Question sur les mesures de sécurité dans les écoles et sur le guide sur le conflit israélo-palestinien

07/11/2023

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, relative aux mesures de sécurité dans les écoles à la suite des menaces terroristes et relative à la fiche pédagogique sur le conflit israélo-palestinien

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Le Conseil national de sécurité (CNS) s'est réuni dans l'après-midi du 17 octobre, à la suite de l'attentat perpétré la veille à Bruxelles. Il a décidé de porter le niveau de la menace terroriste au niveau 3 dans la Région de Bruxelles-Capitale, soit le même niveau qu'en Région flamande et en Région wallonne.

Madame la Ministre, dans la circulaire 9087 intitulée «Décisions du Conseil national de sécurité suite à l'attaque terroriste du 16 octobre 2023», envoyée le même jour à 18h52, vous précisiez que l'appel à la vigilance générale restait de mise, mais que nous ne devions pas renoncer à notre mode de vie habituel. Concernant l'enseignement obligatoire, vous demandiez aux écoles de maintenir une partie des principes élémentaires de prudence mentionnés dans la circulaire 9083, à savoir sensibiliser les membres du personnel au contenu du plan d'urgence interne de leur établissement et garder les portes fermées en dehors des heures d'entrée et de sortie des élèves. Dans cette nouvelle circulaire, il n'était plus conseillé d'éviter autant que possible les regroupements devant les écoles.

Madame la Ministre, trois semaines plus tard, pouvez-vous faire le point sur la situation? Quelles sont les mesures de sécurité actuellement en vigueur dans les écoles compte tenu du niveau de la menace déterminé par l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace (OCAM)?

Des problématiques ont-elles été soulevées dans certaines écoles au sujet des plans d'urgence internes? Ces plans d'urgence sont-ils actualisés à intervalles réguliers? Par qui ce processus est-il contrôlé? Quelles sont les normes minimales que les établissements scolaires doivent respecter dans leurs plans d'urgence internes? Ces plans d'urgence doivent-ils prévoir des mesures relatives à des attentats ou à des prises d'otage aussi bien qu'à des incendies ou des inondations?

Certains prônent l'installation de portiques de sécurité à l'entrée de chaque école. Une telle mesure me paraît non seulement difficilement finançable, mais elle renforcerait aussi un climat anxiogène. De plus, un seul portique ne suffirait pas. Il faudrait également des agents de sécurité. Même dans les palais de justice, cette mesure n'est pas au point. Sans parler du fait qu'un assaillant ne prendra pas la peine de passer sous le portique de sécurité avant d'attaquer une école.

D'autres mesures me paraissent devoir être conseillées aux écoles, comme l'installation de systèmes d'ouverture à distance de porte avec caméra à l'entrée. Depuis la Covid-19, beaucoup d'écoles ont déjà limité l'accès à leur établissement. On n'y entre plus comme dans un moulin.

Madame la Ministre, travaillez-vous à l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques à intégrer dans les plans d'urgence internes des établissements, et ce, à la suite des récents événements terroristes et des tensions liées à la généralisation de l'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS)? Si oui, quelles mesures préconisez-vous? Quand ces mesures seront-elles communiquées aux écoles? Ne pourriez-vous pas encourager les écoles à installer des systèmes d'ouverture à distance de porte avec caméra à l'entrée?

En 2019, la Défense nationale avait organisé des exercices militaires dans plusieurs écoles afin d'entraîner l'armée à intervenir en cas de prise d'otage ou d'attentat dans un établissement scolaire. Le Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP), un centre de recherche indépendant reconnu et financé comme organisation d'éducation permanente par la Fédération Wallonie-Bruxelles, s'en était offusqué. Il parlait de propagande militaire inutile dans les écoles. J'avais dénoncé ces propos en insistant, in tempore non suspecto, sur l'importance de préparer les militaires à intervenir dans les écoles. De tels exercices sont plus que jamais essentiels compte tenu de l'actualité récente, que ce soit en Belgique ou en France.

Madame la Ministre, depuis 2019, d'autres exercices militaires ont-ils été organisés dans les écoles? Vu le contexte actuel, est-il prévu d'en organiser de nouveaux? Avez-vous des contacts avec la Défense nationale à ce sujet?

Les récents attentats survenus en France, en Belgique et en Israël entraînent inévitablement des questionnements de la part des élèves et la question de la lutte contre l'autocensure des enseignants revient à la Une. Dans «La Libre Belgique» du 17 octobre dernier, Joseph Thonon, président communautaire de la CGSP Enseignement, affirmait: «C'est vrai qu'il y a une forme d'autocensure».

Durant la séance plénière du 18 octobre dernier, vous avez annoncé, Madame la Ministre, l'élaboration d'un guide sur le conflit israélo-palestinien destiné aux enseignants. Ce guide sera rédigé par l'agence Enabel, le Conseil supérieur de l'éducation aux médias (CSEM), la RTBF et Amnesty International. Selon le MR, il est essentiel de fournir aux enseignants des outils pédagogiques leur permettant d'aborder de telles questions d'actualité brûlantes, pour autant que ces outils soient objectifs et neutres.

Madame la Ministre, mes questions initiales étaient les suivantes : le guide pédagogique annoncé a-t-il bien été publié? A-t-il été validé par la Fédération Wallonie-Bruxelles? Si oui, par qui exactement? Est-il disponible sur e-classe? Avez-vous adressé une circulaire aux écoles pour les informer de son existence? Avez-vous eu des retours de terrain quant à sa pertinence?

Entre-temps, une fiche a été publiée et elle pose plusieurs problèmes.

Je suis d'accord avec mes collègues pour dire que cette fiche ne répond pas aux attentes des équipes pédagogiques. En effet, elle ne comporte aucun fait historique et ne retrace nullement les étapes du conflit. Elle renvoie seulement à des articles de presse. Or, comment aborder un sujet tel que le conflit israélo-palestinien en faisant l'impasse sur son histoire? Les autres fiches produites par l'agence Enabel, notamment celle sur la guerre entre la Russie et l'Ukraine, contenaient pourtant des balises historiques.

La fiche en question ne reprend pas non plus les positions officielles de la Belgique et de l'Organisation des Nations unies (ONU) sur ce conflit.

Son titre nous semble orienté et certaines questions sont plus que discutables. Ainsi, la question «comment qualifier les faits du Hamas?» est suivie de la question «pensez-vous qu'il existe des circonstances où le recours à des actes de violence est moralement acceptable?». La fiche précise aussi que «l'Histoire compte plusieurs épisodes pendant lesquels une armée a menacé d'exterminer une population si les coupables qui s'y cachaient ne se rendaient pas». Cette affirmation est suivie de la comparaison suivante: «À une moindre échelle, les professeurs qui, dans le passé, menaçaient toute une classe de punition collective si le coupable ne se désignait pas usaient du même principe. Quel jugement moral portez-vous sur cette pratique? La fin justifie-t-elle les moyens?». Cette comparaison me paraît tout à fait inopportune. Cette fiche aurait dû être au moins relue par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Elle comporte de nombreuses questions, mais aucune réponse. Elle n'aidera donc en rien les enseignants, bien au contraire!

De plus, elle concède que l'autocensure peut être de mise en raison de «la crainte de s'attirer les foudres parfois extrêmement violentes des adeptes de tel ou tel camp».

Cette fiche, publiée le 3 novembre, a été élaborée par l'agence Enabel et d'autres partenaires, dont Amnesty International. Or, Amnesty International a également publié une autre fiche quelques jours plus tôt, le 31 octobre. Pourquoi deux fiches destinées aux équipes éducatives sont-elles ainsi publiées? Cela entraîne une certaine confusion sur le terrain.

Madame la Ministre, vous avez dit à mes collègues que ces fiches n'avaient été élaborées ni par vos services ni par la Fédération Wallonie-Bruxelles. C'est bien à ce niveau que le groupe MR pointe un problème. Est-ce le rôle d'un organisme fédéral comme Enabel d'établir un outil pédagogique? Pourquoi la Fédération Wallonie-Bruxelles n'a-t-elle pas travaillé avec des enseignants de géographie ou d'histoire et des professeurs d'université pour rédiger elle-même une fiche pratique destinée aux enseignants et reprenant quelques jalons historiques?

Cette problématique est assez similaire à celle posée lors de l'élaboration du guide de l'EVRAS ou de la plateforme éducative Planète Biodiversité. Cette dernière a été élaborée à l'initiative de Mme Zakia Khattabi, ministre fédérale du Climat, de l'Environnement, du Développement durable et du Green Deal, par le SPF Santé, le WWF-Belgique et GoodPlanet Belgium. Vous avez vous-même, Madame la Ministre, promu cette plateforme. Nous en revenons ici à la problématique de la neutralité des manuels scolaires et des outils pédagogiques utilisés dans les écoles et publiés sur e-classe. Nous avons recours à des partenaires externes pour les rédiger et les enseignants interviennent peu dans leur élaboration.

Le groupe MR pense qu'il faudrait créer des balises pour déterminer qui est habilité à produire des supports pédagogiques, dans quelles conditions, selon quelles procédures et avec quelles validations.

Je rejoins mon collègue M. Florent lorsqu'il affirme qu'il ne faut pas mettre à mal la liberté pédagogique des enseignants. Cependant, établir une fiche pédagogique ne bafoue pas cette liberté. Il faut que cette fiche soit validée par la Fédération Wallonie-Bruxelles et des acteurs pédagogiques.

Le groupe MR estime aussi que le conflit israélo-palestinien, qui est ancien et évolue fortement de manière régulière, devrait faire partie des référentiels et des programmes d'histoire et de géographie. Il devrait aussi être intégré dans la formation initiale des enseignants (FIE) et dans leur formation continue.

Fiche pédagogique sur le conflit israélo-palestinien ou pas, tous les enseignants n'osent pas aborder ce type de sujets, d'où la nécessité de mieux les outiller face aux contestations des élèves, et ce, afin d'éviter qu'ils s'autocensurent. Je mène ce combat depuis plusieurs années avec mon collègue David Weytsman.

À la demande de mon groupe, qui vous avait transmis une enquête du Centre d'action laïque (CAL) datée de 2021 et relevant que 40 % des enseignants s'autocensuraient, vous avez demandé au Service général de l'inspection (SGI) de réaliser sa propre enquête. Celle-ci démontre que 6,6 % des enseignants s'autocensurent.

Ne pourriez-vous pas mettre sur pied un monitoring annuel relatif à ce phénomène pour en suivre l'évolution? Enfin, où en sont le travail de recensement des ressources relatives à la contestation des savoirs sur e-classe et la production de ressources et de formations spécifiques complémentaires à l'intention des enseignants? Ne faudrait-il pas qu'une formation spécifiquement dédiée à la gestion de la contestation des savoirs en classe soit créée, afin d'aider les enseignants à savoir réagir dans une telle situation?

Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation. – Je ne reviendrai pas en détail sur la chronologie des événements de la nuit du 16 au 17 octobre, qui a déjà été exposée en Commission de l'Éducation et en séance plénière par le Ministre-Président.

Il appartient en effet à l'OCAM d'analyser le niveau de menace générale et spécifique et d'attribuer un niveau d'alerte gradué entre 1 et 4. Je souligne que les différents niveaux d'alerte de l'OCAM ne correspondent pas à des mesures spécifiques qui se déclencheraient automatiquement. Des décisions lourdes de sens, restrictives des libertés collectives et individuelles, ne peuvent être prises qu'après une analyse détaillée de la situation.

Avant l'appréhension du suspect, le niveau d'alerte était maximal en Région de Bruxelles-Capitale. Néanmoins, les autorités fédérales avaient écarté l'existence d'un risque spécifique pour les écoles. Celles-ci n'avaient donc a priori aucune raison d'être fermées. Au cœur de la nuit, le Premier ministre, les ministres-présidents et les ministres de l'Éducation des deux Communautés concernées et les autres acteurs réunis au centre de crise pour gérer la situation sont donc facilement parvenus à un consensus. Ils ont décidé de maintenir les écoles ouvertes. L'attentat a eu lieu en soirée et nous avons travaillé toute la nuit. Nous devions prendre une décision pour le lendemain matin. Dans l'urgence, la meilleure manière de communiquer était d'utiliser les réseaux sociaux et de transmettre les informations nécessaires durant la conférence de presse organisée par le gouvernement fédéral. Celle-ci a ensuite été retransmise dans toutes les émissions matinales d'information. Pour ma part, j'ai rédigé une circulaire dans l'urgence afin qu'elle parvienne le plus rapidement possible aux écoles. Toutefois, la circulaire n'est pas le premier moyen d'information. Soyons de bonne guerre, tout le monde avait entendu l'information le matin. Les parents étaient à l'affût de l'information et ils ont écouté la radio. Nous pouvions difficilement faire mieux. Nous avons respecté une série d'étapes durant la nuit et nous n'avons pu prendre une décision qu'aux alentours de 4h00 du matin. En effet, une opération de police était en cours jusqu'à 2h30. Les échanges ont été permanents durant toute la nuit. À 4h00, nous avons pris une décision. À 5h00, nous avons communiqué cette décision. Une circulaire a ensuite été rédigée dans l'urgence et transmise dans l'enseignement obligatoire, dans l'enseignement supérieur et dans l'enseignement de promotion sociale.

En ce qui concerne l'absentéisme, les absences injustifiées des élèves sont enregistrées par l'école, mais la date de ces absences n'est pas transmise au Service du droit à l'instruction (SDI). Toutefois, j'ai effectué un sondage auprès des différents pouvoirs organisateurs. Comme toujours, il est assez difficile d'obtenir une tendance claire, et ce, en raison des différences visibles selon les quartiers, mais aussi en fonction des écoles et de leur mode de communication. La situation concernait ici essentiellement la Région de Bruxelles-Capitale. Globalement, le taux d'absentéisme a été plutôt faible dans l'enseignement fondamental, mais plus important dans l'enseignement secondaire, avec d'importantes variations d'une école à l'autre. Par ailleurs, le fait que le suspect ait été neutralisé dès le lendemain de l'attentat a permis un rapide retour à la normale.

Dans la foulée de la neutralisation du suspect, le CNS a ramené le niveau de menace pour la Région de Bruxelles-Capitale au niveau 3, sur la base de l'avis de l'OCAM. Aucune mesure de précaution n'a été recommandée par l'OCAM en termes d'organisation des écoles. J'ai donc simplement invité les directions, par voie de circulaire, à rester vigilantes et à appliquer des mesures de prudence élémentaire, en particulier informer le personnel du contenu du plan interne d'urgence (PIU) et fermer les portes de l'établissement durant les périodes de cours.

Notons que les écoles ont l'obligation d'établir un PIU, mais ne sont pas tenues d'informer l'administration de sa réalisation ou de son contenu. Pour rappel, le PIU est un document rédigé par l'établissement lui-même. Il vise à limiter les conséquences néfastes d'une situation d'urgence par la mise au point de mesures matérielles et organisationnelles d'urgence adaptées. La notion de situation d'urgence recouvre «tout événement qui entraîne ou qui est susceptible d'entraîner des conséquences dommageables pour la vie sociale, comme un trouble grave de la sécurité publique, une menace grave contre la vie ou la santé de personnes et/ou contre des intérêts matériels importants, nécessitant la coordination des Autorités afin de faire disparaître ou de limiter les conséquences néfastes». Le PIU comprend des fiches qui permettent la coordination des actions d'alerte et de rassemblement, ainsi que des manœuvres de protection visant à prévenir tout mouvement de panique ou acte irraisonné. Il doit tenir compte des risques encourus par l'entreprise, comme une prise d'otage, une explosion de gaz, des risques chimiques ou encore la proximité avec une entreprise à risque. La rédaction du PIU doit être suivie d'une information claire délivrée au personnel et d'exercices d'entraînement. Ces exercices doivent être réalisés tous les trois ans et le PIU revu en conséquence, si nécessaire.

Un modèle de PIU pour les écoles, ainsi que des fiches comprenant les mesures spécifiques à prendre en fonction des événements, sont disponibles en ligne. Il existe, par exemple, une fiche spécifique comprenant des recommandations en cas d'alerte à la bombe dans un établissement. Sans être exhaustive, il existe des fiches concernant une variété de situations de crise, comme les tempêtes, les incendies, les intoxications alimentaires ou encore les menaces amok. Sur le terrain, les conseillers en prévention peuvent aider les écoles à mettre leur PIU en place.

À la demande des directions, le service des équipes mobiles de la Direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO) peut également fournir un accompagnement individualisé.

Les formations amok sont dispensées par la police fédérale depuis le mois de mars 2016 aux directions d'école, aux responsables des centres PMS et aux conseillers en prévention. 30 jours de formation ont ainsi été organisés, pour un maximum de 25 à 28 participants par séance. Nous pouvons donc en conclure qu'entre 750 et 840 personnes ont été formées.

Madame Cortisse, les exercices militaires organisés dans certaines écoles en 2019 l'ont été à l'initiative de pouvoirs organisateurs. J'ai donc assez peu d'informations à ce sujet.

Concernant l'autocensure des enseignants, le travail de recensement des ressources relatives à la contestation des savoirs déjà présentes ou à intégrer sur eclasse est bien en cours de réalisation par le SGI. La production de ressources spécifiques par le SGI suivra dans un second temps. Le recensement devrait être finalisé pour le mois de décembre 2023.

Concernant la fiche pédagogique relative au conflit israélo-palestinien, je vous renvoie à la longue réponse que j'ai formulée un peu plus tôt. Il s'agit d'un sujet délicat et politiquement sensible. Était-ce le rôle d'Enabel, l'Agence belge de développement, de rédiger une telle fiche pédagogique? Oui. Cela fait clairement partie de ses compétences depuis 20 ans. Nous parlons ici d'une compétence fédérale, car la Belgique établit une position en matière d'Affaires étrangères. La Fédération Wallonie-Bruxelles éprouverait sans doute les mêmes difficultés à obtenir un consensus sur une fiche pédagogique. D'un autre côté, ne pas établir de fiche pédagogique laisserait une totale liberté aux enseignants, avec tous les risques potentiels que cela comporte en termes de neutralité. Nous essayons de donner un cadre aux enseignants. Vous avez constaté à quel point la fiche avait été rédigée avec précaution. Tellement de précautions qu'on se demande presque si les enseignants vont encore oser aborder le sujet. C'est un sujet sensible. Nous faisons tous de la politique et, soyons honnêtes, si nous nous réunissions tous pour rédiger cette fiche, nous ne serions sans doute pas d'accord non plus. Cette fiche pédagogique a néanmoins une utilité. Certains vont peut-être contester des éléments qui y sont repris, mais un cadre a été établi avec beaucoup de précautions. Nous sommes tous d'accord pour dire que la fiche manque de contexte historique, mais nous pouvons faire confiance aux enseignants, notamment aux professeurs d'histoire. Je ne veux toutefois pas reporter toute la responsabilité sur ces derniers. Ce genre de sujet se travaille en équipe pédagogique. Si un enseignant n'est pas à l'aise pour aborder ce débat dans sa classe, il peut faire appel à ses collègues. Par ailleurs, nous avons pris contact avec les fédérations de pouvoirs organisateurs pour évaluer la situation sur le terrain et savoir si les différents réseaux avaient fourni des dispositifs pédagogiques supplémentaires à leurs enseignants. À ce stade, ils ne rencontrent pas de difficulté particulière. Tout le monde est en alerte et nous continuerons à surveiller l'évolution de la situation. Sans verser dans l'angélisme, la situation apparaît bien gérée par les établissements. Nous devons continuer à faire confiance aux équipes pédagogiques et nous serons présents pour les soutenir si la moindre difficulté émerge.

La fiche sur laquelle vous m'interrogez est produite par Enabel qui, depuis plus de vingt ans, a notamment pour mission de promouvoir l'ECM. Dans le cadre de son programme BeGlobal, l'agence dispense des formations destinées aux enseignants, propose des programmes d'échanges ou encore des contenus pédagogiques tels que les fiches «Questions vives». Au total, le répertoire des ressources pédagogiques élaboré au fil du temps par Enabel dans le cadre de ce programme compte plus de 700 entrées produites par différentes organisations créatrices de contenus pédagogiques. Ces fiches sont élaborées dans le cadre d'un partenariat spécifique dont Enabel est le pilote avec la collaboration du CSEM, Amnesty International et la RTBF depuis 2020. Suivant les objectifs définis par Enabel, elles visent à offrir aux enseignants la capacité de répondre aux questions que se posent les élèves dans le contexte d'un événement social et médiatique fort qui attise les émotions, implique un traitement dans le vif du sujet, comporte une dimension transversale et pose la question du sens et des valeurs au-delà du seul registre de l'information. C'est ainsi du moins qu'Enabel définit, selon ses propres termes, ce qu'est une «question vive». Par exemple, on y trouve une fiche sur l'assassinat de Samuel Paty en France, une autre sur la pandémie du coronavirus ou une autre encore sur les événements insurrectionnels survenus au Capitole au mois de janvier 2021.

Les représentants d'Enabel rédigent ces supports en totale autonomie et je ne dispose donc d'aucun droit de regard sur leurs contenus.

Avec les événements survenus le 7 octobre dernier, les services d'Enabel chargés du suivi des fiches «Questions vives» ont annoncé la parution d'une ressource pédagogique pour la semaine du 16 octobre. Celle-ci est finalement parue le 3 novembre et sera diffusée sur la plateforme e-classe, comme ce fut le cas pour toutes les fiches précédemment réalisées sur des enjeux liés à des conflits armés et des questions de relations internationales. Elle viendra compléter les deux ressources déjà existantes portant sur le conflit israélo-palestinien.

Cette quantité peut paraître un peu négligeable au regard de l'actualité, mais je rappelle qu'e-classe doit prioritairement servir le déploiement du nouveau tronc commun dont les référentiels ne prévoient pas, à ce stade, d'aborder le conflit israélo-palestinien. Le traitement de cette thématique pourrait cependant être envisagé pour l'après tronc commun. À cet égard, je laisse la Commission des référentiels et des programmes du tronc commun avancer dans son travail.

Le cours d'EPC ne comprend pas d'entrée directe sur ce sujet, mais de nombreuses thématiques – telles que le vivre-ensemble, le rapport à l'autre ou les fondements d'une démocratie – peuvent conduire en classe à des débats à ce propos.

Cela étant, il ne m'appartient pas de déterminer ce que les enseignants doivent dire sur tel ou tel sujet. Ce n'est pas ma vision de la fonction de ministre de l'Éducation qui guide ce positionnement. Celui-ci découle tout simplement des principes de liberté d'enseignement et de liberté d'expression garantis par la Constitution. Ces principes ne sont toutefois pas sans limites, car, comme tous les citoyens, les enseignants sont tenus de respecter la législation relative à la lutte contre les discriminations, contre le racisme et l'antisémitisme. Dans ce cadre, en tant que pouvoir régulateur, la Fédération Wallonie-Bruxelles peut, complémentairement à l'action des réseaux d'enseignement et des pouvoirs organisateurs, mettre en évidence l'existence de différents types de ressources pédagogiques susceptibles d'aider les enseignants à alimenter leurs cours. Les enseignants restent alors libres de les utiliser ou pas, en tout ou en partie. À cet égard, il incombe aux enseignants de procéder aux recherches, aux analyses et à la synthèse des informations et connaissances collectées pour élaborer leurs séquences d'apprentissage et soutenir le développement d'une pensée critique parmi les élèves. À ce sujet, les professeurs d'histoire sont probablement davantage mobilisés et sont formés à cet exercice. Laisser penser qu'il faudrait attendre la production d'une fiche pour conduire une discussion de qualité avec des élèves, même sur des questions aussi complexes que le conflit israélo-palestinien, me paraît dévaloriser le métier d'enseignant, mais semble aussi suggérer qu'un message formaté par les pouvoirs publics devrait être délivré aux élèves. Vous conviendrez qu'il ne s'agit pas là ni du fondement ni du rôle de notre l'enseignement.

Pour en revenir à la fiche désormais publiée, celle-ci n'est pas parfaite. Je déplore un manque de contextualisation du conflit, au sujet duquel on renvoie essentiellement à des articles de presse. Ce n'est pas anodin. En effet, si le contexte du conflit israélo-palestinien ne justifie en rien les actes terroristes ignobles commis par le Hamas le 7 octobre 2023, sa description permet de les resituer dans une perspective plus large qui laisse place à la complexité.

La fiche a toutefois au moins le mérite d'être validée par l'autorité fédérale et de recenser une série de questions qui peuvent nourrir les échanges avec les élèves. Complétée par d'autres recherches effectuées par les enseignants et par d'éventuels apports de leur pouvoir organisateur, cette fiche pourrait donc être utile à certains et contribuer à donner aux élèves les balises nécessaires pour comprendre le conflit.

Entre-temps, Amnesty International a également publié une fiche pédagogique. D'emblée, je vous informe ne pas avoir eu de contact, ni avoir formulé de commande à Amnesty International. Dans une société démocratique, cette association reste libre de produire tous les supports qu'elle souhaite, tout comme les équipes éducatives restent, elles aussi, libres de les utiliser ou pas, pour autant qu'elles respectent la législation relative à la lutte contre les discriminations, contre le racisme et l'antisémitisme. Sans me prononcer plus avant sur le contenu du dossier d'Amnesty International, l'action de cette ONG est guidée par le souci permanent de dénoncer toute atteinte aux libertés individuelles et aux droits fondamentaux, partout dans le monde. Amnesty International dénonce donc toutes les attaques contre les populations civiles en considérant qu'une vie est égale à une vie, quelles que soient les origines ou les convictions des victimes. Ces dernières méritent d'être protégées de la même manière par le droit international, qu'elles soient israéliennes ou palestiniennes. Nous ne pouvons que partager cette position d'ensemble, indépendamment des mots choisis pour la défendre.

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, concernant les PIU, nous sommes plusieurs à vous avoir demandé de disposer d'un guide des bonnes pratiques.

Nous avons bien compris que les portiques de sécurité n'étaient pas une bonne idée. En revanche, un système d'ouverture des portes à distance pourrait être envisagé dans le cadre de la rénovation des bâtiments scolaires. Je ne manquerai pas d'interroger le Ministre Daerden à ce sujet.

Concernant les exercices militaires dans les écoles, je note qu'ils ont été réalisés à l'initiative des pouvoirs organisateurs. Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas empêcher ce type d'initiatives. L'armée et la police doivent pouvoir se rendre dans les écoles pour y faire des exercices en conditions réelles. C'est ainsi qu'ils pourront mieux protéger les personnes en cas d'urgence. La police a d'ailleurs récemment fait des exercices dans une école à Verviers et cela s'est très bien passé.

Concernant la fiche pédagogique relative au conflit israélo-palestinien, je vous remercie d'avoir apporté des précisions. Il serait effectivement compliqué d'avoir un consensus au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais l'outil proposé ici ne convient pas aux enseignants puisqu'il ne retrace pas l'historique des faits et les étapes du conflit. La matière est certes fédérale, mais la Fédération Wallonie-Bruxelles doit s'en saisir pour fournir aux enseignants un outil qui les aide à expliquer le conflit. Ensuite, des fiches peuvent leur permettre d'en débattre. Pour le moment, ils doivent se renseigner en lisant les multiples articles de presses et sources en ligne, ce qui est compliqué. Ils devraient disposer d'un outil clair dont ils n'auraient pas à vérifier le contenu. Cela leur faciliterait réellement la tâche.

Enfin, sur la lutte contre l'autocensure des enseignants, je note que le recensement et la production d'outils est en cours. J'insiste cependant sur la nécessité d'établir un suivi annuel pour vérifier si ce phénomène diminue ou s'il progresse.