Relèvement du seuil de réussite des épreuves certificatives externes à 60 %

14/07/2025

Intervention de Stéphanie Cortisse, Députée, sur la motion du PS contestant le relèvement du seuil de réussite aux épreuves externes certificatives à 60 %

Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Chers collègues, je voudrais rappeler que la Déclaration de politique communautaire (DPC) 2019-2024 prévoyait expressément de renforcer le niveau d'exigence du CEB. Or, cette mesure n'a pas été exécutée par la précédente ministre de l'Éducation malgré des demandes répétées de mon groupe. Toutefois, nous savons que nous l'avons échappé belle puisque certains partis, à présent dans l'opposition comme Ecolo, auraient voulu purement et simplement supprimer le CEB pour n'évaluer les élèves qu'en toute fin du tronc commun, c'est-à-dire en fin de troisième année de l'enseignement secondaire. Or, ce n'est clairement pas ce que souhaitent la plupart des acteurs de terrain: ils estiment, au contraire, que le CEB est un outil important pour évaluer la progression de l'élève dans sa scolarité, entre l'enseignement fondamental et l'enseignement secondaire, et qu'il s'agit d'un repère pour les équipes éducatives. N'en déplaise à certains, je retire ce constat de mes 150 visites d'écoles lors desquelles j'ai pu jauger les retours donnés sur ces épreuves externes certificatives. Dans leur grande majorité, les acteurs m'ont dit qu'une première évaluation en fin de troisième année de l'enseignement secondaire est bien trop tardive.

En outre, je rappelle que la volonté de fixer la réussite des épreuves externes certificatives à 60 % était non seulement dans le programme électoral du MR, mais a également été inscrite, noir sur blanc, dans la DPC de l'actuel gouvernement. En effet, la DPC dit que «le gouvernement entend (…) porter le seuil de réussite des épreuves externes à 60%, sans préjudice de l'autonomie des conseils de classe». Je m'étonne donc d'entendre les collègues de l'opposition alléguer qu'aucun accord politique de la majorité n'existerait sur cette mesure.

Depuis que le CEB a été rendu obligatoire en 2009, le pourcentage d'élèves qui le réussissent tourne souvent autour de 90 % avec quelques variations d'une année à l'autre. Or, deux années après la passation du CEB, les élèves passent le certificat d'études du premier degré de l'enseignement secondaire (CE1D) et cela se solde par environ 50 % d'échecs. Le CEB n'est, semble-t-il, pas en adéquation avec les prérequis nécessaires pour réussir le cursus secondaire. Il faut donc que le CEB valide correctement les connaissances acquises pour préparer au mieux l'entrée dans l'enseignement secondaire et ne pas reporter les difficultés à plus tard.

Lorsque les nouveaux référentiels ont été rédigés, la mission qui leur avait été assigné était de se centrer sur l'essentiel, c'est-à-dire sur «ce qu'il n'est pas permis d'ignorer». Dans les nouveaux référentiels, il y a ce qui est «essentiel» ou encore «ce qu'il n'est pas permis d'ignorer». Comment justifier dès lors qu'en fin de sixième année primaire, les élèves puissent réussir le CEB avec 50 % et n'avoir acquis que la moitié de ces connaissances essentielles, donc de «ce qu'il n'est pas permis d'ignorer»?

Je soulignerai encore que plusieurs études concordantes arrivent à la conclusion que des exigences scolaires plus élevées, établies dès l'enseignement primaire, produisent des effets positifs sur les apprentissages. Les élèves progressent lorsqu'ils sont confrontés à des attentes ambitieuses et lorsqu'ils comprennent, grâce à un environnement motivant et soutenant, qu'ils peuvent s'améliorer par le travail. Je vous renvoie ainsi vers les études de John Hattie en 2009, de Pascale Benoliel et Chen Schechter en 2017, de Carol Dweck en 2006, de Michael Barber et Mona Mourshed en 2007, de Robert J. Marzano en 2003 et de Philippe Perrenoud en 1996.

C'est l'occasion pour moi de vous faire part d'un témoignage d'une direction d'école secondaire. J'ai reçu ce témoignage le 5 juillet dernier et transmis au cabinet de la ministre; il qui corrobore totalement ces études: «Je souhaitais vous faire part d'une réflexion de terrain à la suite de l'annonce de la ministre concernant les évaluations externes. Vous connaissez bien mon école, enseignement général, indice socio-économique de 2/20. L'année dernière, lors des délibérations, nous avons constaté que beaucoup d'élèves ne s'investissaient pas pleinement dans la session d'examens. Certains ne faisaient que le strict nécessaire pour atteindre les 50 % requis par matière sur l'année. Ce comportement concernait même certains "bons" élèves, qui s'excusaient à l'avance auprès de leurs enseignants. À la rentrée, nous avons analysé ce phénomène en équipe et décidé d'augmenter le poids des examens: 40 points au lieu de 30 au deuxième degré, et 60 au lieu de 40 au troisième degré. Je ne suis pas une fervente partisane des examens ou des évaluations en général – le temps scolaire doit avant tout être consacré aux apprentissages. Toutefois, en tant que représentants d'une école d'enseignement général, nous avons la responsabilité de préparer nos élèves à ce type d'épreuves. Cette semaine, lors des délibérations, nous avons constaté que les élèves des années concernées par ce changement avaient mieux préparé leurs examens. En conclusion provisoire, nous pensons que nos élèves sont certes responsables et capables, mais que lorsqu'un système leur permet d'éviter un obstacle, la majorité choisit cette échappatoire. Un effet sociétal, peut-être? Quoi qu'il en soit, si notre expérience se confirme, l'augmentation du taux de réussite aux épreuves externes, comme annoncé par la ministre, pourrait, dans la même dynamique, susciter un investissement accru de la part des élèves et, par conséquent, renforcer des apprentissages durables et bénéfiques dès le CEB».

Ce rehaussement des seuils de réussite fait partie d'un tout destiné à renforcer les apprentissages de base. Je pense aussi au test CLE (calculer, lire et écrire) prévu en début de quatrième année primaire et visant à détecter d'éventuelles difficultés au plus tôt et à instaurer un accompagnement personnalisé adapté pour y remédier, accompagnement pour lequel en outre, dans l'ajustement budgétaire, près de 2 millions d'euros sont dégagés pour l'engagement de 100 équivalents temps plein (ETP) en sixième année primaire. Il y aura donc effectivement, comme la ministre l'a déjà annoncé à plusieurs reprises, notamment lors de l'ajustement budgétaire, un accompagnement personnalisé adapté pour les élèves qui ont des difficultés: près de 2 millions d'euros ont été dégagés pour financer cette mesure. En effet, cette mesure a bien été adoptée précédemment, mais il fallait encore la doter de moyens budgétaires. En l'occurrence, nous proposons l'inscription d'une ligne budgétaire de 2 millions d'euros pour l'engagement de 100 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires afin de concrétiser l'accompagnement personnalisé en sixième année primaire. Ces mesures poursuivent toutes le même objectif: renforcer les apprentissages de base et relever le niveau d'exigence, tout en prévoyant, bien entendu, des mesures de soutien pour les élèves qui le nécessitent afin de garantir l'équité et afin de faire en sorte que chaque élève poursuive son parcours scolaire avec les compétences utiles pour le mener à la réussite. L'objectif n'est certainement pas d'augmenter le taux de redoublement. Que du contraire!

Enfin, Madame la Ministre, il est fait grand cas des réponses que vous avez fournies lors de précédentes réunions de cette commission: vous y aviez effectivement indiqué que l'impact du relèvement du seuil de réussite à 60 % est encore difficile à estimer. Toutefois, mes collègues de l'opposition omettent de mentionner, ce qui commence malheureusement à devenir une habitude dans le chef de certains, ce que vous avez ajouté ensuite: «La mise en œuvre progressive du parcours commun et, en particulier, l'implémentation des nouveaux référentiels rendent toute projection particulièrement incertaine. En outre, les modalités fines de calcul du seuil de réussite à 60 % n'ont pas été fixées définitivement. Or, elles détermineront l'impact du relèvement du seuil sur le taux de réussite.»

Ainsi, mon collègue du groupe PS cherche aujourd'hui, comme il l'a déjà fait au cours de la présente législature, à créer un incident et à provoquer une certaine suspicion à l'égard de votre travail de ministre. En réalité, cet incident n'existe pas et ces suspicions n'ont pas lieu d'être.

Lors de la réunion du 30 juin dernier de cette commission, pour prendre l'exemple le plus récent, M. Kaynak a affirmé, en réplique à la réponse que je viens de citer: «Il aurait pourtant suffi de prendre les résultats de l'année passée et de réaliser une projection sur la base du nouveau seuil.» Je m'en étonne: en effet, si les députés du groupe PS estiment que le taux actuel d'élèves qui obtiennent entre 50 % et 60 % des points aux épreuves du CEB sera identique parmi les cohortes qui seront passées par le nouveau tronc commun, cela signifie qu'ils ne croient pas eux-mêmes à la révolution copernicienne promise par le Pacte pour un enseignement d'excellence, celui-là même qu'ils continuent de vanter lorsqu'ils évoquent l'allongement pur et simple, sans modification, du tronc commun!

Madame la Ministre, pourriez-vous refaire le point sur les modalités concrètes prévues dans l'avant-projet de décret à ce sujet, non seulement pour le CEB, mais aussi pour le CE1D et le CESS? Quelle sera la marge de manœuvre des conseils de classe pour les élèves qui n'atteindraient pas le seuil de 60 %? Quand ce texte devrait-il entrer en vigueur?

Mme Valérie Glatigny, Ministre de l'Éducation. – La Déclaration de politique communautaire (DPC) porte une ambition claire: renforcer le niveau d'exigence de notre système éducatif en portant le seuil de réussite des épreuves externes à 60 %, donner une ambition nouvelle à notre enseignement et stopper tout risque de nivellement vers le bas. Nous entendons ainsi permettre à chaque élève d'accéder à l'année ou au niveau suivant sur la base d'acquis réels et solides. Nous adressons aux élèves, familles et équipes éducatives un message fort: accéder à l'année suivante ou au niveau supérieur suppose une maîtrise effective des apprentissages et non pas une simple validation formelle.

Cela rejoint la mise en œuvre, dès l'année scolaire 2026-2027, de l'évaluation « clé » en début de quatrième année de l'enseignement primaire. Madame Linard m'interroge à juste titre sur les fondements scientifiques de ce relèvement. Permettez-moi de rappeler que le seuil actuellement en vigueur de 50 % n'a, lui, jamais été fondé sur aucune étude scientifique. Des travaux scientifiques soutiennent bien l'idée qu'un seuil de réussite plus élevé, lorsqu'il est clairement défini et accompagné d'un soutien pédagogique adapté, favorise l'engagement, la motivation et la progression des élèves. À votre demande, une liste non exhaustive d'études et d'ouvrages scientifiques reste à votre disposition. Ces recherches en éducation soulignent aussi l'importance de fixer des objectifs clairs et exigeants pour permettre aux élèves de mieux se situer dans leurs apprentissages et de progresser. À cet âge, la présence d'un cadre structurant combinant des attentes explicites et un accompagnement régulier permet de renforcer la motivation, la confiance en soi et l'engagement scolaire. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'approche retenue par le gouvernement.

Ce relèvement des seuils de réussite s'accompagne d'un renforcement de l'accompagnement personnalisé. J'en veux pour preuve les 100 équivalents temps plein (ETP) prévus dans le cadre de l'allongement du tronc commun à la sixième année primaire. Ces postes sont déjà budgétés et évoqués dans le cadre du décret-programme. Nous en avons discuté en commission le 30 juin dernier.

Ce relèvement s'accompagne aussi d'une réflexion pour envisager le renforcement des moyens dédiés à l'accompagnement des élèves dans l'enseignement fondamental dans un premier temps, et dans l'enseignement secondaire dans un second temps. En date du 26 février 2025, mon administration m'a transmis une note sur le renforcement de l'encadrement dans les premières années de l'enseignement primaire. À la suite des différentes propositions faites, j'attends tout prochainement une note d'orientation sur le sujet. Le principe qui nous guide est évidemment le suivant: pas de rehaussement du seuil sans un renfort de l'accompagnement personnalisé des élèves.

Ce relèvement ne remet nullement en cause l'objectif d'amélioration du système éducatif (OASE) 4 du Pacte pour un enseignement d'excellence, à savoir la réduction du redoublement et du décrochage de moitié. Il convient ainsi de passer de 7,6 % en 2016-2017 à 3,8 % en 2030-2031. En effet, les mesures mises en œuvre au sein du système éducatif et du parcours commun pour y parvenir restent et resteront toujours appliqués – notamment des dispositifs spécifiques complémentaires de différenciation, de remédiation et d'accompagnement personnalisé que je souhaite renforcer –, de même que le dossier d'accompagnement de l'élève (DaccE), la procédure spécifique de maintien exceptionnel que je souhaite prolonger dans l'enseignement secondaire, ou encore les stratégies de lutte contre le redoublement et le décrochage intégrées dans les plans de pilotage des écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Enfin, j'ai souhaité réintégrer le jury d'école au sein de nos écoles fondamentales et primaires afin de donner plus d'autonomie aux équipes éducatives pour octroyer le certificat d'études de base (CEB) en se basant sur le dossier scolaire d'un élève, et ce, même si ce dernier n'obtenait pas les chiffres requis. C'est notamment la réponse que j'ai apportée à l'Inspection des finances (IF), compte tenu de la possibilité d'une augmentation du nombre de redoublements ceteris paribus.

J'en reviens enfin aux chiffres parus dans la presse la semaine dernière. En toute transparence, la Commission des évaluations avait déjà présenté la même note chiffrée à l'ensemble des acteurs institutionnels lors de la réunion du 10 octobre 2024 du Comité de concertation du Pacte pour un enseignement d'excellence. Sur la base de cette note, le Comité a alors rendu un avis le 5 décembre 2024. Il y dispose que l'ensemble des membres privilégient, dans le cadre d'un seuil de réussite globale à 60 %, le maintien d'un seuil de réussite par matière à 50 % pour le CEB et le certificat de tronc commun (CTC). Le 20 février 2025, le Comité a alors pris connaissance, pour discussion, de l'avis de la Commission des évaluations sur la pondération et les balises relatives aux épreuves certificatives. Dans cet avis, la même commission prend acte de la décision de faire démarrer, dès l'année scolaire 2026-2027, le relèvement des seuils de réussite et regrette de ne pas avoir été consultée en ce qui concerne ce relèvement. Notre volonté est de revoir la fixation des seuils de réussite et la fixation de balises politiques minimales dans la méthodologie actuelle liée à la conception de ces épreuves, prérogatives actuellement dévolues à la Commission des évaluations. Nous souhaitons bien entendu œuvrer en partenariat avec cette dernière. À partir du moment où les chiffres ont été connus, dès le début de l'année scolaire, de l'ensemble des acteurs institutionnels de l'enseignement, je ne pense pas avoir dissimulé la moindre information.

Du reste, je confirme ce que j'ai réellement dit en commission: l'impact du relèvement du seuil de réussite à 60 % est évidemment très difficile à estimer. En effet, je me fie aux informations qui sont transmises par mon administration. La mise en œuvre progressive du parcours commun – et notamment le déploiement de nouveaux référentiels – rend toute projection particulièrement incertaine. L'amélioration du niveau des élèves est le pari même du Pacte, de sorte que toute projection est aléatoire. Par ailleurs, les modalités de calcul du seuil de 60 % n'ont pas été définitivement arrêtées. Or, on sait qu'elles détermineront l'impact du relèvement du seuil sur le taux de réussite. De même, il est méthodologiquement imprudent de comparer les épreuves d'une année à l'autre. C'est pourquoi mon administration a lancé un projet d'ancrage destiné à garantir une stabilité du niveau de difficulté dans le temps. En parallèle, les études internationales – comme le Programme international pour le suivi des acquis (PISA), auquel participe la Fédération Wallonie-Bruxelles – sont les seules à permettre d'évaluer le mieux possible les tendances globales.

En outre, on ne peut raisonner comme si les résultats passés préfiguraient mécaniquement les résultats futurs. Ce serait ignorer un principe bien établi en docimologie: les élèves, tout comme les enseignants, s'adaptent aux attentes exprimées. Lorsqu'un seuil de réussite est clairement défini, connu à l'avance et intégré dans les pratiques pédagogiques, il modifie les comportements d'apprentissage. En d'autres termes, fixer des balises plus exigeantes s'accompagne d'un effet mobilisateur et entraîne une progression réelle des élèves. C'est pourquoi il serait scientifiquement hasardeux d'extrapoler les performances futures sur la base de conditions passées qui ne seront plus les mêmes. Je rappelle au passage mon attachement au renforcement de l'accompagnement personnalisé.

Mon administration m'a en effet fourni une ventilation des résultats selon les quartiles socio-économiques. Globalement, l'impact du rehaussement du seuil est inversement proportionnel au statut socio-économique. Il est plus fort pour les élèves qui appartiennent aux premier et deuxième quartiles – soit les élèves les plus démunis – et plus faible pour les élèves des troisième et quatrième quartiles, soit les élèves les plus aisés. Du reste, à ce stade, mon administration ne dispose pas d'informations relatives au temps consacré aux évaluations externes certificatives sur le temps d'apprentissage dans nos établissements scolaires.

Cette réforme que j'ai soumise pour étude au gouvernement ne vise pas à sanctionner, mais bien à redonner du sens à la réussite, à valoriser les efforts fournis et à renforcer la cohérence de notre système éducatif. Elle s'auto-construit avec les opérateurs de terrain et, en tant que projet de gouvernement, tel que détaillé dans la DPC, avec un point d'attention que nous partageons tous: l'adoption des mesures de renforcement de l'accompagnement personnalisé déjà prévu. Afin que notre message reste clair, ce rehaussement du seuil d'exigence s'accompagne évidemment d'un accompagnement et d'un soutien des élèves.