Question sur le monitoring annuel concernant les pôles territoriaux

19/09/2023

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos du monitoring annuel concernant les pôles territoriaux

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, le 17 juin 2021, le décret portant création des pôles territoriaux chargés de soutenir les écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en œuvre des aménagements raisonnables et de l'intégration permanente totale (décret «Pôles») a été voté.

Un des buts poursuivis est que l'enseignement spécialisé redevienne un enseignement spécifiquement dédicacé aux besoins les plus pointus et qu'il tende vers une inclusion maximale des élèves dans l'enseignement ordinaire, y compris ceux qui ont des besoins spécifiques. L'objectif du Pacte pour un enseignement d'excellence est de revenir, d'ici 2030, au pourcentage d'élèves pris en charge par l'enseignement spécialisé en 2004.

Pour rappel, une longue phase transitoire a été prévue, de cinq ans, pour gérer le changement entre le système actuel et le système des pôles.

Par ailleurs, le décret «Pôles» prévoit un monitoring annuel qui devrait permettre d'encadrer le financement du dispositif afin de prévenir les risques de dérapage des dépenses, notamment des moyens complémentaires dédiés à la prise en charge d'élèves qui présentent des besoins spécifiques sensori-moteurs nécessitant un suivi particulièrement important – remis en question par la Cour Constitutionnelle – ou encore la prise en charge d'élèves en intégration permanente totale après réforme.

Mon groupe n'a pas manqué de saluer la création de ce monitoring annuel, qui n'est d'ailleurs pas que budgétaire. Il porte en effet également sur deux autres volets: d'une part, la structure, l'encadrement des pôles et la population scolaire et, d'autre part, le parcours des élèves à besoins spécifiques, le nombre d'élèves en protocole d'aménagement raisonnable, le nombre d'élèves en intégration permanente totale et la part de ces élèves maintenus ou orientés vers l'enseignement spécialisé.

En réunion de notre Commission du 4 juillet dernier, vous avez annoncé que le premier rapport de monitoring était en cours d'élaboration et qu'il serait finalisé pour la fin de l'été. C'est la raison pour laquelle je reviens vers vous aujourd'hui avec un certain nombre de questions.

Avez-vous constaté, en 2022, comme en 2023, une baisse des inscriptions dans l'enseignement spécialisé? Dans l'affirmative, de combien d'élèves?

Le nombre d'élèves en protocole d'aménagements raisonnables dans l'enseignement ordinaire a-t-il augmenté? Qu'en est-il du nombre d'élèves en intégration permanente totale (IPT)?

Pourriez-vous refaire le point sur les formations et les outils mis en œuvre pour que les enseignants de l'enseignement ordinaire aient les compétences nécessaires pour prendre en charge les élèves à besoins spécifiques et sur l'utilisation pédagogique des aménagements raisonnables en classe? Une des grosses difficultés pointées par le terrain concerne la gestion de nombreux élèves à besoins spécifiques dans une même classe par un enseignant provenant de l'enseignement ordinaire et n'étant pas toujours bien formé pour ce faire.

Quels retours du terrain recevez-vous sur le travail du personnel pluridisciplinaire des pôles? Pour rappel, ils ont deux missions, l'une principalement à caractère collectif, l'accompagnement des enseignants, et l'autre à caractère individuel, l'accompagnement des élèves à besoins spécifiques. Ces agents ont-ils réellement du temps pour exercer des missions à caractère individuel? Il me revient du terrain qu'ils manquent de liberté et de flexibilité. Ils doivent parfois refuser une intervention dans une école, car ils doivent prester des heures de travail administratif ou collaboratif, qui ne seraient pas toujours utiles, au sein du pôle. Pourquoi ne pas prévoir plus de souplesse, plus de missions à caractère individuel que de l'administratif ou du collectif?

Quel impact cette réforme a-t-elle sur l'emploi des professionnels enseignants ou paramédicaux – logopèdes, kinésithérapeutes, etc. –, qui étaient précédemment engagés dans le cadre de l'intégration? C'est aussi une des inquiétudes du terrain, certains logopèdes ne sachant pas s'ils vont pouvoir retrouver un emploi ailleurs. Pourriez-vous refaire le point sur les mesures que vous avez prises pour limiter l'impact social de cette réforme? Si certains logopèdes pourront être engagés pour des périodes d'accompagnement personnalisé, qu'en est-il au niveau statutaire, notamment par rapport au maintien de leur ancienneté? Qu'est-il prévu à cet égard?

Enfin, le monitoring annuel relatif à ce nouveau dispositif est-il bien finalisé? Pourriez-vous nous en présenter les conclusions pour chaque volet précité et nous transmettre ce document? De nouveaux ajustements au décret «Pôles» sont-ils nécessaires à la suite de ce monitoring?

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation. – Madame la Députée, le monitoring annuel des pôles territoriaux n'est pas encore complètement finalisé. Nous ne disposons pas encore de toutes les données nécessaires à celui des trois volets prévus, notamment en raison de programmes informatiques dont nous attendons encore la livraison. Comme c'est le premier exercice du genre, sa méthodologie a nécessité plusieurs adaptations durant le processus, dont certaines sont encore en finalisation.

Je peux cependant vous donner quelques chiffres. Nous constatons une augmentation du nombre d'élèves bénéficiant d'aménagements raisonnables, puisqu'il passe de 3802 en 2020-2021, à 8012 en 2021-2022 et à 10.331 en 2022-2023. Le nombre d'élèves en IPT dans l'ancien système, donc avant le 2 septembre 2020, est logiquement en diminution constante avec 9667 élèves en 2022-2023 dans les pôles et dans les établissements d'enseignement spécialisé, contre 11.416 en 2020-2021 et 10.422 en 2021-2022. Les chiffres relatifs aux IPT dans le nouveau système, après le 2 septembre 2020, font partie de ceux que nous attendons encore.

L'Institut interréseaux de la formation professionnelle continue (IFPC) propose quatorze formations sur la thématique des aménagements raisonnables, de l'école inclusive, des pôles territoriaux, etc. Elles sont accessibles, entre autres, aux membres du personnel des écoles ordinaires. Les formations de ce type sont également disponibles dans les catalogues des fédérations de pouvoirs organisateurs et de Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE).

Les retours du terrain nous sont parvenus en partie grâce au dispositif du cadre participatif du Pacte. Durant l'année scolaire 2022-2023, sept matinées d'échange ont été menées avec les écoles ordinaires, et une journée a été consacrée aux coordonnateurs de pôles. Parmi les constats, le niveau d'information des équipes éducatives s'avère variable, selon la région, le pôle et le réseau. Certaines directions soulèvent encore beaucoup de questions élémentaires sur le fonctionnement des pôles, et elles ont également l'impression de ne pas toujours recevoir les mêmes informations. Des collaborations se mettent en place à une vitesse variable, car si beaucoup d'écoles collaborent déjà régulièrement et positivement avec leur pôle, certaines, heureusement plus rares, nous ont expliqué n'avoir encore eu que peu de contact avec leur pôle, voire pas du tout. C'est évidemment sur ces dernières que nous devons focaliser notre attention. Dans la collaboration avec leur pôle, les écoles apprécient sa disponibilité, sa réactivité et sa flexibilité, l'existence d'une procédure claire et standardisée de demande et de contact, la possibilité d'avoir un ou plusieurs interlocuteurs fixes, le bon suivi administratif des dossiers des élèves, leur composition multidisciplinaire de l'équipe du pôle, la diversité des profils, l'aide à la rédaction des protocoles d'aménagements raisonnables, le fait que le pôle puisse outiller correctement l'équipe pédagogique, la présence de ses membres dans les classes au côté des enseignants ou le fait que les coordonnateurs soient les garants du côté raisonnable des aménagements. Les rapports des matinées d'échanges sont disponibles sur le site enseignement.be.

Concernant l'impact social, le décret du 20 juillet 2022 relatif aux pôles territoriaux chargés de soutenir les écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en œuvre des aménagements raisonnables et de l'intégration permanente totale, complémentaire au décret «Pôle», a modifié la progressivité du financement de base des pôles territoriaux afin de permettre une gestion plus harmonieuse du changement durant la phase transitoire. Dans le cadre de l'accompagnement personnalisé, la fonction de logopède peut désormais être également activée dans l'enseignement primaire ordinaire en titre requis.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je vous remercie pour ces premiers chiffres. Vous n'avez en revanche pas répondu sur l'éventuelle diminution des inscriptions dans l'enseignement spécialisé. Cette information est importante, car il s'agit aussi d'un des objectifs poursuivis par le Pacte – qui n'est pas de supprimer l'enseignement spécialisé, je le rappelle. L'enseignement spécialisé doit être réservé aux élèves qui en ont réellement besoin. Les instances européennes nous demandent d'ailleurs de plus intégrer les élèves dans les écoles de l'enseignement ordinaire.

Évidemment, les défis sont nombreux pour les enseignants de l'enseignement ordinaire, qui voient les aménagements raisonnables augmenter et donc leur charge de travail.

Je continuerai à vous faire part des difficultés rencontrées. Peut-être devrons-nous adapter la législation sur les pôles territoriaux. Nous devons toujours rester attentifs aux dysfonctionnements dans la pratique pour que cette réforme soit, in fine, un succès.