Question sur le nombre d'élèves en baisse dans le qualifiant

08/12/2020

Question de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation, sur le taux de fréquentation en baisse dans l'enseignement qualifiant et dans le premier degré différencié.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, M. Janssen et Mme Schyns vous interrogeaient le 22 septembre dernier sur les taux de fréquentation scolaire en baisse dans l'enseignement qualifiant, mais également dans le premier degré différencié. Plusieurs de ces écoles ont en effet vu diminuer leur nombre d'élèves de plus de 10 % lors du comptage au 1er octobre 2020, par rapport au précédent comptage datant du 15 janvier 2020, ce qui entraînerait la réduction du nombre total de périodes professeurs (NTPP). M. Janssen avait évoqué le Collège Saint-Jean à Wavre, je peux moi-même parler d'une situation similaire à l'Institut Don Bosco de Verviers qui vous a d'ailleurs interpellée à cet égard.

Ce phénomène s'expliquerait par des décisions plus clémentes des conseils de classe de juin dernier qui, compte tenu de la situation sanitaire, auraient privilégié l'octroi d'attestations d'orientation A plutôt que B au terme du premier degré de l'enseignement secondaire. Une logique similaire aurait conduit les écoles primaires à décerner un plus grand nombre de certificats d'études de base (CEB) qu'à l'accoutumée.

Bien plus d'élèves que d'habitude auraient ainsi été dirigés vers l'enseignement général au détriment de l'enseignement différencié, pour le premier degré, et de l'enseignement qualifiant, à partir du deuxième degré. Or il est probable que ces élèves doivent être réorientés vers l'enseignement qualifiant à l'issue des conseils de classe.

Vous aviez précisé que les établissements scolaires avaient jusqu'au 12 octobre 2020 pour finaliser l'envoi des inscriptions dans l'application «Signalétique élèves» (SIEL) et qu'une analyse de ces chiffres serait réalisée à la fin octobre. Vous aviez également déclaré avoir demandé dès début septembre aux fédérations de pouvoirs organisateurs un retour hebdomadaire reprenant les données chiffrées des populations scolaires et les différentiels par rapport aux comptages du 15 janvier 2020.

Vous n'aviez toutefois pas encore reçu toutes les données utiles vous permettant d'objectiver les répercussions de la crise sanitaire et de prendre des mesures en la matière afin d'assurer la continuité des options concernées et éviter qu'elles ne disparaissent.

Je suis pour une rationalisation du nombre d'options dans l'enseignement qualifiant. Mais la crise ne doit pas être l'occasion de supprimer certaines d'entre elles, surtout que ce ne seront pas «les bonnes» qui le seront. La crise ne doit pas avoir d'impact sur l'enseignement qualifiant pour le moment.

Réinterrogée sur le sujet en réunion de notre commission le 20 octobre dernier, vous précisiez que votre gouvernement avait décidé la suspension temporaire des impacts à la baisse sur le taux d'encadrement, mais que vous ne pourriez déterminer les mesures ad hoc à adopter pour les écoles en difficulté que lorsque l'ensemble des chiffres seront stabilisés et analysés par l'administration.

Avez-vous pu obtenir toutes les informations liées au comptage du 1er octobre 2020 relatif au taux de fréquentation des établissements scolaires, notamment pour l'enseignement secondaire qualifiant? Si oui, combien d'écoles secondaires en Fédération Wallonie-Bruxelles ont-elles subi une baisse de plus de 10 %? Combien ont mesuré une augmentation de plus de 10 %? Dans les deux cas, de quels types d'enseignement secondaire et de quelles filières s'agit-il? Les causes de ces baisses ou hausses inhabituelles du taux de fréquentation ont-elles été objectivées, le cas échéant au cas par cas?

Confirmez-vous un moratoire pour les normes de rationalisation dans l'enseignement qualifiant comme cela a été fait pour l'enseignement spécialisé? Ne pourrions-nous pas geler les décisions liées aux normes de rationalisation pour le comptage du 1er octobre 2020, en attendant le comptage du 15 janvier 2021? D'autres mesures sont-elles envisagées pour les établissements en difficultés auxquels vous aviez accordé un sursis dans l'attente de trouver une solution pérenne?

Enfin, ces constats posent plus généralement la question du niveau des études. Ne craignez-vous pas que l'appréciation de la qualité de l'enseignement soit biaisée par des décisions plus clémentes des conseils de classe prises fin juin? Ne faut-il pas craindre que les lacunes causées par la crise ne mettent à mal les efforts réalisés et attendus par le Pacte pour un enseignement d'excellence? Comment comptez-vous mesurer objectivement les effets de la crise sur les apprentissages en Fédération Wallonie-Bruxelles?

Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation.- Madame la Députée, la population dans le premier degré différencié est passée de 3905 élèves régulièrement inscrits au 15 janvier 2020 à 3378 élèves déclarés le 1er octobre 2020, soit une diminution de 527 élèves. Des réorientations peuvent évidemment encore survenir au-delà du 1er octobre 2020. Sur les 263 écoles concernées par l'organisation de la première année de l'enseignement différencié, 149 enregistrent une perte d'élèves, 90 ont un nombre d'élèves supérieur à celui du 15 janvier 2020 et 24 ont une population stable. Cependant, la baisse de la population en première année différenciée ne signifie pas pour autant une diminution systématique du NTTP pour chaque école, puisque la législation prévoit une catégorie de comptage commune pour les deux années différenciées, avec un encadrement minimum de base de 27 ou de 54 périodes professeurs, en fonction de l'organisation d'une seule ou des deux années différenciées.

Par ailleurs, à défaut d'être inscrit dans une année différenciée, l'élève peut l'être en première année commune. Enfin, l'idée d'un moratoire en cas de perte des postes issus des fonctions de promotion et de sélection ne semble pas opportune à ce stade puisque le décret du 29 juillet 1992 portant organisation de l'enseignement ordinaire de plein exercice, prévoit un système de maintien pendant deux années consécutives. Ces emplois seront calculés sur la base des élèves régulièrement inscrits au 15 janvier 2021.

En ce qui concerne l'enseignement secondaire, pour cette année scolaire 2020-2021, sur les 506 écoles d'enseignement secondaire ordinaire, seuls neuf établissements accusent une diminution globale de plus de 10% du nombre d'élèves régulièrement inscrits. Par ailleurs, 23 écoles sont en situation de recalcul de leur encadrement à la hausse contre 30 pour 2019-2020, sans qu'il soit tenu compte des écoles qui sont toujours en période de création et voient leur population augmenter de manière plus naturelle, à la suite de l'ouverture progressive des années d'études successives. Les causes directes de ces variations peuvent bien sûr être multiples et non spécifiquement liées à la situation sanitaire actuelle, dont les impacts sont difficilement mesurables à ce jour.

De manière plus globale, la population des établissements d'enseignement secondaire ordinaire s'établit en fonction du contrôle des populations en cours de vérification pour le 1er octobre 2020. Dès lors, je prévois de procéder en suivant la même stratégie que pour le comptage du 1er octobre. Je demanderai la réalisation d'un nouveau monitoring, afin d'évaluer les conséquences potentielles sur les taux d'encadrement de ces établissements.

La population globale des 506 écoles d'enseignement qualifiant est passée de 117093 élèves régulièrement inscrits au 15 janvier 2020 à 115922 au 1er octobre 2020. Sur les neuf écoles qui auraient dû avoir un recomptage à la baisse, huit offrent à la fois des enseignements de transition et de qualification. Pour ces huit établissements, les chiffres indiquent une diminution plus importante de la population des élèves qui suivent un enseignement qualifiant, bien que dans des proportions très variables par rapport à celle des élèves qui suivent un enseignement de transition. Il est à noter que six de ces établissements sont concernés par les années différenciées et pourront bénéficier de l'encadrement calculé sur la base des élèves régulièrement inscrits au 15 janvier 2020.

En ce qui concerne les normes de rationalisation, un moratoire ne se justifie en rien, étant donné que le décret du 29 juillet 1992 prévoit déjà un mécanisme de maintien de la norme pendant trois années consécutives et, qu'au terme de cette période, une école peut encore éventuellement bénéficier d'une dérogation.

Sur la base la population au 1er octobre 2020, six écoles déjà en dérogation depuis plusieurs années n'ont pas retrouvé la norme et seulement un établissement se retrouve sous la norme de rationalisation pour la troisième année consécutive et devra introduire une demande de dérogation. Le nombre de dérogations éventuelles afin de maintenir l'admission aux subventions de ces écoles n'est en rien supérieur au nombre de situations des années antérieures.

Enfin, l'octroi des dérogations par le gouvernement est également basé sur l'avis du Conseil général de l'enseignement secondaire, dont les acteurs sont forcément au courant de la situation particulière de chaque établissement demandeur et pourront, le cas échéant, tenir compte de la situation sanitaire particulière. Un report du contrôle des normes de rationalisation ne semble par conséquent pas opportun.

Je suis persuadée que le corps pédagogique, dans son ensemble, met tout en œuvre pour permettre aux élèves d'atteindre les compétences de base. Je suis certaine qu'au-delà des acquis et des compétences prévues, les élèves qui traversent à l'heure actuelle cette crise sanitaire développent d'autres compétences ou plutôt des softskills tels que l'adaptabilité, la flexibilité, le sens de l'organisation et la rigueur, qui seront des atouts majeurs dans la poursuite de leur apprentissage. Ces compétences ne sont pas mesurables et il est un peu tôt pour évaluer complètement les incidences de la crise qui, malheureusement, est toujours en cours. Il est toutefois clair à mes yeux que nous devrons déployer dans les années qui viennent des politiques spécifiques pour réparer les conséquences de la crise sur le plan des inégalités entre les jeunes.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame la Ministre, il faudra effectivement examiner tous ces chiffres à tête reposée.

En ce qui concerne l'Institut Don Bosco à Verviers, entre le dépôt de ma question et aujourd'hui, j'ai pu obtenir davantage de précisions. Cet institut a été durement touché par la problématique du taux de fréquentation en baisse dans l'enseignement qualifiant et il estime que cela est notamment lié à la crise sanitaire. La situation de cette école faisait d'ailleurs la Une du journal «L'Avenir Verviers» vendredi dernier. Les entreprises de la région se sont mobilisées et ont par ailleurs acheté une page entière dans la presse pour faire de la publicité et partager de nombreux témoignages.

Je voulais toutefois apporter quelques nouveaux éléments. Le directeur signale tout d'abord que vous lui avez accordé une dérogation suite au comptage des élèves au 1er octobre. Je salue cette décision en faveur d'un établissement en difficulté. J'espère que cette décision pourra se généraliser pour les quelques autres établissements qui ont des difficultés similaires. Cependant, après le comptage d'octobre, c'est celui du 15 janvier qui se profile à l'horizon. C'est le cas de l'Institut Don Bosco, qui doit encore trouver entre 15 et 20 élèves pour conserver la norme de 400 élèves et pour conserver également un poste de secrétaire de direction, jugé légitimement indispensable à l'établissement par son directeur. Enfin, la crise a compliqué les visites d'élèves potentiels quand nous comparons la période actuelle aux années antérieures, puisqu'en général, l'enseignement qualifiant perd des élèves plutôt que d'en gagner.

Je rappelle qu'il est primordial de limiter au maximum les incidences de la crise sanitaire sur les établissements scolaires et que, même si ces difficultés ne touchent que quelques écoles, nous devrons trouver des solutions. J'espère que ces écoles pourront compter sur vous lors du nouveau comptage en janvier.