Question sur les échanges de professeurs de langues entre Communautés

11/10/2021

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse à Mr Pierre-Yves Jeholet, Ministre-Président, intitulée «Échanges de professeurs de langues natifs entre la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Communauté flamande et la Communauté germanophone»

Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Monsieur le Ministre-Président, je vous ai interrogé le 4 janvier dernier sur la nécessité de renforcer les échanges de professeurs de langues natifs entre la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Communauté flamande et la Communauté germanophone, ce qu'a d'ailleurs prévu la Déclaration de politique communautaire (DPC). 

Vous m'avez répondu notamment que le gouvernement avait approuvé, le 10 décembre 2020, le programme de coopération entre la Communauté française et la Communauté germanophone pour 2021-2024 qui prévoit de favoriser l'échange d'enseignants dits «native speakers». En pratique, chacune de ces entités fédérées s'engage «à identifier les freins à cet échange d'enseignants et à éventuellement adapter les textes légaux et administratifs». 

Vous avez appelé de vos vœux la mise en place d'un dispositif similaire avec la Flandre, dans la mesure du possible. 

Enfin, vous avez déclaré avoir chargé votre cabinet d'organiser une première réunion en début d'année avec celui de la ministre de l'Éducation et les personnes compétentes du ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Là encore, l'objectif est «d'analyser les freins et possibilités qui s'offrent concrètement à nous pour favoriser l'échange d'enseignants entre Communautés», avant de voir ce groupe de travail être étendu aux autres Communautés. 

L'adoption d'une «note d'orientation concernant l'échange d'enseignants entre Communautés» figurait à l'ordre du jour de la séance du gouvernement de ce 30 septembre 2021. 

Cette question est plus que jamais d'actualité avec la réforme des rythmes scolaires qui devrait entrer en vigueur en septembre 2022 et le risque, avec la désynchronisation des calendriers scolaires entre la Fédération Wallonie-Bruxelles et les autres Communautés, d'avoir encore plus de difficultés à embaucher des enseignants néerlandophones - surtout à Bruxelles - ou germanophones pour enseigner dans nos écoles francophones.

Avez-vous identifié les freins à ces échanges d'enseignants avec les deux autres Communautés? Les difficultés rencontrées sont-elles semblables selon la contrepartie? Nécessitent-elles des adaptations de textes légaux et administratifs? Un dispositif similaire au programme de coopération entre la Fédération WallonieBruxelles et la Communauté germanophone pour 2021-2024 a-t-il pu être établi avec la Flandre? Pourriez-vous présenter la note d'orientation que votre gouvernement vient d'adopter? De manière générale, pouvez-vous faire le point sur ce dossier et nous en donner les prochaines étapes? 

M. Pierre-Yves Jeholet, Ministre-Président.- Madame la Députée, ce sujet est important et je vous confirme que le gouvernement a adopté, le 30 septembre dernier, une note d'orientation sur l'échange d'enseignants entre Communautés. Cette note est un premier pas afin de concrétiser une mesure figurant dans la DPC qui vise précisément à favoriser de tels échanges. 

Cet objectif a été repris dans le programme de travail 2021-2024 entre la Fédération WallonieBruxelles et la Communauté germanophone. La mise en œuvre de ce projet n'est pas simple, car nous sommes confrontés à des problèmes de pénurie de professeurs de langues en Fédération Wallonie-Bruxelles, comme le sont aussi la Flandre et la Communauté germanophone. 

Cependant, par cette note, le gouvernement me mandate pour entamer une concertation avec les deux autres Communautés dans le but d'instaurer un mécanisme favorisant l'échange d'enseignants. Dans la foulée, j'ai donc directement adressé un courrier aux ministres-présidents ainsi qu'aux ministres de l'Éducation flamands et germanophones afin de les inviter à cette concertation. 

Avant d'entamer ce processus avec la Flandre et la Communauté germanophone, j'ai créé un groupe de travail composé de représentants de mon cabinet, de celui de la ministre Désir, du Centre d'expertise des statuts et du contentieux de la Direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO) ainsi que du Service général de l'inspection (SGI). 

Pour rappel, l'article 6 du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre (décret «Missions») autorise les membres du personnel à bénéficier d'un congé pour mission afin d'exercer au sein d'un établissement organisé ou subventionné par la Communauté flamande ou la Communauté germanophone. Cette faculté est uniquement offerte aux membres du personnel nommés ou engagés à titre définitif. Ce congé leur permet ainsi de conserver leur statut, leur traitement et leur ancienneté dans leur Communauté d'origine, le traitement étant remboursé par la Communauté accueillante à la Communauté d'origine, ce qui me semble normal. 

Par ailleurs, en 2015, la plateforme Teachersmobility.be a été mise en ligne dans le but de favoriser de tels échanges d'enseignants entre les Communautés. Les résultats sont toutefois loin d'être satisfaisants. Il apparaît que pour l'année scolaire 2019-2020, seulement cinq membres du personnel de l'enseignement néerlandophone ont exercé leur fonction sous couvert d'une telle mission auprès d'une école de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En 2020-2021, il y en a eu que trois. Aucun membre du personnel de l'enseignement germanophone n'a bénéficié d'un congé pour mission auprès d'une école de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour ces deux années scolaires. Au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles, aucune demande de mission basée sur cet article 6, § 1er, 7e du décret «Missions» n'a été introduite pour les deux dernières années scolaires. Cette plateforme internet a, entre-temps, été piratée et est désormais inactive. 

Sur la base de ces différents constats contrastés, vous en conviendrez que la volonté du gouvernement est très claire: nous souhaitons vivement encourager l'échange d'enseignants, même si nous ne pouvons les y contraindre. Les pistes poursuivies pour rendre ce mécanisme plus attractif sont les suivantes: renforcer l'accompagnement des membres du personnel et des directions d'écoles dans les démarches administratives relatives aux mécanismes d'échange d'enseignants entre Communautés; créer un nouvel accès internet intuitif par lequel les enseignants et les directions d'écoles peuvent déposer des candidatures et des offres; lancer une campagne de promotion; envisager un mécanisme permettant l'échange direct d'enseignants entre deux établissements implantés dans deux Communautés différentes tout en préservant l'ancienneté de fonction. Les enseignants temporaires seraient alors éligibles à ce type de mesures. 

Désormais, il s'agit de se concerter avec nos partenaires néerlandophones et germanophones pour connaître leurs intentions et, le cas échéant, espérer déboucher sur un mécanisme commun d'échange d'enseignants. Comme je l'ai déjà souligné, la situation s'en trouve-t-elle aisée ou facile? Non, elle est compliquée, mais elle ne doit pas être, pour autant, synonyme d'un manque d'ambition. Il faut encore tenter toute une série d'efforts pour favoriser ces échanges. 

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Comme je l'ai déjà dit, il risque de devenir encore plus difficile d'embaucher des locuteurs natifs à la suite de la réforme des rythmes scolaires, parce que les dates des congés scolaires ne seront plus les mêmes pour les trois Communautés de notre pays. 

Par ailleurs, le Pacte pour un enseignement d'excellence prévoit l'apprentissage d'une première langue moderne dès la troisième année de l'enseignement primaire, et non plus la cinquième. Cette réforme entrera en vigueur lorsque la troisième année et la quatrième année de l'enseignement primaire entreront dans le tronc commun, à partir de 2023. Si je ne me trompe pas, cette réforme nécessitera l'embauche de 440 maîtres de langue moderne supplémentaires. Dans le contexte de pénurie que nous connaissons, cela ne s'annonce pas simple. 

C'est pourquoi je suis heureuse, Monsieur le Ministre-Président, que vous analysez sérieusement cette problématique. Je ne manquerai pas de suivre avec attention l'évolution de ce dossier.