Question sur le rôle des directions d'écoles dans le tracing Covid-19

28/09/2021

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, sur le rôle des directions d'écoles dans le tracing des contacts Covid-19

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Lors de la réunion de la commission de l'Enfance du 14 septembre dernier, la ministre Linard a annoncé que son cabinet et l'Office de la naissance et de l'enfance (ONE) avaient eu plusieurs réunions avec l'Administration générale de l'enseignement (AGE) et les fédérations de pouvoirs organisateurs «afin que les services PSE puissent travailler en étroite collaboration avec les directions d'école, en exploitant les forces de chacun. Les synergies instaurées concernent par exemple l'envoi de courriers ou la constitution de listes de contacts». Mme Linard a également ajouté que «les écoles possèdent des logiciels permettant d'envoyer facilement un message à toute une classe, outils dont ne disposent pas les services PSE». Il s'agissait d'un des exemples de synergies instaurées par la ministre. Cette dernière précisait que «les services PSE gardent un rôle essentiel dans le traçage. Cette mission constitue un volet important de leur charge de travail. Les équipes valident l'ensemble des listes, gèrent les résultats et les foyers et répondent aux questions des écoles et des parents». 

De nombreux témoignages de directeurs d'école mécontents ont fleuri dernièrement dans la presse et sur le terrain. Par exemple, dans un article de presse paru dans «La Libre Belgique» le 16 septembre dernier, l'ASBL ADIBRA, l'association des directeurs de l'enseignement secondaire catholique de Bruxelles et du Brabant wallon, explique que beaucoup de directeurs d'écoles s'inquiètent, car leurs missions ont changé dans les nouveaux protocoles. 

On parle donc de la circulaire 8251 du 8 septembre 2021 et modifiée le 16 septembre 2021. Le tracing fait à présent partie, au besoin avec l'aide des PSE, des tâches des directions, ce qui n'était pas le cas auparavant. Cela signifierait donc que, lorsqu'un élève est positif, c'est aux directions de collecter les informations suivantes: qui a-t-il fréquenté? quand? comment? 

À juste titre, à mon sens, l'ASBL ADIBRA y voit trois problèmes. Tout d'abord, une direction qui fait du tracing est une direction qui ne pilote pas, ne dirige pas, n'accueille pas et ne recrute pas. Ensuite, si les cas se multiplient, il sera matériellement impossible aux directions d'assurer cette mission. C'est d'ailleurs déjà le cas dans certaines écoles. Enfin, les directions sont-elles compétentes, formées et habilitées à traiter de questions paramédicales qui soulèvent également des questions éthiques? Voilà les trois problèmes identifiés par l'ASBL et que je trouve assez pertinents. 

Madame la Ministre, vous qui connaissez mon attachement à voir les directeurs d'écoles déchargés de multiples tâches administratives pour leur permettre d'exercer sereinement et correctement leur métier et de se consacrer à leur leadership éducatif et pédagogique, pourriez-vous répondre aux questions suivantes? 

Pourriez-vous clarifier les rôles respectifs des services PSE et des directions d'écoles? Quelles sont les tâches des directions d'écoles, par rapport au tracing tant des élèves que des enseignants? En quoi ces tâches ont-elles changé dans les nouveaux protocoles par rapport à l'année dernière? Que répondez-vous aux trois problèmes précités que soulève l'ADIBRA? Vous êtes-vous concertée avec la ministre Linard pour trouver une solution qui déchargerait les directions d'écoles des tâches de ce type qui ne devraient pas, à mon sens, leur incomber? Cette mission a apparemment été confiée aux directions d'écoles, car elles disposent des logiciels permettant d'envoyer facilement un message aux élèves. Pourquoi ne pas mettre ces logiciels à la disposition des services PSE, tout en renforçant leurs équipes? J'ai conscience que cette question peut aussi s'adresser à Mme Linard. 

Par ailleurs, pourriez-vous faire le point sur l'évolution du nombre de cas positifs parmi les élèves et les enseignants depuis la rentrée et sur le nombre de classes qui ont dû être mises en quarantaine? Comment anticiper l'évolution des contaminations aux portes de l'automne? 

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation.- Depuis l'année scolaire passée et son instauration dans les écoles, le suivi des contacts ne peut fonctionner que par la coopération entre trois entités: les services PSE, les centres d'appel, les écoles, par le biais de leur direction, qui possède les données et les informations utiles au suivi des contacts comme les coordonnées des parents, les grilles horaires des élèves et les listes de présence. 

En tenant compte de l'expérience de l'année passée, des forces et des capacités de chacun des acteurs, mais aussi face au défi que représentait la vaccination dans les écoles secondaires pour les services PSE bruxellois, une réévaluation des synergies a été effectuée. Cette dernière a été effectuée avant la rentrée, avec l'ONE, les fédérations de pouvoirs organisateurs (PO) et Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE). Elle a débouché sur une répartition détaillée des rôles. 

Il est explicité noir sur blanc dans la circulaire adressée aux écoles durant le mois d'août, et qui a été cosignée par ma collègue Bénédicte Linard, que le suivi de contact continue à relever de la responsabilité des services de la PSE. Constitués de médecins scolaires, ils doivent en effet chapeauter toute l'opération, apporter leur expertise au quotidien et prendre des décisions médicales. Les services ont été soulagés d'une charge administrative non négligeable grâce au soutien des centres d'appel. Ces derniers doivent, par exemple, fournir les attestations de dépistage et de quarantaine. 

L'idée de base était de confier aux directions des missions pour lesquelles elles sont les partenaires les plus adaptés, à savoir la distribution des courriers aux parents et la constitution de la liste de contacts. L'ONE a établi une liste reprenant un ensemble de questions à poser pour mener à bien ce dernier rôle. 

Nous avons quand même décidé d'un rendez-vous à la fin du mois pour réévaluer le processus. Mon cabinet a mené, au début de la semaine dernière, une première rencontre avec les fédérations de PO et WBE, pour identifier les points les plus problématiques. Des représentants des différentes associations de directions étaient également présents. 

Dans la pratique, le travail de suivi des contacts reste une charge colossale dans un contexte où tant les services PSE que les directions aspirent à se reconcentrer sur leurs missions de base. Les services PSE ont d'ailleurs déposé un préavis de grève. La situation est donc compliquée. La cause du dépôt du préavis n'est pas juste une question de moyens. En effet, malgré les deux millions d'euros injectés l'année passée par ma collègue Bénédicte Linard pour soutenir les services PSE, ces derniers continuent à éprouver des difficultés. 

En parallèle, un débat plus global s'est fait jour sur les règles du suivi des contacts pour les moins de douze ans. La question est de savoir si ces mesures sont encore adaptées et proportionnées, étant donné la reprise de la vie adulte avec notamment le retour au travail en présentiel, la disparition des bulles de contact, la réouverture des salles de spectacle et des restaurants ou les stades de football remplis. Vous aurez noté les interventions de l'Académie belge de pédiatrie et de Domus Medica, l'association des médecins généralistes flamands, qui plaident désormais pour un abandon pur et simple des mesures à l'égard des moins de douze ans, considérant que ces derniers ne doivent plus payer les conséquences de la crise Covid-19 et qu'il appartient aux adultes de fournir les efforts pour garder la maîtrise de l'épidémie, notamment grâce à la vaccination. Je partage évidemment leur avis, s'agissant d'une disposition qui permettrait de renforcer le bien-être des enfants, de garantir la continuité des activités pédagogiques et de diminuer la pression sur tous les acteurs de l'école. Mais nous devons procéder par étape afin de garder la maîtrise de la situation. 

Dans cette optique, nous avons déjà travaillé, dans le cadre du Risk Management Group (RMG) et de la conférence interministérielle (CIM) Santé, aux premiers assouplissements des règles de quarantaine pour ce public. Ces assouplissements seront appliqués d'ici peu. Les enfants de moins de douze ans seront considérés à l'école comme assimilés à des personnes vaccinées et la période de référence pour la détection d'un foyer épidémique a été raccourcie à sept jours. Cela signifie que lorsque deux cas sont détectés dans le même groupe sur ce laps de temps de sept jours, ou que l'enseignant est confirmé positif à la Covid-19, l'ensemble du groupe est placé en quarantaine. Toutefois, si l'enfant est négatif au résultat du premier test, il pourra sortir de quarantaine et revenir à l'école, comme c'est le cas pour les personnes vaccinées. Un rendez-vous a par ailleurs été pris avec la CIM Santé au cours du mois d'octobre pour rediscuter des quarantaines des moins de douze ans. 

Pour répondre aux directions, nous travaillons sur la simplification du processus de tracing avec l'ONE, l'Agence pour une vie de qualité (AViQ) et la Commission communautaire commune (COCOM). Cela se traduira à court terme par une reprise des principaux aspects de la charge du tracing par les services PSE. Nous avons communiqué aux directions en ce sens. Néanmoins, j'insiste sur le fait que le tracing devra toujours être le fruit d'une collaboration étroite entre les services PSE et les directions d'école, qui restent les seules à pouvoir fournir toutes les informations nécessaires et qui possèdent les clés des canaux de communication vis-à-vis des élèves et des parents. Les directions le font depuis l'année passée, mais j'ai bien compris que l'alourdissement de cette tâche était mal vécu. Certaines directions ont d'ailleurs témoigné du fait que les protocoles n'étaient malheureusement pas appliqués à la lettre. Bref, les directions ont pris beaucoup trop à leur charge. Il faut donc retrouver un meilleur équilibre. 

Nous disposons des derniers chiffres de l'administration de l'enseignement, mais il faut les prendre avec toutes les précautions d'usage: il s'agit des chiffres que les écoles déclarent elles-mêmes à notre administration, qui en fait donc le relevé. Aux dernières informations, 11 écoles sont fermées et dans 101 écoles, au moins une classe est fermée. Ces chiffres doivent évidemment toujours être mis en perspective, notre Fédération comptant 2 500 écoles. À titre de comparaison, la semaine précédente, deux écoles ont dû fermer et 151 autres ont dû fermer au moins une classe. Certes, l'ONE n'a plus établi de recensement systématique des cas et a démarré l'année avec un léger retard, mais là aussi, l'ensemble des services PSE n'ont pas communiqué leurs données. Dès lors, pour suivre ces évolutions, il faut consulter les chiffres de Sciensano: on observe ces derniers jours une diminution du nombre de cas dans les catégories d'âge qui nous concernent pour l'enseignement obligatoire, qu'il s'agisse de la tranche 0-9 ans ou de la tranche 10-19 ans. Même si ce phénomène est récent et qu'il faut rester prudents, on peut voir une stabilisation suivie d'une diminution: la rentrée n'a donc pas provoqué de circulation massive de la Covid-19 dans l'ensemble de la société, alors que ce virus a aujourd'hui pour terrain de jeu ceux qui n'ont pas eu accès à la vaccination, notamment les plus jeunes.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Je tiens à souligner que je ne sous-estime absolument pas la lourdeur de la tâche des services PSE. Depuis le début de la crise sanitaire, ils doivent mettre de côté leur mission de base, pourtant cruciale, pour assurer la mission chronophage que leur impose la Covid-19, surtout à Bruxelles, où ils doivent promouvoir la vaccination alors qu'ils souffrent d'un manque d'effectifs pour réaliser toutes ces tâches de front. 

Toutefois, j'estime que ce n'est pas là une raison pour reporter cette charge de travail sur les directions d'école, déjà surchargées en temps normal et qui, avec la crise, doivent gérer les remplacements de nombreux enseignants testés positifs ou mis en quarantaine, et ce, dans le contexte de pénurie que l'on connaît. 

Il est donc primordial de remédier en urgence à ces problèmes sans opposer les directions et les services PSE et de trouver une solution stable et durable sur le long terme, car la pandémie est loin d'être derrière nous. Or, nous constatons que les problèmes sont réglés à la petite semaine alors qu'il nous faudrait adopter des solutions claires et pérennes et cesser de faire constamment des changements, car cela complique la communication. On le constate dans le chef des directions, mais aussi des parents qui ne savent plus que faire avec leur enfant quand on leur signale un cas positif dans la classe de leur enfant. 

Certes, nous révisons des protocoles, mais selon moi, il faudrait réviser la notion même de "cluster". Je ne suis ni une experte ni une scientifique, mais il me semble abusif de considérer que l'émergence de 2 cas positifs suffit pour fermer une classe. En effet, dans certaines communes où les cas sont nombreux, statistiquement, on enregistra logiquement 2 cas dans une classe. Mais ce n'est pas pour autant que les contaminations ont eu lieu en classe. La vie a repris partout, même dans la province de Liège.

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation.- Cette problématique fait également partie des questions que nous avons demandé à débattre à nouveau lors de la prochaine conférence interministérielle (CIM) Santé. Par ailleurs, je précise que normalement, on parle d'un "cluster" à partir de 2 cas reliés entre eux. Cependant, il est vrai que faute de temps pour réaliser un traçage correct, on a tendance à les considérer assez rapidement comme liés, ce qui donne parfois lieu à des fermetures de classe intempestives et injustifiées. Cela fait donc partie des questions que nous souhaitons réexaminer.