Question sur le contrôle renforcé de l'obligation scolaire suite à la réforme des rythmes annuels
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos du contrôle renforcé du respect de l'obligation scolaire à la suite de la réforme des rythmes scolaires annuels
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – La réforme des rythmes scolaires annuels est entrée en vigueur le lundi 29 août 2022. Dans le décret du 31 mars 2022 relatif à l'adaptation des rythmes scolaires annuels dans l'enseignement fondamental et secondaire ordinaire, spécialisé, secondaire artistique à horaire réduit et de promotion sociale et aux mesures d'accompagnement pour l'accueil temps libre (décret «Rythmes scolaires»), une disposition spécifique charge les services du gouvernement de mener annuellement un contrôle de la fréquentation scolaire à la fin et au début de l'année scolaire, durant les premières années de la réforme.
Compte tenu du fait que l'année scolaire anticipe la fin des congés d'été et les retarde au début de l'été, il convient en effet de s'assurer que tous les enfants en âge d'obligation scolaire continuent effectivement de fréquenter l'école.
Ainsi, l'article 227 du décret dispose que «les services
du gouvernement réalisent annuellement un monitorage portant sur la
fréquentation scolaire durant la fin et le début de l'année scolaire au cours
des années scolaires 2022-2023 à 2024-2025. Chaque rapport de monitorage est
transmis au gouvernement pour le 15 novembre qui suit l'année scolaire
concernée».
Madame la Ministre, les chiffres relatifs à ce monitoring
dont vous m'avez fait part lors de la réunion du 13 février dernier de notre
commission ne sont que partiels.
Tout d'abord, il est nécessaire de savoir ce que l'on
entend par «absentéisme». Il faut recenser non seulement les absences
injustifiées, mais aussi celles qui sont justifiées. En effet, dans le cadre de
mes visites de terrain, il me revient que des parents remettent parfois un
certificat médical pour leurs enfants, et ce, dans le but de partir en
vacances. Il faudrait donc comparer le nombre d'absences justifiées, avant et
après la réforme.
Les taux d'absentéisme que vous nous renseignez concernent-ils
uniquement les absences injustifiées ou également les absences justifiées?
Qu'entend-on exactement par «absentéisme» dans le rapport de monitorage?
Ensuite, vous ne comparez l'année scolaire 2022–2023 –
rentrée et fin d'année – qu'avec la rentrée de 2023–2024. Or, il s'agit des deux
années post-réforme. Vous faites parfois aussi une comparaison avec l'année
2021-2022 antérieure à la réforme, mais sans pour autant donner les chiffres de
cette année-là. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une année scolaire fortement
perturbée par la crise sanitaire. Pour obtenir une analyse pertinente, il
conviendrait de comparer ces chiffres avec ceux des cinq années antérieures à
la réforme, pas uniquement ceux relatifs aux années scolaires 2020–2021 ou
2019–2020. En effet, ces derniers renvoient à la période compliquée de la crise
sanitaire liée à la Covid-19, marquée par un absentéisme élevé.
Dès lors, pourriez-vous nous donner une comparaison du
taux d'absentéisme scolaire, en distinguant les absences injustifiées des
absences justifiées, pour les débuts et fins d'années qui ont suivi la réforme
par rapport aux cinq années scolaires précédant celle-ci? Pourquoi les services
en charge n'ont-ils effectué l'analyse que sur un échantillon de 214
établissements parmi les 2.722 établissements que compte la Fédération
Wallonie-Bruxelles? Cela signifie-t-il que les données sur l'absentéisme
scolaire de début et fin d'année dont dispose l'administration ne sont pas
systématiquement recensées dans toutes les écoles? L'obligation scolaire n'était-elle
pas contrôlée les années avant la réforme?
Par ailleurs, vous aviez affirmé que le taux
d'absentéisme dans l'enseignement secondaire oscille entre 2 et 9 % pour la
rentrée 2023-2024.
Pourquoi utiliser une telle fourchette? Cela
signifie-t-il que le pourcentage a été calculé école par école? Le cas échéant,
pourquoi ne pas avoir fait une moyenne?
À l'époque, vous n'étiez pas encore en mesure de nous
envoyer une copie du rapport final de monitoring.
Depuis lors, ce rapport a-t-il été transmis au Gouvernement?
Pourriez-vous nous en présenter les résultats définitifs? Quelles sont les
années d'études les plus concernées par l'absentéisme en début et fin d'année?
Pourriez-vous aussi nous transmettre une copie de ce texte, afin d'évaluer plus
en profondeur dans quelle mesure l'obligation scolaire est respectée?
Enfin, lors de nos derniers échanges à ce sujet, vous
exprimiez des inquiétudes. Selon vous, les tendances observées soulignent les
défis persistants auxquels nous sommes confrontés pour maintenir l'activité
scolaire jusqu'à la fin de l'année académique. Je vous demandais alors de
prendre des mesures pour rappeler à tous les parents d'une part que
l'obligation scolaire n'est pas à prendre à la légère, et, d'autre part, les
sanctions qui résultent de son non-respect. Pour rappel, à la fin de l'année
scolaire dernière, un élève sur dix était absent dans l'enseignement fondamental…
Il nous faut agir! Quelles mesures préconisez-vous de prendre avant la fin de
cette année pour rappeler aux parents l'obligation scolaire et leur préciser
que les nouveaux calendriers scolaires ne relèvent pas de leur choix?
Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation.
– L'objectif de
cette enquête de monitorage est de recenser l'ensemble des absences
communiquées par les directions des écoles, qu'elles soient justifiées ou non.
Nous avons ainsi recueilli des données globales par établissement. Plus
concrètement, à partir des registres de présence complétés quotidiennement par
les écoles, toutes les absences observées de manière journalière sont reprises,
en prenant soin de distinguer les différents types d'absences.
Dans le monitorage, un élève est considéré comme absent dès lors qu'il ne s'est pas présenté à l'école le jour considéré, peu importe si l'absence est d'une demi-journée ou d'une journée entière de cours.
Les absences ont ensuite été scindées en quatre
catégories différentes: les absences pour maladie, avec certificat médical; les
autres absences justifiées; les absences non justifiées; enfin, les dispenses
pour jour blanc qui concernent les élèves de l'enseignement secondaire.
De la sorte, il est possible d'obtenir des taux d'absentéisme
plus précis, en considérant ou en excluant un type d'absence ou un autre, selon
l'information recherchée. Il est aussi possible de voir comment se répartissent
les absences par type, et si cette répartition se distingue selon la période –
début ou fin d'année – ou l'année scolaire considérée.
En outre, ce premier exercice de monitorage se concentre
sur la période allant du début à la fin de l'année scolaire 2022-2023 et sur
l'actuelle année scolaire 2023-2024. D'autres collectes seront effectuées
ultérieurement pour disposer également d'informations sur la fréquentation à la
fin de l'année scolaire 2023-2024, en début d'année scolaire 2024-2025 et en
fin d'année scolaire 2024-2025. Cela permettra de comparer la situation avant
et après la mise en œuvre de la réforme.
L'année de référence de ce monitorage a été fixée à
2021-2022, soit l'année précédant la réforme. Cette année a effectivement été
touchée par la crise sanitaire, mais il n'a pas été possible de se référer à
une année antérieure, compte tenu des données nécessaires à l'exercice. Je
rappelle qu'il s'agit de récolter toutes les absences journalières pour une
période donnée. Ces données sont agrégées, échangées et contrôlées avec les
vérificateurs, ce qui représente un travail considérable en l'absence d'un
programme centralisé qui recenserait automatiquement les absences. Les écoles
ont dû mobiliser un temps considérable pour réaliser ce travail et je remercie
encore les personnes concernées.
Madame la Députée, je ne suis pas en mesure de procéder à
une comparaison entre les cinq années scolaires précédentes. Pour l'analyse des
tendances, je vous renvoie donc à ma réponse précédente. Le rapport vous sera
communiqué prochainement et vous disposerez alors du détail des chiffres, par
type d'absence et par niveau et type d'enseignement.
Concernant la question sur l'échantillon choisi et les
données dont dispose l'administration, le questionnaire est l'un des trois
principaux moyens utilisés pour collecter des données en sciences sociales, les
deux autres méthodes étant l'entretien et l'observation. L'objectif principal
de l'enquête par questionnaire est généralement descriptif; il permet de
décrire une population ou une situation, comme dans le cas de la fréquentation
scolaire par exemple. Cependant, dans certains cas, elle peut également avoir
une visée explicative; il s'agit alors de rechercher les causes d'un phénomène
observé. Les données collectées sont principalement quantitatives et permettent
d'étudier et de comprendre les liens entre les différentes variables,
d'identifier des corrélations et parfois même des causalités.
Dans le cadre de cette mission de monitoring, la décision
d'opter pour une approche d'investigation au travers d'un formulaire d'enquête
résulte principalement de l'objectif de la requête: dégager les tendances en
matière de fréquentation des élèves depuis l'entrée en vigueur de la réforme et
relever d'éventuels changements de situation. Or, les écoles de la Fédération
Wallonie-Bruxelles se caractérisent par une très grande diversité de profils,
selon le niveau et le type d'enseignement, le nombre d'élèves qu'elles
accueillent, leur positionnement géographique, etc. Afin d'étudier les
différentes situations de fréquentation scolaire des élèves, il est essentiel
de se baser sur un échantillon conséquent.
Le choix d'une enquête par questionnaire est un bon
compromis, car ce dernier permet d'évaluer un grand nombre d'écoles et
d'obtenir des résultats généraux représentatifs tout en tenant compte des
contraintes temporelles et budgétaires.
Outre l'étape cruciale de la conception du questionnaire,
la réalisation de cette enquête a nécessité l'exécution de plusieurs opérations
de recherche et de consultation des différentes parties prenantes au projet.
Vous en trouverez le détail dans le rapport dès qu'il vous sera parvenu.
Précisons que les données administratives déjà existantes
relatives à l'absentéisme des élèves à partir de la base de données OBSI ont
été considérées pour le monitoring de la fréquentation scolaire avant
d'envisager d'en récolter de nouvelles. Cette base de données reprend le
signalement des élèves après le cumul des neuf demi-jours d'absences
injustifiées. Les données sont donc de moindre qualité que celles sur
lesquelles nous nous sommes basés ici, puisqu'il s'agit de l'observation
journalière des absences. D'autres limites d'usage d'OBSI ont été relevées et sont
également détaillées dans le rapport.
Ces contraintes ont amené à privilégier une collecte de
données ciblées et la réalisation d'une enquête quantitative sur la base d'un
questionnaire administré à un échantillon d'écoles. Par conséquent, nous avons
exclu l'exploitation des données administratives pour ce monitoring.
Au niveau méthodologique, le besoin de monitorer
plusieurs années requiert de réitérer la collecte sur la base du même échantillon
d'écoles. Par conséquent, trois vagues d'enquêtes sont prévues à terme pour disposer
de données sur l'absentéisme pour les années scolaires 2021-2022 – l'année de
référence –, 2022-2023, 2023-2024 et 2024-2025 en ciblant les deux périodes d'intérêt,
c'est-à-dire le début et la fin de l'année scolaire.
L'échantillon choisi repose sur un échantillonnage
proportionnel à la taille. Sa représentativité présente un intervalle de
confiance de 90 % et une marge d'erreur de 5 %. Les 214 unités sont des
établissements et non des implantations. Dans notre échantillon, certains
établissements ont une seule implantation, tandis que d'autres sont composés de
plusieurs implantations. Au total, l'échantillon recouvre 70.000 élèves. Les
données récoltées sur les absences concernent donc environ 8 % de l'ensemble
des élèves scolarisés au sein de notre Fédération.
Avec cette rigueur méthodologique, il est donc essentiel
de retenir que les résultats généraux du monitoring sont représentatifs et
peuvent surtout être généralisés. La mission de collecte de données a été
confiée aux agents vérificateurs qui procèdent à la vérification des registres
de présence dans les écoles sélectionnées au même moment que leur mission de
comptage. L'éventualité d'une auto-administration du questionnaire – c'est-à-dire
que les écoles remplissent elles-mêmes le formulaire d'enquête – est exclue
pour plusieurs raisons. Tout d'abord, cela aurait nécessité un temps de
communication et d'écolage très conséquent pour que les 214 directions
d'établissements scolaires soient en mesure de comprendre uniformément ce qui
est attendu d'elles et qu'elles soient ainsi en mesure de fournir les données
demandées. À cela s'ajoute le temps que les écoles auraient dû investir pour
participer à l'enquête et encoder les informations demandées. Ensuite, il
aurait été compliqué d'assurer, dans le délai imparti, un support technique à
distance pour un si grand nombre de participants. Il aurait également fallu
prévoir une durée de collecte plus longue et assurer un suivi avec des relances
récurrentes pour optimiser la collecte.
En revanche, le recours au Service de la vérification de
la population scolaire pour la collecte de données sur le terrain a plusieurs
avantages. Il garantit un taux de participation et de réponses de 100 %, ainsi
qu'un accès au registre de présence contenant des informations nominatives. Il
permet surtout de bénéficier de l'expertise de terrain et de son aisance avec
les différentes sources, registres, justificatifs, applications métier, etc.
Par ailleurs, l'utilisation d'un formulaire d'enquête en ligne facilite le
travail des agents vérificateurs. Ce formulaire, développé avec l'outil
Jotform, permet un encodage plus ergonomique et offre la possibilité de valider
et traiter des données a posteriori.
Concernant les fourchettes utilisées, tout d'abord, la «fourchette» dont vous parlez est en réalité le reflet des écarts des taux d'absentéisme observés quotidiennement sur une période d'observation de quinze jours. Il faut donc le lire comme un taux d'absentéisme allant de 2 % le jour «x» à 9 % le jour »y», sur une période de quinze jours de rentrée ou de sortie scolaire. Par ailleurs, un taux moyen a été établi sur la période d'observation et est intégré au rapport. Vous pourrez en prendre pleinement connaissance dès son envoi au Parlement. Ceci n'est plus qu'une question de jours, puisque le point est actuellement en préparation pour que le rapport soit prochainement présenté au Gouvernement.
Concernant les années d'études les plus concernées, les
données sont agrégées.
Nous ne pouvons donc pas calculer des taux par année d'études ou par cohorte d'élèves. En outre, l'interprétation des données requiert une certaine prudence: comme explicité, nous avons observé tous les types d'absence. Le taux moyen d'environ 10 % d'absence des élèves dans l'enseignement fondamental en fin d'année scolaire comprend les absences pour cause de maladie et celles justifiées. Elles ne résultent donc pas toutes d'un non-respect délibéré de l'obligation scolaire.Cela ne nous dispense évidemment pas d'agir et de créer des actions positives de communication vis-à-vis des parents.
Du travail colossal réalisé par l'Administration générale de l'enseignement (AGE), il ressort que la réforme elle-même n'a effectivement pas d'impact significatif sur la fréquentation scolaire. En revanche, elle a eu pour impact majeur que beaucoup d'écoles se sont saisies de l'opportunité du changement calendaire pour instaurer des mesures d'accompagnement et de communication sur le changement de rythme. Ainsi, certaines écoles ont recours à des stratégies telles que le décalage des conseils de délibération, la proclamation des résultats ou l'organisation des réunions de parents le plus tard possible en fin d'année scolaire, afin de maintenir ou de renforcer la présence des élèves. Ces modifications du calendrier sont préalablement communiquées aux élèves et aux parents en vue de garantir leur participation à ces évènements. Autrement dit, il est plus facile pour des parents de partir quelques jours plus tôt en vacances quand aucune remise de certificat d'études de base (CEB) ou délibération importante n'est prévue.
En outre, quelques établissements ont instauré des activités facultatives destinées aux élèves pour limiter le nombre de jours blancs. D'autres ont organisé des séances de remédiation durant la dernière semaine de l'année scolaire. De manière générale, la fréquentation scolaire a été plus régulière jusqu'au 7 juillet. De plus, l'organisation de la «semaine blanche», la remise des bulletins et diplômes, l'organisation de soupers et de voyages scolaires le dernier jour dans les écoles concernées ont été propices aux taux de fréquentation.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, à l'occasion
de l'adoption du décret «Rythmes scolaires», mon groupe avait insisté sur
l'établissement d'un monitoring annuel. Nous suivrons l'évolution de la
situation sur les prochaines fins d'année et rentrées scolaires.
Il est étonnant que ce genre de données ne soient pas
disponibles avant 2021-2022. Nous devrions disposer d'un programme centralisé
n'impliquant pas une charge de travail supplémentaire et facile d'accès pour
monitorer la situation en temps réel.
Certes, il n'est peut-être pas uniquement question
d'absences injustifiées, mais le fait qu'un élève sur dix est absent en fin
d'année dans l'enseignement fondamental est tout de même problématique.
Il est difficile d'établir des comparaisons, car nous ne
disposons pas de chiffres avant la Covid-19. Difficile aussi de savoir si cette
réforme a eu un impact sur l'absentéisme en fin d'année scolaire.
L'objectif de la réforme est de mieux structurer les
périodes de cours et de congés, et non de perdre des jours d'apprentissage.
Vous nous apprenez que certaines écoles prennent des
dispositions pour éviter l'absentéisme en fin d'année. Toutefois, selon nous,
en cette deuxième année de la mise en œuvre de la réforme, il est intéressant
et utile de rappeler l'obligation scolaire aux parents. L'enseignement ne se
fait pas «à la carte» et il y a des sanctions à la clé.