Question sur le continuum entre l'accueil de la petite enfance et l'école maternelle

10/11/2020

Question de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Bénédicte Linard, Ministre de l'Enfance, sur le continuum entre l'accueil de la petite enfance et l'école maternelle.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Le décret du 9 juillet 2020 portant diverses dispositions en matière d'enseignement obligatoire relatives à l'abaissement à cinq ans de l'âge du début de l'obligation scolaire est entré vigueur le 1er septembre 2020, nous conformant ainsi à la loi fédérale du 23 mars 2019.

Selon moi, l'inscription en maternelle devrait être obligatoire dès l'âge de trois, voire deux ans et demi, mais cette décision relève des compétences de l'État fédéral. Dans l'attente et l'espoir d'un consensus sur cette question, nous devrions, à notre niveau, encourager non seulement l'inscription en maternelle en deçà de l'âge de l'obligation scolaire actuel, mais également la fréquentation assidue de l'école après l'inscription. La fréquentation des enfants inscrits en maternelle avant l'âge de l'obligation scolaire reste en effet très irrégulière.

Or, je rappelle que la scolarisation dès le plus jeune âge a de nombreux effets positifs sur la réduction des inégalités et le développement de l'enfant. Il stimule notamment ses fonctions cognitives et l'apprentissage du langage.

Le 8 septembre dernier, j'ai demandé à la ministre Désir si l'abaissement de l'âge de l'obligation scolaire n'était pas l'occasion de diffuser, grâce aux milieux d'accueil de la petite enfance (MILAC), une information systématique aux parents sur l'importance de scolariser leurs enfants dès l'âge de deux ans et demi.

Je lui suggérais par ailleurs de vous consulter, Madame la Ministre, et de vous proposer d'ajouter éventuellement cet élément aux missions de l'Office de la naissance et de l'enfance (ONE).

À cet égard, la Déclaration de politique communautaire (DPC) prévoit de «favoriser la fréquentation de l'école à partir de trois ans» et de «veiller à une meilleure transition entre les niveaux d'enseignement et entre l'accueil de la petite enfance et l'enseignement maternel et mener une réflexion pour améliorer le continuum entre le préscolaire et le scolaire (0‑6 ans)». Il est également prévu de «décloisonner les politiques qui concernent les enfants et les jeunes», notamment en matière d'enseignement et d'enfance.

Après m'avoir fait part des mesures qu'elle avait prises pour renforcer l'inscription et la fréquentation scolaire en maternelle, la ministre de l'Éducation m'a indiqué qu'elle travaillait en étroite collaboration avec votre cabinet au sujet de la transition entre les MILAC, la famille et l'école maternelle.

Madame la Ministre, où en sont les discussions au sein du gouvernement, en particulier avec la ministre Désir, afin de veiller à une meilleure transition entre l'accueil de la petite enfance et l'enseignement maternel, ainsi qu'à une amélioration du continuum entre le préscolaire et le scolaire? Des pistes de solution sont-elles déjà envisagées? Dans l'affirmative, pourriez-vous nous les présenter?

Pourquoi ne pas ajouter aux missions de l'ONE celle de sensibiliser les parents sur l'importance d'une inscription et d'une fréquentation assidue de leurs enfants dans l'enseignement maternel dès l'âge de deux ans et demi? La DPC reste en effet assez floue à ce sujet.

Mme Bénédicte Linard, Ministre de l'Enfance.- Madame la Députée, vous vous en doutez sans doute, ces dernières semaines n'ont pas été particulièrement propices à la poursuite d'une concertation à ce sujet avec Caroline Désir.

Lors de votre échange en commission de l'Éducation le 8 septembre dernier, la ministre de l'Éducation a évoqué avec vous la diffusion d'une campagne d'information portant sur l'abaissement de l'âge de l'obligation scolaire et l'intérêt pour les enfants de fréquenter régulièrement l'enseignement maternel. À ma connaissance, cette campagne d'information est toujours d'actualité.

La crise que nous traversons actuellement met les secteurs de l'éducation et de l'enfance à contribution et renforce également ma conviction de l'importance du décloisonnement entre l'école, les acteurs préscolaires et le secteur de l'accueil temps libre (ATL). Certains l'ont d'ailleurs déjà évoqué plus tôt au sein de cette commission de la Culture et de l'Enfance. Je continuerai à travailler en ce sens au sein du gouvernement et avec l'Office de la naissance et de l'enfance (ONE).

Par ailleurs, le continuum que vous évoquez doit viser à prolonger les dynamiques d'apprentissage non formel -par exemple, à travers des activités de psychomotricité ou d'éveil à la culture et à la nature- plutôt qu'aller vers une «primarisation de l'enseignement maternel». J'aurai l'occasion d'en discuter avec la ministre de l'Éducation, Mme Désir, lorsque l'urgence sanitaire nous le permettra.

Je relève toutefois que la question de la fréquentation scolaire dès le plus jeune âge se pose davantage pour les enfants qui ne fréquentent pas de milieu d'accueil. La fréquentation d'un milieu d'accueil constitue déjà un levier socioculturel important auquel les enfants issus de milieux plus précaires devraient avoir un meilleur accès.

Les travailleurs des consultations pour enfants organisées par l'ONE sont d'ailleurs pleinement conscients de l'importance que revêt la fréquentation de structures comme les milieux d'accueil et l'école maternelle. Je suis convaincue qu'ils ne manquent pas d'informer les familles lorsque la situation s'y prête.

Je me permets ici une petite incise pragmatique: naguère, j'ai été échevine de l'extrascolaire dans ma commune d'origine et très impliquée dans les questions liées à l'enfance. Nous avons pu y créer des liens entre les milieux d'accueil et les classes d'accueil à l'école. Nous avons constaté que lorsqu'ils se créent, c'est toujours au bénéfice des enfants. À titre personnel, je suis convaincue que les continuums entre ces temps, que ce soit entre milieu d'accueil et école ou entre parties maternelle et primaire de l'école, sont importants à investir pour le bien-être et le développement des enfants.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Je prends bonne note, Madame la Ministre, du fait que vous n'avez pas pu poursuivre la concertation avec la ministre de l'Éducation, ce que je comprends aisément compte tenu de la crise sanitaire actuelle. Toutefois, la récente adoption, en juillet dernier, du décret qui abaisse l'âge de l'obligation scolaire à cinq ans constituait peut-être l'occasion de le faire.

La campagne de sensibilisation vient d'être lancée, notamment dans les milieux d'accueil, mais elle n'a pas forcément bien fonctionné lors de la première vague, tout simplement parce que bon nombre d'entre eux étaient fermés.

Ces solutions ponctuelles que je salue néanmoins doivent être suivies de solutions structurelles.

Je ne doute pas, comme vous l'avez souligné, que beaucoup de milieux d'accueil accomplissent le travail, informent les parents de la nécessité d'inscrire leur enfant à l'école maternelle et de la fréquenter assidûment, mais des solutions pérennes s'imposent.

Ma proposition d'inscrire cela dans les missions de l'ONE n'est pas très compliquée à réaliser ni très coûteuse. De surcroît, elle poursuit l'objectif de donner la même information à tous les parents qui inscrivent et placent leur enfant dans les milieux d'accueil de la petite enfance.

Je ne manquerai pas de revenir sur ce sujet. J'espère que vous tiendrez compte, entre-temps, de ma proposition et que vous aurez l'occasion d'en débattre avec la ministre de l'Éducation à qui j'en ai déjà fait part.