L'apprentissage de notions juridiques de base à l'école

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Valérie Glatigny, Ministre de l'Éducation, à propos de l'apprentissage de notions juridiques de base à l'école
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, à l'heure où les nouveaux référentiels de l'après-tronc commun doivent encore être élaborés, je souhaiterais vous soumettre une proposition que j'ai déjà formulée durant la précédente législature : l'apprentissage de notions juridiques de base à l'école.
En effet, dans un État de droit, la vie en société est faite de droits et de devoirs. Parmi les concepts fondateurs de cette philosophie figure notamment l'idée que «nul n'est censé ignorer la loi». Or, en tant que juriste, il m'a toujours paru insuffisant que seuls les étudiants inscrits dans un cursus de droit en haute école ou à l'université puissent être formés à des concepts aussi élémentaires que les conditions de validité d'une reconnaissance de dette ou les conditions générales d'un contrat de bail, d'un compromis de vente ou d'un contrat d'assurance, pour ne citer que quelques exemples. Il s'agit de documents que tout adulte est un jour amené à signer, mais qu'il ne pourra véritablement comprendre que s'il a fait des études de droit. En outre, il serait intéressant que tous les jeunes aient connaissance des principales institutions qui composent notre paysage judiciaire.
Dès lors, où en est l'élaboration des nouveaux référentiels de l'après-tronc commun? Pourriez-vous soumettre à la Commission des référentiels et des programmes (CDRP) la proposition d'inclure, dans les dernières années de l'enseignement secondaire, l'apprentissage de notions juridiques de base? Cela pourrait être inclus dans le cours d'éducation à la philosophie et la citoyenneté (EPC), mais le fait que celui-ci n'est pas organisé en tant que tel dans l'enseignement libre subventionné compliquerait quelque peu la tâche.
Mme Valérie Glatigny, Ministre de l'Éducation. – L'introduction de notions juridiques de base dans les dernières années de l'enseignement secondaire me semble non seulement pertinente, mais également nécessaire. Dans une société régie par l'État de droit, chacun est amené à interagir avec des règles juridiques dès son entrée dans la vie adulte, notamment pour signer un contrat de bail, souscrire une assurance, reconnaître une dette ou encore comprendre les implications d'un compromis de vente. Si ces situations sont courantes, leur compréhension reste souvent partielle et limitée à une appréhension générale, sans réelle maîtrise des implications concrètes. Or, il est paradoxal d'attendre des citoyens qu'ils respectent des règles qu'ils n'ont jamais eu l'occasion d'apprendre. Le principe selon lequel nul n'est censé ignorer la loi suppose, en amont, un minimum de formation juridique accessible à toutes et à tous.
Dans ce contexte, le cours d'EPC pourrait constituer un cadre pédagogique particulièrement adapté à ces apprentissages. Ce cours vise à développer l'esprit critique, la compréhension des institutions et la capacité à poser des choix éclairés dans la vie sociale, économique et politique. Il est donc cohérent d'y intégrer une initiation aux mécanismes juridiques fondamentaux liés aux réalités que les jeunes rencontreront dans leur vie quotidienne. Par ailleurs, une réflexion est en cours au sein de mon cabinet concernant l'organisation du cours d'EPC, et notamment son volume horaire. Cette réflexion pourrait ouvrir des perspectives pour enrichir les contenus du cours, en y intégrant par exemple des modules sur les droits et devoirs des citoyens, les contrats usuels ou encore le fonctionnement des institutions judiciaires. Une telle proposition s'inscrit pleinement dans les objectifs du Pacte pour un enseignement d'excellence visant à former des jeunes capables de s'orienter de manière autonome et responsable dans la société. Cependant, comment exercer cette autonomie lorsqu'on ne connaît pas les règles juridiques de base? L'éducation juridique de base permettrait aux élèves de mieux comprendre leur environnement, d'entreprendre de manière plus éclairée, de faire des choix plus judicieux et de participer plus activement à la vie démocratique.
Dans cette perspective, il est intéressant de noter que les travaux relatifs à l'organisation de l'enseignement après le tronc commun se sont poursuivis sur la base de l'avis rendu par le Comité de concertation du Pacte au printemps de 2024. En janvier 2025, les panels consultatifs «Jeunes et étudiants», «Jeunes et métiers» et «Jeunes et citoyens» ont été constitués pour identifier les compétences essentielles à acquérir à la fin de l'enseignement obligatoire. Ces panels réunissant des acteurs et experts de divers horizons ont suivi une même méthode. Les participants ont également pu soumettre des contributions écrites; les synthèses produites ont été relues et amendées collectivement avant finalisation. Les rapports issus des panels permettront de nourrir les réflexions en cours, notamment en vue de définir le profil de sortie des élèves et d'alimenter les futurs groupes de travail chargés de l'élaboration des référentiels. L'administration prépare cette prochaine étape. Le panel «Jeunes et citoyens» a particulièrement insisté sur la nécessité, pour tout jeune, de maîtriser des notions juridiques de base et de comprendre la structure du système judiciaire.
Il est encore trop tôt pour déterminer dans quel référentiel ces contenus seront intégrés. Si le cours d'EPC apparaît comme une piste naturelle et cohérente, il ne constitue pas la seule option privilégiée. Les référentiels de sciences sociales et économiques, voire de nouveaux cours à imaginer ou encore une approche transversale impliquant plusieurs disciplines, pourraient également accueillir ces apprentissages. Cette proposition pourrait donc être examinée dans le cadre de l'élaboration des nouveaux référentiels de l'après-tronc commun dont les travaux devraient débuter prochainement, une fois les grandes orientations définies par le gouvernement.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je vous remercie pour cette réponse positive, que je n'avais pas eue durant la précédente législature. Ce serait une grande avancée d'amener l'apprentissage des notions juridiques à l'école. Nul n'est censé ignorer la loi, mais encore faut-il qu'il y ait un apprentissage de base à ce sujet. Nous nous doutons qu'il ne faut pas dispenser de réel cours de droit, contrairement aux bases concernant tous les adultes.
Vous avez évoqué le cours d'EPC. Le seul problème, c'est que, dans l'enseignement libre, ce cours est dispensé de manière transversale et, dans beaucoup d'écoles, il n'est pas du tout abordé. Il existe peut-être un référentiel, mais personne pour vérifier que ses méthodes sont bien appliquées, ce qui demeure problématique. En effet, cela pourrait induire un enseignement à deux vitesses entre les écoles de l'enseignement libre et les autres établissements. Madame la Ministre, vous n'excluez pas l'option de proposer un autre cours. Selon moi, nous devons nous aller en ce sens, sauf si l'EPC évoluait et si nous procédions à des vérifications. Je ne suis cependant pas sûre que l'enseignement libre serait d'accord. Les notions juridiques de base doivent être enseignées à tous les élèves. Nous ne manquerons pas de revenir vers vous à propos de l'EPC en tant que tel, mais aussi à propos des travaux relatifs aux référentiels de l'après-tronc commun. Je vous remercie de soumettre cette idée au groupe de travail concerné.