Question sur le suivi de la situation sanitaire dans les écoles

16/11/2021

Question de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Education, intitulée «Organisation de la vie scolaire en contexte de crise sanitaire après le congé de Toussaint»

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Madame la Ministre, c'est la première fois que notre commission se réunit depuis les vacances de la Toussaint. Pourriez-vous faire le point sur le nombre de classes qui ont dû être fermées et le nombre d'élèves et d'enseignants qui ont dû être placés en quarantaine depuis la rentrée du 8 novembre dernier? Comment la courbe des contaminations évolue-t-elle dans les écoles à l'heure actuelle par rapport à la veille du congé de la Toussaint? 

Le 27 octobre dernier, vous avez édité les circulaires 8333 et 8334 relatives à l'organisation de la vie scolaire en contexte de crise sanitaire après le congé d'automne, la première pour l'enseignement fondamental et la seconde pour l'enseignement secondaire. Vous avez également fait paraître une troisième circulaire pour les académies. Elles apportent une modification pour le port du masque, qui redevient obligatoire à tout le moins jusqu'au 30 novembre prochain, comme à Bruxelles, en intérieur et en toutes circonstances, en ce compris pendant le temps de classe, pour les membres du personnel dans l'enseignement fondamental et pour les membres du personnel et les élèves dans l'enseignement secondaire. Madame la Ministre, une nouvelle évaluation de la situation doit être effectuée d'ici à la mi-novembre. Qu'en est-il? Quels seront les points inscrits à l'ordre du jour de votre réunion de ce mercredi soir avec les acteurs de l'enseignement, prévue après celle du Codeco? J'ai en effet appris par voie de presse que vous rencontrerez ces acteurs, comme vous le faites après chaque réunion du Codeco d'ailleurs. 

Je note que la ministre Linard confirme qu'un accord a été trouvé avec les Régions pour que les call centers prennent en charge le tracing. J'espère que nous pourrons ainsi décharger les directions de cette tâche supplémentaire et énergivore, ainsi que les équipes PSE qui relèvent quant à elles de la compétence de Mme Linard. J'attendrai donc avec impatience la circulaire qui devrait être envoyée aujourd'hui aux directions. 

Par ailleurs, un autre point des deux circulaires du 27 octobre dernier est un peu passé inaperçu. Vous avez permis, dans les villes et communes où la situation pandémique est aigüe, d'organiser la prescription de tests préventifs de groupes-classes. Des écoles y ont-elles déjà recouru? Si oui, combien? Qui va supporter la prise en charge des coûts et l'organisation de ces tests? 

Enfin, toujours dans ces deux circulaires, vous annonciez qu'une nouvelle circulaire contenant des recommandations spécifiques relatives à l'organisation de voyages scolaires serait communiquée avant le 8 novembre. Celle-ci n'a pas encore été publiée, mais devrait l'être prochainement. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation.- La situation sanitaire s'est considérablement compliquée depuis quelques semaines dans l'ensemble de la société. Une réunion du Codeco sera d'ailleurs consacrée à la question ce mercredi et, au vu du rapport du Groupe d'experts «Stratégie de gestion» (GEMS), plusieurs points relatifs à l'enseignement devraient être à l'ordre du jour. 

Avant de revenir sur ces différents éléments, il est important de rappeler que, si quelques assouplissements ont été apportés par rapport à l'année scolaire passée, les gestes barrières et les mesures Covid-19 dans les écoles sont toujours restés d'application depuis la rentrée de septembre. Plusieurs règles contraignantes ont été maintenues et continueront à l'être tant que l'école devra prendre sa part dans la gestion de la crise. Ainsi, des règles particulières concernant le port du masque et la distanciation physique doivent être respectées à l'intérieur. J'ai d'ailleurs renforcé cette mesure en Région wallonne, imposant le retour du masque dans l'enseignement secondaire ainsi que pour les membres du personnel de l'enseignement primaire. Des consignes d'hygiène sont prévues; les rassemblements avant et après l'école sont limités; l'usage des cantines est régulé de façon à limiter les mélanges de groupes-classes; la présence de tiers est limitée au strict nécessaire et les activités extra-muros peuvent être maintenues, mais dans le strict respect du protocole applicable au secteur de l'accueil de l'activité. 

Concernant la ventilation et l'aération des locaux, des consignes très précises ont été données à toutes les écoles dans une circulaire spécifique du mois d'avril, qui est toujours d'application, et ont été répétées chaque fois que c'était possible. L'aération complète du local doit avoir lieu après chaque cours, pendant tous les intercours et pendant toutes les récréations, et deux fenêtres doivent maintenues entrouvertes en permanence. Complémentairement, il est recommandé aux écoles de faire procéder à une analyse de risques par le service interne pour la protection et la prévention au travail (SIPPT) ou le conseiller en prévention, afin d'envisager des mesures supplémentaires adaptées aux réalités des locaux, dont la pose de CO2 mètres ou l'acquisition de détecteurs portables de dioxyde de carbone. Nous continuons par ailleurs à travailler sur les meilleures recommandations et pratiques en matière de ventilation pour nos établissements. Je rappelle que le détecteur de CO2 est un outil de mesure qui a bien sûr son utilité, mais qui ne fait que rappeler la nécessité d'aérer. 

Concernant la procédure de gestion des cas, des protocoles imposés par les autorités sanitaires sont appliqués. Tous les élèves ou membres du personnel positifs à la Covid-19 sont immédiatement écartés et des règles de tracing appliquées en fonction du niveau d'enseignement et de la situation. Ces règles de tracing conduisent à de nombreuses quarantaines qui déstructurent en effet l'organisation scolaire, rompent la continuité pédagogique et affectent tant le bien-être des enfants que celui des familles. Quoi qu'il en soit, au regard de l'aggravation de la situation sanitaire, nous continuons à en prescrire la stricte mise en œuvre et, comme je l'ai déjà indiqué, nous travaillons, moi-même, la ministre Bénédicte Linard, l'ONE, la Commission communautaire commune (COCOM) et l'Agence pour une vie de qualité (AVIQ), à une simplification de la gestion quotidienne du tracing. 

S'agissant du testing préventif, les autorités locales ont la possibilité de l'activer dans des situations pandémiques aigües, mais il n'a, à ma connaissance, jamais été utilisé jusqu'ici. L'idée d'une généralisation à l'ensemble des écoles n'a rien de neuf et a déjà été évoquée à plusieurs étapes de la gestion de crise. Vous vous en souvenez bien, Mesdames et Monsieur les Députés, puisque nous en avons déjà parlé plusieurs fois au sein de notre commission: plusieurs expériences pilotes de testing préventif systématique ou rapide ont été menées lors de l'année scolaire précédente et n'ont pas été concluantes. Chaque fois, il s'agit d'un casse-tête logistique et beaucoup de moyens publics sont mobilisés pour un résultat n'étant pas à la hauteur des attentes et, surtout, ne permettant pas de mieux gérer la crise dans les écoles notamment. Ces méthodes ne permettent en effet pas de dépister les clusters plus tôt. Vous aurez compris que je n'y suis donc pas favorable. Nous avons démontré qu'elles ne fonctionnaient pas et/ou ne répondaient pas aux attentes des acteurs de l'enseignement et de la médecine scolaire. 

Plus globalement, au regard des analyses circulant ces derniers jours, je voudrais nuancer le procès intenté par certains aux enfants et aux jeunes. Bien sûr, ces dernières semaines, les contaminations et le taux de positivité ont été très élevés dans les tranches d'âge correspondant à l'enseignement obligatoire. Les cas positifs sont en effet plus élevés dans l'enseignement primaire que dans l'enseignement secondaire, un phénomène constaté depuis le changement de protocole de gestion des cas en janvier dernier. Il est amplifié en raison de la vaccination. Je rappelle que les enfants de moins de douze ans constituent la seule catégorie d'âge qui n'a pas accès aux vaccins. La conséquence était attendue: le virus circule en particulier dans cette catégorie d'âge, davantage que dans les autres. Par conséquent, nous observons des contaminations entre enfants et d'enfants à adultes, tant au sein de l'école qu'en dehors. Aucune donnée ne m'a jamais été présentée pour objectiver l'idée que les enfants seraient devenus les coupables de la situation sanitaire. Ils évoluent dans une société et celle-ci n'observe plus les mêmes règles qu'au cours de l'année scolaire précédente. Les gens ont désormais une vie sociale presque normale, et tous les secteurs ont repris leurs activités. Dans toutes les tranches d'âges, on se voit beaucoup plus: au travail, en famille, entre amis, lors d'événements de masse. Que ce soit avec ou sans Covid Safe Ticket (CST), les gestes barrières s'effacent et les occasions de contamination se multiplient. Les transports en commun sont remplis aux heures de pointe comme en soirée ou durant les week-ends. Quand un enfant se présente positif à l'école, il ne s'agit pas d'une génération spontanée du virus. Il a forcément été contaminé quelque part ailleurs. Or, en dehors du secteur de la santé, les écoles constituent actuellement les collectivités les plus surveillées dans le contexte d'une société déconfinée. À mes yeux, elles ne peuvent devenir une variable d'ajustement pour permettre aux adultes de vivre une vie normale. Certes, les enfants et les jeunes doivent contribuer à l'effort collectif de santé publique et ils le font déjà. J'insiste sur les deux parties de cette phrase: il n'y a pas de raison que chaque catégorie d'âge ne prenne pas sa part dans l'effort à accomplir, mais ils le font déjà. Leur scolarité n'a entretemps pas retrouvé la normalité voulue et nous en sommes à la troisième année scolaire perturbée par la crise de la Covid-19. Clairement, leurs intérêts doivent primer et nous devons tout faire pour les préserver de nouvelles mesures de restriction avec, pour objectif principal, de sauvegarder leur bien-être et leurs intérêts. Au regard de tous ces éléments, la position que je défends tient en deux points. Premièrement, il ne saurait être question de prendre des mesures plus dures encore à l'égard des enfants et des jeunes que celles vécues lors de l'année scolaire précédente à un moment où, je le rappelle, les vaccins faisaient défaut. À cet égard, je demeure opposée au port du masque dans l'enseignement primaire dont la plus-value n'a d'ailleurs jamais été vraiment démontrée sur un plan scientifique et qui ne fait nullement consensus entre les experts. Le GEMS évoque un rapport espagnol qui conclut aux effets bénéfiques du port du masque à six ans. Ce document ne m'a pas été communiqué. Force est de constater que, malgré le port du masque obligatoire à six ans depuis la rentrée 2020, l'Espagne et la France ont connu des vagues aussi nombreuses et importantes que celles vécues dans notre pays. Le seul rapport qui m'a été présenté est celui de Sciensano, dont la conclusion n'est pas favorable à l'obligation du port du masque par les moins de douze ans. Les règles dans les écoles doivent être cohérentes avec celles en vigueur dans la société. 

Parmi les mesures de restriction les plus dures appliquées durant l'année scolaire précédente, seules deux n'existent plus cette année: la fermeture des cantines scolaires et l'interdiction des sorties scolaires. Premièrement, devons-nous fermer les cantines alors que l'horeca est ouvert? Rappelons que l'accès à une alimentation saine à l'école constitue un enjeu majeur pour la santé publique et pour le développement des élèves. Deuxièmement, devons-nous supprimer les sorties scolaires alors que les voyages de groupe sont autorisés et que tous les lieux culturels, sportifs et autres sont accessibles en dehors du temps scolaire? 

Mesdames et Messieurs les Députés, ma position ne signifie évidemment pas que je suis fermée à toute discussion sur la contribution des écoles à la lutte contre l'épidémie. Dans le respect des balises précitées, nous pouvons encore faire des efforts en ce qui concerne l'aération et la ventilation dans les établissements scolaires. Toutefois, dire aux directions d'école et aux élèves qu'ils ne participent pas à l'effort revient à donner une gifle au secteur. Depuis trois années scolaires, des actions sont réalisées dans tous les domaines.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Je vous remercie pour cette réponse complète et très franche, Madame la Ministre. 

J'estime que nous devons tout mettre en œuvre pour éviter au maximum les fermetures de classe et les mises en quarantaine qui ont déjà fort désorganisé la vie scolaire des élèves et des équipes éducatives depuis le début de l'année scolaire. 

Cela demande d'appliquer les nombreuses mesures déjà existantes, dont celles qui portent sur la ventilation, déjà en vigueur depuis le mois d'avril. Vous avez raison de rappeler l'existence de cette circulaire. 

Cela passe aussi par les nouvelles mesures que vous avez adoptées pour la rentrée du congé de la Toussaint. Je pense notamment à l'obligation du port du masque qui est renforcée. Il faut attendre que les mesures produisent leurs effets. 

Il s'agit aussi d'opérer le tracing correctement: quand deux cas apparaissent dans une classe, il n'est pas nécessaire de fermer directement celle-ci sous le prétexte qu'il s'agit d'un cluster. Comme vous l'avez rappelé, il faut d'abord déterminer l'origine des contaminations. Il existe tellement d'autres lieux dans notre société où il est possible d'être contaminé. Il faut cesser de lier les cas automatiquement et de procéder ainsi à des fermetures de classes trop rapides. 

La ministre Linard semble elle aussi plaider en ce sens. J'estime que les critiques à son égard ont fusé un peu trop vite. Ni vous, ni la ministre Linard, ni les membres de la majorité ne cherchez à échapper à vos responsabilités. Il s'agit bien évidemment de maintenir des mesures déjà très contraignantes dans les écoles, qui sont finalement les lieux les plus contrôlés de la société. Évitons donc de mélanger les cas de contamination à l'école avec les cas de contamination dans la société. 

Tout comme mes collègues, je suivrai avec attention l'évolution de la situation sanitaire, ainsi que la réunion du Codeco prévue demain et, dans la foulée, celle que vous aurez avec les acteurs de l'enseignement. 

Je répète que l'enseignement est et doit rester une priorité. Vous le rappelez à chaque fois à bon escient, compte tenu du contexte actuel. Les experts le rappellent assez souvent: les lieux d'enseignement ne sont pas le moteur de l'épidémie et ne doivent pas être une variable d'ajustement lors de l'adoption des mesures. Les enfants âgés de moins de douze ans n'ont pas accès à la vaccination et il est donc logique d'enregistrer davantage de cas de contamination dans leur catégorie d'âge. Ce n'est pas pour autant que ces jeunes élèves sont devenus le moteur de l'épidémie. C'est mathématique et tout simplement logique.