Question sur le Décret Ethique dans le Sport

21/01/2021

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Valérie Glatigny, Ministre des Sports, relative aux violences dans le monde sportif.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Madame la Ministre, lors de la réunion de commission du 26 mai 2020, vous avez fait état de chiffres alarmants révélés par une étude de votre administration sur les actes de maltraitance et de harcèlement dans le monde sportif. Une telle étude n'avait plus été réalisée depuis près de quinze ans. D'après cette nouvelle étude, 11 % des enfants de 6 à 18 ans et 12 % des personnes de plus de 18 ans disent avoir été exposés à des actes de maltraitance ou de harcèlement dans le cadre de leur pratique sportive.

J'ai alors proposé de légiférer pour inciter les victimes à dénoncer les comportements contraires à l'éthique et garantir la sanction de leurs agresseurs. J'ai avancé plusieurs pistes de solution, dont la désignation de référents éthiques et l'amélioration de la gestion des plaintes par l'intermédiaire des fédérations et associations sportives.

J'ai donc été ravie d'apprendre que, le 7 janvier dernier, le gouvernement a approuvé en première lecture l'avant-projet de décret visant à instituer un observatoire de l'éthique, du fair-play et de la bonne gouvernance dans le sport.

Une fois adopté, ce texte dotera le monde sportif francophone d'un cadre juridique et de structures destinés à lui permettre de progresser sur les questions d'éthique, de fair-play, de déontologie et de bonne gouvernance.

Cet avant-projet de décret vise notamment la mise sur pied d'un observatoire de l'éthique, mais également d'un réseau éthique; les fédérations et associations sportives seront dans l'obligation de désigner dans la structure un référent éthique. Par ailleurs, les fédérations et associations sportives devront obligatoirement intégrer la charte éthique dans leurs règlements et prévoir et appliquer des sanctions pour les comportements contraires à ce texte. Enfin, tous les cadres administratifs et sportifs devront fournir un extrait de casier judiciaire de modèle 2.

J'aimerais saluer plus particulièrement une des missions du futur observatoire de l'éthique: celui-ci devra analyser tout ce qui a trait aux discriminations, au harcèlement, à l'éthique, à la bonne gouvernance et à l'égalité des genres dans le sport, et proposer des actions concrètes à votre gouvernement.

En parlant d'actions concrètes, vous avez annoncé que la Fédération Wallonie-Bruxelles a contribué au projet européen baptisé «Child Safeguarding in Sport» (CSiS, protection des enfants dans le sport), qui offrira un soutien pour créer des postes de «chargé de protection des enfants» (Child Safeguarding Officer) dans le monde du sport. Ces agents seront formés et soutenus par des spécialistes et travailleront en réseau.

Vous avez précisé qu'une première réunion a eu lieu le 23 juillet dernier, ce qui a permis de recenser l'ensemble des dispositifs existants en Belgique, mais aussi de tracer les premiers contours d'une feuille de route grâce à laquelle seront formés et désignés ces chargés de protection au sein des structures sportives. Vous avez également dit attendre les recommandations d'un consultant international, expert dans les thématiques liées aux différentes notions que recouvre le harcèlement, pour la fin du mois de novembre 2020, à l'occasion d'une prochaine réunion. Votre objectif était de finaliser cette feuille de route pour ce mois de février et de débuter les formations d'ici le printemps prochain.

Quel est l'état d'avancement de ce projet? Combien de personnes exerceront-elles la fonction de chargé de protection des enfants dans le monde du sport? Quand et comment seront-elles engagées? En quoi consisteront leurs fonctions? Comment se déroulera leur formation?

Mme Valérie Glatigny, Ministre des Sports.- Madame et Messieurs les Députés, l'avant-projet de décret visant l'éthique, le fair-play, la déontologie et la bonne gouvernance dans le sport et instituant un observatoire a été adopté en première lecture par le gouvernement. Il poursuit dès lors son parcours législatif, puisqu'il revient maintenant au Conseil supérieur des sports (CSS) de l'analyser et de suggérer des modifications éventuelles.

Le sport, plus largement la pratique d'une activité sportive, occupe une grande place dans la société; ces notions constituent également un vecteur bénéfique pour la santé, l'éducation et l'intégration des individus.

Toutefois, le sport porte également en lui des tendances négatives qui peuvent être source d'exclusion, de compétitivité poussée à l'extrême, de dopage, de comportements agressifs, etc. Des dérapages sont constatés trop régulièrement, tant sur le terrain qu'aux alentours de celui-ci.

Partant du principe que le monde sportif ne vit évidemment pas en vase clos et qu'il ne peut pas évoluer dans une sphère indépendante de la société, le décret du 3 mai 2019 portant sur le mouvement sportif organisé en Communauté française prend en considération la notion de bonne gouvernance, afin que le sport intègre aussi les principes de démocratie ou d'état de droit. La bonne gouvernance vise donc à protéger l'éthique du mouvement sportif.

En sa qualité de pouvoir subsidiant, la Fédération Wallonie-Bruxelles endosse une responsabilité à cet égard. Elle se doit d'agir quant à une absence de stratégie de bonne gouvernance qui empêcherait les fédérations sportives de résoudre ou d'anticiper des problèmes pour protéger leurs membres.

La notion de bonne gouvernance recouvre de vastes champs d'application: la lutte contre la corruption, contre la falsification des compétitions, la protection des droits humains et des lanceurs d'alerte, l'égalité des hommes et des femmes, la lutte contre le dopage, l'amélioration des relations entre dirigeants et athlètes, ou encore une gestion transparente, notamment sur le plan financier.

Le futur observatoire permettra de rassembler des intervenants qui auront pour mission de rendre un avis et des analyses sur toute question relative aux activités physiques et sportives liées au fair-play, à la déontologie, à toutes les formes de harcèlement, à l'égalité des genres et à la bonne gouvernance.

Cet outil permettra d'assurer un dialogue constructif permanent entre les acteurs du mouvement sportif. Il pourra formuler des réflexions et des propositions, notamment en faisant évoluer l'actuel code éthique.

Sur le plan budgétaire, je rappelle l'existence d'un article de base (AB) «Fair-play éthique» dans la division organique (DO) 26, doté de 160 000 euros.

L'observatoire sera composé de vingt personnes: trois représentants de l'Administration générale du sport (AGS); un représentant par université organisant un master en science de la motricité, soit trois personnes; un représentant de l'Association interfédérale du sport francophone (AISF); un représentant de l'Association des établissements sportifs (AES); un représentant du Conseil interfédéral du corps arbitral francophone belge (Cicaf.be); un représentant désigné par le réseau éthique; un représentant désigné par le réseau handisport; un représentant désigné par l'organisation nationale antidopage (ONAD); un représentant désigné par l'Association professionnelle francophone des journalistes sportifs (APFJS); des représentants désignés par le Centre interfédéral pour l'égalité des chances (Unia), l'Agence pour une vie de qualité (AViQ), le service Phare (Personne handicapée autonomie recherchée), la Direction générale de l'égalité des chances, l'Administration générale de l'enseignement (AGE) et le Délégué général aux droits de l'enfant (DGDE).

L'observatoire pourra s'appuyer sur l'expertise de terrain des réseaux éthique et handisport, composés des représentants des fédérations sportives reconnues.

Le projet vise à permettre différents niveaux de réflexion et d'échange sur les thématiques évoquées afin de proposer au gouvernement des propositions d'action.

La Ligue handisport francophone (LHF) sensibilise le monde scolaire à la pratique du handisport, en collaboration avec l'Association des fédérations francophones du sport scolaire (AFFSS), par le biais de différentes actions comme la formation continue des enseignants, la création d'outils pédagogiques, l'organisation de journées de sensibilisation ou encore l'organisation du Handisport School Trophy.

Concernant le projet Child Safeguarding in Sport (CSiS), l'AGS va bénéficier d'un appui pour instaurer des postes de chargé de protection des enfants. Ce projet européen a pour objectif de renforcer les capacités de prévention de toutes les formes de violences dans le sport; psychologique, émotionnelle, physique et sexuelle. De nouvelles réunions de travail sous l'égide de la Commission européenne et du Conseil de l'Europe sont prévues au début des mois de février et mars, avec la parti-compati on de Yapaka, de l'Office de la naissance et de l'enfance (ONE), mais aussi de représentants des fédérations de football et de hockey, afin de finaliser le cadre opérationnel qui permettra de débuter les formations au printemps prochain. Le cadre opérationnel n'est pas encore finalisé; il est donc un peu trop tôt pour répondre aux questions pratiques que vous me posez, mais je vous communiquerai de plus amples informations dès que possible.

Je tiens à souligner mon plaisir et ma satisfaction d'avoir pu travailler sur ce dossier en partenariat avec vous, en intégrant plusieurs propositions émises par les membres de ce Parlement.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Madame la Ministre, en attendant de débattre de ce nouveau projet de décret au sein de notre assemblée, je suivrai avec attention les autres initiatives en cours; plus particulièrement, je vous interpellerai à nouveau lorsque vous aurez progressé dans la création de la fonction de chargé de protection des enfants dans le sport.

Je salue votre détermination et votre proactivité dans ce dossier; malgré la crise sanitaire, nous continuons à avancer ensemble sur d'importants dossiers de fond.

En associant ces nouveaux outils aux mécanismes dont nous disposons déjà, nous serons bien mieux armés pour lutter contre le fléau des violences physiques et psychologiques dans le monde sportif.