Question sur l'apprentissage de notions juridiques à l'école

28/01/2020

Question orale à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos des notions de droit au sein du programme des cours d'éducation à la philosophie et la citoyenneté dans l'enseignement secondaire.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Madame la Ministre, le cours de philosophie et de citoyenneté (CPC) est organisé pour les 1er, 2e et 3e degrés dans une partie de l'enseignement secondaire. Dans l'enseignement officiel, ce cours est subdivisé en chapitres et en unités d'acquis d'apprentissage (UAA).

Au sein des programmes, je me suis notamment penchée sur les notions juridiques et d'autres notions qui s'en rapprochent.

Bien que la liste ne soit pas exhaustive, évoquons et saluons la présence des points suivants: la citoyenneté, la souveraineté et la démocratie dans les modules 7 et 8 du chapitre consacré à la «Construction de la citoyenneté dans l'égalité en droits et en dignité» au sein du 1er degré; la typologie et la hiérarchie des normes dans l'UAA 2.1.5 «Légitimité et légalité de la norme»; l'égalité de droit, la participation politique, les formes de démocratie (directe, représentative, participative) et le suffrage dans l'UAA3.1.5 «Participer au processus démocratique»; l'État de droit, la volonté générale, l'État gendarme, l'État-providence et l'État social actif dans l'UAA 3.1.6 «L'État: pourquoi? Jusqu'où?»; la séparation des pouvoirs, les régimes politiques, le pouvoir, l'influence et la domination, le monopole de la violence légitime et les acteurs institutionnalisés (ou non) en Belgique et au niveau international.

Mon attention a été particulièrement retenue par les concepts présents dans l'UAA 3.2.4 «La Justice», module donné durant une heure d'option au 3e degré: justice, légitimité, équité, égalité, justice distributive, justice commutative, justice sociale, État, droit naturel et droit positif, justice internationale, vérité judiciaire, rendre justice et se faire justice soi-même (vengeance), discrimination positive, le bien et le juste.

Dans un État de droit, la vie en société est faite de droits et de devoirs. L'un des concepts fondateurs de celle-ci stipule que: «Nul n'est censé ignorer la loi».

À ce titre, et en tant que juriste, il m'a toujours paru insuffisant que seuls les étudiants inscrits en droit en haute école ou à l'université puissent être formés à des concepts aussi élémentaires que, par exemple, les conditions de validité d'une reconnaissance de dette, la compréhension de conditions générales d'un contrat de bail, d'un compromis de vente, d'un contrat d'assurance... Autant de contrats que tout adulte est amené à signer, mais qu'il ne pourra véritablement comprendre que s'il fait des études de droit.

Madame la Ministre, vous qui avez comme moi une formation de juriste, quel est votre sentiment sur le sujet? Les référentiels et programmes de CPC vont-ils à vos yeux suffisamment loin dans l'apprentissage de connaissances dites «citoyennes» au sein de l'enseignement officiel? Qu'en est-il de l'enseignement libre confessionnel subventionné où le module «Justice» n'est pas dispensé aux étudiants, puisque la deuxième heure optionnelle de philosophie et citoyenneté ne fait pas partie des programmes de cours? Concernant le module «Justice», ne pourrait-on pas profiter d'aborder ce module pour instruire davantage les étudiants à des matières très concrètes qui les concerneront tous une fois majeurs?

Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. - Madame la Députée, le programme du cours d'EPC commun au réseau de Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE), au Conseil des pouvoirs organisateurs de l'enseignement officiel neutre subventionné (CPEONS) et à la Fédération des établissements libres subventionnés indépendants (FELSI), introduit effectivement plusieurs notions relatives au droit.

Dans la mesure où ce programme et le référentiel qui le soutient sont très récents, nous devons surtout nous féliciter de leur existence, puisqu'ils viennent combler un vide. Auparavant, rien ne pouvait s'apparenter à des notions basiques de droit, si ce n'est dans certains programmes de sciences économiques.

Il est cependant difficile de savoir quelle doit être la part des différents savoirs et compétences qui seront utiles après le cursus scolaire. En fonction de son choix d'orientation, on pourrait être tenté de considérer comme insuffisante la part consacrée à sa discipline dans l'enseignement supérieur et dans l'enseignement obligatoire de manière générale.

Cela reviendrait à faire fi du fait que la construction des savoirs, savoir-faire et savoir-être procède d'une autre logique. Partant de l'enseignement maternel, cette dernière se veut spiralaire et progressive. Elle a pour objectif de façonner petit à petit et de façon cohérente les citoyens de demain.

Tous ne sont pas destinés à devenir des spécialistes du droit, mais je pense que cette formation commune, qui va être renforcée par les référentiels à venir et la réforme du tronc commun, permettra à chacun de se doter d'outils nécessaires pour ne pas être dépourvu face aux concepts élémentaires du droit.

Le degré supérieur de l'enseignement secondaire viendra renforcer cette logique d'acquis des savoirs, savoir-faire et savoir-être de base, au-delà de la multiplicité des filières.

Par ailleurs, nous pourrons bientôt parler des référentiels, puisque ceux-ci vont être présentés prochainement au Parlement.

En ce qui concerne l'enseignement libre confessionnel, vous connaissez comme moi la complexité des débats. Je vous renvoie à cet égard aux termes de la Déclaration de politique communautaire (DPC), qui prévoit de charger un groupe de travail spécifique au sein du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles aux fins d'examiner l'extension à deux heures de l'éducation à la philosophie et à la citoyenneté, pour l'ensemble des élèves de l'enseignement obligatoire.

Cette question avait fait débat au cours de la précédente législature, et il est vrai que les représentants du réseau libre n'avaient alors pas souhaité s'inscrire dans cette démarche.

Plus globalement, il est toujours difficile de trouver l'équilibre entre les disciplines, d'autant plus que nous voulons aussi renforcer la cohérence d'ensemble, l'interdisciplinarité et la transversalité.

Comme je vous le disais, toutes les discussions que nous pourrons avoir au sujet des référentiels au Parlement nous permettront de voir dans quelle mesure ce nouvel équilibre pourra se construire au départ des conclusions tirées par les groupes de travail à ce sujet.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Madame la Ministre, nous aurons en effet l'occasion de débattre au sujet des référentiels et j'insisterai à nouveau sur ces notions de droit.

Il est vrai qu'il existe de nombreux métiers et études différents. Cela étant, que l'on se destine ou non au métier de juriste, tout un chacun sera un jour amené à louer ou acheter un appartement ou une maison, à signer une reconnaissance de dette, même pour une petite somme. Ces documents doivent contenir des mentions spécifiques dont les gens ne connaissent pas nécessairement l'existence.

Je ne demande pas à mettre sur pied un véritable cours de droit, mais plutôt des formations visant à pouvoir réagir à certaines situations, telles que celles que j'ai citées. Cela ne devrait pas prendre plus d'une heure et permettrait aux élèves de conserver ces informations dans un coin de leur tête.

En ce qui concerne l'enseignement libre confessionnel subventionné, je ne manquerai pas de suivre les travaux du groupe de travail qui sera constitué à cette fin. Je pense que la deuxième heure CPC, portant notamment sur les matières juridiques, est très importante.