Question sur l'invitation de policiers dans les écoles

08/06/2020
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse à M. Pierre-Yves Jeholet, Ministre-Président, sur l'invitation de policiers dans les écoles afin de témoigner de leur métier, pour un rétablissement du respect de l'autorité et la revalorisation de la fonction.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Le 7 novembre 2019, sur le plateau de la RTBF, le chef de corps de la police de Liège avait accordé une interview qui n'avait pas manqué de susciter plusieurs interrogations quant au métier de policier. Cette interview faisait suite à l'important rassemblement qui s'était tenu à Liège le 6 novembre 2019 contre les violences sur les policiers.

Selon le chef de corps, depuis une dizaine d'années, les citoyens font preuve d'une méfiance grandissante envers la police et d'une certaine forme de rejet de l'autorité. Au quotidien, les policiers doivent faire face à des attitudes, des comportements ou des propos qui reflètent un manque de respect croissant.

Une de ses propositions avait particulièrement retenu mon attention: il plaidait pour un travail de fond, notamment au sein des écoles et dans le cadre des cours d'éducation à la philosophie et la citoyenneté, pour que les policiers se fassent connaître et reconnaître en tant que représentants de l'autorité.

Tout récemment, le 29 mai 2020, le chef de corps de la zone de police Vesdre s'est à son tour exprimé dans la presse. Comme son collègue, il expliquait être excédé, car la violence envers les policiers ne cesse de croître, à tel point qu'il est devenu presque normal de se faire insulter à chaque intervention, même pour un simple contrôle d'identité durant le confinement. Il a ajouté que ses collègues sont tous les jours victimes d'agressions verbales ou autres, que cela crée un véritable malaise chez les policiers et qu'il s'agit d'une question d'éducation, les gens n'ayant plus la notion de respect du policier.

Monsieur le Ministre-Président, inviter les policiers dans les écoles à présenter leur fonction et échanger avec les élèves permettrait de tendre vers un rétablissement du respect de l'autorité et une revalorisation de cette profession. Par ailleurs, elle permettrait de sensibiliser les élèves à différentes thématiques comme le civisme, la circulation routière, le cyberharcèlement ou encore l'environnement.

Une telle opération, qui rencontrerait un franc succès, est menée depuis environ dix ans par la zone de police Boraine sur la base d'un système de parrainage de classes de sixième année primaire, de plusieurs rencontres sur l'année en classe, mais aussi d'une visite d'un commissariat.

Si l'initiative revient certes aux écoles en vertu de leur liberté pédagogique, votre gouvernement pourrait encourager cette pratique. Notre société gagnerait à ce que les élèves soient sensibilisés au respect des institutions de l'État, en ce compris la police. Trop souvent, les jeunes sont uniquement confrontés aux services de police lors de répressions. Ils en gardent une image négative, alors que la mission des policiers s'étend également à la prévention, à la sécurité et au respect de nos libertés individuelles.

Les nouveaux faits d'agression physique et verbale vis-à-vis de policiers qui se sont récemment produits, notamment à Anderlecht le 20 mai 2020 et pas plus tard qu'hier, à Bruxelles, sont inacceptables et renforcent ma conviction selon laquelle un rétablissement du respect des forces de l'ordre est indispensable et l'école a un rôle à jouer à cet égard.

Monsieur le Ministre-Président, quel est votre sentiment par rapport à cette proposition? Dans le respect de la liberté pédagogique des établissements scolaires, votre gouvernement ne pourrait-il pas encourager de telles visites? Dans l'affirmative, sous quelle forme les envisageriez-vous?

D'une manière plus générale, quels contacts entretenez-vous en votre qualité de ministre-président avec les services de police en ce qui concerne les compétences de notre Fédération?

M.Pierre-Yves Jeholet, Ministre-Président.- L'autorité de la police est en effet, parfois et par certains, plus ébranlée que par le passé. Les actualités s'en font régulièrement l'écho.

Les événements qui se sont déroulés à Anderlecht le 20 mai dernier et au cours desquels des policiers ont été violentés, verbalement et physiquement, dans l'exercice de leur fonction sont bien entendu inacceptables. J'ai fermement condamné ces actes.

Je voudrais également faire une allusion ici à l'actualité de ce dimanche, démonstration d'un combat contre le racisme que je partage totalement. Je l'ai déjà dit à cette tribune, que ce soit en tant que ministre-président ou au nom du gouvernement de notre Fédération: la tolérance zéro est d'application en cette matière, y compris chez les policiers.

Vous avez cependant raison, Madame la Députée, lorsque vous vous insurgez contre leur mise sur la sellette systématique. J'ai été président d'une zone de police et j'ai pu constater, à maintes reprises, qu'à chaque intervention, à chaque contrôle, les policiers sont injuriés et attaqués physiquement ou verbalement. Beaucoup de mandataires locaux en contact avec les forces de l'ordre peuvent également le constater.

Dans un État de droit, nous ne pouvons pas l'accepter. Je le dis fermement aussi parce que nous devons avoir ces éléments bien en tête. La contestation de l'autorité n'a pas que la police pour cible et la police ne peut pas à elle seule rétablir le respect de l'autorité en général. Les politiques doivent également prendre leurs responsabilités.

Avant tout, il s'agit d'une question liée à l'éducation et, si celle-ci relève d'abord de la responsabilité familiale, il est évident que le monde de l'enseignement peut apporter sa contribution dans la mesure de ses moyens et du rôle de chacun.

N'oublions pas que l'éducation est avant tout une histoire de famille, de parents. Le respect, y compris celui de l'autorité, constitue une valeur à laquelle je tiens énormément.

Le projet consistant à parrainer des écoles par des zones de police, déjà mis en œuvre dans plusieurs d'entre elles en Wallonie et à Bruxelles, est une initiative intéressante. Celle-ci serait en outre complémentaire au projet MEGA («Mon engagement pour garantir l'avenir») en cours dans plusieurs zones de police wallonnes et dans deux d'entre elles en Région bruxelloise. Il permet en effet à des inspecteurs de proximité, formés et diplômés, de dispenser, aux enfants de cinquièmes et sixièmes années de l'enseignement primaire, de bons conseils en matière d'assuétudes. Cette initiative est de nature à permettre d'atteindre d'autres objectifs, notamment ceux de clarifier le rôle de la police et de sensibiliser les jeunes à des thématiques liées au civisme ou à la circulation routière. Elle est aussi de nature à modifier la perception parfois négative qu'ont les jeunes à l'égard de la police.

Je n'ai aucune compétence sur les zones de police m'autorisant à leur adresser des directives. Cependant, je peux encourager de telles initiatives en accord avec la ministre de l'Éducation, en sensibilisant le ministre fédéral de l'Intérieur qui pourrait en effet appuyer cette démarche auprès des zones de police.

Il faut cependant une volonté conjointe des écoles et des zones de police. Il n'est pas toujours aisé de disposer de personnes ayant la vocation d'éduquer et de sensibiliser les jeunes. J'ai assisté à une expérience sur le terrain et constaté combien le policier présent avait les qualités d'écoute et de dialogue requises. Ce n'est pas donné à tout le monde! Il faut trouver du personnel capable et motivé; la motivation des écoles, à elle seule, ne suffit pas.

Mes contacts avec les services de police ont lieu par l'intermédiaire du service de police intégrée et de son officier de référence, le premier commissaire divisionnaire Marc De Mesmaeker. Ce dernier est chargé des relations de collaboration entre les services de police et les gouvernements des entités fédérées.

Par ailleurs, il est à la disposition du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour l'accompagner dans ses travaux et contributions à la note-cadre de sécurité intégrale. En effet, plusieurs compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont un impact sur la police ou font l'objet d'un intérêt commun. Les matières concernées sont notamment la prévention en matière de radicalisme violent, l'aide à la jeunesse et la protection de la jeunesse, les maisons de justice ou encore la sécurité dans les écoles et aux abords de celles-ci.

Pour la première fois, en 2016, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a été associé à la préparation de la note-cadre de sécurité intégrale 2016-2019 et du plan national de sécurité 2016-2019. Plusieurs priorités du précédent gouvernement ont pu y figurer. Les partenaires de la chaîne de sécurité, dont la police, en ont tenu compte.

J'ai l'intention d'accentuer ces synergies pour que des initiatives, comme celles que vous évoquez, puissent être davantage développées à l'avenir.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Il est primordial que tous les élèves, et plus largement tous les citoyens, soient sensibilisés au respect de nos forces de l'ordre.

Tendre la main aux policiers en les invitant à venir présenter leur métier aux jeunes dans les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, comme certains le réclament, permettrait d'éviter de faire l'amalgame entre quelques auteurs d'actes illégaux aux conséquences dramatiques et une très large majorité de policiers exemplaires, qui exercent leur métier avec professionnalisme et déontologie, un amalgame que beaucoup trop de gens s'autorisent à faire en ce moment. Nous avons évidemment tous en tête des images épouvantables provenant des États-Unis, mais il n'y a pas lieu de faire l'amalgame entre la police américaine et la police belge. Nos policiers de terrain doivent pouvoir exercer leur fonction sereinement, sans craindre d'être insultés ou agressés à tout-va.

Monsieur le Ministre-Président, il s'agit d'une question d'éducation et j'estime, tout comme vous, qu'elle concerne non seulement les parents, mais aussi l'école. L'école a un rôle à jouer, surtout auprès des enfants dont les parents seraient malheureusement défaillants.


Je ne manquerai pas de suivre le développement des diverses initiatives que vous vous engagez à promouvoir.