Question sur le Guide pour l'élaboration des ROI dans les écoles
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos du guide pour l'élaboration du ROI dans les écoles
Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, le 12 janvier dernier, vous avez adressé aux écoles la circulaire 8806, accompagnée d'un guide pour l'élaboration du règlement d'ordre intérieur. Comme le prévoyait déjà le Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire, le règlement d'ordre intérieur doit obligatoirement intégrer des règles concernant la vie en commun, les sanctions disciplinaires, les procédures de recours, les exclusions définitives, la fréquentation scolaire et la gratuité.
Comment ce guide a-t-il été conçu? Quels acteurs ont participé à son élaboration? Toutes les écoles doivent-elles systématiquement entamer un travail de révision de leur règlement d'ordre intérieur au regard de ce nouveau guide? Comment cela sera-t-il contrôlé?
Pour les élèves, l'école est tout autant un lieu d'apprentissage qu'un lieu de vie. Ils doivent pouvoir exprimer leur personnalité, notamment à travers leurs tenues vestimentaires, mais en respectant des limites raisonnables. C'est justement la définition de ces limites que les écoles appréhendent avec difficulté: elles doivent définir des règles de vie en commun selon leur liberté pédagogique propre, mais aussi selon certaines balises.
Dès lors, quelles balises avez-vous adoptées, notamment en ce qui concerne les tenues vestimentaires des élèves, afin d'éviter les discriminations et les interprétations contradictoires?
Par ailleurs, il est judicieux d'avoir prévu que les sanctions disciplinaires comportent une dimension pédagogique. Le plan d'actions visant à lutter contre le harcèlement et le cyberharcèlement, qui est en cours de préparation, abordera bien la question de la prévention; qu'en est-il des sanctions disciplinaires, qui n'étaient pas initialement incluses dans ce plan? Comme mon groupe politique l'a déjà signalé, le harcèlement fait trop souvent l'objet d'une politique «tout ou rien»: soit les sanctions sont inexistantes, soit l'élève concerné sera exclu et répétera ce type de comportement dans sa nouvelle école. Il convient de sanctionner à temps et utilement en développant un panel de sanctions à assortir d'une dimension pédagogique réparatrice et responsabilisante. Le règlement d'ordre intérieur est l'occasion de faire le point sur les sanctions disciplinaires vis-à-vis du plan d'action contre le harcèlement.
En outre, le guide rappelle que le règlement d'ordre intérieur doit comporter des règles concernant la procédure d'exclusion définitive. Vous avez précisé que des travaux à cet égard étaient en cours dans le cadre du chantier n° 13 du Pacte pour un enseignement d'excellence, centré sur la lutte contre le décrochage scolaire. J'ai d'ailleurs vu qu'une note d'orientation allait être approuvée par le gouvernement; comprend-elle bien une réforme des procédures d'exclusion temporaire et définitive et des refus de réinscription, tant dans l'enseignement ordinaire que dans l'enseignement spécialisé, comme c'était prévu à l'origine? Où en sont les travaux du chantier n° 13 relatifs à ces questions?
En ce qui concerne les mesures de gratuité, l'essentiel est de faire respecter les règles actuelles en luttant contre les frais illégaux réclamés par certaines écoles. Nous avons insisté pour que vous adressiez aux parents d'élèves une communication précise sur les règles et plafonds en vigueur. Dès lors, nous approuvons l'idée de les faire figurer dans les règlements d'ordre intérieur. La procédure que les parents doivent suivre pour déposer plainte auprès de la Direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO) lorsqu'une école leur réclame des frais illégaux doit-elle également être inscrite dans les règlements d'ordre intérieur? À ma connaissance, ce n'est pas le cas, mais ce serait une bonne chose.
Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation. - La question des règlements d'ordre intérieur est loin d'être anecdotique, car ils régissent entièrement le vivre-ensemble au sein de l'école. C'est donc un document essentiel à la vie scolaire, raison pour laquelle nous y avons consacré beaucoup de temps. Dans ce contexte, j'ai effectivement rencontré, au mois de juin 2021, des jeunes qui s'estimaient victimes de discriminations liées aux tenues vestimentaires, notamment à propos des jupes et des hauts courts.
Nous avons donc réfléchi, avec ces jeunes et avec le CEF, à la meilleure manière d'accompagner les écoles, c'est-à-dire les équipes éducatives, les directions et les élèves, pour leur permettre de rédiger ensemble, dans les meilleures conditions possibles, un règlement d'ordre intérieur qui ne contienne pas d'article discriminatoire.
Nous sommes partis de l'idée que plus le règlement d'ordre intérieur serait rédigé dans un esprit de débat démocratique, plus chacune des parties prenantes pourrait le comprendre et y adhérer. De même, nous avons appliqué le principe selon lequel il ne m'appartient pas, en tant que ministre de l'Éducation, de déterminer moi-même la longueur autorisée pour une jupe, par exemple. Ce n'est pas sur ce genre de détails que portent les divergences d'opinions; il s'agit plutôt d'une question d'interprétation. Il est donc nécessaire de confronter l'interprétation des règles que font les uns et les autres, qu'il s'agisse des professeurs, des élèves ou autres. L'échange démocratique est dès lors essentiel au moment de la conception du règlement d'ordre intérieur.
Ainsi est née l'idée d'élaborer un guide destiné aux écoles plutôt qu'un modèle type qui devrait s'appliquer uniformément dans chaque établissement. Pour son élaboration, plusieurs sources ont été consultées: une étude de l'Union francophone des associations de parents de l'enseignement catholique (UFAPEC) sur les règlements scolaires et leur application à propos des tenues vestimentaires; un rapport du CEF sur la même thématique; une circulaire de 2012 sur les règlements d'ordre intérieur des écoles de Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE); différents canevas de règlements d'ordre intérieur relevant des autres réseaux; des ressources développées par les écoles citoyennes; plusieurs références déjà développées dans le guide relatif à la prévention et la gestion des violences à l'école de 2015.
Cette production est le fruit des travaux issus du chantier n° 16 du Pacte pour un enseignement d'excellence, intitulé «Renforcer la démocratie scolaire et le bien-être à l'école» et a fait l'objet de consultations avec les acteurs de l'enseignement et le CEF. Je tiens d'ailleurs à saluer l'esprit constructif qui a prévalu au moment de ces consultations, ce qui correspond à la philosophie que j'ai voulu porter à travers cette publication: seul le dialogue est porteur de progrès.
Tout en respectant la liberté pédagogique des pouvoirs organisateurs, ce guide vise à apporter des informations et des recommandations aussi concrètes que possible pour appuyer les pratiques que certaines écoles appliquent déjà certainement. Ces lignes directrices entendent contextualiser l'objet qu'est le règlement d'ordre intérieur aux côtés d'autres documents directeurs d'un établissement.
Le guide rappelle également le cadre légal en vigueur. Des conseils sont donnés pour développer des pratiques démocratiques dans la révision du règlement d'ordre intérieur, pour concevoir et formuler des règles laissant moins de place à l'interprétation et aux jugements arbitraires, mais aussi pour pratiquer des sanctions éducatives porteuses de sens et fondées sur une approche réparatrice.
Il rappelle aussi les dispositions devant obligatoirement figurer dans le règlement d'ordre intérieur d'un établissement scolaire: les sanctions disciplinaires, les procédures de recours et les règles d'exclusion définitive, par exemple. À ce propos, le chantier n° 13 traite de l'approche de l'exclusion scolaire. Les travaux en cours seront portés à la connaissance du Comité de concertation après les travaux sur la stratégie de réduction du décrochage scolaire et la note relative au plan de lutte contre l'absentéisme des élèves. Dès lors, Madame Cortisse, cela ne fait pas partie de la note sur le décrochage et l'absentéisme. Il s'agit d'un volet à part qui interviendra plus tard.
Pour ce qui concerne les sanctions, dans le cadre de la création d'une politique structurelle de prévention du harcèlement et de l'amélioration du climat scolaire, l'observatoire du climat scolaire sera progressivement constitué. Ses travaux seront orientés dans le sens d'une approche globale de la problématique du climat scolaire. La question des règles et des sanctions y trouvera évidemment sa place. En outre, cet observatoire sera aussi chargé de fournir des outils pédagogiques aux écoles. Les règles relatives à la gratuité scolaire sont aussi obligatoires au sein d'un règlement d'ordre intérieur. Leur rappel doit être lié aux documents qui détaillent la procédure à suivre dans ce domaine, lesquels sont impérativement transmis aux parents en début d'année.
Comme vous l'avez dit, Madame Cortisse, nous n'en ferons jamais assez pour communiquer les informations relatives à la gratuité. De nouvelles règles seront d'ailleurs valables dès l'année prochaine pour les deux premières années de l'enseignement primaire. Il faudra les expliquer aux parents, ce qui sera l'occasion de leur rappeler à qui ils peuvent adresser leurs plaintes si ces règles ne sont pas respectées.
Par ailleurs, comme précisé dans le guide, il n'est pas nécessaire de revoir tous les ans le règlement d'ordre intérieur dans son ensemble. Néanmoins, il est conseillé d'en faire la lecture chaque année ou du moins régulièrement, et d'interroger ses dispositions au regard des situations rencontrées par l'école et des sujets qui auraient suscité des tensions. Il est d'autant plus nécessaire de revoir régulièrement ce document que les élèves ne passent généralement que six ans dans une école, ce qui implique l'arrivée constante d'une nouvelle population scolaire qui découvre les règles. Dès lors, il ne fait aucun doute que les écoles trouveront les occasions d'utiliser les conseils et bonnes pratiques qui nous occupent présentement.
Considérant la liberté de chaque pouvoir organisateur d'élaborer son propre règlement d'ordre intérieur dans le respect des dispositions réglementaires minimales, il n'est pas prévu de faire des recommandations du guide des normes contraignantes. Il n'est pas non plus prévu de passer au crible chaque règlement d'ordre intérieur actuellement en vigueur. Néanmoins, je serai évidemment encore plus alerte qu'avant devant toute plainte pour discrimination que recevrait mon administration. En effet, c'est en en parlant, en faisant la publicité du guide, notamment avec l'appui du CEF, que nous donnerons aux élèves les moyens de se défendre et que nous outillerons mon administration pour apprécier le caractère discriminatoire ou non d'un article issu d'un règlement d'ordre intérieur.
Ce guide et la thématique des règlements d'ordre intérieur en général ne sont qu'une partie d'un édifice plus large qui reste à construire pour développer la démocratie scolaire. Cette dernière fait l'objet de plusieurs projets du chantier n° 16 du Pacte pour un enseignement d'excellence, dont un des objectifs consiste à revoir l'articulation, le rôle et le fonctionnement des différentes instances de participation qui impliquent les élèves afin d'améliorer la vie démocratique au sein des écoles. L'élaboration des règlements d'ordre intérieur y sera évidemment intégrée.
Un règlement d'ordre intérieur doit obligatoirement être négocié et approuvé au sein d'un conseil de participation. Grâce aux contrats d'objectifs, nous nous sommes assuré que de tels conseils soient bien présents partout, ce qui n'était pas toujours le cas jusqu'à présent.
Mon plus grand souhait est que les débats autour des règlements d'ordre intérieur, des tenues vestimentaires et autres créent des occasions, dans un maximum d'écoles, pour que les équipes s'emparent de ce sujet fondamental qui touche les élèves afin de revoir leur règlement d'ordre intérieur sur la base des conseils que nous avons formulés et d'en faire un objet de débat démocratique au sein de l'école. Quand ce genre de procédé est bien mené, cela donne des résultats extrêmement positifs et apporte un climat plus serein dans l'établissement.
Le guide a bien été transmis sous forme de circulaire à l'ensemble des directions; le CEF assurera aussi sa communication aux élèves. À ce jour, mon cabinet et mon administration n'ont reçu aucune réaction de la part des établissements scolaires, si ce n'est que le guide semble avoir été véritablement compris comme un soutien aux directions. Comme toutes les circulaires, il est disponible sur le site www.enseignement.be.
Comme dans d'autres cas, tels que des faits de racisme, si les problèmes ne nous sont pas signalés, nous ne pouvons pas les traiter. Je ne fais pas d'appel à la délation, mais si le CEF ou toute autre organisation ou personne a recensé des termes aussi choquants dans des règlements d'ordre intérieur, ils doivent les transmettre à la DGEO. Dans le cas contraire, il est impossible de faire évoluer les choses.
La présence d'un guide permet simplement de souligner les passages d'un règlement qui entreraient en contradiction avec des normes supérieures. L'ajout d'un aspect contraignant ne changerait rien dans la mesure où l'administration a le pouvoir de rappeler à l'ordre un pouvoir organisateur qui ne respecterait pas les prescrits légaux relatifs à la discrimination. En publiant ce guide à titre informatif, nous voulons faire confiance aux équipes, les conseiller et les accompagner. Cependant, tout propos discriminant doit être revu et le pouvoir organisateur qui s'en rendrait coupable doit être mis devant ses responsabilités. Dès lors, si vous avez connaissance de règlements d'ordre intérieur à caractère discriminatoire, il faut nous le signaler.
Mme Stéphanie
Cortisse (MR). - Mes rencontres de terrain m'ont
appris que les règlements d'ordre intérieur sont rarement revus, encore moins
en concertation avec les élèves. Ce guide constitue donc une importante avancée
en conseillant aux écoles de modifier leur règlement d'ordre intérieur avec les
élèves afin d'obtenir une meilleure adhésion et de renforcer la démocratie
scolaire. Comme vous l'avez dit, Madame la Ministre, ce n'est pas à nous de
déterminer la longueur d'une jupe. Les élèves doivent se sentir bien dans leur
peau et il est normal qu'ils ne souhaitent pas ressembler à tout le monde.
Néanmoins, les particularités vestimentaires qu'ils adoptent doivent être
contenues dans certaines limites, lesquelles doivent être négociées au sein de
chaque école entre les équipes éducatives, la direction et les élèves. Je ne
manquerai pas de suivre l'utilisation de ce guide sur le terrain.