Question sur les difficultés relatives aux transports scolaires dans le spécialisé
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos des difficultés relatives au transport scolaire dans l'enseignement spécialisé
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Les transports scolaires revêtent une importance cruciale pour les élèves scolarisés dans l'enseignement spécialisé. Il s'agit même d'un droit pour eux, et ce, à titre gratuit.
Bien que cette matière relève des compétences des Régions wallonne et bruxelloise, elle est évidemment imbriquée avec celle de l'enseignement obligatoire, raison pour laquelle je me tourne vers vous, Madame la Ministre.
Comme je l'ai relevé lors de mes visites de terrain dans les écoles d'enseignement spécialisé, ce transport soulève de nombreux problèmes, qui sont principalement de trois ordres.
Tout d'abord, les dispositions décrétales ne prévoient aucune limite de durée des déplacements. Or, pour certaines élèves, ces trajets très voire trop longs peuvent devenir un véritable calvaire, induisant parfois des troubles ou un handicap supplémentaires, en plus d'une fatigue accrue. De plus, les parents, confrontés à ces horaires tardifs, se voient contraints de limiter les activités extrascolaires de leurs enfants, ainsi que leur vie familiale. En effet, certains enfants doivent se lever aux aurores et faire plusieurs heures de route afin de se rendre dans l'établissement scolaire spécialisé le plus adéquat, et ils rentrent ensuite tard chez eux.
Il existe de nombreux exemples de familles souffrant des transports scolaires, mais un cas poignant nous a été présenté dernièrement. Il s'agit d'un enfant de 8 ans atteint de trisomie 21. Il ne trouvait plus sa place dans l'enseignement ordinaire. Le corps professoral et les parents ont donc décidé de le diriger vers une école spécialisée adaptée à ses besoins. Cependant, parce qu'il a été contraint à des trajets excessivement longs, à savoir deux heures le matin et deux heures le soir pour un trajet qui ne prendrait que 20 minutes en voiture, entre son domicile à Welkenraedt et son école spécialisée à Cerexhe-Heuseux, ses parents ont été contraints de le réintégrer une année de plus dans l'enseignement ordinaire, dans l'école de son village, où il n'a pourtant plus sa place.
Par ailleurs, il existe une pénurie de chauffeurs et de convoyeurs, ce qui entraîne une discontinuité dans le transport scolaire et engendre de l'absentéisme scolaire. De plus, les écoles regrettent un manque de communication et d'information de la part du Service public de Wallonie (SPW) lorsqu'un transport est annulé, certains enseignants et directions se retrouvant même à devoir organiser eux-mêmes le transport de leurs élèves, ce qui n'est pas tenable et n'entre pas dans leurs attributions. Lors de la réunion du 13 février dernier de notre Commission, vous avez précisé que les taux d'absentéisme étaient deux fois plus élevés dans l'enseignement spécialisé que dans l'enseignement ordinaire, avec une proportion considérable des absences liées au suivi médical des élèves et à des problèmes de mobilité.
Enfin, il me revient que les convoyeurs sont souvent insuffisamment formés et équipés pour s'occuper de ces élèves à troubles spécifiques de divers ordres, lesquels concernent notamment des déficiences intellectuelles ou physiques ou encore des troubles du comportement et de la personnalité. Il arrive même que des chauffeurs se retrouvent seuls, sans convoyeur, durant les transports, ce qui est ingérable.
Mes questions sont les suivantes.
Vous concertez-vous avec les ministres wallon et bruxellois chargés de la mobilité à propos des problématiques liées au transport scolaire, comme l'objectivation des besoins et la limitation du temps de trajet?
Existe-t-il sur le terrain une évaluation objective des besoins de transport scolaire dans l'enseignement spécialisé? Un cadastre pourrait-il être réalisé afin d'identifier les endroits nécessitant des moyens supplémentaires en vue d'améliorer l'offre de transport scolaire?
Pourrait-on envisager une limite de temps pour ces trajets aller-retour, ce qui est d'ailleurs une demande de longue date de certaines associations de parents et fédérations d'associations de parents?
Vous concertez-vous à propos des problématiques liées à la pénurie de chauffeurs et convoyeurs et au manque de formation des convoyeurs, avec les ministres wallon et bruxellois de l'Emploi et de la Formation? Quelles mesures sont-elles envisagées à ces égards?
Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation. – Madame la Députée, je suis consciente de la situation difficile à laquelle sont confrontés certains élèves et leurs parents. Pour rappel, notre participation aux différentes commissions du transport scolaire se fait uniquement en tant que membre invité, les Régions étant les seules compétentes en la matière. La pénurie de chauffeurs, qui est bien la cause de tous les problèmes rencontrés ces dernières années, ne semble malheureusement pas s'améliorer.
Les pouvoirs régionaux, compétents pour les transports scolaires, continuent de tout mettre en œuvre pour trouver des solutions efficientes au bénéfice des élèves et les réflexions sont toujours en cours tant à Bruxelles qu'en Wallonie. Par exemple, ils ont accepté l'activation du dispositif des flexi-jobs à partir du 1er janvier de cette année. Il faudra cependant encore patienter un peu pour en constater les potentiels effets concrets.
La longueur des trajets, que nous déplorons nous aussi, est intimement liée à la pénurie des chauffeurs. Sachez que la réduction du temps de parcours des transports scolaires est un véritable défi, car il s'agit de gérer une demande de transport importante vers des établissements spécifiques répartis à l'échelle du territoire wallon. Pour information, pour l'année scolaire 2022-2023, sur les plus de 24.000 élèves transportés, 1.470 faisaient plus de trois heures de trajet par jour, soit environ 6 %.
Enfin, à propos de la formation, les agents ont la possibilité de suivre plusieurs modules de formation liés à leurs activités professionnelles.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Les problèmes liés aux transports scolaires reviennent systématiquement dans mes rencontres avec les directions des écoles de l'enseignement spécialisé. Cela fait trop longtemps que la situation est problématique à plusieurs niveaux.
Il est grand temps que les responsables, non seulement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi des Régions, lesquels sont compétents en la matière, se concertent pour enfin y remédier. Il en va de la qualité de l'enseignement, mais aussi du bien-être des élèves qui souffrent déjà d'un trouble spécifique ou d'un handicap.
Certains acteurs du secteur de l'enseignement et du secteur du handicap, que j'ai récemment rencontrés, vont jusqu'à parler de maltraitance pour certains jeunes qui sont confrontés à des transports scolaires chaotiques. Cela doit devenir un chantier prioritaire, qui ne doit pas souffrir de l'éclatement des compétences entre les différents niveaux de pouvoir dans notre pays. Tout est entre les mains des Régions, mais en attendant, les enseignants et les directions se plaignent auprès des députés de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. – Le fait que les pouvoirs régionaux soient compétents en la matière doit être rappelé, car je suis impuissante.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je comprends que cela ne relève pas de vos compétences, mais, si vos collègues des Régions ne prennent pas leurs responsabilités, il faut les leur rappeler. En tout cas, cela fait des années que ces différents problèmes existent et qu'ils ne sont pas résolus.
Mon collègue Nicolas Janssen, présent à mes côtés, ne manquera pas d'interroger le ministre Philippe Henry, dès lundi prochain sur le sujet.
C'est pour nous une priorité, qui doit être prise en considération, si pas d'ici la fin de la présente législature, pour la prochaine législature. Il est grand temps de remédier à ces problèmes.
Réponse de Mr Philippe Henry, Ministre wallon de la Mobilité, à la question orale de Mr Nicolas Janssen, Député, à propos des difficultés relatives au transport scolaire dans l'enseignement spécialisé
Il est toujours bon d'objectiver la situation. Pour l'année scolaire 2022-2023, sur les plus de 24.000 élèves transportés, les cas extrêmes, c'est-à-dire plus de trois heures par jour dans un transport aller-retour, représentaient, selon l'administration, 1.460 élèves, soit 6,4 %, ce qui, je suis d'accord avec vous, est évidemment trop. Il faudrait une limite de temps pour tous les enfants transportés.
Ceci dit, la réduction des temps de parcours du transport scolaire est un véritable défi, car il s'agit de coupler une demande de transport importante vers des établissements spécifiques pour deux tiers à destination des élèves du spécialisé, disséminés sur le territoire wallon, en tenant compte de la pénurie importante de chauffeurs, que vous avez également rappelée.
Cela signifie en pratique : - d'une part, que certains trajets sont incompressiblement longs, car le nombre de kilomètres à parcourir, de même que les embarras de circulation pour atteindre l'école, sont importants ; - d'autre part, que la pénurie de chauffeurs oblige à une plus grande concentration des élèves sur les circuits, ce qui a effectivement un effet négatif sur les temps de parcours.
En ce qui concerne la pénurie de chauffeurs, nous travaillons étroitement avec le cabinet de la ministre Morreale qui a organisé des événements jobday pour recruter des chauffeurs, et avec le cabinet de la ministre De Bue pour activer plus rapidement l'obtention de permis D pour les chauffeurs. La Wallonie est également intervenue au niveau fédéral pour veiller à ce que le régime des flexi-jobs soit applicable aux chauffeurs de transports scolaires. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur l'impact positif de ce régime, en vigueur depuis janvier 2024, qui devrait permettre de conserver les emplois actuels.
Concernant les
contacts avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, celle-ci tend à favoriser
l'école inclusive, notamment au travers des aménagements raisonnables, et dans
le même temps, une sorte de personnalisation de l'enseignement au travers de
pédagogies adaptées. Ces objectifs font l'objet d'un dialogue entretenu, tant
au niveau des cabinets ministériels qu'au sein de la Commission wallonne des
déplacements scolaires.
Pour l'information,
notamment aux parents, l'Opérateur de transports de Wallonie a développé un
système d'information par SMS qui doit permettre en principe à tout abonné –
parents, écoles – de connaître en temps réel les différents incidents survenus,
circuit par circuit, et ainsi de pouvoir réagir, certes dans un temps
relativement court.
Quant aux agents
d'accompagnement, ils ont la possibilité de suivre plusieurs modules de
formation en lien avec leurs activités professionnelles.
Enfin, il semble important de souligner qu'aujourd'hui, le budget du transport scolaire s'élève à 62,4 millions d'euros. Lors du dernier conclave budgétaire, le Gouvernement wallon a dégagé un budget complémentaire de plus de 11 millions d'euros pour cette année 2024, sans compter l'octroi récurrent de 1 million d'euros destinés à diminuer les temps de parcours trop longs, particulièrement pour l'enseignement spécialisé.
Le nouveau contrat de service public avec l'OTW pour la période 2024-2028 reprend comme indicateur de qualité un temps de parcours en fixant une norme d'attention de trois heures par jour.
Pour améliorer la situation, ce Gouvernement a non seulement dégagé des moyens financiers importants pour le transport scolaire, mais également augmenté de 10 % l'offre régulière de transports en commun. En parallèle, le Gouvernement a aussi augmenté ses efforts pour lutter contre la pénurie de chauffeurs.
C'est en
multipliant ces initiatives, mais aussi en impliquant le monde de
l'enseignement pour limiter les zones blanches sur le territoire, que nous
relèverons ce défi de limiter les temps de parcours de nos élèves.