolaire. Depuis, les articles de presse et les interpellations des directeurs qui se disent à bout n'ont cessé de fleurir.

Je note à cet égard que la Déclaration de politique communautaire (DPC) prévoit de «renforcer le soutien aux directions des écoles fondamentales pour permettre à celles-ci de consacrer davantage d'énergie dans l'innovation pédagogique et le soutien aux équipes, en associant les fédérations de pouvoirs organisateurs», d'«alléger et simplifier la charge administrative des écoles», de «continuer à renforcer l'aide administrative nécessaire aux directions du fondamental» et «d'encourager la mise en place de pools technico-administratifs entre plusieurs écoles».

Quelles mesures sont-elles discutées par votre gouvernement pour diminuer la charge administrative des directeurs d'écoles et dès lors, pour leur permettre de se consacrer à leur mission principale de leadership éducatif et pédagogique, tout en leur permettant de retrouver du temps libre dans leur vie privée?

Où en sont vos travaux visant à réformer la carrière des directeurs, objectif qui fait partie intégrante du Pacte, du protocole sectoriel 2019‑2020 et de la DPC qui prévoit d'«assurer l'attractivité des fonctions de direction en déterminant un barème correspondant à leur charge de travail et leurs responsabilités»?

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation.- Mesdames et Messieurs les Députés, vous connaissez aujourd'hui les décisions que j'ai proposées au gouvernement en réponse à la détresse bien réelle des directions. Je suis parfaitement consciente des importantes difficultés rencontrées sur le terrain tant par les directions que par les enseignants et les autres membres du personnel. À aucun moment, depuis le début de mon mandat, je n'ai voulu minimiser les problèmes.

La crise sanitaire a augmenté la charge de travail des directeurs et directrices. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de les remercier en soulignant leur engagement remarquable pour faire face à cette situation inédite et garantir le maintien des activités pédagogiques, tant que c'est possible.

Certaines mesures ont été prises sous la précédente législature pour alléger la charge de travail des directions, en particulier celles de l'enseignement fondamental, et pour leur fournir une aide administrative.

Par ailleurs, en complément des mesures mises en œuvre dès septembre 2020 en matière de simplification administrative, des modifications substantielles ont été concrétisées lors de cette rentrée, en particulier celles liées au décret du 11 avril 2014 réglementant les titres et fonctions dans l'enseignement fondamental et secondaire organisé et subventionné par la Communauté française (décret «Titres et fonctions»). Elles étaient attendues tant par les chefs d'établissement que par les pouvoirs organisateurs et par l'administration.

En outre, un avant-projet de décret visant à aménager la fin de carrière des directeurs, tel que préconisé dans l'avis n°3 du Groupe central, a été adopté en deuxième lecture par le gouvernement le 7 octobre dernier. Ce texte, dont l'entrée en vigueur est prévue en janvier 2021, leur permettra de travailler à temps partiel en fin de carrière tout en préservant leur leadership pédagogique. Ce travail à temps partiel pourra s'effectuer pour une période maximale de quatre ans dans les fractions existantes pour les congés concernés, à savoir une disponibilité précédant la pension de retraite (DPPR) et une interruption de carrière à partir de 58 ans. Le remplacement des directeurs en mi-temps médical ou thérapeutique est également prévu. Les représentants de pouvoirs organisateurs ont unanimement marqué leur satisfaction pour ce texte lors de la négociation réglementaire. Par ailleurs, je vous confirme l'extension du champ d'application du dispositif aux directions des centres psycho-médico-sociaux (PMS). Ce texte est actuellement soumis à l'avis du Conseil d'État.

Sur l'encodage des élèves FLA, les difficultés ont été résolues au cas par cas, au fur et à mesure, et transmises aux informaticiens chargés du développement des formulaires. Cependant, compte tenu du délai imparti, les écoles ont eu la possibilité, cette année encore, d'encoder les résultats aux tests des élèves FLA dans un tableur. Les deux options ont donc été permises à la rentrée 2020.

L'équipement informatique des directeurs se poursuit. Les directions d'établissements de l'enseignement fondamental ont été équipées durant les deux premières années du projet. En 2018, 576 ordinateurs portables installés sur site ont été déployés et 699 l'ont été en 2019. En 2020, le déploiement de l'équipement pour les directions d'établissements de l'enseignement fondamental sera achevé pour les écoles de la vague 1 et de la vague 2 des plans de pilotage. Le solde par rapport au volume prévu en 2020 sera alloué aux établissements de l'enseignement fondamental de la vague 3 des plans de pilotage, sur la base de la population scolaire, des réseaux et des établissements. Cela ne sera évidemment pas suffisant.

Dans ce contexte compliqué, j'ai donc voulu aller plus loin pour permettre aux directeurs et directrices ainsi qu'à leurs équipes éducatives de se concentrer prioritairement sur la gestion de la crise et sur l'ensemble des dégâts socio-pédagogiques qu'elle provoque et a provoqués lors de la première phase de confinement chez les élèves en les soulageant au maximum de toutes les autres tâches.

Le gouvernement a donc décidé de suspendre la mise en œuvre de certaines réformes du Pacte. Cela n'a pas été une décision facile. Les chantiers sont en cours et le calendrier, y compris budgétaire, est donc chamboulé. Nous parlons notamment du report d'un an de la mise en œuvre du tronc commun et de tout ce qui y est lié en matière de formation. Ces réformes ont une incidence sur la vie des écoles et sur le travail des équipes, mais nous sentons simplement que l'adhésion n'est plus possible.

Nous avons eu des retours de l'Institut de la formation en cours de carrière (IFC) qui doit former des directions d'école au tronc commun. Deux heures après leur arrivée, des directeurs doivent déjà partir, car elles ont des cas de Covid-19 et des remplacements à gérer dans leur école. Il est impossible dans ces conditions de recueillir l'adhésion suffisante pour mettre en œuvre convenablement ces réformes. Nous n'avons donc pas le choix.

Une bulle d'oxygène est nécessaire aux directions pour qu'elles puissent supporter cette situation très difficile.

Le report jusqu'au 15 décembre 2020 du dépôt des plans de pilotage pour les écoles de la vague 2 va offrir également un peu de répit aux directions et à leurs équipes. Nous avons accordé deux mois supplémentaires pour leur permettre de les finaliser. Jusqu'ici 450 écoles ont en effet déjà déposé leur plan dans les délais; il était donc difficile d'interrompre le processus en cours, au risque de décourager des équipes qui s'étaient mobilisées pour leur élaboration. Nous allons toutefois évaluer la situation en permanence en fonction des réalités rencontrées par le terrain. D'un autre côté, pour autant que celles-ci le permettent, il apparaît que nous avons plus que jamais besoin d'une dynamique collective au sein des équipes et du leadership des directions. Nous avons envoyé divers signaux en ce sens à tous les délégués au contrat d'objectifs (DCO) et directeurs de zones (DZ) en leur demandant de relâcher la pression, d'être présents en soutien et d'adapter leurs interventions à la situation rencontrée sur le terrain.

Un chantier du Pacte est consacré aux directeurs. Le travail sera poursuivi à ce niveau pour mettre en œuvre une structure collégiale de la direction dans chaque école et d'un développement des bonnes pratiques. La revalorisation barémique devra être abordée lors des travaux relatifs à la réforme de la FIE. À ce stade, je ne peux vous donner davantage d'informations puisqu'ils sont toujours en cours.

Toutes les mesures précitées vont dans le sens des demandes formulées à plusieurs reprises par le secteur, notamment dans le rapport de l'UFAPEC auquel vous avez tous fait référence. Elles permettront une diminution de la charge et un certain retour à la sérénité.

Dans une de mes réponses ultérieures, je reviendrai sur la notion de pool partagé d'enseignants. Complémentairement, la Fédération Wallonie-Bruxelles entend inscrire le chantier de la simplification administrative en véritable priorité, c'est vraiment nécessaire, notamment pour la numérisation des processus administratifs clés. Lors du récent conclave budgétaire, j'ai demandé qu'un budget spécifique de 5 millions euros lui soit alloué. Le gouvernement a accepté cette demande. Ce point est indispensable, encore plus en pleine crise sanitaire. J'associerai bien entendu les opérateurs institutionnels à ce travail que j'espère pouvoir mener dans les prochains mois.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Madame la Ministre, je vous remercie d'avoir détaillé les mesures que vous avez prises pour soulager les directions. À contrecœur, nous devons nous résoudre à reporter certaines réformes essentielles du Pacte.

Compte tenu de la recrudescence de l'épidémie, je pense, comme vous, que notre objectif premier est actuellement d'aider les directions et les équipes éducatives à gérer la crise et à réparer les dégâts socio-pédagogiques que subissent les élèves. Pour ce faire, il faut que nous prenions en charge certaines tâches qui reviennent habituellement aux directions et aux équipes éducatives.

La crise sanitaire met en exergue la surcharge de travail des directeurs, mais cette problématique n'est pas neuve. Je me permets d'insister à nouveau sur la nécessité de mener une réforme en profondeur de leur travail et de leur statut. Ils devraient consacrer une part maximale de leur temps à la direction pédagogique plutôt qu'à des tâches administratives. Il est également indispensable qu'ils puissent exercer leur fonction sereinement pour éviter de nouveaux burn-out et un turn-over. Avant la crise sanitaire, ces phénomènes se manifestaient déjà de plus en plus.

Vous nous rassurez en précisant que certains chantiers sont en cours. Je pense notamment à l'avant-projet de décret sur la fin de carrière des directeurs. Le travail déjà accompli ne me paraît toutefois pas encore suffisant, et je ne manquerai donc pas de revenir vers vous à propos de ce sujet essentiel.